LA COURTE EVASION
(Le sosie)
CHAPITRE 4
GIACOMO ET LORENZO, TOI ET MOI,
LE DEUXIÈME ÉCHANGE

J'ai revu Giacomo. Il était heureux. Surtout parce qu'il avait rencontré Lorenzo. Quand Lorenzo apprit "l'accident" qui m'était arrivé, il comprit qu'il devait "me refaire la cour" (C'est à dire à Giacomo, que chacun, dont Lorenzo, croyait être moi). Lorenzo n'avait aucune intention de renoncer à moi. Alors il se remit à courtiser Giacomo.

Giacomo connaissait désormais le plaisir sexuel, grâce au réel assaut de Timoteo. Et quand le fils de l'aubergiste pouvait s'isoler avec lui, Giacomo le satisfaisait. Bien sûr, à présent qu'il était marié, Timoteo n'éprouvait plus la même urgence de le faire avec un garçon, mais le besoin subsistait et ressortait parfois. Et Giacomo, à ma place, était plus que désireux de le satisfaire

Lorenzo avait toujours été un très gentil garçon, aussi pour les sentiments. Il courtisait Giacomo avec peut-être même encore plus de détermination qu'il ne l'avait fait pour moi, mais avec la même tendresse. Sous certains aspects, Lorenzo et toi êtes semblables. Et puis vous avez le même âge.

Et donc, petit à petit, même, s'il était plus naïf que moi, Giacomo s'aperçut que Lorenzo lui faisait la cour. Et Lorenzo lui plaisait, à la fois physiquement et par sa personnalité. Peut-être à cause de sa candeur, Giacomo sentit en Lorenzo ce que je n'avais pas été capable de percevoir clairement, l'amour. Et ça le fascina.

Nous avons tous besoin de donner et de recevoir de l'amour. Giacomo comme tout le monde, peut-être parce qu'il vivait sa relation avec Timoteo avec du plaisir physique, mais pas de satisfaction. Bon, Timoteo avait toujours été gentil, mais parfois un peu rude, et Giacomo n'était pas habitué à la rudesse. Timoteo est le genre à prendre ce qui lui plait et à le garder précieusement.

Alors, un jour, après le travail, Lorenzo dit à Giacomo, "Je sais que tu ne te souviens pas de notre ancienne amitié..."

"Mais je sens que tu es un ami... même si j'ai dû te redécouvrir..."

"Oui, mais notre amitié était plus profonde que tu ne le penses... plus intime...

"Elle pourrait le redevenir, tu ne crois pas ?"

"Je l'espère...je..."

"Lorenzo, je me sens bien avec toi... J'aime quand tu m'attends la nuit le long de la route, comme maintenant."

"Oui, tu vois... c'était une nuit comme celle-là. Là, c'est le sentier qui mène à la chapelle Sainte Marie Madeleine... Tu m'y as conduis... il y a des mois..."

"Pourquoi ne m'y conduis-tu pas, alors ?"

"Veux-tu y venir ?

"Avec toi... Oui..."

Lorenzo le guida vers le muret de la chapelle. "On s'est assis là, comme maintenant..."

"J'aime bien, c'est tranquille."

"J'ai étalé mon manteau sur l'herbe, et puis... on s'est couchés dessus... Toi et moi... Il y a juste six mois..."

"On peut le faire..." dit Giacomo, imaginant ce qu'il voulait dire.

"Vraiment ?"

"Sûr."

Ils s'étendirent. Giacomo sur le dos, regardais dans les yeux Lorenzo, assis à côté de lui, qui se penchait vers lui.

"Et puis ?" l'encouragea Giacomo avec un sourire.

"Je peux t'embrasser ?" demanda Lorenzo avec une voix émue.

"Oui, bien sûr..."

Ils s'embrassèrent, Lorenzo se coucha sur Giacomo, le prit dans ses bras chacun sentit clairement l'érection de l'autre. Pendant un moment, ils restèrent ainsi, enlacés, immobiles, silencieux.

