HABILLÉ D'UN TATOUAGE
(Le Yakuza)
CHAPITRE 5
EN DANGER DE MORT

C'est comme ça que commença leur vie commune. Jun continuait à aller à l'université et s'habitua à ses deux ombres. Il revint chez lui prendre ses affaires, escorté des deux inévitables gardes du corps. Sa mère pleura mais ne tenta pas de l'arrêter.

Quand il se dirent au revoir et qu'il lui demanda de saluer son père et ses frères, elle demanda seulement.

"Est-tu sûr, Jun?"

"Oui, Maman, je suis sûr et heureux."

"C'est un gentil garçon?"

"C'est celui qu'il me faut."

"Je prierais pour toi, Jun.

"Et moi pour toi. Au revoir."

Oui, Jun était de plus en plus convaincu que Kazunari était la personne qu'il lui fallait. Le jeune homme sous son apparence rugueuse était d'une douceur incroyable. Et il avait bon cœur. Kazunari ne lui parlait jamais de ses "affaires" et Jun lui en savait gré. Mais Kazunari s'inquiétait pour lui, pour ses études, ce qu'il pensait, ce qu'il ressentait. Ils parlaient beaucoup. Et Kazunari commença, petit à petit, à lui raconter sa vie.

Il lui raconta que quand il avait dix-sept ans, non seulement sa famille, mais aussi les hommes du groupe savaient qu'il était gay.

Pendant une fête avec un groupe de garçons de son âge, les fils de plusieurs des hommes de la famille, un des garçons lui dit d'un air méprisant,

"Qu'est ce que ta mère attend pour te chasser de la famille ? Comment elle peut penser que la famille acceptera une pédale comme chef?"

Les autres garçons le regardèrent avec effarement mais ne s'en mêlèrent pas. Kazunari comprit que sa réputation était en jeu. Le fait qu'aucun autre garçon n'ait parlé pour sa défense était mauvais signe.

Alors il attrapa l'autre par le col et siffla,

"Essaye un peu de répéter ça !"

"Tu ne me fais pas peur. Tu n'es qu'une petite tapette !"

Kazunari le lâcha brutalement et lui donnant une violente bourrade, lui dit, "Viens derrière le garage, où les autres ne pourront pas nous voir, et je vais te faire voir si je suis une petite tapette."

"Un défi ?" demanda crânement le garçon.

"C'est ça. Et je veux que vous tous y soyez."

Le groupe des garçons alla derrière le garage, là où on faisait sécher le linge.

Kazunari sortit son couteau.

"Maintenant, je vais t'enlever ton pantalon et je vais te la mettre dans le cul, ici, devant tout le monde." dit Kazunari en le regardant droit dans les yeux, froid et résolu.

L'autre garçon sortit aussi son couteau et lui dit d'un ton narquois, "Essaye un peu ! Je ne vais pas te mettre ça dans le cul, mais droit dans le cœur. Tu sais que je suis le meilleur au couteau, non ?" et il bondit en avant dans une attaque menaçante.

Mais Kazunari esquiva l'attaque avec agilité. Ils continuèrent, sans même se faire une égratignure. Très vite, il devint évident que Kazunari ne voulait pas blesser son adversaire, mais qu'il avait en tête quelque chose de différent. Petit à petit, par touches au millimètre près, il mit la veste de l'autre en lambeaux, jusqu'à ce que l'autre, pour ne pas être gêné dans ses mouvements, jette le vêtement lacéré. Alors Kazunari d'un mouvement hardi, coupa la ceinture et le pantalon commença à glisser, provoquant les rires des autres garçons, et gênant les mouvements du garçon.

Kazunari prit sa dague entre ses dents, sauta sur lui et d'un coup sec, il lui fit sauter la lame des mains. Puis d'un mouvement rapide, il lui fit glisser le pantalon sur les chevilles, et, lui retournant la chemise sur les épaules, bloqua ses bras. Enfin, d'une habile prise de judo, Kazunari immobilisa le garçon sur l'herbe, plié en deux, les fesses bien en évidence. Au milieu des rires et des remarques injurieuses des autres garçons, il découpa lentement les sous-vêtements, jusqu'à ce que son cul soit complètement à nu, puis il prit son poignard et le pointa vers l'anus du garçon qui se mit à trembler comme une feuille.

