HABILLÉ D'UN TATOUAGE
(Le Yakuza)
CHAPITRE 4
REDDITION SANS CONDITION

Pourquoi Kazunari avait-il fait un tel geste? Pour l'impressionner? Non, le jeune homme était assez intelligent pour savoir que c'était inutile. Pour rappeler à Jun qu'il en était amoureux ? Jun n'en avait pas besoin, il ne pensait qu'à lui. Pour "acheter" sa famille ? Non, il n'avait même pas écrit son nom sur les cadeaux. Kazunari, pour faire à sa famille des cadeaux si bien ciblés devait avoir rassemblé les informations... Voulait-il dire à Jun qu'il ne le perdait pas de vue ?

Jun n'était pas effrayé par cette idée. Il n'avait pas peur de Kazunari, même en sachant qui il était. Il sentait, il savait que Kazunari ne lui ferait jamais de mal. Il n'avait pas, il ne pouvait pas oublier cette merveilleuse et intense nuit d'amour pendant laquelle il avait ressenti à quel point Kazunari tenait à lui.

Jun ressentit un désir profond de rencontrer de nouveau Kazunari, mais il pensa que ce serait une erreur. Non, il ne pouvait pas le faire. Bien sûr, il ne pouvait pas l'oublier, mais il ne devait pas le revoir. Absolument pas. Parce qu'il sentait avec une totale lucidité que s'il rencontrait de nouveau Kazunari, il ne serait plus capable de le quitter.

Le garçon, à la différence de la première fois, s'était immergé dans ses études, comme s'il tentait de trouver un antidote à l'amour fou pour ce jeune homme qui était entré dans sa vie à cause d'un tremblement de terre, à la manière d'un tremblement de terre.

Mais de plus en plus souvent, la nuit, il se réveillait soudain et la chambre qu'il partageait avec son petit frère lui paraissait étrangère. Et il avait alors du mal à se rendormir. Il sentait d'une façon aiguë, presque douloureuse, à quel point Kazunari lui manquait. Il aurait aimé être dans ses bras.

Parfois, il parcourait le livre ancien qu'il avait reçu en cadeau de son homme et se disait que ce livre avait un prix bien supérieur à sa valeur d'achat. C'était tout ce qu'il possédait, tout ce qui lui restait de l'homme qui avait kidnappé son âme. L'homme qu'il aimerait toujours, même si c'était en vain.

Kazunari aussi luttait pendant ces jours d'activité intense mais de nuits sans sommeil. Il réussissait, d'une manière où d'une autre, à ne pas penser à Jun pendant le jour, mais dès qu'il était seul, il ne pouvait penser à rien d'autre. Il avait besoin de Jun, mais il ne pouvait quitter sa famille, le monde des yakuza. Peut-être son amour n'était-il pas assez fort ? Un homme peut-il, par amour, tout abandonner, renoncer à ce qu'il est ? Renoncer à son histoire, couper ses racines ? Non. Le symbole en était le tatouage maudit, il en était prisonnier, pour toujours. S'il avait pu changer de peau ! S'il avait pu... Mais ça n'était pas possible et y penser lui faisait mal.

Plusieurs mois passèrent ainsi. Le printemps revint, avec ses parfums, ses couleurs, sa chaleur, une chaleur qui n'arrivait à réchauffer aucun des deux amants désespérés. Jun passa haut la main ses examens. Kazunari passa des accords et d'importantes affaires et sa mère commençait à penser à lui confier les rênes de la famille, même si elle s'inquiétait de le voir si soudainement absent, silencieux, si différent du brillant, du lumineux Kazunari qu'elle avait toujours secrètement préféré à ses autres fils. Kazunari qui avait en lui le meilleur d'elle et de son père. Kazunari qui ne lui donnait qu'un seul souci, il refusait de se marier.

Quand son fils avait eu dix-huit ans, sa mère avait essayé de le convaincre de se marier, au moins pour sauver les apparences.

"Maman ! Tu sais ce que je suis, non ? Comment peux-tu me demander de me marier ? Je ne peux, je ne veux pas."

"Kazu, je sais, nous savons. Je ne te demande pas de changer. Je ne l'espère même plus. Mais tu pourrais épouser une fille qui te laisserait la liberté d'avoir ta vie privée. Tu pourrais me donner des petits enfants, pour poursuivre la lignée Yamaguchi. Regarde la fille des Suzuki, par exemple. Elle est jeune, belle, intelligente, raffinée. Elle serait pour toi une femme idéale."

"Oui, et tu crois qu'elle me laisserait avoir mes garçons comme je veux !" répondit le garçon avec une ironie à peine voilée.

