LES HUIT LIVRES DU COLLIER D'OR |
HUITIÈME LIVRE OÙ ON EXPLIQUE COMMENT AMI RESTE FIDÈLE À CIEL, ET COMMENT IL EST PROMU PREMIER CONSEILLER DE L'EMPIRE. L'EMPEREUR GAGNE UN FIDÈLE AMANT |
"Tu ne dois pas me demander pardon, Seigneur. Tu es la Loi." "Un bon souverain est celui qui donne des ordres avisés. Je n'ai été ni un bon souverain ni un bon amant. Mais moi, Ami, je t'ai toujours aimé. Je t'aime encore. Reviens-moi. Tu seras de nouveau à l'honneur, et même plus qu'avant. Et quoi qu'il arrive, je te croirais, tu as ma parole. Reviens avec moi, Ami. Ce n'est pas l'Empereur qui te le demande, c'est Puissant." "Je ne peux pas, pardonne-moi. Ciel m'aime, je l'aime. Je ne peux pas le trahir, le laisser. Je ne pourrais jamais. Pardonne-moi." "Te pardonner ? D'être fidèle ? Fidèle jusqu'à me demander de te tuer ? Non... Je t'aime, Ami, et je t'admire. Si je ne peux t'avoir plus comme mon amant, je te veux encore comme mon Conseiller. Reviens à la cour, avec Ciel, évidemment. Tu seras mon premier conseiller. J'ai besoin de gens comme toi à mes côtés." "Seigneur... Seigneur... ne me donne pas des ordres auxquelles je ne peux obéir. Ciel aime cet endroit. Si je le lui demandais, il accepterait par amour, mais je sais qu'il ne serait pas heureux et je veux que son bonheur. Je ne peux pas lui demander ça. Ne te mets pas en colère Seigneur, mais je dois te dire non." L'Empereur rit. "Ami ! Sais-tu que tu es le seul être vivant qu'il ait eu le courage de me dire non trois fois ? Que ton amour pour Ciel doit être fort ! Je l'envie. Je ne te ferai plus de demande qu'il te faille refuser. Voilà, prends, je te donne mon collier et je te nomme Premier Conseiller de l'Empire. Non, attends. Tu resteras ici. Si j'ai besoin de toi, je te le ferai savoir et, dans ce cas, je te prie de venir quelques jours à la cour, avec Ciel. Ça, au moins, tu pourras le faire, non ? Et maintenant, donnes-moi de quoi écrire, je dois laisser une lettre pour Ciel. Je resterai dîner avec toi, et puis je retournerai au camp où ma cour doit s'inquiéter pour moi." "Tu ne restes pas dormir ici, Seigneur ?" "Non. Je te désire trop, je ne voudrais pas venir t'importuner pendant la nuit. Même un empereur est un homme faible, pour certaines choses. Donnes-moi de quoi écrire, maintenant." L'Empereur s'assied à la table et écrit une longue lettre, la plie et y appose son sceau. "Voilà, c'est pour Ciel, donne-la-lui lorsqu'il reviendra. Et maintenant, j'espère que le dîner est prêt, j'ai vraiment faim !" dit-il gaiement. Ils mangent le bon repas que Don et Midi leurs servent, puis l'Empereur se change de nouveau, rendant ses vêtements à Ami. Il le salue et sort de la maison, accompagné jusqu'au bord de la forêt d'Ami, de Don et de Midi qui se prosternent à terre pendant qu'il s'éloigne. Quand, quelques jours après, Ciel revient, Ami lui raconte en détail l'inattendue visite de l'Empereur, et lui tend la lettre. Ciel l'ouvre et la lit à haute voix. "À Calme Ciel D'Automne du peuple du Soleil, de la famille de l'Aigle, mon cousin, salut et paix sur ta maison. En ton absence j'ai eu l'occasion de visiter ta maison et ton amant, Dernier Ami de la Lune m'a accueilli. Le revoir et me sentir attiré par lui n'a pris qu'un instant. Je lui ai demandé de s'allonger avec moi. Il a refusé car il t'aime. Je t'envie, cousin. Tu as l'amant idéal, que j'ai laissé échapper par mon aveugle et stupide jalousie. J'ai compris que j'ai eu tort de ne pas l'voir cru à l'époque, j'ai compris que j'ai eu tort de lui demander de revenir avec moi en sachant qu'il est ton amant. Pour