"Alors, préfères-tu que je te mette ma lame ou ma queue de tapette ? Tu as le choix." dit-il sèchement, pendant que tous les autres avaient fait silence et observaient la scène avec attention.

"J'ai perdu, d'accord, c'est toi le chef." dit le garçon d'une voix cassée.

Kazunari ne retira pas la pointe acérée du petit trou du garçon. Au contraire, il appuya un peu plus, la faisant tourner lentement, de manière à ne pas le blesser mais en lui faisant sentir le froid de la lame, et lui répéta la question d'une voix plus forte.

"Je t'ai demandé ce que tu voulais dans ton cul, ma lame ou ma queue ?" répéta-t-il d'un ton glacial.

"Merde, arrête !" répéta le garçon tremblant.

"Pour la dernière fois, mon poignard ou ma queue ? Pour moi, c'est pareil, décide-toi !" dit-il en poussant doucement la pointe d'acier.

"Merde, non ! Enlève ta lame !" dit le garçon désespéré avec des sueurs froides. "Enlève-la. Encule-moi !" pleurnicha-t-il.

"Répète-le plus fort, que tout le monde entende."

"Je veux que tu me la carre dans le cul, merde !" hurla le garçon.

Kazunari se leva, le laissant. Le garçon resta immobile sur l'herbe, attendant, les fesses en l'air. Kazunari referma son couteau et le mit dans sa poche. Puis, calmement, il dit d'une voix forte,

"Mais moi, j'aime pas tes fesses. Debout, ça suffit; Mais rappelez-vous tous, si j'ai envie, je vous enculerai tous, l'un après l'autre, et pas seulement lui. Maintenant, vous choisissez, ou vous me jurez obéissance, ou je vous encule et profond. À genoux ! Qui est votre chef ?"

Tous les garçons s'agenouillèrent immédiatement et lui jurèrent totale fidélité. Et depuis ce jour, il était craint et respecté. Cette histoire n'était connue que des témoins directs, et maintenant de Jun.

"Lui aurais-tu vraiment planté le poignard dans le cul ?" demanda Jun en frissonnant.

Kazunari rit. "Je savais que ça ne serait pas nécessaire. Je les connais trop bien. Ils ne sont forts qu'avec les faibles. J'avais déjà vu la peur dans ses yeux, pendant que je lui découpais les vêtements sur le corps, sans lui faire une égratignure. Je ne faisais que finir la comédie. Et même si je ne l'ai pas enfilé devant les autres, c'est pas que j'aurais pas aimé ou que j'aurais eu honte devant les autres, c'est que je ne voulais pas trop l'humilier, inutilement. Il a compris que ça c'était ma vraie force. Maintenant il m'est fidèle, et même le plus fidèle."

"Tu veux dire, Soda ?" demanda Jun, ébahi.

"Oui, c'était lui." répondit Kazunari en souriant, puis il ajouta sérieusement, "Mais ne lui dis pas que tu le sais, je t'en prie."

"Bien sûr. Mais dis-moi, as-tu déjà enfilé quelqu'un devant les autres ? Je veux dire, comme tu as menacé de le faire avec Soda ?"

"Oui, une fois. J'avais vingt-deux ans. Maintenant, je ne le ferais plus, c'est sûr. Mais à ce moment, je l'ai fait. Tu veux savoir comment ? J'étais avec Soda et trois autres de mes hommes.

Nous étions à Osaka avec Maman pour conclure un accord avec une famille locale. J'avais entendu dire qu'à Osaka, il y avait un petit hôtel du nom de Takenoya, où il y avait de très beaux garçons qui attendaient les clients, et j'avais envie d'y faire une visite. Comme nous sortions juste d'une fête, nous étions vêtus avec beaucoup d'élégance. Il faisait nuit et nous étions dans les bas-quartiers, à la recherche de l'endroit, quand une bande de voyous locaux nous a barré la route et leur chef a dit, "Je pense que vous cherchez le Takenoya, hein, mes jolis ?"