"Kazu, quand la famille de ton père m'a choisie, les conditions étaient claires. Noboru devait être libre d'avoir les femmes qu'il voudrait. Je n'étais que son épouse, pas son amante. J'ai accepté. Et je n'ai pas eu une mauvaise vie. Nous avions de l'affection l'un pour l'autre, du respect. Quand il partait rejoindre ses maîtresses, je le voulais élégant; impeccable. Je n'étais pas jalouse. Nous avions un contrat pas une histoire d'amour. Nous avons tous deux respecté le contrat. Ton père ne m'a jamais laissé manquer de rien, et pas seulement au point de vue matériel. Il était à mes côtés quand j'étais malade, avec pour moi affection et tristesse pour ma souffrance. Pour lui, j'étais à la fois, une amie, une sœur et la mère de ses enfants. Ses maîtresses étaient importantes, bien sûr, mais c'est avec moi et personne d'autre qu'il discutait des affaires de la famille. J'étais son bras droit et il était fier de moi. Je n'étais pas une roue de secours et je le savais bien, tu comprends, Kazunari ?

"Maman, je ne savais pas que tu étais au courant des maîtresses de Papa. Tu dois en avoir beaucoup souffert."

"Non, Kazu, je te l'ai dit, les conditions étaient claires avant le mariage. Et donc tu peux..."

"Maman, tu oublies une différence essentielle. Je ne veux pas d'une femme dans mon lit, même pas pour le temps de lui faire un enfant. Je ne veux pas de femme. Absolument pas."

"Mais comment pourras-tu guider la famille si tu n'as pas de fils pour garantir la continuité ?"

"Je choisirai un des fils de Hiroshi ou de Tomoya, le meilleur d'entre eux, comme mon successeur. Je l'adopterai. Ce ne sera pas la première fois que ça arrivera, non ? Mais je n'aurai jamais de femme."

"Kazu, repense-y, s'il te plait. Je ne te demande pas un si grand sacrifice, après tout. Je ne te demande pas de ne pas avoir de garçon. Mais un homme a besoin d'une femme, d'une famille. Qui s'occupera de toi, quand je serai morte ? Qui veillera à ce que tu ne manques de rien ? Ne vois-tu pas que tu as besoin d'une femme ?"

"Maman, arrête ça ! Imagine seulement que tu demande à Hiroshi de coucher avec un homme, de prendre un amant ! Tu penses qu'il serait d'accord juste parce que tu le demanderais ?"

"Si c'était important pour la famille, je pense qu'il serait d'accord." répondit sa mère d'un ton de reproche.

"Arrête ! Je n'y crois pas. Et puis ce ne sont pas des trucs qu'on décide autour d'une table. Certains naissent d'une façon, et d'autres différemment. L'un peut faire l'amour aussi bien avec un homme qu'avec une femme, mais l'autre a une orientation claire, exclusivement vers l'un des deux sexes. Comme moi. Laisse-moi vivre comme je suis, s'il te plait."

"Alors ce serait peut-être mieux que tu renonce à la place de ton père." dit la femme avec un mélange d'espoir et de réprobation.

"S'il me l'avait demandé, j'aurais obéis. Mais ça n'avait pas l'air d'être dans ses intentions, même s'il savait pour moi."

"C'est vrai, mais il espérait peut-être qu'en grandissant, tu changerais. Je ne sais pas. Nous n'avons pas eu le temps d'en parler, on ne pensait pas qu'il serait parti si vite. Mais c'est vrai, il comptait sur toi. Ton père t'aimait, même s'il n'acceptait pas ton orientation sexuelle. Ou plutôt, il ne pouvait pas l'accepter parce qu'il t'aimait, et aurait voulu te voir tel qu'il te rêvait. Mais si se n'est pas pour moi, pour la famille, au moins pour ton père..."

"Il est mort, Maman. Et puis même s'il me l'avait demandé, je lui aurais fait la même réponse qu'à toi. Que puis-je faire ? Me tuer ? Si c'est ce que je dois faire..."

"Ne sois pas stupide et si mélodramatique ! Tu n'as que dix-huit ans, il n'y a pas d'urgence. Pense juste à ce que je t'ai dit, je ne te demande rien d'autre. Le feras-tu, au moins, le feras-tu ?"

"Je pense vraiment que ça ne changera rien, mais je le ferai."

