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histore originale par Andrej Koymasky


L'ORDRE DES RECLUS CHAPITRE 1 - LES DESIRS DE JARVIS

"Abrun Galil fath meron porek jabrilag sofer buroon..." entonna le chœur.

L'Interprète déclama tout de suite : "Et le troisième jour du neuvième mois de la dixième année, Galil le prophète, l'illuminé, dit : regarde les épis, chacun porte le même nombre de graines et chacun ondoie dans le vent au même rythme que ses voisins. Regarde les oranges mures, chacune a le même nombre de quartiers et pend comme les autres aux branches de l'oranger. Et vous, peuple craintif, observez et apprenez ce que le Seigneur nous enseigne à travers sa création."

Jarvis écoutait attentivement. Il savait qu'à la fin les Contrôleurs interrogeraient quelques présents au hasard et il fallait avoir tout compris et retenu, sinon on recevait vingt coups de canne, puis on devait tout réécouter depuis le début, devant tout le monde. Pour sa plus grande honte et face à la colère de sa famille forcée de réécouter toute la citation. Heureusement, il avait une bonne mémoire.

Mais tandis qu'il regardait la flamme vacillante des torches, il se demandait pourquoi on ne pouvait pas étudier la parole du prophète comme tout le reste, confortablement assis sur un banc, avec le texte devant soi. Non, là il fallait rester debout, chaque septième, quatorzième, vingt et unième et vingt-huitième soir du mois, dans la grande salle commune, à écouter pendant trois heures le chant, la lecture et les commentaires et puis, devait-on être interrogé ? Les dix livres qui contiennent la parole du prophète étaient entièrement lus tous les soixante ans. Certains n'entendaient même pas l'histoire complète une seule fois. Est-ce pour cela qu'on dit que l'homme heureux vit soixante ans et sept jours ? Et puis, pourquoi seuls les Servants et les Réunis pouvaient-ils lire à loisir les livres sacrés ?

"Parce qu'il en a toujours été ainsi !" lui répondait-on invariablement. Depuis cinq mille cent vingt-deux ans, quand Dieu a pris le prophète dans ses bras et l'a emmené avec lui pour qu'il prépare l'accueil des serviteurs fidèles.

Il en sera toujours ainsi, pensait le garçon, mais la langue que parlait le prophète n'est pas celle qu'on parle aujourd'hui, puisque maintenant il nous faut un interprète, alors cela au moins a changé. Quand il avait remarqué cela et demandé une explication à son maître, ce dernier, pour toute réponse, l'avait giflé.

Non, Jarvis n'aimait pas les Servants. Ni les Chanteurs à la tunique verte, pleins de mépris, ni les Interprètes à la tunique violette, arrogants, ni les Exégètes à la tunique rouge, pédants, ni les Conseillers à la tunique noire, décevants, ni enfin les Enseignants à la tunique grise, si ennuyeux.

Par contre ceux qui lui plaisaient c'était les Réunis. Il y avait un moutier de Réunis à la sortie du village. Ils étaient de l'ordre des Mystiques, ceux à la tunique jaune et noire. Il aimait leur danse pleine de vie et de joie, leur musique suggestive, le sourire avec lequel ils accueillaient tous. Il aimait maître Trake qui était toujours si gentil avec lui. Depuis quelques temps, le projet se formait dans son cœur de demander à être accueilli dans leur moutier. Notamment parce qu'il n'avait pas envie de se marier et que, d'ici deux ans, il devrait participer aux fêtes annuelles de la Rencontre. Ses parents avaient déjà commencé à lui demander quelles filles lui plaisaient : aucune. Il les trouvait toutes fades, ennuyeuses et sans le moindre intérêt. "Pourquoi les garçons sont-ils passionnants, pleins de vie et de curiosité et pas les filles ?" Mais à cela non plus il n'avait pu trouver aucune réponse satisfaisante.

La seule façon d'éviter le mariage était de devenir un Réuni. Et les Mystiques lui plaisaient. De l'autre côté du village, il y avait le moutier des Donnés, mais il n'y était jamais allé, bien qu'on les voie souvent au village assister les malades ou aider et soutenir les pauvres.