Nous avons essayé d'avancer, mais ils nous ont encore bloqué le passage. "Où croyez-vous aller, les tapettes ? Si vous voulez vous faire enculer, nous on est là, et pour un prix raisonnable." Et ils ont sorti des couteaux.

Soda leur a dit sèchement, "Dégagez, C'est un Yamaguchi, faites gaffe ! Vous jouez avec le feu." Mais ces garçons ne savaient rien des yakuza. Au mieux, ils connaissaient le nom des familles locales, alors ils ont éclaté de rire et sont devenus menaçants, se sentant en sécurité, à vingt contre quatre. Je n'ai donné qu'un ordre, "Je les veux intacts !" Mes hommes ont compris et ont fait la chose la plus simple du monde, que les petits voyous n'avaient pas prévue, ils ont sorti trois petites mitraillettes avec silencieux.

Les garçons ont ouvert de grands yeux, et sont devenus tout pâles. Deux se sont enfuis mais les autres ont tout de suite obéi, affolés, en entendant le bruit des sécurités et l'ordre de Soda, "A genoux, tout de suite." Ils ont compris qu'ils s'étaient attaqués à trop gros pour eux.

Alors j'ai demandé, "T'es le chef ?" "Oui" a répondu le garçon. Mais il ne me plaisait pas, mais un autre des garçons me plaisait beaucoup. Alors j'ai demandé à leur chef, "Et lui, c'est qui ? Comment il s'appelle ?" "C'est mon petit frère, Nokichi." "Très mignon. Maintenant tu le mets à poil et tu le tiens pendant que je l'encule. Compris ?" Il a cherché à protester mais il l'a fermée quand il a eu un canon sur la tempe. Alors, gentiment, il a pris son frère et l'a déshabillé, s'est assis par terre, a fait mettre son frère à genoux devant lui et lui a coincé la tête sur ses genoux en le tenant fermement et il m'a regardé.

J'ai fait mettre les autres garçons sur deux rangs pour qu'ils puissent tous bien voir. J'ai demandé à l'un d'entre eux d'ouvrir ma braguette, de sortir ma queue, et de bien la mouiller de salive s'il voulait que son pote n'ait pas trop mal. Le garçon à obéi en tremblant et il m'a léché et sucé. Au bout d'un moment, je l'ai renvoyé et je me suis mis à genoux sur les vêtements de Nokichi pour ne pas salir les miens, j'ai attrapé le garçon et j'ai écarté ses petites fesses et je l'ai enculé comme une brute. Il a crié, s'est débattu et il a essayé de s'échapper, mais son frère le tenait pendant que je le baisais, jusqu'à ce que je jouisse. Mais je n'en avais pas eu assez. Je me suis levé et j'ai désigné un autre garçon et j'ai ordonné, "Maintenant, tu me la lèches bien propre !" Il a obéi, terrorisé.

J'ai remis ma queue dans mon pantalon et j'ai crié, "Maintenant, disparaissez, avant que je dise à mes hommes de tous vous enculer !" Ils ont tous décampé sauf Nokichi qui est resté au sol, nu et en pleurs et son frère qui le couvrait comme il pouvait avec ses vêtements et l'a emmené de force.

Mais je n'étais pas fier de moi et j'ai dit à mes hommes que je voulais rentrer à l'hôtel. Les pleurs du garçon, au lieu de me plaire me troublaient. Alors, je me suis promis de ne plus violer personne. Soda avait dû comprendre que je n'étais pas content et il m'a dit qu'ils l'avaient mérité, et que de cette façon, j'avais puni le chef de bande encore plus que son petit frère. Les sanglots d'un garçon de seize ans ne m'apportaient aucune fierté... Voilà, tu vois avec quel genre de voyou tu t'es collé ?" conclut amèrement Kazunari.

Jun l'aimait pour les remords qu'il ressentait au seul souvenir de cet épisode.