Michiko ne reprit jamais cette dispute mais, petit à petit, se résigna. Elle pensait que la solution viendrait de ce que son fils avait proposé, adopter le fils d'un de ses frères pour en faire son héritier et successeur. Mais au fond de son cœur, elle espérait que Kazunari quitterait la famille, renoncerait à être un yakuza. Parce qu'elle avait peur de le perdre un jour, comme elle avait perdu son mari. Parce que Kazunari avait trop bon cœur, était trop sensible, honnête pour être un vrai chef de yakuza. Même si le garçon faisait son maximum pour paraître un dur, y arrivant même devant les autres, elle savait qu'il était différent. En fait, Kazunari ne ressemblait ni à son mari, ni à elle.

Michiko avait acheté un établissement thermal en face du Mont Fuji, dans une situation magnifique en pensant à les refaire complètement et à en faire le rendez-vous des gens qui comptent, politiciens, industriels, sportifs et artistes, espérant qu'un jour, Kazunari pourrait en prendre la direction, quittant de la sorte le monde des yakuza. Mais quand elle en avait parlé à son fils, ils s'étaient presque disputés. Kazunari ne voulait pas en entendre parler. Et c'est juste après, comme pour confirmer son refus de quitter le monde des yakuza qu'il s'était fait tatouer tout le corps dans la plus pure tradition yakuza. Et les bains, non rénovés, étaient restés une des nombreuses possessions de la famille dispersées à travers le pays, gérés par un de leurs hommes, rapportant bien, quoique moins que ce qu'ils auraient pu.

À présent, Michiko s'inquiétait pour le soudain changement d'attitude de son fils. Elle comprit que quelque chose n'allait pas, mais il n'y avait pas assez de confiance et d'intimité entre eux pour qu'elle lui pose des questions. Il n'y avait jamais eu d'intimité entre elle et ses fils, juste avec sa fille Naoko. L'intimité entre hommes et femmes était étrangère aux traditions japonaises, et encore plus aux traditions yakuza, qui, dans la société japonaise en étaient la partie la plus traditionnelle.

Hiroshi avait épousé la fille qu'on avait choisie pour lui, dans une somptueuse cérémonie qui avait réuni toutes les principales familles du Japon. Kazunari joua au maître de maison sans une fausse note. La présence de tant de noms célèbres, et la quantité des cadeaux marquaient sans équivoque la position des Yamaguchi au plus haut niveau national. Et la clé de voûte était le contrôle complet de Mazuda International, dont Nakamura restait Manager Général, et dont Hiroshi fut nommé Président par Kazunari comme cadeau de noce. La femme de Hiroshi venait de la famille Suzuki et amenait en dot le contrôle d'une forte et solide compagnie de navigation, renforçant encore la puissance des Yamaguchi.

Tomoya avait repris de bonnes relations avec son frère et avait finalement appris l'amour sans issue que son frère portait à Jun. Tomoya lui dit qu'il était tombé amoureux d'un mannequin. Il voulait se marier avec elle, mais avait peur que sa mère ne s'y oppose. Kazunari demanda à être présenté à la fille, si elle lui plaisait, il aiderait Tomoya à réaliser son rêve.

Tomoya fut vraiment reconnaissant à son frère, et pensa à le remercier de la plus belle des façons. Il devait rencontrer le garçon dont Kazunari était amoureux. Il alla donc le chercher dans l'université et réussit à le trouver.

"Tu es Takeda Jun, c'est ça ?" demanda-t-il au garçon en s'approchant de lui.

"Oui, c'est moi. Pourquoi ?" lui demanda Jun étonné d'être reconnu et interpellé par un inconnu.

"Je suis Yamaguchi Tomoya, le frère de Kazunari."

"C'est lui qui t'envoie ?" demanda Jun, le cœur en déroute.

"Non, il ne sait même pas que je suis venu te rencontrer. Et je ne veux pas qu'il le sache. Mais je dois te parler. Veux-tu venir avec moi ?

"D'accord." répondit Jun avec émotion.

Ils montèrent sur la moto de Tomoya et roulèrent hors de la ville jusqu'aux berges de la rivière.

"Tu dis que tu veux me parler, alors ?" demanda Jun en descendant de la moto.

"À propos de vous deux. Kazunari est amoureux de toi, sérieusement."

"C'est lui qui te l'a dit ?"

"Nous nous disons tout. Il me l'a dit. Il pense à toi jour et nuit. Tu lui manques, terriblement."

"Il me manque aussi."

"Mais toi, l'aimes-tu vraiment ?"

"Oui, je l'aime. Je ne fais que penser à lui, tout le temps."

"Alors pourquoi ne pas décider de vous mettre ensemble ?"

"Puis-je te parler à cœur ouvert ? Sans que tu te fâches de ce que je vais te dire ?" demanda Jun en hésitant.

Tomoya le regarda. Ce garçon, il l'aimait instinctivement. Il comprenait pourquoi son frère pouvait en être amoureux. "Parle." dit-il seulement.