ça, je te demande pardon. J'ai appris des choses importantes, dans ces quelques heures dans ta demeure, grâce à ton Ami. Garde-le précieusement. Je l'ai nommé Premier Conseiller de l'Empire. Je te tiens responsable de son salut, de son bonheur, de sa vie. Parfois, je vous ferai mander à la cour, lorsque j'aurai besoin de conseils. Et il n'est pas dit que je ne vienne pas chez vous, maintenant que je sais où vous vivez. J'enverrai l'édit de nomination, et tous les ans j'enverrai la rente qui revient à Ami pour sa nouvelle charge. Quoi qu'il vous manque, faite-la-moi connaître, je suis prêt à vous le donner. Je te salue, cher cousin. Que les dieux vous assistent et vous bénissent comme moi je vous bénis." Ciel s'incline devant à Ami. Celui-ci se met à rire. "Que fais-tu ?" "Te rends-tu compte qu'après l'Empereur, tu es à présent devenu la personne la plus important de l'empire ?" "Je croyais déjà l'être, pour toi." "Pour moi, mon amour, tu es plus important que l'Empereur en personne. L'ignorais-tu?" "Si, je le savais. Merci." "Merci à toi. Montre-moi donc le collier que t'a offert l'Empereur, maintenant." "Le voilà." "Il est très beau. C'est le collier qu'il mettait pour la fête de la récolte. C'est un don important. Personne n'a un collier ainsi beau." "Il est à toi." "Non, Amour, tu ne peux pas offrir un cadeau de l'Empereur, l'as-tu oublié ? Il est à toi. Tu es le seul à pouvoir le mettre. Et puis, je n'en ai pas besoin, j'ai mieux." "Tu ne me l'as jamais rien montré, de quoi s'agit-il ?" "De toi." dit Ciel en le prenant dans ses bras et en l'embrassant. À fin de l'été arrive un message de l'Empereur, qui apporte la lettre de nomination, accompagné d'esclaves qui portent la rente annuelle promise, des dons variés et l'invitation à descendre à la capitale pour la fête de la Nuit qui Avance de l'Équinoxe d'automne. Ils décident d'y aller. Ils mettent leurs plus beaux vêtements et Ami met le collier d'or reçu de l'Empereur et les insignes de Premier Conseiller. Don porte l'ombrelle d'honneur, Ciel l'armure et les armes. Le petit groupe est imposant. Au village d'abord, à la ville ensuite, tous se prosternent sur leur passage et le chef de la ville les fait escorter jusqu'à la capitale par une escouade d'honneur d'hommes armés. Ami fait son entrée dans le palais impérial et tous s'inclinent profondément sur son passage. Et finalement il est en présence de l'Empereur, dans la grande salle des audiences publiques. Ami avance, entre deux haies de nobles et de guerriers profondément inclinés, jusqu'à l'Empereur qui le fait s'assoir à sa droite. Ciel est resté parmi les nobles. Ils restent les hôtes du palais impérial pour les trois jours de la fête, puis, après un long entretien avec l'Empereur, ils rentrent vers leur maison dans la montagne. Pour le retour, Ami a préféré revêtir des vêtements normaux, alors ils sont passés par la maison du père de Ciel pour se changer et là, ils ont rencontré Beau Charmant, Lièvre, Fleur et Gazelle. Et finalement ils reprennent avec Don et Midi la route du retour. À la nuit, aux portes de la petite ville, Ami entend un léger bruit. En pensant que c'est un animal, il cherche du regard et il reconnaît le panier des enfants abandonnés. Il s'approche et se penche. C'est un bébé enveloppé dans une couverture qui le regarde en souriant. "Hé, un enfant abandonné ! Regarde Ciel, c'est un garçon. On le prend ?" "Le veux-tu ?" "Oui... C'est la lune ! Nous l'appellerons Premier Ami de la Lune de la Nuit Qui Avance." "Et comme l'appellerons-nous ? Ami, comme toi ?" "Non, Premier. Regarde