Petit à petit, Jun s'habitua à son nouveau style de vie, aux ombres omniprésentes et au fait qu'il devait les avertir de tous ses mouvements. Il s'habitua aux jours où il restait seul quand Kazunari devait se rendre ailleurs et qu'il ne pouvait pas le prendre avec lui. Il trouvait ça assez dur, mais il y trouvait des compensations parce que son Kazu-chan le comblait de soins et de tendresse. Plus leur intimité grandissait, plus il se demandait pourquoi quelqu'un de si bon et doux devait être un yakuza. Pourquoi Kazunari avait-il eu la malchance de naître dans une famille de chef ? Mais, comme il se l'était promis, il n'en dit jamais un mot à son amant. Il l'avait accepté comme il était, alors il ne devait pas l'embêter avec ses réflexions et ses peurs.

Parfois, Jun était pris de doutes et se demandait s'il avait bien fait de se livrer à Kazunari de cette façon. Ces réflexions lui venaient surtout quand il était seul, mais il lui suffisait de se retrouver aux côtés de son homme pour que ses doutes s'envolent.

Kazunari ne l'avait jamais conduit dans la maison de famille, et donc il ne les connaissait que par les photos, à l'exception de Tomoya, qui avait dit à son frère qu'il voulait rencontrer Jun et parfois lui rendait visite. Les deux garçons qui avaient presque le même âge, s'étaient pris d'amitié, et parfois, tous trois allaient skier, faire un tennis, monter à cheval ensemble ou simplement se détendre.

Une fois où les deux garçons étaient seuls, Tomoya demanda,

"Tu as l'air heureux avec Kazu, non ?"

"Je ne pourrais l'être plus."

"Mais est-ce que ta vie te pèse ?

"Pas plus que pour vous, je pense."

"Non, c'est différent pour nous. Nous sommes nés comme ça. Nous y sommes habitués depuis toujours. Tu t'y es retrouvé à dix-neuf ans. Je ne pense pas que tu ais réussi à t'endurcir en seulement un an. C'est pesant, non ?"

"Pas trop. Kazunari me rend heureux. Mais est-il heureux avec moi ? Est-ce que je le rends heureux ?"

"Bien sûr, tu n'as aucune raison d'en douter. Depuis qu'il vit avec toi, c'est un autre homme, toujours tranquille, joyeux. Il avait vraiment besoin de quelqu'un comme toi et je suis heureux d'avoir contribué, au moins un peu, à te décider à vivre avec lui. Avant de te rencontrer, Kazunari faisait toujours celui qui s'en fiche, mais il y avait toujours un fond de tristesse en lui. Tu as fait disparaître cette tristesse. Quand je lui demande des nouvelles de toi, il s'illumine. Et parfois il se reproche de te négliger. S'il y a un homme amoureux, c'est mon frère."

Jun secoua joyeusement la tête à ces mots. Ce n'était pas qu'il ait des doutes, mais entendre une confirmation qu'on est aimé est une chose dont on ne se lasse pas. Surtout si ça vient de quelqu'un comme Tomoya, le confident de Kazunari. Parfois, il avait le sentiment que Kazunari se sentait protecteur ou possessif envers lui mais indubitablement, c'était un amour sincère et profond, et donc ça ne le gênait pas.

Alors Tomoya lui demanda, "Mais toi... es-tu vraiment heureux avec mon frère ?"

"Oui, vraiment très heureux."

"Et... Il fait bien l'amour ?" demanda le garçon avec un sourire malicieux.

"Merveilleusement. Mais crois-moi, ça n'est pas que pour ça que je suis amoureux de lui. Mais c'est vrai, quand je suis dans ses bras, j'ai l'impression d'être au paradis."

"Super ! Je suis heureux pour vous deux..."


Les journées de Jun se passaient, une partie à l'université, et l'autre à la maison, à étudier et à attendre Kazunari. Normalement, il préférait ne pas sortir parce qu'il voulait être là si Kazunari arrivait, et qu'il préférait sortir avec son amoureux. Il avait donc beaucoup de temps rien que pour étudier et il fut reçu à tous ses tests avec d'excellentes notes. De plus, il aimait étudier et Kazunari lui achetait tous les livres dont il avait besoin.