Non, lui était fasciné par maître Trake et sa joie contagieuse. Et puis, si en général les adultes faisaient grand cas de leur différence d'âge avec les petits, maître Trake lui, bien que du double de son âge, le traitait toujours en égal, avec respect et attention. Oui, il devait dès que possible aller le voir et lui demander quoi faire pour être admis.

La cérémonie terminée, tous se dirigèrent vers la sortie où les Servants choisissaient qui interroger. Il eut de la chance et passa sans que le sort le désigne. Il aurait su répondre, mais il n'avait pas envie d'être soumis au test. Il rejoignit le reste de sa famille et ils rentrèrent à la maison. Il aida sa mère à coucher les petits pendant que son père, avec les plus grands, allait surveiller une dernière fois le bétail. Puis ils se mirent au lit. Il entendit ses sœurs bavarder dans la chambre d'à côté, puis un bruit bien connu : son grand frère, celui qui était fiancé, se masturbait. Il savait que c'était interdit mais parfois il le faisait lui aussi.

Et pourquoi donc était-ce interdit ? C'était plaisant et ça ne faisait de mal à personne. "La semence est faite pour procréer" avait dit le Prophète, "elle doit être mise en terre fertile et non gâchée." Mais on ne pouvait pas utiliser toute sa semence pour procréer, si ? il y a déjà trop d'enfants. En comptant ceux déjà mariés, il avait treize frères et sœurs. Si son père y avait consacré toute sa semence, combien seraient-ils ? Trop, c'est certain. Alors, la semence n'était pas créée que pour engendrer. S'il en était ainsi Dieu nous aurait créé avec moins de semence, non ? S'il en était ainsi, un homme ne ferait l'amour à sa femme qu'une dizaine de fois dans sa vie. Et il savait bien que ses parent faisaient l'amour chaque nuit. Sauf la nuit de l'Ecoute, va savoir pourquoi. S'il collait l'oreille au mur qui le séparait de la chambre des parents, il les entendait faire l'amour, comme il entendait maintenant son frère.

Penser à son père dans l'action et à son frère qui se masturbait, cela l'excita. Et finalement il s'y mit lui aussi. Depuis peu il avait découvert que s'il se frottait les tétons en se masturbant il éprouvait un plaisir plus intense. Son frère le savait-il aussi ? Les quatre plus petits ne le faisaient pas encore : deux n'avaient pas l'âge et n'avaient pas encore été soumis au rite de la maturité, mais les deux autres, si. Sans doute que, comme lui au début, ils ne le faisaient pas au lit mais ailleurs. Lui, avant, il ne le faisait qu'en allant à la rivière, caché dans les buissons.

Il se souvenait bien de la cérémonie de la maturité. On lui avait bandé les yeux, puis on l'avait emmené dans une chambre où il sentait la présence de plusieurs personnes, sans doute tous des Servants, et des mains avaient soulevé sa tunique, dénoué le pagne bleu clair rituel et une main douce avait caressé son membre, le faisant durcir et se dresser, puis l'avait masturbé jusqu'à en faire jaillir la semence. La voix de la Conseillère Pakak avait dit : " Regardez, Servants, il est mature." Un murmure avait accueilli ses paroles. Il avait alors été porté à la piscine rituelle pour la purification par l'eau, puis autour du foyer rituel pour la purification par le feu et enfin revêtu d'une nouvelle tunique, son pagne était posé sur son épaule et on y voyait bien la tâche sombre et humide de sa semence. Puis il fut rendu à sa famille. C'est le souvenir de cette main sur son sexe qui lui avait donné envie d'éprouver à nouveau cette émotion agréable et ainsi il avait commencé à se masturber. Au début, il suivait presque le même rituel : il se caressait jusqu'à être dur puis le prenait en main et le maniait lentement. Mais plus tard, il était dur avant même les caresses et tout simplement il se masturbait. Il recueillait le sperme dans le pagne pour ne pas laisser de traces sur le lit. Dehors, il n'avait pas le problème...