son sourire. Il est beau, pas vrai ?" "Oui, mon amour. Nous l'élèverons, je lui enseignerai à combattre, toi à lire et à écrire et nous le préparerons pour l'école impériale." "Voilà ! Nous le ferons croître fort et beau, sage et bon." Heureux, ils s'arrêtent pour la nuit à l'auberge et le matin suivant, ils montent à leur maison, après s'être arrêtés au village pour acheter des langes et de la nourriture appropriée au petit. L'hiver arrive0 et ils s'enferment dans la maison. La présence de Premier les absorbe beaucoup et ajoute du bonheur à leur bonheur. Le petit est vif mais tranquille et ne leur donne pas de problèmes. Ils le baignent avec eux, et Premier montre qu'il aime beaucoup en poussant des rires heureux. Don et Midi aussi s'attachent beaucoup à Premier, qui ne reste jamais seul. Le printemps revient et Premier fait ses premiers pas à quatre pattes. Il reconnaît les voix, et lorsqu'ils l'appellent, il se tourne en faisant un grand sourire et en gigotant joyeusement. Ami est parfois convoqué à la cour et s'y rend promptement, mais il rentre toujours le plus vite possible. Les amis, ayant appris pour Premier, montent le voir, et apportent des cadeaux pour le petit, que Ciel a fait inscrire dans la famille de l'Aigle. À fin du printemps l'Empereur aussi monte chez eux et s'arrête pour quelques jours. Il s'amuse beaucoup à prendre Premier dans ses bras et à jouer avec lui. "Je me sens bien ici avec vous, je devrais venir plus souvent. Il fait bon dans votre maison. C'est l'amour. Aurais-je encore l'amour que j'ai laissé échapper ?" demande-t-il à Ciel. Ce dernier lui sourit. "Je te souhaites que tu le trouves." "Ce n'est pas si facile. Je suis toujours entouré de courtisans obséquieux et pourtant je suis toujours seul. Mais ici, chez vous, je ne me sens pas seul. Je ne trouverai jamais quelqu'un qui sache voir l'homme en moi, l'homme avant l'Empereur, le dieu sur terre ! C'est difficile. Parfois je pense que je voudrais tout laisser, venir vivre ici, avec vous, mais je ne peux pas. Je suis prisonnier de ma... de ma puissance." "Puissant est ton nom. Il y a, dans le nom d'un homme, son destin, en quelque sorte." lui dit Ami avec douceur. "Alors je voudrais m'appeler Brin d'Herbe... ou Ecureuil..." dit l'Empereur avec tristesse. Ami sort de la chambre et revient peu après avec quelques vêtements qu'il a empruntés à Don. "Mets ça, Puissant, essaye de devenir Ecureuil pour quelque jours." "Tu crois ? Pourquoi pas ?" dit-il en se levant et il se change. "Et maintenant ?" "Et maintenant tu viens avec moi." "Où allons-nous ?" "Dans la vallée voisine. Nous y passerons quelques jours. Toi et moi, nous serons les esclaves d'un simple noble. Nous irons nous saouler dans les tavernes, jouer à la coquille ou au tir-au-caillou. Viens-tu ?" Ils partent avec un peu de nourriture. Ils arrivent dans la vallée au-delà de la crête, descendent au village qu'ils ont vu d'en haut et cherchent la taverne. Ils entrent et y commandent des boissons. C'est la première fois que Puissant met le pied dans un endroit de ce genre et il regarde autour de lui, intrigué. Un homme les apostrophe. "D'où venez-vous et où allez-vous ?" Ami répond en inventant. "Et quel travail faites-vous ?" "Nous sommes les esclaves d'un Seigneur." "Il a plus l'air d'un soldat que d'un serviteur." "Oui, il était soldat. Mais il s'est fatigué de la vie de caserne. Il se sent mieux chez notre maître, maintenant." "Pourtant on dit que les soldats ont la belle vie..." "Oui, quand ils ne font pas trop de dettes." dit Ami. "Mais ton ami ne