Il était en troisième année d'université quand Kazunari lui proposa d'aller à Tokyo. Kazunari devrait rester là-bas plus d'un mois, et il ne voulait pas rester si longtemps loin de lui. Jun fut content de cette proposition.

"Mais nous ne pourrons pas être ensemble tous les jours. Je dois participer à plusieurs réunions importantes. C'est une redistribution de zones entres les familles et c'est pour nous une chance d'agrandir notre territoire avec l'accord des autres familles et sans conflits inutiles. J'ai une suite retenue pour nous au Hyatt. Le jour, je ne pourrai pas être avec toi, mes hommes te mèneront où tu voudras aller. Vraiment comme tu voudras."

"Mais nous aurons aussi du temps pour nous, non ?"

"Bien sûr, mon amour. C'est pour ça que je te veux avec moi. Au pire, nous manquerons quelques nuits, mais je trouverai du temps pour toi, pour nous, n'en doute pas."

"D'autres membres de la famille y vont aussi ?"

"Non. Ma mère veut que je traite pour les Yamaguchi, parce que, dans trois ans, elle veut que je prenne la direction de la famille."

Ils allèrent à Tokyo dans l'avion familial. C'était pour Jun son baptême de l'air. Il était excité comme un gamin. Il put aller dans la cabine et le pilote lui expliqua le système de navigation pendant que Kazunari passait quelques coups de fil en cabine.

Après l'atterrissage à Tokyo ils montèrent dans les habituelles limousines aux vitres fumées et furent conduits au Hyatt. Le luxe de la suite impressionna Jun. Il prirent leur dîner dans la suite et se couchèrent puisque le lendemain, Kazunari devait se lever tôt. Kazunari le prit dans ses bras, commençant à le caresser tendrement.

"Jusqu"à maintenant, le voyage te plait ?"

"J'ai l'impression d'être dans un film." dit Jun avec un sourire.

"Mais es-tu heureux ?" demanda le jeune homme.

"Avec toi, Kazu-chan, toujours. Même si nous étions dans une hutte ou sous une tente. Ça fait deux ans que nous sommes ensemble, et chaque fois qu'on fait l'amour, j'ai l'impression que c'est mieux que la fois d'avant. Dis-moi, comment c'est possible ?"

"Et bien, c'est un mystère pour moi aussi. Sais-tu, je commence à penser que c'est peut-être parce que nous sommes amoureux l'un de l'autre." dit Kazunari en plaisantant.

"Alors, montre-moi comment tu m'aimes !" supplia Jun en l'embrassant et Kazunari n'eut pas à se le faire dire deux fois.

Kazunari caressa le corps parfait de son amant, comme s'il le modelait du bout des doigts, l'admirant avec des yeux remplis d'amour et de désir, soulignant les courbes gracieuses et déliées des muscles du bout de la langue et de ses lèvres douces, éveillant dans son amant les plus intenses sensations. Jun n'était pas moins attentif à prendre soin du corps magnifique et viril de son vigoureux amant, s'attardant sur les points les plus sensibles. C'était comme une compétition pour donner le plus de plaisir à l'autre. Ils savaient comment amener l'autre à l'excitation maximum, à la limite de l'orgasme, puis comment se retirer dans une sorte de douce torture, alternant les moments d'intense avidité et les moments d'exquise tendresse. Ils goûtaient la virilité réciproque qu'ils s'offraient mutuellement, sans s'arrêter, dans un désordre érotique des membres musclés, n'ayant plus conscience d'où s'arrêtait le corps de l'autre et où commençait le leur. Ils se donnaient et se prenaient de mille manières, sans cesse, s'unissant, se séparant, se fondant en une sorte de danse, pleine d'une sensuelle beauté jusqu'à rejoindre le point où le brasier de leur passion devenait incontrôlable et consumait leurs sens, les laissant joyeusement s'abandonner à l'explosion finale. Puis ils s'endormaient, enlacés, se caressant tendrement l'un l'autre, comblés d'avoir rendu l'autre heureux.