Ils marchaient côte à côte, lentement. Jun commença à parler, tranquillement, et lui dit ce qu'il ressentait pour Kazunari, ses craintes, ses hésitations.

"Alors tu ne nous aimes pas, nous, les yakuza, c'est là le problème ?" demanda Tomoya avec un sourire amusé.

"Non, pas toi, pas lui... l'idée. La peur de devoir un jour pleurer devant son cadavre, comme ta mère et toi avez pleuré ton père."

"Ça n'a pas empêché ma mère d'épouser mon père, parce qu'elle est forte. Es-tu un faible ? Ou peut-être n'aimes-tu pas mon frère tant que ça ? Et puis, en fait, si mon frère doit rencontrer son destin de la même façon que mon père, refuseras-tu de lui donner du bonheur jusqu'à ce jour ? Le bonheur dont il rêve ? Ce bonheur que tu es seul à pouvoir lui donner ?

"Il en trouvera un autre, qui lui conviendra mieux, plus fort que moi." dit Jun d'un ton presque inaudible.

"Mais il te veut toi, pas un autre. Il est vraiment amoureux, je le connais bien. Pourquoi refuser de le rendre heureux, si tu l'aimes vraiment ? Es-tu plus faible qu'une femme ? Je ne peux pas y croire. Ou alors Kazu ne serait pas si amoureux de toi. C'est quoi ? Excuse-moi, mais je ne comprends pas."

"Tu aimes Kazunari, pas vrai ?" demanda Jun en regardant le garçon avec sympathie, ce garçon qui avait un an de moins que lui, mais qui semblait plus adulte que lui.

Tomoya le regarda avec un drôle de regard. "Bien sûr que je l'aime. Il est le meilleurs de nous tous. Il est exceptionnel, vraiment exceptionnel."

"Je sais. Mais simplement, je ne suis pas celui qui lui faut. Tout simplement..."

"Lui ne pense pas ça. Ne crois-tu pas que son opinion, en la matière, a plus de valeur que la tienne ? Pourquoi n'acceptes-tu pas d'être heureux avec lui ? Penses-tu qu'il n'est pas capable de te rendre heureux ?"

"Oh non, bien sûr qu'il le serait. Même si je vivais dans l'angoisse, il me rendrait heureux. Sais-tu que dès qu'on parle d'un meurtre à la télé ou dans les journaux, mon cœur s'arrête jusqu'à ce que je sache que ce n'est pas lui ? Peux-tu le comprendre ?"

"Bien sûr que je comprends, même si je trouve que tu en fais un peu trop... Et puis, j'y pense, si maintenant, tu es si stressé, inquiet pour lui, pourquoi ne pas au moins prendre en échange la joie d'être avec lui ? Quel sens cela a-t-il de ne prendre que la plus lourde part de l'amour que tu as pour lui ? Je suis désolé de te parler si brutalement, mais c'est idiot. Si tu dois t'inquiéter, n'est-ce pas mieux de la faire près de lui, avec lui ?"

Jun le regarda d'un air interloqué. Il n'avait jamais considéré l'affaire sous cet angle. Comme si un voile c'était déchiré devant lui. Maintenant, il voyait clairement qu'il ne pouvait que s'abandonner sans condition à l'amour de Kazunari, y compris la peur d'une fin tragique. Tomoya le regardait d'un air interrogatif, attendant tranquillement une réponse à son observation finale. Jun secoua la tête plusieurs fois, repensant à ces paroles si justes.

"Merci, Tomoya, je pense que tu as raison. Comment puis-je te remercier de m'avoir ouvert les yeux ?"

"En venant voir Kazunari, en lui disant que tu l'aimes, que tu veux être à lui, que tu l'acceptes comme il est, avec la vie qu'il a."

"Oui, c'est vrai. Où est-il en à présent ? À la maison ?"

"Non, il est sur notre yacht, au port, il le fait réviser. Si tu y vas tout de suite, tu le trouveras là. C'est le Sadamaru, il est blanc et amarré au quai trois. Va !"

"Oui, j'y vole !" dit Jun avec excitation, en courant vers la sortie du parc.

"Prends un taxi, et ne lui dis pas que tu as parlé avec moi, évidemment !" lui cria Tomoya, satisfait.