Pour les filles il n'y avait pas de rite de la maturité : quand leur sang apparaissait pour la première fois, la famille faisait juste une petite fête et étendait dehors un linge rouge avec le nom de la fille. Après la maturité il fallait attendre quatre ans et venait la cérémonie de la Rencontre (celle qu'il voulait éviter) où se formaient les couples qui se marieraient. Les couples formés pouvaient alors faire l'amour à la maison, les jours "non fertiles" du mois, pendant deux ans. Puis on célébrait les noces. Si par malheur un enfant était conçu, sa naissance n'était pas permise. Des lois sévères réglaient toute la vie sexuelle de la communauté. L'adultère, comme les rapports entre adultes de même sexe ou avec des animaux, était puni de mort. L'inceste était puni par la mort du géniteur et cinquante coup de canne, tous les sept jours pendant deux ans, sur la place publique, pour l'enfant. Un rapport sexuel avant la Rencontre menait au même châtiment que l'inceste pour l'enfant. La masturbation c'était cent coups de canne sur la place publique, mais une seule fois. Mais le jeune coupable devait porter pendant un an une casquette portant "Répugnant". Ça arrivait rarement, mais ça arrivait. Et tous devaient se marier, ou se faire Réuni.

Les moutiers de Réunis étaient presque tous masculins. Les quelques féminins étaient formés de femmes stériles ou de veuves. D'ailleurs il y avait plus d'hommes que de femmes et, à les apparier par couples, il était logique qu'il y ait dix moutiers masculins pour un féminin. Les Servants étaient tous mariés, mais ils se mariaient entre eux. On disait que Galil le Prophète, au commencement des temps, avait eu douze fils : l'un avait fondé les Servants, un autre les Réunis et les dix autres, les dix nations. Le chef de tous les Servants, celui de tous les Ordres Réunis et le chef de chaque nation portaient encore le titre honorifique de "Galilam" ce qui dans l'ancienne langue signifiait "né de Galil". Amgalilam était le chef de tous les Servants, Bergalilam celui de tous les Réunis, et Fie, Gon, Jem, Kur, Sar, Mon, Vis, Tos, Fre, Kun - les chiffres de trois à douze - sont les chefs des dix nations. Jarvis appartenait à la nation de Jemgalilam. Il ne l'avait jamais vue, mais son père l'avait rencontrée une fois. C'était à ce qu'on disait une femme très énergique et sage. Elle était la deux cents quarante et unième Jemgalilam. Elle approchait les soixante dix ans et elle assurait sa charge depuis trente deux ans. À sa mort, tous les chefs de familles se rassembleraient dans chaque village et enverraient leur représentant à la ville. Là, ils choisiraient entre eux le représentant à envoyer à la capitale où enfin, les représentants de toutes les villes choisiraient entre eux le nouveau Jemgalilam. Il en avait toujours été ainsi. Comme pour tout.

Mais Jarvis continuait à se demander pourquoi, si tout avait toujours été ainsi, immuable, l'ancienne langue était différente de l'actuelle ? Quand, comment et pourquoi avait-elle changé ? Il n'est donc pas vrai que tout est immuable. Peut-être que maître Trake aurait répondu à cette question et à tant d'autres ? Ou bien le giflerait-il lui aussi ? Non, pas maître Trake, il en était sûr. Maître Trake était différent de tous les autres hommes du village. Il devait se décider à lui demander audience et lui demander ce qu'il devait faire pour devenir lui aussi un Réuni.

"Que veux-tu, jeune homme ?" dit le Profès qui lui ouvrit la porte.

"Voir maître Trake."

"Maître Trake est à l'exercice."

"Dans la grande salle ? Puis-je aller y assister ?"

"Non, il donne un cours d'extase aux novices dans la salle moyenne. Tu sais où elle est ?"

"Oui, j'y suis déjà allé."

"Tu sais que tu dois rester silencieux ?"

"Oui, Profès. Vous êtes nouveau dans ce moutier, non ?"

"Oui, je viens du moutier de Longue-Vallée. Tu es du village ?"

"Oui, et connais presque tout le monde ici, je viens souvent."

"Va, alors. Mais tiens-toi bien, hein ?"

"Oui, j'enlève mes sabots et je reste silencieux, je sais bien." dit Jarvis heureux à la perspective de voir bientôt le Maître.

Il suivit le couloir jusqu'à la porte du milieu, ôta ses sabots et les posa alignés sur les autres, monta les marches et entra dans le couloir intérieur. Pieds nus sur le plancher lisse, il arriva à la porte de la salle moyenne. Il entendait la musique, les cris, le bruit des sauts. Il écarta le premier rideau, puis le second et se glissa en silence à l'intérieur, longea le mur et alla s'asseoir à l'ombre dans un coin.