Quelques jours intenses et magnifiques passèrent. Jun restait effaré par cette métropole grouillante et affairée, avec tant de gens courant sans cesse, mais il était aussi fasciné. Avec ses anges gardiens, il avait visité Nikko, Disneyland, Kamakura, Yokohama. Il avait fait les boutiques à Ginza et avait passé des heures de rêve avec son Kazu-chan, pour lequel sa passion semblait ne jamais se calmer; au contraire, elle semblait devenir chaque jour plus forte et plus profonde que la veille. Tous deux savaient que leur amour était à la fois pleinement sensuel et profondément spirituel. Il était clair qu'ils aimaient le contact des corps, mais qu'ils goûtaient la simple proximité, la joie de parler de leurs pensées secrètes, leurs sentiments et leurs émotions profondes.

Un sujet sur lequel Kazunari gardait une réserve instinctive et dont il ne parlait pas à Jun était ses affaires de yakuza. Mais cela ne semblait pas ennuyer Jun, qui, au contraire, semblait préférer ne pas connaître les détails de ces activités. Ce n'était pas que le garçon soit comme une autruche, cachant sa tête pour ne pas voir le danger, mais il savait que son regard ne pourrait pas cacher sa désapprobation pour des choses que Kazunari devait faire. Malgré, cela, cette partie de sa vie qu'il ne partageait pas avec Jun devenait un fardeau croissant. Insuffisant cependant pour le pousser à l'abandonner. Au fond de son cœur, il était reconnaissant à Jun de ne pas poser de questions. Il savait qu'il ne pourrait pas lui mentir, mais en même temps, il n'aurait pas été capable d'en parler sans se sentir jugé, et il l'aurait mal supporté. Alors, comme d'un accord réciproque, Kazunari ne parlait pas de ses "affaires" et Jun de posait pas de questions.


Ils étaient à Tokyo depuis seize jours, et Jun venait de rentrer à l'hôtel avec ses gardes après la visite de deux musées quand son téléphone sonna. C'était Soda.

"Jun ?"

"Soda ? Qu'est-ce qu'il y a ?"

"Et bien, Jun, Kazunari... il y a eu un accident."

"Un accident ? Quel accident ? Où est-il ? Qu'est-ce qu'il a ?"

"Pas bien, il est à l'hôpital, les docteurs l'examinent."

"Qu'est-ce qui s'est passé ? Quel hôpital ?"

"Un coup de pistolet."

"Mais il est vivant ?"

"Oui, oui, bien sûr... mais il est inconscient."

"Quel hôpital ? Je veux le voir."

"Je vais dire à Jutaro de te conduire ici."

Jun se précipita à l'hôpital. Il y avait là deux hommes qu'il ne connaissait pas, et qui ne voulurent pas le laisser entrer dans la chambre de Kazunari et la tension commençait à monter quand Soda sortit et dit aux deux hommes que Jun pouvait entrer et sortir comme il voulait. Puis Soda le fit entrer dans une chambre. Vide. Immédiatement, Jun lui demanda, affolé,

"Mais il est pas là ? Où est-il ? Conduis-moi à lui ! Comment il est ?

"Il est en salle d'opération, il faut attendre. Les docteurs espèrent le sauver." répondit Soda d'une voix sourde et tendue.

"Espèrent ? Ils espèrent, Soda ? Où est-il touché ? Par qui ?"

"La balle a effleuré le cœur. À un feu rouge dans un embouteillage, ils étaient cinq qui sont arrivés de nulle part. J'étais dans la voiture de derrière. Le chauffeur et le garde du corps sont morts. Ils se sont enfuis quand on est sortis de la voiture et qu'on a commencé à tirer. Je ne sais pas qui c'est. En plein jour, en pleine rue. C'est incroyable."

"Il a perdu beaucoup de sang ?"

"Oui, mais ils lui ont fait une transfusion. Ce n'est pas le problème. Ils doivent réparer l'aorte. C'est ce qu'ils font maintenant. Son cœur n'a pas l'air touché, heureusement. Mais tu sais, des complications peuvent arriver."

Jun s'assit, accablé, et une petite voix en lui criait, "Ça y est, ça y est, ça y est..."