sait pas parler ?" "Si, bien sûr..." dit Puissant. "Puis-je vous offrir une tournée ?" "Oui. Merci." L'homme appelle le serveur et lui demande une amphore de bière. Le serveur regarde Puissant avec intérêt. "Hé..." dit l'homme à voix basse à Ami, "le serveur semble attiré par ton ami. Si les garçons lui plaisent, celui-là est prêt." "Je crois que oui, mais je ne sais pas s'il est son genre." répond Ami. "Qu'est-ce que vous racontez, tous les deux ?" demande alors Puissant. "Rien..." dit Ami. "Dis-lui." dit l'homme avec un sourire malicieux. "Quoi ?" insiste Puissant intrigué. "Il dit que tu sembles intéresser le garçon qui nous a apporté la bière et que s'il te plait..." Puissant se tourne pour regarder le garçon et voit qu'il le regarde du coin de l'œil. "Non, il n'est pas mon genre. Trop jeune et trop efféminé." dit Puissant. "Et c'est quoi, ton genre ?" demande l'homme amusé. Puissant montre Ami. "Comme lui, dommage qu'il ne veuille pas." dit-il avec un sourire malicieux. "Ah, tu les veux plus mûrs ? Alors, il y a l'autre serveur, Fidèle. Veux-tu que je le fasse venir ?" "Mais pourquoi as-tu tellement à cœur que je trouve un garçon ?" "Ici au village, nous sommes hospitaliers avec les étrangers. Tu ne penses quand même pas que je joue les entremetteurs ?" dit l'homme d'un air offensé. "Non, excuse-moi, c'est seulement que je n'ai pas l'habitude." "Pourquoi ? Tu ne me feras pas croire que tu n'es jamais entré dans une auberge ou dans une taverne pour chercher une fille ou un garçon, surtout quand tu faisais le soldat !" "Je n'aurais pas cru que même dans les petits villages..." bégaye Puissant confus. "Ici, au moins, ils ne le font pas pour avoir un cadeau, c'est de la vraie hospitalité. Mais tous les taverniers et les aubergistes ne prennent que du personnel disponible, pour développer les affaires. Les villages ne sont pas différents de la ville. On voit que vous n'avez pas trop voyagé, tous les deux. Alors veux-tu que je le fasse venir Fidèle ou pas ?" "Et bien..." dit Puissant incertain. Ami s'amuse de la confusion de Puissant. L'homme appelle Fidèle. C'est un garçon dans les vingt ans, d'une beauté douce mais virile. Ami voit que Puissant est attiré par le jeune homme. "Tu t'appelles Fidèle ?" "Oui." "Un beau nom, l'es-tu vraiment ?" lui demande l'Empereur. "Si je ne l'étais pas, ce ne serait pas à moi de te le dire, non ?" répond le jeune avec un sourire amusé. Ami et l'homme rient et peu après Puissant aussi se joint à eux. "En quoi puis-je être utile ?" demande le jeune homme. L'homme fait un signe de la main, comme pour dire que ce n'est rien d'important. "Je voulais juste te faire connaître ces deux voyageurs. Ils resterons ici cette nuit." "Ah, je comprends. J'espère qu'ils se reposeront bien. Si vous aurez besoin de moi..." dit le jeune et il s'en va, mais après avoir lancé à Puissant un éloquent coup d'œil. "Oui, ton ami l'a frappé. En effet, il est bel homme, il pourrait passer pour un noble." dit l'homme. Ami se met à rire. "Noble, lui ? Oui, il sait imiter les belles paroles des nobles, mais..." L'aubergiste avertit qu'il ferme, l'homme les salue et sort. Ami et Puissant montent dans la chambre commune où ils s'étendent sur deux lits voisins. Puissant lui chuchote. "Tout est si étrange, si nouveau pour moi. Mais ici aussi, il y a comme un protocole, mais si différent de celui du palais. Comment fait-on par exemple quand on veut un garçon ?" "On le dit à l'aubergiste et il s'en occupe." "Vraiment ? C'est tout ?" "Oui. Voudrais-tu aller demander Fidèle ?" "Et bien..." "Il te plaît ?" "Il