Maître Trake était au centre de la pièce, complètement illuminé par les rayons de soleil qui entraient par une des fenêtres qui encerclaient la pièce. Il avait posé à terre son manteau noir et, au son des instruments invisibles, il voltigeait vertigineusement dans sa tunique jaune qui s'ouvrait en corolle, retombait et virevoltait au rythme de ses mouvements. Son visage était radieux et des sons mystérieux sortaient de sa bouche entrouverte. Tout autour, les novices le regardaient, captivés. Jarvis savait que la musique venait de la pièce annexe et qu'elle était renvoyée par la coupole qui surmontait le cercle de fenêtres, pourtant, à chaque fois, il était stupéfait d'entendre la musique comme si elle émanait de l'endroit même où dansait le mystique. La musique se tût et le maître s'arrêta.

"Bien, novices, vous avez compris ? Au daoum doun doun daoum doun daoum il faut inverser le mouvement : il y a exactement neuf mesures en trois temps. Vous devez sentir en vous ce qui change. Au début vous pouvez compter, mais après ça doit venir tout seul. Vous ne vous entraînez pas pour danser dans un théâtre, mais pour devenir des Mystiques. Toute la différence est là. Le danseur est un technicien qui coordonne parfaitement ses mouvements. Pour lui, chaque mouvement correspond à une mesure, pas pour un mystique : pendant ces neuf mesures le changement s'opère. Je ne sais pas quand il survient, mais peu importe : aujourd'hui ça peut être à la cinquième mesure, demain à la septième ou à la quatrième : le changement doit naître en vous et se manifester de lui-même. Galil, le vingt-troisième jour du treizième mois de l'an cinq, a dit : 'Vous savez qu'il va pleuvoir mais vous ne savez pas quand la première goutte tombera. Et pourtant elle va tomber.' C'est exactement pareil, vous comprenez ? Maintenant essaie, toi, novice Renné. Ne t'inquiètes pas de faire bien ou mal. Danse pour atteindre l'illumination et la donner au Monde. Rien d'autre n'importe. Notre grand illuminé Sharet, qui mourut en 3647, était laid, mal fait et maladroit, pourtant, par sa danse, il apporta la lumière de Galil à son époque. Et qui le voyait danser voyait la beauté et la grâce les plus grandes, il voyait l'œuvre de Dieu."

Trake laissa son manteau sur le sol et céda sa place au novice Renné. Il claqua les mains. La musique commença, légère.

Jarvis regardait fasciné. Renné lui semblait bon, même si pas autant que maître Trake. Pourtant, en regardant l'expression du maître, il comprit qu'il n'en était pas content.

De fait, quand la musique s'arrêta, il dit : "Encore trop technique. Où était ton cœur, Renné ? Il comptait au lieu de chanter ? Si tu ne libères pas ton cœur des soucis, tu n'entreras jamais dans le monde mystique. Et puis, regarde le manteau : il est froissé comme la mer sous la tempête ! Quand ton cœur sera serein, le manteau aussi restera lisse."

Jarvis n'avait jamais pensé que tel était le but du manteau à terre et il en fut stupéfait. Certes, danser de façon aussi vertigineuse sur un manteau sans y faire le moindre pli tenait du prodige. Combien d'années d'études fallait-il pour atteindre une telle maîtrise ?

Quand les exercices furent terminés, le soleil s'était déplacé de deux fenêtres. Maître Trake reprit son manteau et, tandis que les novices, après l'avoir remercié, sortaient, il s'approcha de Jarvis.

"Bienvenu, mon ami. Tu es venu assister aux danses ?"

"Maître, je suis venu vous parler, si vous avez le temps."

"Bien sûr, mon ami, j'ai toujours du temps pour toi. Viens, allons au jardin des pêches."

Là, Jarvis affronta le sujet qui le tenait à cœur : "Maître, comment puis-je faire pour devenir un Réuni de l'Ordre des Mystiques ?"

"Je m'attendais à cette requête de ta part, je la sentais naître en toi... Tu dois en faire la demande à l'Ancien du Moutier. Mais tu sais qu'on ne peut être admis qu'à seize ans ? Et toi, tu en as bien quinze ?"