Soda s'assit près de lui et murmura d'une voix brisée, en essayant de contenir ses larmes,

"Ils vont le sauver, tu verras. Ils doivent le sauver."

"Tu devais le protéger, Soda !" dit Jun avec une amère dureté.

L'homme se jeta aux pieds de Jun et lui dit d'une voix étranglée de chagrin, "Pardonne-moi. J'aurais donné ma vie pour lui. Pardonne-moi. Pardonne-moi. Pardonne-moi." Et se mit à sangloter.

Jun l'apostropha avec une certaine rudesse, le prenant par les épaules, le relevant. "C'est inutile, pour le moment, Soda. Contente-toi de prier tous les dieux et les Bouddhas qu'il ne meure pas et qu'il n'ait pas de séquelles. As-tu appelé sa mère, sa famille ?"

"Oui, bien sûr, ils arrivent."

"Ils ? Qui, ils ?"

"Madame Michiko et Tomoya-san."

"Et Hiroshi ?"

"Il faut qu'il reste. Quelqu'un doit continuer à s'occuper des affaires de la famille."

"Bien sûr, la famille avant tout, pas vrai ? Avant même la vie d'un de ses membres ? Quelle belle famille, vraiment !"

"Ne dis pas ça, Jun, ça n'est pas juste."

"Pas juste ? Tu dis que ça n'est pas juste ? Qu'est-ce qui a le plus de valeur pour toi, l'argent et la puissance où la vie d'un homme ? Etes-vous des hommes ? Qu'êtes-vous ? Je vous hais ! Je vous hais tous ! Je vous hais !" cria le garçon.

"Ne dis pas ça. Détestes-tu aussi Kazunari ? Et pourtant, lui aussi..."

"Lui... S'il meurt..."

"Ils vont le sauver..."

"Ils espèrent, tu as dit. Ils espèrent... Peut-être, qu'il est en train de mourir, maintenant, tu te rends compte ? Et nous sommes là, et nous ne pouvons rien faire, tu te rends compte ? Pourquoi ce n'est pas moi qu'ils ont tué, à la place ?"

"Ou moi, plutôt." dit Soda amèrement, recommençant à pleurer en silence.

Jun marchait de long en large dans la chambre, tendu comme une corde de violon, des pensées incohérentes dans la tête.

"Combien de temps ça va prendre ? Combien de temps il est resté sur le billard ?" demanda-t-il à un moment, désespéré.

Soda regarda sa montre, séchant ses larmes pour pouvoir lire l'heure. "Trente-six minutes. Ils me feront signe quand ils seront prêts à le ramener dans sa chambre. Alors tu pourras le voir. Nous pourrons le voir. Jun, tu l'aimes, mais crois-moi, d'une autre façon, moi aussi, je l'aime. Ça n'est pas que mon chef, c'est mon père, mon frère, il est tout pour moi. Kazunari est l'homme le plus extraordinaire que j'ai jamais rencontré. Je donnerais vraiment ma vie pour lui. Crois-moi, Jun." dit l'homme d'une voix altérée.

Jun le regarda et lut dans ses yeux une immense peine, et il se sentit proche de lui, regrettant de l'avoir traité si durement. Il lui tendit la main.

"Oui, Soda, je te crois. Pardonne-moi. Mais je suis complètement retourné, si terrifié."

Soda, d'instinct, le prit dans ses bras et le serra fortement contre sa poitrine. Puis, presque rudement, il se dégagea, s'écartant du garçon.

"Je suis désolé, je ne sais pas ce qui m'a pris. Excuse-moi, Jun, je ne voulais pas te manquer de respect." murmura-t-il, confus.

"Qu'est-ce qui ce passe, Soda ? Tu n'as rien fait de mal."

"Si. Tu es le copain du chef. J'allais... presque... t'embrasser, Jun. Pardonne-moi." murmura l'homme en regardant la pointe de ses chaussures.

"Toi, Soda ? Tu... Je ne comprends pas, tu as envie de moi?"

"Non. Je n'ai jamais eu envie d'un garçon. Mais ton angoisse pour Kazunari, ta détresse, ton amour pour lui. Je voulais te dire que je le comprends, et à ce moment il me semblait qu'un baiser le disait mieux que des mots. Pardonne-moi."