Puis Lorenzo commença à caresser le corps de Giacomo. Des caresses de plus en plus intimes et agréables. Giacomo frémissait comme une feuille sous une brise de printemps. Lorenzo se fit plus hardi et commença à ouvrir les vêtements de Giacomo, à dénuder son corps, il l'embrassa, le lécha, le caressa. Pour Giacomo, c'était quelque chose d'absolument nouveau, de splendide. Il se mit aussi à déshabiller Lorenzo.

Quand ils se furent mutuellement débarrassés de leurs vêtements, Giacomo qui sentait le désir brûlant de son compagnon, d'instinct, comme je l'avais fait six mois avant, se retourna pour s'offrir au jeune homme.

Lorenzo le fit se retourner de nouveau, "Tu ne te rappelles pas ? On l'a fait autrement, toi et moi..."

"Apprends-moi encore, s'il te plait..." lui dit Giacomo, frissonnant sous l'excitation et la douceur qui se dégageait du jeune homme.

Lorenzo le guida tendrement, et finalement commença à le pénétrer. Giacomo l'accueillit avec un pur bonheur. Il était si différent de Timoteo, et si beau ! "Ça," pensa-il, "c'est vraiment faire l'amour !"

Giacomo le sentit entrer petit à petit, avec une grande délicatesse, tout en continuant à se caresser et à s'embrasser mutuellement. Quand Lorenzo fut complètement en lui, il commença à bouger en lui avec une passion contrôlée. "Quelle différence avec Timoteo !" pensa Giacomo, complètement conquis. De plus en plus excités, ils restèrent unis pendant un bon moment, avec une passion croissante.

À un moment, Giacomo en extase murmura, "Je t'aime !"

Oui, Giacomo lui avait dit ces mots magiques que Lorenzo avait probablement attendus en vain que je lui dise... Ces mots jaillirent du cœur de Giacomo, et dès qu'il les eut proférés, il s'aperçut qu'ils étaient vrais et se sentit comblé. Pour Lorenzo aussi, certainement, ces mots furent comme un baume.

Plus tard, étendus, toujours enlacé, Giacomo dit à Lorenzo, "C'est vrai, tu sais... ?"

"Je t'aime aussi, Giorgio... Je t'aime aussi... Je ne te l'ai pas dit avant, parce que j'attendais que tu me le dises. Tu as perdu la mémoire mais... Sais-tu que tu me rends heureux ? Que je suis l'homme le plus heureux du monde ?

Ils parlèrent longuement, et se dirent sûrement des milliers de belles choses. Jusqu'à ce qu'ils doivent se séparer. Puis chacun rentra chez soi. Mais Giacomo était plein de joie mais avait le cœur lourd de devoir quitter celui qu'il appelait déjà, "mon homme".

Certainement, à un moment, il repensa à Timoteo, et sentit qu'il ne pourrait plus le refaire avec lui. Maintenant, il appartenait, corps et âme, à Lorenzo. Il ne pouvait aller avec personne d'autre. Je comprends parfaitement ce sentiment, parce que c'est ce qui s'est passé quand je suis tombé amoureux de toi; mon Gualtiero.

Pendant plusieurs jours, il n'y eut pas de problèmes. Giacomo et Lorenzo continuaient à se voir, chaque nuit, à échanger leur amour par des mots, des regards, leurs corps. C'était pour eux de plus en plus difficile de se séparer, de devoir attendre le lendemain pour pouvoir partager ces moments de douce intimité. Mais ils étaient heureux.

Et puis un jour, le désir pour Giacomo se réveilla en Timoteo, aussi l'appela-t-il dans le cellier sous un prétexte quelconque. Dès qu'ils furent seuls, Timoteo, sans plus de manières que d'habitude, prit Giacomo dans ses bras et entreprit de le déshabiller.

"Non, s'il te plait... Je n'ai pas envie..." dit Giacomo en se reculant.

"Ne sois pas bête ! Qu'est-ce qui t'arrive, d'un coup ?"

"Je ne peux plus faire l'amour avec toi, Timoteo."

"Ah bon ? Et pourquoi ?"

"Je suis amoureux..."

"Une fille ? C'est qui ?"