Kazunari remontait sur le pont du bateau, parlant avec l'ingénieur du travail qu'il y avait à faire, quand il vit Jun marcher sur le quai. Il renvoya l'homme en hâte, lui donnant rendez-vous pour le lendemain. Il prit dans sa poche son téléphone portable et appela ses gardes du corps pour leur demander de ne pas arrêter le garçon vêtu de la veste verte et bleue qui était en train d'arriver. Et il attendit anxieusement. Jun monta en hésitant l'étroite passerelle où il croisa l'ingénieur qui partait, et, arrivant sur le pont, il se trouva en face de Kazunari. Il s'arrêta, essayant de trouver les mots à dire. Il se regardèrent en silence, puis Kazunari lui demanda à voix basse,

"Qui t'a dit que j'étais là ?"

"Je passai juste sur le port, et je t'ai vu... C'est à toi ?" répondit le garçon en espérant qu'il croirait à cette pauvre excuse.

"Oui. Veux-tu le visiter ?"

"Oui."

"Viens."

Ils descendirent l'échelle de bois et Kazunari se retourna pour commencer ses explications mais s'arrêta, interdit. Jun le regardait avec les yeux brillants comme s'il allait se mettre à pleurer.

"Qu'est-ce qu'il y a, Jun ?" demanda-t-il doucement.

"Je t'aime, je veux être à toi, pour toujours."

"Tu veux... ?" balbutia presque Kazunari.

"Je ne peux pas vivre sans toi. Veux-tu toujours de moi ?"

"Mais... et ta peur ? Et ma vie ?

"C'est pas grave, ça ira. Prends-moi avec toi, s'il te plait !"

"Oh, Jun ! Viens !" dit Kazunari, ému, écartant les bras, et s'approchant du garçon.

Jun se réfugia dans ses bras et murmura d'une voix faible et tremblante, "Pardonne-moi, Kazu-chan, pardonne-moi. Je veux être à toi."

Kazunari le souleva et l'embrassa, le serrant avec force contre lui, et dit plein d'émotion, "Je ne te laisserais jamais repartir, plus jamais. Tu es à moi ! Non, je ne te laisserais jamais repartir." Et il l'embrassa encore.

Jun frémit des pieds à la tête, ouvrit le pantalon de son homme, prit dans ses mains son membre déjà turgide et murmura, plein de passion, "Prends-moi, s'il te plait, prends-moi, fais-moi tien."

"Rentrons là..."

"Non, s'il te plait, ici, tout de suite. Je te veux en moi !" insista le garçon, baissant son pantalon avec des mouvements fiévreux et dénouant son fundoshi.

Alors Kazunari le prit dans ses bras, le souleva et le porta jusqu'à une petite table fixée au sol ou il le déposa.

"Je n'ai pas de gel, ici..." dit le jeune homme en enlevant le pantalon du garçon.

"Je m'en fiche !" répondit Jun en ramenant ses jambes contre sa poitrine et s'offrant au jeune homme.

Kazunari s'agenouilla devant lui et commença à le préparer, le travaillant longuement de la langue. Le garçon frissonnait, se sentant enflammé, vraiment heureux. Kazunari se leva et commença à pénétrer le garçon. Jun le reçu avec tant de gratitude et un sourire radieux, bouleversant le jeune homme. Il poussa son membre palpitant dans le petit trou. Une légère contraction sur la figure de Jun le fit se figer.

"Je te fais mal." dit-il, inquiet.

"Oui, mais je m'en fiche. Pousse, ça va aller, je te veux complètement en moi !"

Kazunari, réfrénant son extrême désir, essayant de bouger de façon à ne pas faire trop mal au garçon, encouragé par l'évident désir avec lequel son aimé le voulait en lui, s'enfonça complètement dans le canal chaud et étroit du garçon. Puis il commença à lentement balancer son bassin d'avant en arrière en poussées régulières jusqu'à voir l'expression béate du garçon qu'il aimait, son doux et chaud sourire. Puis Kazunari se lâcha dans une chevauchée passionnée qui les porta tous les deux au septième ciel. Plus rien ne bridait leur joie qui se manifestait dans toute son intensité par l'expression extasiée des deux amants. Jun n'était plus que frisson et le plaisir qu'il ressentait était si intense qu'il le faisait trembler. Et le plaisir communicatif enivrait le jeune homme, ravi, étourdi par cette union inespérée.

Ils arrivèrent ensemble à l'orgasme, gémissant bruyamment, sans retenue, leur plaisir. Alors Jun, caressant les flancs de son homme sous les vêtements qu'il portait encore, lui dit doucement,

"Je te veux encore... Porte-moi dans ta cabine, tu veux ?"