"Oui."

"Et pourquoi veux-tu devenir Réuni ?"

"Je ne veux pas me marier ! Dans deux ans je devrai choisir mon épouse. Je ne veux pas et c'est le seul moyen. Et puis, les Mystiques me plaisent. J'aimerais devenir comme vous, maître Trake : votre seule présence allège le cœur des gens."

"L'étude de la mystique est une discipline dure. La danse n'en est que l'aspect extérieur, le résultat visible. Le mystique étudie et danse du lever au coucher du soleil. Et la nuit aussi, parfois, dans certaines occasions. La vie au moutier est soumise à des règles strictes auxquelles il faut se soumettre. Tu te sens d'affronter une telle vie ?"

"Je crois que oui, maître. Puis-je faire la demande à l'Ancien ?"

"Pourquoi ne demandes-tu pas d'abord de passer un mois avec nous au moutier ? Par exemple lors de la prochaine session d'exercices pour laïcs. Plusieurs personnes viendront de ton village."

"Au neuvième mois ?"

"Oui, il y a alors moins de travail aux champs et les familles peuvent se passer d'un ou deux membres. Tes parents ne devraient par s'y opposer."

"Oui, ça me plairait. Merci, maître Trake, vous êtes toujours si gentil avec moi."

"Mange ceci, en rentrant. Et reviens vite me voir." dit-il en sortant de sa manche un petit paquet de feuilles qu'il tendit au garçon : c'était une des délicieuses douceurs qu'il lui offrait souvent.

Jarvis le prit et le porta à son front, en signe de remerciement et, après s'être profondément incliné, il repartit en courant en se sentant heureux. Sur le chemin il l'ouvrit et goûta : comment les Réunis arrivaient-ils à faire de si bonnes choses ? Nul au village n'était aussi doué, pas même sa mère, pourtant si bonne aux fourneaux.

En rentrant au village, il sentit l'envie de passer à la rivière se cacher dans les fourrés pour se donner un peu de plaisir. Ça lui venait comme ça, soudain, sans même qu'il sache pourquoi. Son membre durcissait et pressait contre son pagne et s'il ne pouvait pas se soulager rapidement, il sentait vite comme une douleur dans ses testicules.

Il coupa alors à travers la broussaille jusqu'à être en vue de la rivière puis il se dirigea vers "son" endroit. De là il pourrait voir sans être vu quiconque approcherait et à temps pour refermer son pagne. Une fois là, il regarda à l'entour : personne. Il souleva sa tunique, la coinça sous son menton et dénoua son pagne puis, ayant saisi d'une main son membre raide, il commença à se masturber lentement, en fermant les yeux et en goûtant les douces sensations qu'il se donnait. De l'autre main il se frottait doucement les tétons. Il approchait lentement le point de non retour lorsqu'un bruissement attira son attention. Il se figea, ouvrit les yeux et regarda attentivement. Il n'y avait personne, rien ne bougeait. C'était sans doute une bête ; il recommença à se masturber.

Un nouveau bruit, mais de l'autre côté, le mit sur le qui vive. Il regarda de nouveau attentivement partout, mais de nouveau il ne put rien voir. Il haussa les épaules et reprit son plaisant passe-temps. Mais soudain il entendit encore des bruits et cette fois-ci il entrevit deux silhouettes marcher à travers les buissons, elles convergeaient l'une vers l'autre. Il était sur le point de renouer son pagne quand quelque chose le fit s'arrêter et regarder : ils ne venaient pas vers lui, ils semblaient se diriger vers le rocher creux et ils marchaient comme s'ils cherchaient à ne pas faire de bruit.

Il les reconnut : l'un était Frest, un garçon du village, qui venait de passer la cérémonie de la Rencontre. L'autre, à la couleur de ses habits, était clairement un jeune novice du moutier des Mystiques, mais il ne le reconnaissait pas. Jarvis trouva tout cela étrange : que faisaient-ils là, à marcher de cette façon, dans le but évident de se rejoindre et d'aller au rocher creux? Peut-être... Oui, peut-être que ces deux-là... L'idée l'excita.