"Non, c'est un homme..."

Timoteo éclata de rire, "Allez, idiot, on ne tombe pas amoureux d'un homme ! Avec un homme on baise, et c'est tout. Tu peux baiser avec qui tu veux, si tu me laisses te baiser. Baisse ton pantalon, dépêche-toi !"

"Non..."

"Non ? Je vais te montrer si c'est non !" lui dit Timoteo.

Le jeune homme était fort comme un taureau et il prit bientôt le dessus sur le pauvre Giacomo.

"Laisse-moi ou je hurle !" dit Giacomo en dernière ressource.

"Essaye et je te tue ! Fais attention, je ne plaisante pas !"

Je ne pense pas qu'il l'aurait vraiment fait, mais Giacomo le crut. Alors il laissa Timoteo baisser son pantalon, le retourner et le prendre. Il pleura en silence. Giacomo me dit que Timoteo le prit avec encore plus de plaisir que d'habitude, probablement excité par le fait qu'il l'avait plié à sa volonté.

Au début, Giacomo pensa le dire à Lorenzo, mais il eut peur que cela ne rende son homme fou, et qu'il fasse quelque chose d'irréfléchi pour le protéger. Timoteo était vraiment bien plus fort que Lorenzo et dans une bagarre, il en était presque certain, Lorenzo aurait eu le dessous...

Alors, pendant un temps, Giacomo ne dit rien. Il se consola avec l'amour, la tendresse, l'affection que Lorenzo lui donnait. Et quand Timoteo lui demandait de venir avec lui, il le suivait avec résignation et le laissait faire son affaire. Mais en lui-même, Giacomo se sentait mal. Il était, il ne voulait être qu'à Lorenzo !

Un soir, après qu'ils aient fait l'amour, Lorenzo lui dit, "C'est trop dur pour moi de devoir te retrouver comme ça, la nuit, en coup de vent, et puis de devoir se séparer...

"Pour moi aussi... Je voudrais pouvoir être toujours avec toi...

"Ici, au village, c'est impossible. On se ferait prendre, dénoncer... Tu sais que la loi interdit à deux hommes de coucher ensemble. En plus, tu es encore mineur. Ils m'enverraient aux galères."

"Mais ce n'est pas juste !"

"Mais si... si toi et moi, on allait vivre ailleurs... On pourrait dire qu'on est deux frères, et personne ne trouverait bizarre qu'on vive ensemble... Ça ne serait pas merveilleux ?"

Pour Lorenzo, c'était un rêve, mais pas une proposition sérieuse, mais Giacomo commença à y réfléchir sérieusement. Oui, ça pourrait être la solution à tous ses problèmes. Timoteo ne pourrait plus rien exiger de lui, et ils vivraient ensemble, dans la même maison...

Quand, ce printemps-là, je revins au château, Giacomo me raconta tout et me parla de ce projet. J'étais content qu'il ait rencontré Lorenzo, et qu'ils soient tombés amoureux l'un de l'autre. J'avais un très bon souvenir de Lorenzo et, même si je n'étais pas amoureux de lui, il me plaisait beaucoup, je l'estimais et l'admirais. Il était complètement différent de Timoteo.

Je lui dis alors qu'il avait raison, et je l'encourageais. Je lui demandais de faire en sorte que je sache où ils allaient, pour que je puisse le retrouver en cas de besoin. Il me le promit.

"Au pire, je pourrai te laisser un message ici, dans la cabane de trappeur, je le cacherai ici, tu vois ? Mais je ne sais pas si Lorenzo est vraiment prêt à tout quitter pour m'emmener loin du village... J'espère que oui..."

De mon côté, je lui donnais toutes les nouvelles sur ma vie à la Cour.

Comme je restais encore quelques jours au château, je lui demandai de parler avec Lorenzo et de me faire connaître sa réponse.

Comprends-tu à présent pourquoi j'insistais autant pour aller seul à la cabane ? Je ne pouvais pas prendre le risque que tu nous entendes parler, tu aurais voulu savoir qui était l'autre... Par bonheur, tout s'est bien passé.