"Oh, Soda, que tu es bête ! Tu essayes de me dire que tu m'aimes autant que tu aimes Kazunari ? Tu peux aimer quelqu'un sans que ça soit sexuel. Et si tu m'aimes, ne crois-tu pas que ça me fait plaisir ? Quelle raison as-tu d'avoir honte ?"

"Je n'ai jamais dit à un homme que je l'aimais, pas même au chef. Et aucun homme ne me l'a jamais dit. Il me semble que ce n'est pas assez viril... peut-être. C'est pour ça que j'avais honte. Mais cette étreinte, ce baiser que je ne t'ai pas donné, c'était sûrement pas sexuel."

"C'est bon, Soda. De toutes façons, moi aussi, je t'aime parce que tu aimes Kazunari. Mais s'ils ne le sauvent pas... Combien de temps ça va prendre ? Est-ce qu'on peut prendre des informations ?

"On pourra essayer quand quelqu'un sortira de la salle d'opération."

"Oui, allons-y. J'en crève, ici."

Ils sortirent et Soda le guida jusqu'au service de chirurgie. Comme ils s'approchaient, une porte s'ouvrit et un brancard apparut. Kazunari était dessus, inconscient, pâle comme un mort, une poche de sang accrochée au-dessus de lui, et il était entouré de médecins et d'infirmières.

Soda questionna un des docteurs. "Alors, docteur ?"

"Tout va bien, pour le moment. Nous avons réussi à réduire les dégâts. Espérons qu'il n'y aura pas de complications. Mais Yamaguchi-san est solide, il va s'en sortir.

"Sans séquelles ?" demanda Jun, plein d'anxiété.

"Sans séquelles, mais seulement s'il a une bonne convalescence. Le médecin-chef vous donnera toutes les informations et les directives."

"A-t-il perdu beaucoup de sang ? Il est si pâle !" insista Jun.

"Oui, mais ce n'est pas un problème, nous avons en réserve du sang de son groupe et nous avons pu lui en donner autant qu'il en avait perdu. Ne vous inquiétez pas."

Kazunari fut installé dans la chambre individuelle qui lui avait été réservée et ils restèrent seuls.

"Tu crois que je peux l'embrasser ?' demanda Jun à Soda.

Ce dernier acquiesça. Jun s'approcha du lit et se pencha pour poser un baiser léger sur les lèvres de son homme. Elles étaient tendres, chaudes, douces. Soda glissa une chaise près du lit et lui fit signe de s'asseoir.

"Je dois aller parler avec les hommes quelques instants et téléphoner. Tu restes près de lui, d'accord ?"

"Evidement. Je pourrais dormir ici ?" dit Jun en montrant l'autre lit vide dans le coin de la pièce.

"Oui, je vais prévenir le personnel que tu le veilleras. Il n'y a pas de problème, pour le moment. Jusqu'à que Madame Michiko arrive. Alors... elle décidera. Ça serait peut-être mieux qu'elle ne te voit pas ici... Je ne sais pas..." dit Soda avec un embarras évident.

"Mais la mère de Kazunari, elle ne sait pas à propos de nous ?" demanda Jun surpris, regardant Soda dans les yeux.

"Elle sait que le patron a un garçon, bien sûr. Mais je ne sais pas ce qu'il lui a dit sur toi. Je ne sais pas ce qu'elle pense de toi, tu comprends ? Et puis de toute façon, c'est elle qui décide, pas moi."

"Quand est-ce qu'elle arrive ?"

"Avant ce soir, je pense; Elle m'appellera sur la route, pour me donner son heure d'arrivée. Je te dirais, je te préviendrais."

"Mais... je ne veux pas retourner à l'hôtel. Si je dois sortir de cette chambre, j'irai dans l'autre, où j'étais avant, et j'attendrai là. Je peux rester là, non ? Au moins là."

"Oui, là ça va. Je suis désolé, Jun-san; Je comprends ce que tu ressens."

"Oh, Soda, c'est un cauchemar, tu sais?"


PRÉCÉDENT - SUIVANT