Kazunari le prit dans ses bras, marchant maladroitement à cause de son pantalon à moitié baissé, ouvrit la porte avec son pied et, se penchant, le déposa sur la couchette. Il se redressa pour se débarrasser de sa veste pendant que Jun, assis sur la couchette, se penchait pour sucer le membre toujours érigé, tatoué d'un serpent, de son amant. Le jeune homme finit de se déshabiller, puis dévêtit entièrement le garçon. Alors grimpant sur la couchette à ses côtés, il lui prit la tête entre ses mains, l'embrassa, puis dit, sérieusement,

"Si tu dois devenir mon amant, je veux que tu fasses une chose."

"Tout ce que tu voudras, Kazu-chan." répondit joyeusement Jun.

"Tu dois me prendre."

"Moi ? Toi ?" répondit le garçon effaré.

"Oui, toi, moi. De toute ma vie, personne ne me l'a jamais mise. Parce que je ne l'ai jamais permis à personne. Mais je veux que tu le fasses. Parce que tu es spécial pour moi."

"Mais c'est pas obligé, Kazu. Je suis heureux comme ça..."

"Et tu ne veux pas me rendre heureux aussi ?"

"Oui, mais je te ferais mal, probablement." murmura Jun.

"Je m'y habituerai... et j'aimerai. Tu n'es pas l'un parmi tous ces garçons que j'ai pris seulement pour mon plaisir. Tu es mon amoureux, et c'est pour ça que je veux te sentir en moi. Et puis... tu as l'air si heureux quand tu me reçois que... je veux ressentir le même bonheur. Prends-moi, s'il te plait."

Jun fit ce que son homme lui avait demandé. Et quand le garçon commença à pénétrer son amant, il sentit une ivresse intense, égalée par l'expression radieuse qui se dégageait des traits de Kazunari.

"Est-ce que tu aimes, mon amour ?" demanda Jun, qui connaissait déjà la réponse.

"À en mourir ! Tu es si fort, et tu m'as fait tien..."

"Je te fais mal ? Je ne suis pas trop gros ?" demanda Jun en s'enfonçant encore un peu, avec précaution.

"Non, et bien... un peu... mais j'aime te sentir en moi. Maintenant, tu n'es plus mon garçon, mais mon homme, tu comprends ?"

"Tu m'aimes ?"

"Tellement ! Mais pas encore autant que tu m'aimes."

"Pourquoi dis-tu ça, c'est pas vrai !"

"Si, tu m'as accepté. Je n'ai pas fait ce que tu aurais voulu. Je n'ai pas changé de vie pour toi."

"N'en parles plus. Penses seulement à m'aimer, je ne demande rien d'autre. Ne me laisse jamais manquer de ton amour."

"Ça n'arrivera jamais. Tu fais de moi l'homme le plus heureux du monde. Je ne renoncerai jamais à ce bonheur. Fais-le moi sentir, mon amour, vas-y !"

Jun poussa encore jusqu'à ce qu'il sente qu'il était complètement à fond dans la chaude intimité de son homme. Kazunari poussa un léger soupir de plaisir et dit à voix basse, amoureusement, "Vas-y !" Alors le garçon commença à faire osciller son bassin en une série de poussées légères, dans un va-et-vient, progressivement plus appuyé, et il vit le plaisir apparaître au fond des yeux de son amant.

Ils firent l'amour longtemps, avec calme et plaisir, avec tendresse et vigueur, énergie et délicatesse en même temps. Avec une émotion excitée, ils arrivèrent à un orgasme frénétique et merveilleux, puis ils se détendirent, tendrement enlacés, sans que leurs corps ne se séparent.

"Jusqu'à quelle heure peux-tu rester avec moi ?" demanda doucement Kazunari, heureux.

"Aussi longtemps que tu me voudras avec toi."

"Je te veux pour toujours. Je voudrais que tu vives avec moi."

"D'accord. Je vivrais avec toi."

"Tu devras avertir chez toi. Que vas-tu leur dire ?"

"Que je vais vivre avec mon ami."

"Ils ne trouveront pas ça bizarre ?"

"Je m'en fiche."

"Ils pourraient se douter, comprendre."

"Je m'en fiche. Il n'y que toi qui est important pour moi."

"Ils pourraient le prendre au tragique."

"Tant pis pour eux. Pour ce qui me concerne, si tu veux de moi, je serais avec toi à n'importe quel prix. Tu passes avant tout. Ou plutôt... passe-moi ton téléphone, s'il te plait."

Kazunari se sépara plutôt de lui à contrecœur, fouillant sa veste sur le sol et lui tendit son mobile. Jun composa un numéro.

"Monsieur Takeda, s'il vous plait, je suis son fils."

"Tu appelles ton père ? À son travail ?" demanda Kazunari, étonné.

Jun fit oui de la tête, attendant d'avoir son père en ligne.