Giacomo discuta le sujet le soir même. "Quand tu m'as dit que ça serait merveilleux si on pouvait vivre ailleurs, ensemble, étais-tu sérieux ?"

"Bien sûr."

"Tu as une idée, d'où ? Comment ? Ta famille te laisserait partir ?"

"Ils ne peuvent pas m'en empêcher, je suis majeur. Bien sûr, ça serait un peu à l'aventure... Mais on pourrait y penser sérieusement, et je serais très heureux si je pouvais vivre avec toi, tu le sais...

"Fais-le, s'il te plait... faisons vite quelque chose. Je veux partir d'ici, vivre avec toi, n'être qu'à toi. Mais dépêche-toi, s'il te plait..."

"Bien sûr, mon amour... Je vais y penser sérieusement, alors." répondit Lorenzo, sentant à quel point Giacomo le lui demandait avec angoisse.

Même si Lorenzo cherchait vraiment une solution, ça prit un bon moment. Ses parents ne firent pas d'objections quand il leur dit qu'il voulait partir à la ville pour y chercher du travail. Ils voulaient seulement qu'il aille chez des parents, mais Lorenzo insista pour faire les choses pas lui-même.

Je revins avec toi à la capitale. Je repensais à Giacomo et Lorenzo en me disant que ça devait être beau d'être amoureux. La lumière que j'avais vue dans les yeux de Giacomo m'avait fait réfléchir. Oui, faire l'amour avec l'homme qu'on aime, devait être particulièrement beau, à en juger de l'expression de Giacomo.

Nous rentrâmes au Palais, retrouvant notre vie habituelle. Je préférais vraiment les périodes au château, où j'étais plus libre, plus près de la nature. Te rappelles-tu que je te l'avais dit ? C'est alors, je pense que les choses ont changé entre nous, imperceptiblement.

"Vous n'êtes pas heureux, c'est ça ?" m'as-tu demandé.

"Pas complètement, c'est vrai... C'est comme s'il me manquait quelque chose."

"Oui, je le sens, et j'en suis désolé."

"Surtout, je n'ai pas d'ami... un vrai ami, à qui je puisse tout dire sur moi, tous mes secrets... Les plus petites choses... Etre certain qu'il me comprenne. Tu es pour moi ce qui ressemble le plus à un ami, mais tu vois, nous ne nous sommes pas choisis, nous nous sommes trouvés pas chance... tu en as reçu l'ordre, et moi... et puis tu me dis vous..."

"C'est l'étiquette qui le veut. Oui, c'est vrai, je suis ici par ordre, parce qu'ils m'ont désigné, les autres, pas vous. Mais je suis content d'être à vos côtés. Maintenant que je vous connais, je vous choisirais..."

"Tu veux dire, comme ami ?"

"Oui."

"Même si au lieu d'être le Prince, j'étais un misérable vaurien ?"

"Si je vous avais rencontré et que j'avais pu vous connaître, même comme un vaurien, je vous aurais volontiers offert mon amitié." as-tu répondu.

J'ai senti que tu étais sincère. Et je me rappelle très bien qu'à cet instant, je me suis demandé, "Que préfèrerais-tu que Gualtiero soit pour toi, un ami ou un amant ? Et je me suis répondu, "Les deux, ça serait merveilleux."

"Un ami, comme je le conçois, c'est quelqu'un pour qui tu n'as pas de secrets. Tu sais si peu de choses sur moi;" ai-je dit, en pensant au fait que je n'étais pas le vrai prince, et aussi au fait que je te voulais.

Tu as souri (ah, ton sourire !) et dit, "Ce sont des choses qu'on construit petit à petit. C'est un but... pas un point de départ..."

C'était une claire invitation à commencer... Tu ne pouvais évidemment pas pousser plus loin. J'étais toujours ton prince et toi mon ordonnance. Le "vous" que tu utilisais en était l'évident symbole.

"Certaines choses... sont difficiles à dire. Et d'autres sont dangereuses." t'ai-je dit en pensant à mes deux grands secrets.