m'attire..." "Et alors, vas-y, avant qu'ils ne se couchent..." lui dit Ami. Puissant se lève et descend de nouveau. Ami ne le voit pas remonter et même lorsqu'il se réveille le matin suivant, Puissant n'est pas encore revenu. Ami descend. Après peu il voit arriver Puissant. "Alors ?" lui demande-t-il vite puis il voit aussi arriver Fidèle qui se met au travail. "J'ai passé une nuit incroyable. Ce garçon est chaud comme un après-midi d'été. Nous n'avons pas beaucoup dormi, cette nuit. J'avais du mal à me rassasier de lui... Il sait vraiment faire, il sait réveiller et satisfaire les instincts d'un homme..." "Bon. Alors, que faisons-nous ? Veux-tu que cherchions un autre village ?" "Non, j'ai promis à Fidèle que cette nuit j'irai encore avec lui." "Alors tu lui as plu également." "Pourquoi ? En doutes-tu ?" demande malicieusement Puissant. "Non... Il t'a beaucoup plu, alors." "Il est... je ne sais pas quoi dire, une force de la nature. Tu le vois si tranquille, si calme. Au lit il est complètement différent. Il te fait sentir désiré, important, il te fait sentir l'homme plus sensuel de la terre. En est-il ainsi avec tous ?" "Qu'en penses-tu ? T'a-t-il demandé de rester ?" "Oui..." "Alors..." Durant la journée ils vont se promener et bavardent avec les gens du village. Puissant est fasciné par mille choses. "Je ne savais pas que mon peuple vivait ainsi. Je devrais me promener plus souvent vêtu en esclave, en me faisant appeler Ecureuil." "C'est ce que tu as dit à Fidèle ? Que tu t'appelle Ecureuil ?" "Oui." "Alors moi aussi, je dois t'appeler comme ça." "Evidement. Et j'aime ce nom, plus que le mien." Le soir, après la fermeture, Puissant se retire de nouveau avec Fidèle. Le matin suivant, il dit à Ami. "Il m'a demandé de rester encore. Je lui ai dit que je ne pouvais pas et il m'a demandé si je reviendrai encore ici. Je lui ai dit que je ne savais pas. Il m'a semblé peiné." "Tu voudrais revenir ?" "Oui. Je lui plais, tu comprends, moi, Ecureuil, pas l'Empereur. Je lui plais beaucoup." "Et à toi, il te plait ?" "Oui, beaucoup." "Alors, essaie de revenir... Chez moi tu trouveras toujours les vêtements d'Ecureuil. Don sera heureux de t'en faire cadeau." "Mais je ne sais pas si ça pourra jamais devenir une chose sérieuse." "Et si tu commençais par en profiter ?" "Peut-être as-tu raison. C'est bon de me sentir désiré pour moi-même, pas pour mon rôle. Jusqu'à présent, il n'y a qu'avec toi, que j'ai ressenti ça." Puissant revient chez Ami et il retourne avec lui à l'auberge du village où il retrouve Fidèle. Ami se demande si le jeune homme, n'est pour Puissant qu'un caprice passager ou quelque chose de plus sérieux. Il est certain que l'Empereur se sent de plus en plus attiré par le jeune serveur, auquel il commence à apporter de petits cadeaux. Si bien qu'un matin, en ressortant de sa rencontre avec Fidèle, Puissant dit à Ami, "Cette nuit Fidèle il m'a dit qu'il veut devenir mon amant ! Il m'a demandé si je ne pourrais pas le faire engager au service de notre maître, pour pouvoir être avec moi. Il ne voudrait plus me voir seulement de temps en temps, et il ne pense plus qu'à moi." "Hé, tu l'as conquis. Tu voudrais l'avoir comme amant ?" "Je crois bien. Mais mon problème est qu'une fois qu'il découvrira qui je suis, est-ce qu'il ne changera pas ? Est-ce que ça ne lui tournera pas la tête ? La richesse, le pouvoir, font souvent changer les gens, en pire." "Ou alors ça les fait fuir." "D'une façon comme de l'autre..." "Que penses-tu faire, alors ?" "Je ne le sais pas. Mais il dit que, tant qu'il est ici, il