Il eut le fort désir de voir, de les espionner. S'ils entraient dans le rocher creux il ne pourrait pas les voir. Mais lui-même n'y serait jamais entré dans un tel but : quiconque passait pourrait voir qui était dedans et ce qu'ils y faisaient et à l'intérieur ils ne pourraient ni s'échapper ni se cacher, surtout si l'autre venait dans leur dos, ils ne le verraient pas arriver. Non, ils allaient bien au rocher creux mais c'était sûrement juste leur point de rencontre. Où pouvaient-ils aller, après ? Jarvis connaissait parfaitement le coin, et Frest aussi, sans doute. Le seul endroit sûr était là où il se trouvait. Ils y monteraient certainement : s'il voulait les voir, il devait se cacher, mais où ? Il savait bien qu'il n'y avait aucune cachette ici, c'est pour ça qu'il avait choisi l'endroit. À moins que... Il arracha en hâte quelques branches des buissons et se tapit dans le fourré le plus dense en faisant devant lui un masque de branches disposées de façon à paraître naturelles. Et il attendit en silence, assis les jambes écartées en se massant le sexe pour maintenir l'érection. Le temps passait et rien n'arrivait. Il crut s'être trompé et recommença à se masturber : autant se finir et rentrer au village. Mais soudain les bruissements reprirent et s'approchèrent et peu après il les vit arriver. Il reconnut aussi le novice : c'était Kempi.

"Ici nous sommes en sécurité." murmura Frest.

"Tu es certain ?"

"Je viens souvent me masturber ici. Viens." dit le garçon en attirant le novice à lui. Jarvis vit Frest lui enlever le pagne et s'accroupir devant lui. Puis il le vit saisir le sexe de l'autre, approcher le visage et vit que Frest commençait à le sucer, manifestement au grand plaisir de Kempi.

Ce dernier murmura : "Ooh, tu es bon, tu es vraiment bon."

"Eh, je te l'avais dit." murmura le garçon et il recommença à lécher.

Jarvis, les yeux écarquillés, avait arrêté de se masturber, mais il était très excité. Frest avait maintenant tout le membre du novice en bouche et il avait commencé à bouger la tête d'avant en arrière.

"Ooh, c'est bon ! Tu es bon, toi, qui t'a appris ? Tu es un maître. Oh, suce-moi, suce-moi... fais-moi jouir."

Frest s'arrêta un instant et, le regardant de bas en haut il lui dit : "Mais si je te fais jouir dans ma bouche comme tu aimes, après tu me laisses te la mettre dans le cul, hein ?"

"Je te l'ai promis, non ? Allez, suce, fais-moi jouir !" dit le novice d'un ton pressant en mettant la main sur la tête du garçon qu'il attira vers son érection.

Frest replongea sur le membre dur et se remit à sucer de bon cœur. Jarvis n'avait jamais vu un couple faire l'amour, il était fasciné et de plus en plus excité. Il recommença à se masturber lentement sans rien perdre de ce que ces deux-là faisaient. Il vit le novice trembler comme s'il avait la fièvre, renverser la tête en arrière et il comprit qu'il déversait toute sa semence dans la bouche même de son compagnon qui, goulûment, avalait tout ! Puis il le vit se détendre et il comprit que l'orgasme était fini.

Frest se releva et s'essuya la bouche du dos de la main : "Tourne-toi, Kempi, allez. C'est mon tour maintenant."

Le novice se tourna, tira sa tunique pour découvrir ses fesses, se pencha en avant en mettant les mains sur ses genoux. Frest cracha sur ses doigts puis les passa entre les fesses de Kempi. Puis il releva sa propre tunique, enleva son pagne et le noua autour de sa tunique pour qu'elle ne retombe pas. Jarvis vit le membre du garçon : il était plus épais et plus long que celui de Kempi, il était beau, lisse, parfait, légèrement incurvé, comme la corne d'un rhinocéros. Et en dessous, pendait le beau sac des testicules.

Frest écarta les fesses de Kempi des deux mains, pointa son puissant dard et d'un fort coup de reins il s'enfonça complètement.

"Eh, combien en as-tu pris avant moi ? Je suis entré comme une flèche dans l'eau !"

"Encule-moi, vas-y !"