"Les choses difficiles doivent attendre le bon moment... pour les choses dangereuses, il faut attendre d'être sûr que les mains dans lesquelles on se place ne font pas courir de risque... Ce n'est que quand on connaît l'autre suffisamment que..."

"Alors, petit à petit, on peut... se découvrir devant l'autre. Mais il faut commencer... par où ?"

Je voulais vraiment commencer avec toi. Tu m'attirais de plus en plus. Mais mes deux secrets étaient trop gros...

Je décidais de faire un premier petit pas, "Je me sens si bien avec toi..."

"J'en suis heureux. Moi aussi je me sens bien avec vous..."

"Tu me plais." lui dis-je.

"Vous me plaisez aussi, beaucoup..." as-tu dit et tu as rougi.

Ça a été pour moi comme un signal. Tu n'aurais pas rougi si tu avais seulement voulu dire que je t'étais sympathique, ai-je pensé.

"Et aussi ton allure... le soir, quand tu te déshabilles, derrière le paravent, j'aime t'espionner... Je voudrais qu'il ne soit pas là..."

Tu n'as pas répondu. Je me suis demandé si je n'avais pas fait un faux pas, en te parlant comme ça.

Mais tu as fait le second pas, "Moi aussi, je vous regarde avec plaisir quand vous vous déshabillez. Et parfois j'envie le valet qui vous aide pour le bain..."

"Tu l'envies ? Vraiment ?" te demandais-je, un peu étonné, mais heureux de ce que cela impliquait.

Tu as encore rougi, mais moins que la première fois. Tu as juste hoché la tête.

"Pourquoi ?" t'ai-je alors demandé.

"Parce que vous êtes si beau !" as-tu murmuré.

C'était comme un jeu, où nous nous découvrions en face l'un de l'autre, toujours prêt à une retraite stratégique, mais nous exposant un peu plus à chaque pas.

"Toi aussi, tu es beau..."

Nous n'avons rien fait de plus en cette occasion. Mais ce n'était qu'une question d'heures. En fait, le même soir, quand tu t'es déshabillé pour dormir, pour la première fois, tu n'es pas allé derrière le paravent. Quand, nu, tu t'es tourné vers moi, je te regardais, je me suis senti terriblement ému. Tu t'étais déshabillé pour moi... Je voulais t'appeler, mais je n'en avais pas la force. Tu as passé ta longue chemise de nuit, m'as souhaité bonne nuit, as soufflé la lampe et tu t'es glissé dans ton lit.

J'étais excité. L'image de ton corps nu flottait encore devant mes yeux. Tu étais réellement merveilleux. Plusieurs fois, j'ai voulu t'appeler, te demander de venir à moi, mais je n'ai pas osé. Peut-être parce que toi, contrairement aux autres, était déjà si important pour moi ? Peut-être que de toi, même si je ne le percevais pas clairement, je ne voulais pas seulement ton corps ?

Le nuit suivante, tout se passa de la même façon. Mais quand tu fus nu, cette fois je pus te poser une question. T'en souviens-tu ? Oui, exactement.

"Pourquoi portes-tu cette chemise ?"

Et tu m'as demandé, avec un sourire provoquant, "Et pourquoi mettez-vous la vôtre ?"

"C'est vrai... Viens et retire la-moi, alors..." en me relevant et en quittant mon lit.

Et tu es venu. Et tu m'as retiré ma chemise de nuit. Et tu as caressé légèrement mes côtés. Je me sentais mourir d'émotion. Et puis j'ai remarqué ta belle érection. Quand je t'ai regardé de nouveau dans les yeux, tu m'as souri. Sans dire un mot. J'ai senti ta main glisser légèrement sur ma peau, se dirigeant lentement vers.. Je pouvais la sentir approcher de son but, c'était l'affaire d'un instant, mais il me sembla durer une éternité.

Et puis il y a eu cet incroyable choc du contact, si léger, de ta main sur mon érection.

"Pourquoi tremblez-vous?" m'as-tu gentiment demandé.

"Parce que je te désire..." ai-je répondu, comme en transe.

"Je suis là... pour vous..."