doit aussi satisfaire d'autres clients, et qu'il ne voudrait plus le faire. Il a beaucoup insisté, il veut venir travailler avec nous." "Et que tu lui as-tu dit ?" "Que je ne sais pas si ça sera possible. Que j'en parlerais à notre maître. Pour gagner du temps. Mais je ne sais pas quoi faire..." Ami réfléchit, puis il propose à Puissant, "Ecoute, on pourrait faire quelque chose. On lui dit que c'était une ruse, qu'en fait nous ne sommes pas deux serviteurs, mais deux nobles, et que tu ne peux pas le prendre avec toi, parce que tu es marié et ta femme est jalouse. Mais que tu le veux seulement pour toi, alors qu'il pourrait venir comme serviteur dans ma maison, où tu viendrais le retrouver." "Oui, et ensuite ?" "Comme ça, je pourrais l'observer, regarder si, par exemple, le fait d'être l'amant d'un noble, lui fait prendre une attitude hautaine devant les autres serviteurs de la maison. Surtout si nous lui disons qu'il n'est pas un des miens, mais le tien, comprends-tu ? Don et Midi pourraient l'observer de près encore mieux que nous." "Mais ne découvrira-il pas qui je suis ?" "Aucun de nous quatre ne le lui dira et quand tu viendras me retrouver ne mets pas tes vêtements d'empereur. Nous continuerons à t'appeler Ecureuil, y compris Don et Midi, pour faire durer le jeu. Qu'en dis-tu ?" "Ça pourrait être intéressant. Et ensuite ?" "S'il passe cette épreuve, nous lui dirons alors que tu es un noble très important. Et enfin, si tu vois qu'il est vraiment celui que tu espères, tu pourras le conduire avec toi tranquillement à la cour. Tu ne crois pas ?" "Peut-être... Oui, merci, ça peut marcher. Mais chez toi, même s'il ne sais pas que je suis l'Empereur, il comprendra certainement que tu es Premier Conseiller." "Et bien, nous lui dirons que toi, par contre, tu es un noble de province, de peu d'importance. Tu me devras... des courbettes..." Puissant rit aux éclats. "Oui, pourquoi pas ? Faisons comme tu as dit." Avant de partir, Puissant appelle le jeune homme et il lui parle. "Fidèle, nous devons partir, maintenant." "Quand reviens-tu ? Vas-tu parler à votre maître ?" "Et bien, tu vois, je tiens beaucoup toi. Mais je dois te dire une chose... Nous deux, en fait, nous sommes pas vraiment des serviteurs. Nous sommes deux nobles. Et parfois nous nous habillons comme ça pour pouvoir nous détendre, nous amuser." "Des nobles ? Vous vous moquez de moi ?" "Non, Fidèle. Nous n'avions aucune intention de nous moquer de toi..." dit Ami. "Je... te demande pardon, noble Ecureuil, je ne savais pas..." "Tu me plais beaucoup, Fidèle. J'aimerais beaucoup te prendre comme amant." dit Puissant. "Es-tu sérieux, noble Ecureuil ?" dit le jeune homme, troublé. "Oui." "Alors, pourquoi ne me prends-tu pas comme serviteur ? Je te serai soumis, dévoué. Emmène-moi d'ici. Emmène-moi avec toi." "Je le ferais volontiers, mais je suis marié et ma femme est terriblement jalouse, c'est pour ça que je suis déguisé comme ça. Je ne pourrais jamais te garder comme amant chez moi." "Oh... Mais je pourrais t'accompagner pendant tes voyages, comme ça, au moins de temps en temps, on pourrait..." propose le jeune homme partagé entre la timidité et l'excitation. "Mais chez moi, je ne pourrais jamais te traiter en amant. Et à la longue ma femme s'apercevrait que c'est toujours toi qui m'accompagnes et..." Alors Ami intervient. "Prends-le comme serviteur, mais au lieu de le conduire chez toi, il pourrait rester chez moi, comme ça, quand tu viens me rendre visite, vous pourriez vous retrouver sans problèmes." "Ferais-tu vraiment ça pour moi, Ami ?" "Oui, Ecureuil, très volontiers." "Fidèle, est-ce que cette solution te va ?" "Oh oui, bien sûr !" dit le jeune radieux. Fidèle annonce alors au patron de l'auberge qu'il s'en va. Ami les précède pour préparer les gens dans sa maison. Ciel, Don et Midi acceptent, amusés. Peu après, Puissant et Fidèle se présentent. Ils donnent un lit à Fidèle. Dans la nuit Puissant pousse la porte de sa chambre et ils font encore l'amour. Puis, au le matin, après avoir caché ses habits d'empereur dans un baluchon, et vêtu d'habits empruntés à Ciel, Puissant les salue tous et retourne à la ville voisine où l'attend son escorte. Fidèle, lorsque Puissant est parti, demande à parler à Ami. "Je te remercie, noble Ami, pour ce que tu fais pour moi. Dis-moi comment je peux t'être utile, dispose de moi, je t'en prie." "Fidèle, tu n'es pas à mon service, mais à celui d'Ecureuil." "Oui, mais tant que je suis ici, que puis-je faire pour mériter l'hospitalité que tu me donnes ?" "Je le fais pour mon ami Ecureuil. Mais si tu veux te rendre utile, demande à Don ce que tu peux faire, c'est lui qui fait tourner la maison." "D'accord, noble Ami." Le jeune homme s'intègre bien dans les activités de la maison. Toute la journée, il s'occupe de tenir les choses propres, et il fait tout ce que lui demandent non seulement Ami ou Ciel, mais aussi Don ou Midi, avec diligence et le sourire aux lèvres. Lorsque Fleur et Gazelle se présentent, Ami les avertit du jeu mis en place pour Puissant et Fidèle. Les deux femmes trouvent la chose amusante. Un soir, Gazelle appelle Fidèle. "Je voudrais que tu me masses avec une crème, je me sens fatiguée. Viens avec moi." lui dit-elle et le conduit dans sa chambre. Pendant que le jeune la masse sur tout le corps avec la crème, Gazelle, lui dit d'air langoureux, "Tu me plais, Fidèle. Pourquoi ne viens-tu pas avec moi ? Pas comme serviteur, mais comme amant. Je te ferais adopter par le peuple du Singe, je te ferais fréquenter le beau monde." "Je ne suis qu'un serviteur, madame. Un garçon du peuple. Tu me fais trop d'honneurs." "Mais je te veux, je ne te plais pas ?" "Tu es très belle, madame. Mais j'appartiens au noble Ecureuil, je ne peux pas." "Mais tu n'es pas son esclave, non ? Et avec moi, tu ne serais plus serviteur." "Je préfère rester le serviteur du noble Ecureuil, madame, pardonne-moi." "Mais il de basse noblesse, je pourrais te faire devenir presque son égal. Je suis riche, avec moi tu aurais le confort et les honneurs." "Je te remercie, madame, mais je te prie de ne pas insister. Je ne peux pas. Ne sois pas en colère contre moi." C'est Midi qui lui fait passer la seconde épreuve. Un matin où ils ne sont que tous les deux dans la maison, Midi, en accord avec les autres, fait comprendre à Fidèle qu'il le désire. "Il n'y a personne. On pourrait s'amuser un peu ?" "Midi, tu es garçon agréable, doux et beau. Mais j'appartiens à Ecureuil qui a bien voulu me donner son attention. Je ne peux pas." "Mais tu le vois rarement. Tu n'as pas envie de t'amuser un peu?" "Si j'ai envie? Oui, beaucoup, mais je me retiens pour mon Seigneur." "À l'auberge, tu ne faisais pas tant de manières." "Oh, bien au contraire, après que je sois tombé amoureux du noble Ecureuil." "Es-tu amoureux de lui ?" "Je n'ai jamais été à ce point amoureux de qui que ce soit. Il est beau comme le soleil, fort, délicat, passionné. Tout le monde devrait être amoureux de lui. N'insiste pas, Midi. Je te remercie, mais n'insiste pas." C'est Don qui est à l'initiative de la troisième épreuve. "Fidèle, je me sens toujours un peu mal à l'aise de