"Papa, c'est Jun... Non, rien de grave, mais important... Oui, bien sûr... Non, je dois t'en parler maintenant... Oui, tu vois, j'ai décidé qu'à partir de maintenant, j'irai vivre chez un ami... Non, Papa, un homme... Parce que je me sens bien avec lui, je veux vivre avec lui... Mais non, bien sûr que j'étais bien avec vous. Mais maintenant je veux vivre avec lui...On en parlera quand je viendrai vous dire au revoir et prendre mes affaires... Oui, Papa, comme tu dis... Oui papa... Je suis désolé... Ça sert à rien de..." dit Jun sérieusement, puis il se tourna vers Kazunari, lui rendant son téléphone. "Il a raccroché."

"Il était furieux ?" demanda Kazunari, préoccupé.

"Oui, il a compris." répondit tranquillement le garçon.

"À propos de toi et moi..." demanda le jeune homme en écarquillant les yeux.

"Bien sûr. C'est fait." répondit Jun, serein, lui souriant.

"Je suis désolé..." dit Kazunari en le caressant.

"Pas moi. Tôt ou tard, il fallait que ça sorte, non ? Le plus tôt, c'est le mieux. Comme ça, je n'aurai pas besoin de tricher. Maintenant, je suis tout à toi. Tu m'emmènes dans ton studio ?"

"Oui, bien sûr. Dès que te veux, je te conduis chez toi pour chercher tes affaires. De toutes façons, tu ne manqueras de rien, avec moi."

"On va laisser à ma famille le temps de s'habituer à la nouveauté. Dans deux ou trois jours, peut-être. Jusque là, si tu peux me prêter des fringues pour me changer..." dit Jun avec doux sourire.

"Ils risquent d'être un peu grands mes habits..."

"La mode actuelle pour les jeunes, c'est les vêtements trop larges, tu sais ? Je serai plus tendance." répondit joyeusement Jun.

Ils se rhabillèrent. Pendant que Jun renouait son fundoshi rouge, Kazunari lui demanda,

"Ne portes-tu jamais d'autres sortes de sous-vêtements ? C'est bizarre, un jeune qui porte un fundoshi sous son jeans."

"Si tu n'aimes pas, j'arrête de le porter."

"Non, au contraire, tu es encore plus sexy avec ça. Je suis juste surpris. Je voudrais comprendre pourquoi."

"Je trouve que c'est plus confortable, et ça maintient mieux."

"Mais pour aller pisser, c'est pas très commode, non ?"

"Pas du tout. Tu n'as qu'à faire comme ça..." dit Jun en faisant une démonstration.

"Range-là ! Ou tu vas me donner envie de recommencer..." dit Kazunari amusé et tous deux finirent de s'habiller.

Jun frotta, quelque peu gêné, un peu de sperme, presque sec sur sa veste matelassée, et rigola quand Kazunari réalisa d'où provenaient ces tâches.

"Je t'en achèterais une neuve..." dit songeusement le jeune homme.

"Un bon nettoyage à sec suffira, je pense. On y va ?"

"Attends. Tu dois d'abord rencontrer mon homme de confiance. Il s'appelle Soda, il est bien et sait tout de moi. Il me protège et à partir de maintenant, il devra te protéger aussi. Alors autant que tu le rencontres maintenant."

Ces mots précipitèrent brusquement Jun dans le monde réel. C'est sûr que ça allait être sa vie à partir de maintenant. Il devait s'y habituer. Mais il avait fait son choix. Kazunari appela Soda sur son portable. Quelques instants après, l'homme montait à bord. Kazunari les présenta, puis il dit,

"Soda, Jun est mon amoureux. Je te rends responsable de sa sécurité. Si tu en as besoin, prend deux autres hommes pour lui. Et rappelle-toi, ses désirs sont mes désirs, c'est compris ? C'est seulement pour des raisons de sécurité que tu peux refuser de faire ce qu'il te demande."

"Bien sûr, chef. Mais... comment je dois l'appeler ?"

"Takeda-san, bien sûr. Comment voudrais-tu l'appeler ? Quelles stupides questions tu as parfois, Soda !" dit Kazunari, mais son sourire contredisait la dureté de ses paroles.

"Je... je m'excuse..." dit l'homme un peu confus.

"Maintenant, allons à mon appartement. Trouve-lui un téléphone aussi vite que tu pourras et mets dans le répertoire mon numéro et le tien. Et puis trouve quelqu'un qui nous apporte un bon déjeuner, nous avons faim. Ah, et pour le ménage de la maison, regarde avec Jun pour les horaires pour qu'on ne l'ennuie pas, puisque maintenant, c'est aussi sa maison."