"Pour moi ?"

"Oui... pour toi..."

Nous n'avons pas dit un mot, nous n'en avions pas besoin. Nos corps parlaient pour nous dans un dialogue fascinant et passionné. Oui, certainement, cette première longue nuit fut splendide, mais je ne peux pas dire que ce soit la meilleure. Nous en avons eu beaucoup après, aussi et même plus belle que la première, non ?

Non, je dois te le confesser, ce ne fut pas immédiat. J'étais en extase, mais je n'avais pas réalisé que j'étais amoureux de toi, que ce que je ressentais était de l'amour. Et puis, même si j'ai honte de l'admettre, au début j'ai juste pensé que j'avais trouvé un nouvel amant, un nouvel homme, un de plus, même si c'était le meilleur. En fait, je n'ai pas immédiatement cessé avec Manfredo et Ermanno. Même si, et tu dois me croire, se sentais de plus en plus la différence entre ces relations. Je m'apercevais, petit à petit, que tu me donnais bien plus que les autres.

Et puis tu ne savais pas, à cette époque, pour les deux autres. Non, c'est bien deux, parce qu'à cette époque Fabiano me lavait juste, rien de plus. Nous ne faisions plus rien d'autre dans le bain, je te l'ai dit.

Le fait qu'à présent tu passais toutes tes nuits dans mon lit, et que nous faisions l'amour avec tant de passion, raréfia mes rencontres avec les deux autres Oui, tu me donnais bien plus que les autres et pas seulement au niveau physique, qui était aussi magnifique avec toi. Qui est magnifique avec toi.

Mais le fait que je puisse faire l'amour avec toi, après l'avoir désiré si longtemps, et en toute sécurité avait sur moi un autre effet. Le désir croissant de pouvoir te dire vraiment tout de moi. Surtout quand je me suis aperçu, petit à petit que je tombais amoureux de toi, et que ce que tu me donnais de plus, c'était justement ton amour.

Je voulais pouvoir être aimé comme Giorgio, et non comme Giacomo. Et alors j'ai commencé à vouloir reprendre ma place, rentrer dans mon village. Mais voudrais-tu me suivre, moi un petit campagnard ? Renoncerais-tu à ton prestigieux rôle à la Cour, à ta vie confortable, à tout ? Je pensais encore à Lorenzo et à Giacomo. Giacomo accepterait-il de reprendre sa place à la Cour ?

Et puis comment te dire que je n'étais pas le Prince ? M'aurais-tu cru, d'abord, m'aurais-tu aimé de la même façon, m'aurais-tu accepté ? C'est sûr, je sais que tu m'as dit que même si j'étais un vaurien... Mais on dit parfois des choses en l'air, et même en y croyant, alors qu'en réalité...

Mais je me sentais de plus en plus mal à l'aise dans mon rôle de prince. Je voulais reprendre ma propre vie. Mais si je te perdais ? Je trouvais la réponse un soir, presque soudainement. Bien sûr, je tenais à toi plus qu'à tout, mais à ce toi qui m'aimais vraiment, et que donc tu devais accepter le vrai moi.

Pour le dire avec tes mots, j'ai compris que je devais prendre le risque de me remettre entre tes mains. Si tu étais ce que je pensais, je ne courrais aucun risque, et si tu ne l'étais pas... Il n'y avait pas de meilleure manière de le savoir.

Ce n'est certainement pas une étape que j'ai franchie le cœur léger. Et puis tu t'es aperçu que je passais un moment difficile. Tu es devenu plus tendre, plus doux, plus attentionné si c'était possible. Et c'est ce qui m'a décidé à faire ce dernier pas.

J'ai décidé de le faire au château, à deux pas de mon petit village. Je me sentais plus sûr, plus dans mon élément.

Mais d'abord, je dis à Manfredo et Ermanno que nos rencontres, qui étaient déjà moins fréquentes, devaient cesser complètement. Je t'ai déjà fait part de leurs réactions. Pour moi, ce pas m'a soulagé, j'étais plus libre, plus heureux. J'étais à présent à toi, et seulement à toi. À présent je pouvais comprendre ce que Giacomo entendait par appartenir uniquement à son Lorenzo, même si la situation était différente.