"Oui, bien sûr ! Tu as un cul magnifique !" dit le garçon en se mettant à marteler en lui avec détermination.

Jarvis se sentait sur le point d'exploser dans un orgasme comme il n'en avait jamais connu. Alors, avec peine, il arrêta de se masturber : il avait peur de perdre le contrôle et de se faire découvrir. Non qu'il eut beaucoup à craindre, ces deux-là n'auraient certes pas pu le dénoncer. Frest s'activait vigoureusement en lui et avec un plaisir évident. Et le visage de Kempi exprimait aussi la jouissance et Jarvis se demanda lequel des deux prenait le plus de plaisir. Le novice s'était mis à se masturber avec vigueur et geignait de plaisir. Peu après il jouirent tous les deux, gémissant à voix basse tout le temps de leur orgasme. Puis ils se séparèrent.

Kempi prit quelques feuilles tendres et nettoya délicatement le sexe encore raide du garçon, qui, en le regardant, lui demanda : "Dis-moi, Kempi, tu en as pris combien, des bites, avant la mienne ?"

"Une seule, celle de mon Profès : elle est plus grosse que la tienne, mais plus courte. La tienne par contre... me plait plus. Tu me la mettras encore, hein ?"

"Bien sûr ! Mais il te baise souvent, lui ?"

"Chaque jour, depuis que j'ai été admis."

"Et vous le faites où ?"

"Il est chargé de nettoyer le four et chaque matin je l'aide..."

"Ne me dis pas que vous faites ça dans le four !"

"Si. On y entre en portant juste notre pagne et de l'entrée du four on ne voit pas la cheminée, alors on y est tranquilles."

"Et lui, il te suce ?"

"Non, lui non."

"Alors qui ?"

"Le novice qui dort entre le mur et moi, la nuit, dans le noir."

"Et si on vous surprenait ?"

"Ce n'est pas possible. Seul l'acolyte de service a une lampe et la porte est à l'opposé de notre lit. S'il venait, on le verrait à temps. Mais toi, qui t'a appris à si bien sucer ?"

"Un acolyte du moutier des Donnés. Il venait soigner mon père quand il était très malade. Il a passé des heures assis à son chevet. Il ne portait pas de pagne. Je me glissais sous le lit et, de là, entre ses jambes sous sa tunique et je le pompais jusqu'à ce qu'il jouisse."

"Mais ni ta famille ni ton père ne remarquait rien ?"

"Mon père était inconscient. Et il n'y avait personne à la maison, ils travaillaient tous aux champs. Je devais rentrer chaque jour réchauffer le déjeuner, remplir les cruches d'eau et porter tout cela aux autres dans les champs. Une fois, il m'a dit qu'il voulait m'apprendre un beau jeu secret. J'avais treize ans et très envie de jouer. Mais je devais tout préparer sans perdre de temps. Alors il m'a dit : Si tu me jures de garder le secret, moi je préparerai tout avant ton arrivée et on aura le temps. Et il m'a appris à le sucer. Et ça m'a beaucoup plu, il avait un sexe merveilleux et sa semence était délicieuse, alors on a continué. Par sécurité on le faisait dans cette position marrante : si par hasard quelqu'un était entré j'aurais eu le temps de me glisser de l'autre côté du lit sans être vu.

"Mon père a guéri au bout de deux ans et il ne vient plus. Mais j'avais une telle envie de refaire ça qu'un soir je me suis penché sur le lit de mon grand frère et je le lui ai fait. J'avais un peu peur de sa réaction, mais je me disais que dans le noir il ne pourrait pas savoir que c'était moi : nous étions six frères à dormir là. Il m'a laissé faire sans rien dire. Alors j'ai recommencé la nuit suivante. Mais lui, peu après que j'ai commencé à le sucer, m'a arrêté. Sans un mot il m'a tiré vers lui. Je croyais qu'il voulait me frapper ou me battre, mais il m'a fait me tourner s'est mis à fouiller entre mes fesses et à jouer, de ses doigts mouillés de salive, avec mon petit trou. Je le laissais faire. Il se masturbait et je l'imitais. Les deux ou trois nuits suivantes, ça a recommencé à l'identique.