"D'accord, chef. Ne t'inquiète pas." dit Soda, et après s'être incliné, descendit du yacht.

"Tu peux suivre aveuglément Soda. Et tu as intérêt à suivre ses conseils. Il connaît très bien son boulot. Il te présentera aussi les garçons qu'il te choisira comme garde du corps."

"Je n'ai pas besoin..." dit Jun légèrement déconcerté.

"Si, mon amour, c'est nécessaire. Tu devras t'y habituer, en vivant avec moi. Nous aurons toujours deux ombres discrètes, près de nous."

"Mais je suis venu sans..."

"Je t'ai vu arriver, et j'ai donné l'ordre de te laisser passer ou c'est sûr que tu n'aurais même pas pu approcher de la passerelle, crois-moi. Même les autres fois où nous étions ensemble, il y avait toujours des hommes pour me protéger."

"Alors, ils savent tout sur nous ?"

"Ça t'ennuie ?"

"Non. Je n'imaginais pas ça. Tu ne peux pas avoir de vie privée, de secrets."

"J'ai ma vie privée, mes secrets. Ces hommes sont habitués à ne pas parler de ce qu'ils voient, de ce qu'ils savent, avec personne. Comme les trois petits singes. Même avec ma mère, ils ne parlent pas de ma vie privée, même si en fait, c'est elle qui les paye. Ils sont vraiment fidèles. Et puis tes hommes, ceux que va choisir Soda, seront tout aussi fidèles. Alors tu n'as pas à t'inquiéter. Je suis désolé, Jun, je comprends que tu n'as pas l'habitude de ce mode de vie, mais..."

"Je m'y habituerai, puisque c'est la seule façon de vivre à côté de toi." dit le garçon avec décision, ébauchant un doux sourire.

Kazunari le serra dans ses bras en lui répétant qu'il était désolé.

En fait, si pour Jun s'était la première fois qu'il commençait à comprendre ce qu'était la vie de Kazunari, pour ce dernier également, il comprenait pour la première fois ce qu'il demandait vraiment au garçon d'accepter. Et il était reconnaissant à Jun d'avoir accepté sans se plaindre, sans discuter. Il se dit qu'il avait vraiment de la chance d'avoir trouvé un garçon pareil.

Il accompagna Jun jusqu'à son studio et lui expliqua toutes les commodités dont le petit appartement était doté.

Soda revint avec les victuailles, le portable pour Jun et deux garçons qu'il présenta à Jun comme ses gardes du corps, et lui dit qu'ils vivraient dans l'appartement à coté du sien, à sa disposition, et qu'il ne devait jamais sortir sans les appeler, et qu'il ne devait jamais recevoir quelqu'un sans les en avertir d'abord. Jun fit signe qu'il avait compris. Kazunari donna quelques ordres et les trois hommes sortirent, les laissant seuls. Ils mangèrent. Jun était légèrement tendu, et Kazunari le remarqua.

"Mon amour, tout ça est trop dur pour toi ?" lui dit-il, hésitant.

"Je n'ai qu'à m'habituer à cette...liberté surveillée." dit Jun en essayant de paraître détendu.

"Comment puis-je rendre ce fardeau moins pesant?"

"En me faisant l'amour."

"Encore?" demanda le jeune homme en riant.

"Es-tu déjà fatigué" le provoqua le garçon.

"Pas du tout. Je suis prêt, chaque fois que tu voudras."

"Tu dormiras toujours ici avec moi ?"

"Toujours, ça sera difficile. Mais autant que je pourrai, je te le promets. Seulement, des fois, je devrai voyager..."

"Et tu ne peux pas me prendre avec toi ?"

"Pas toujours. Crois-moi, mon amour, je veux te garder à côté de moi autant que je peux. Et je serai avec toi tant que ça sera possible. Et quand je ne pourrai pas, ça sera comme mourir."

"Tu me portes dans l'autre pièce?" demanda Jun avec grâce.

"Non, c'est ta maison, maintenant. Alors c'est à moi de te demander. Veux-tu me conduire dans l'autre pièce, s'il te plaît ?"

Jun se leva, prit la main de son homme et le guida dans la pièce voisine. Il fit se déployer le lit et commença à déshabiller son amant.

"Tu as vite appris à sortir le lit, à ce que je vois." dit Kazunari en souriant.

"Qui sait combien de garçons tu as amenés ici, avant moi..."

"Bien trop. Mais tu vaux plus qu'eux tous réunis. Parce que je t'aime. Je t'aime tant. Tous les autres n'existent plus, crois-moi."

Ils recommencèrent à faire l'amour, oublieux de tout et tous.


PRÉCÉDENT - SUIVANT