À l'arrivée au château, dès que j'ai pu, je suis allé à la cabane. Il y avait un message de Giacomo. Ils étaient partis vivre à la ville, ensemble, depuis à peu près un mois, et il me donnait le moyen de le retrouver. Comme il ne savait pas encore où ils vivraient ni ce qu'ils feraient, il irait tous les dimanches à la messe de dix heures à la cathédrale. Il serait sur le dernier banc de la rangée de droite. En cas de problème, je pouvais le rencontrer ou lui faire passer un message.

Alors, le message de Giacomo dans la poche, je t'ai fait appeler.

J'ai eu un petit moment de panique, et puis je me suis lancé, "Gualtiero, je dois te raconter une histoire."

"Oui ? Elle raconte quoi ?"

"C'est l'histoire d'un prince... dans un petit royaume dans les montagnes... Ce prince n'était pas heureux d'être prince. Il se sentait comme prisonnier, à la Cour. Il rêvait de fuir... Mais il savait qu'on ne le lui permettrait pas. Mais les rêves, comme tu le sais, sont durs à mourir. Alors, un jour d'automne..."

Je t'ai raconté l'histoire de ma rencontre avec Giacomo, de l'échange de nos rôles, comment j'étais tombé amoureux... Sans dire de noms, mais, comme l'histoire avançait, il était clair que tu avais compris... Tu m'écoutais sans m'interrompre, et je t'en étais gré. Tu m'écoutais sans t'énerver, et je t'en étais gré également.

" ... alors à présent, le faux prince, voudrait retourner à sa vie antérieure, mais il ne veut pas perdre son aimé. Alors que devrait-il faire, à ton avis ?" ai-je conclu en te regardant dans les yeux.

Ton sourire m'a un peu rassuré. Il m'en avait coûté de te dire tout ça, même au travers de cette fable transparente.

"Une intéressante histoire... Si incroyable qu'elle pourrait même être vraie... Si j'étais le chevalier de cette fable, je dirais à mon aimé que je suis prêt à tout ce qu'il me demanderait..."

"Tout ? Même d'aller vivre comme deux simples villageois ?"

"Oui, même... Je suis vraiment amoureux de ce jeune homme qui est maintenant devant moi, quels que soient ses habits, son nom, qui qu'il puisse être... Et quel est ton vrai nom, d'ailleurs ?"

"Giorgio..."

"Un beau nom... Tu voudrais que je te dise comment t'en sortir ? Parce que maintenant, tu voudrais en sortir, c'est ça ?"

"Si c'est avec toi, oui."

"Tu as raison. Comment pouvons nous en sortir ? D'abord, voir si le Prince Giacomo est d'accord pour revenir à la Cour, ou alors... S'il ne veut pas revenir, tu ne peux rien faire que te résigner... Oui, c'est vrai, tu pourrais raconter à toute la Cour ce que tu viens de me dire, mais... te croiraient-ils ? Ne croiraient-ils pas que tu es malade, que tu es devenu fou ?"

"Mais toi, tu m'as tout de suite cru..."

"Parce que je t'aime, et que, même si je ne connaissais pas toute l'histoire, je te connais... Non, ils ne te croiraient pas. Donc pour commencer, nous devons savoir si le prince est d'accord pour reprendre sa place."

Je t'ai tendu son message et tu l'as lu.

"Très bien, dimanche matin, j'irai le voir. Tu ne peux pas venir avec moi, tu le comprends bien. Et puis, personne ne doit vous voir ensemble. J'irai à la Cathédrale. Je parlerai avec lui. Et nous verrons... S'il est d'accord pour revenir à la Cour, nous trouverons un plan pour faire l'échange. Mais ça va lui poser des problèmes. Sinon... Je resterai près de toi dans cette cage dorée. Un jour, tu deviendras Roi... Mais moi, tant que tu me voudras à tes côtés, je ne t'abandonnerai pas, c'est sûr."