"Puis, une nuit, après s'être laissé un peu sucer, m'avoir attiré à lui et avoir joué avec ses doigts dans mon cul, il a enfoncé sa bite dans mon trou, toute entière. Et comme je geignais, il m'a fermé la bouche, d'une main. Et de l'autre il me masturbait. Ça me plaisait, même si ça faisait un peu mal. Nuit après nuit je m'habituais et ça me plaisait de plus en plus. Puis il s'est marié et, de nouveau, je ne savais plus avec qui le faire. Essayer avec un de mes autres frères ? Celui qui a un an de plus que moi me plaisait et peut-être aurais-je réussi moi aussi à le prendre : moi aussi je voulais essayer. Alors je me suis glissé dans son lit et je lui ai fait sentir mon sexe raide, mais il s'est mis à hurler d'épouvante : 'il y a quelqu'un dans mon lit ! il y a quelqu'un dans mon lit !' J'ai eu juste le temps de sauter dans mon lit et de demander à voix haute : 'Qui c'est ? Que se passe-t-il ?' que mon père et ma mère arrivaient avec la lampe. On était tous debout à vérifier qui pouvait être entré. 'Il m'a touché, je vous jure !' criait mon frère, mais heureusement papa et maman lui ont dit qu'il avait dû rêver : la porte était fermée et tout était en ordre. Quelle peur j'ai eu ! Mais le désir n'avait pas diminué.

"Jusqu'à un jour où on jouait à cache-cache avec les copains, je m'étais caché avec Sekor, on était recroquevillés entre deux rochers et un arbre, lui contre moi. Son petit cul pressait, sans le vouloir, juste là, sur ma bite. Je sentais sa chaleur et ça m'a excité. Il l'a senti et il a murmuré: 'Mais tu bandes'; 'Oui', j'ai dit. Alors il m'a palpé et a dit : 'Ouah, elle est grosse.' ; 'Oui.' Alors il a frotté ses fesses contre, puis : 'Tu me la fais voir ?' et moi : 'Et toi, tu me laisses te la mettre dans le cul ?' Et lui : 'Si je dis oui, tu me fais jouir comment ?' et moi : 'Je te suce.' Bref, presque comme entre toi et moi."

Jarvis avait écouté attentivement et ce n'est qu'après qu'ils se soient rhabillés et qu'ils soient partis qu'il avait pu se détendre dans sa cachette. Tant de nouvelles d'un seul coup le laissaient pantois, trop d'émotion. Mais comment ? Tout ça était interdit et il semblait néanmoins que beaucoup le faisaient quand même. Un peu comme la masturbation. Bien plus, en tout cas, que ceux qui se faisaient prendre. Et aussi parmi les Réunis. Et Frest, et Sekor. Peut-être même qu'il pourrait essayer lui aussi, avec eux, non ? L'idée l'excita et il jouit enfin. Alors il se rhabilla et repartit vers le village. Et il pensait "pourquoi ne pas essayer avec mon grand frère qui se masturbe la nuit ?" Il pouvait se glisser dans son lit, de nuit, et le toucher pendant qu'il se masturbait, près à ressauter dans son lit s'il protestait. Jarvis bandait de nouveau. Jusque là il n'avait jamais eu de tels rêves sexuels, mais là il était déchaîné et se sentait plein du désir de faire ça avec quelqu'un, avec beaucoup.

Au village, il tomba sur Sekor. "Salut, Sekor, ça va ?" lui dit-il joyeusement.

Ce dernier le regarda un peu surpris : il n'y avais jamais eu d'amitié entre eux deux. Bien sûr, tout le monde se connaissait au village, mais ils n'avaient jamais sympathisé.

"Pas mal, Jarvis..." répondit-il hésitant.

"Tu vas aux champs ?"

"Non, aujourd'hui je dois travailler à l'étable."

"Ah. Moi, par contre, c'est mon jour de repos. Je peux venir te donner un coup de main ?"

"Mais pourquoi ?"

"Mais, comme ça. Je n'ai rien à faire."

"il y a déjà mes frères, ils vont m'aider."

"Ah, tu ne travailles pas seul, à l'étable ?"

"Bien sûr que non. Tu sais bien qu'on a un grand troupeau, non ?"

"Bien, alors salut." Dit Jarvis en haussant les épaules et il s'éloigna en se disant qu'il aurait bien une autre occasion.


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