À ce moment, je me suis senti follement amoureux de toi. Parce que j'avais compris que si tu avais été capable de tout accepter sans montrer de stupeur, de confusion, d'incrédulité, c'est grâce à la force de ton amour pour moi.

Et puis, peu de temps après, pendant qu'on faisait l'amour, pour la première fois, tu m'as appelé Giorgio et je me suis senti au septième ciel.

Dimanche est arrivé et toi, portant des vêtements ordinaires, tu es allé à cheval pour voir Giacomo. Pour moi, ce furent des heures d'attente anxieuse. J'essayais d'imaginer ce que Giacomo pouvait te dire, et toi, ce que tu lui disais... Ce que serait sa réponse. Le fait que tu aies mis longtemps à revenir me fit craindre des difficultés, voire même un refus abrupt de Giacomo.

Ce n'est pas que je n'ai pas eu confiance en ta capacité de persuasion. Mais je savais que Giacomo aimait sa nouvelle vie plus que je n'aimais la mienne, et j'avais peur qu'il ne veuille pas entendre raison.

Enfin, je t'ai vu revenir. Je regardais ton cheval entrer dans la cour du château, je te vis passer la porte, et j'ai couru vers toi, plein d'angoisse. Ton expression m'a rendu espoir. Et puis tu m'as raconté. Comment tu avais reconnu Giacomo et tu t'étais présenté à lui, comment tu lui avais donné mon message. Comment il avait répondu qu'il pouvait rentrer à la Cour, si c'était mon désir, mais qu'il était à présent lié à Lorenzo, et que donc il devait donc d'abord lui demander ce qu'il voulait faire. En fait, si Giacomo revenait à la Cour, pour Lorenzo et lui, la liberté de vivre ensemble serait terminée. Lorenzo n'accepta pas l'histoire avec la même simplicité que toi, n'est-ce pas ? Mais à la fin, lui aussi se rendit.

Connaître la vérité fut certainement pour Lorenzo un coup dur. Il avait vécu tout ce temps avec le Prince Hériter ! Et surtout, il risquait maintenant de perdre le garçon qu'il aimait. Oui, tu as raison, Lorenzo fut héroïque dans son amour.

Nous décidâmes où et comment faire l'échange. Dans la cabane de trappeur, absolument. Tu resterais aux cotés du Prince un moment, pour l'aider à se réinsérer dans sa vie. Il avait soudain retrouvé la mémoire, oui, c'était la chose la plus simple à dire... Ce fut dur pour moi de me séparer de toi, même seulement pour quelques mois, mais je devais ça à Giacomo. Lorenzo voulut venir dans la cabane pour l'échange. Je rentrais avec lui à la ville, t'attendant. Et puis nous déciderions ensemble où aller, quoi faire...

Quand nous fûmes tous dans la cabane, avec seulement toi à la porte à faire le guet, ce fut pour moi un moment émouvant. Revoir Lorenzo, échanger mes vêtements avec ceux de Giacomo, nous dire adieu, prendre avec Lorenzo le sentier vers la forêt pendant que Giacomo et toi, vous rentriez au château...

Lorenzo et moi étions tous deux plongés dans de douloureuses pensées, alors, tout au long de la route, nous n'avons rien dit. Je me demandais combien de temps je devrais t'attendre... Nous avions parlé d'un mois... Combien durerait ce mois ? Mais c'était certainement encore plus dur pour Lorenzo. La scène de leurs adieux avait été déchirante par sa simplicité, sa dignité. Si je me sentais si mal pour une séparation d'un mois, comment pouvaient se sentir Giacomo et Lorenzo ? Tu pouvais passer cette période pour aider Giacomo, te retirer et revenir vers moi. Mais ce n'était pas si simple pour Lorenzo de revoir Giacomo. C'était presque impossible. Même si Giacomo venait souvent au château, ils auraient peut-être des rencontres furtives dans la cabane, mais elles seraient certainement séparées de longues attentes.

Je m'aperçus que je demandais beaucoup à Giacomo, pour mon propre bonheur. Et que j'avais de la chance que Lorenzo ait été d'accord.


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