te donner des ordres, tu n'es pas esclave dans cette maison, et tu es l'amant du noble Ecureuil." "Je ne suis qu'un serviteur, et tu es le domestique le plus âgé ici, donc il est normal que tu me donnes des ordres, lorsque mon maître n'est pas là. Je vis dans cette maison, avec vous. Ne me donne pas l'impression d'être un étranger, un parasite. Tes ordres seront toujours les bienvenus." "Mais je ne suis qu'un serviteur, et toi l'amant d'un noble..." "Moi aussi, je ne suis que serviteur, Don. Où est le problème ?" Quand Puissant revient, ils lui racontent ces choses et Puissant en est profondément heureux. À présent qu'il connaît Fidèle depuis plusieurs mois, il en est de plus en plus amoureux. Le jeune homme aime Puissant avec passion et dévouement. Ainsi une nuit, après avoir fait l'amour, Puissant il lui dit :: "Je sens que je t'aime beaucoup, mon cher Fidèle. Je veux faire quelque chose pour toi. Dis-moi, que désire-tu ?" "Être toujours à toi, Ecureuil." "Oui, mais qu'est-que je peux faire pour toi ? Je voudrais vraiment faire quelque chose pour te montrer mon amour." "Tu me le montres, en venant me voir. Si seulement je pouvais vraiment vivre à tes côtés, même comme esclave. Mais vu que ce n'est pas possible." "Ça serait peut-être possible. Si j'arrivais à te faire adopter par un de mes amis nobles, comme Ciel, tu pourrais te présenter chez moi comme assistant, te rendre à la cour pour les cérémonies, à mes côtés. Tu aurais des serviteurs et même des esclaves." "Moi, Seigneur ? Mais je ne pourrais jamais passer pour un noble. Non, je suis bien ainsi. Je ne veux pas être ton égal, je veux être à toi. Je ne me sentirais pas bien." "Mais si c'était moi qui te le demandait ?" "Si tu veux... Pour toi, je ferais n'importe quoi, mais j'ai peur de te décevoir. Je ne suis qu'un garçon de la campagne, moi." "Mais tu es mon amant." "Par ta bonté, pas par mon mérite." "Je demanderai à Ciel et à Ami de te préparer de sorte que tu puisses te tenir à mes côtés sans faire mauvaise figure." "Comme tu voudras, Ecureuil." dit le jeune homme. Ami et Ciel commencent ainsi à former Fidèle. Mais le jeune homme, tout en apprenant les leçons et en s'appliquant avec sérieux, continue à faire toutes les corvées de la maison tout comme avant. Peu à peu il apprend à lire et à écrire, à se déplacer, à s'incliner, à parler comme un noble, Ciel lui apprend aussi à manier les armes et s'il ne devient pas un champion, Fidèle en sait assez. Puissant observe son évolution avec plaisir. Et finalement il juge qu'est venu le moment du pas final. Il vient rendre visite à Ami et à Ciel, et à son Fidèle, il revet ses insignes impériaux et attend dans la salle. Ami fait mettre à Fidèle des vêtements de noble et lui dit : "L'Empereur est là, qui est venu me rendre visite. Il faudrait que tu ailles lui rendre hommage." "L'Empereur ? Non, je t'en prie ! Je ne suis qu'un serviteur." "Et tout ce que nous t'avons enseigné ? Na vas-tu pas nous montré que tu l'as bien appris ?" "Mais, noble Ami, face à l'Empereur..." "Tu n'as jamais eu de problèmes avec moi, pourtant tu sais que je suis son Premier Conseiller, que je viens juste après l'Empereur." "Oui, mais je t'ai connu avant, sous ton déguisement, et comme ça, je me suis peu à peu habitué, et je connais ta bonté envers moi..." "Je te commande alors de venir présenter tes hommages à l'Empereur." dit alors Ami pour vaincre sa résistance. Fidèle s'incline. "Si c'est un ordre, je ne peux certes pas te désobéir, Seigneur. Mais je tremble à cette seule pensée... Reste à côté de moi, noble Ami, je t'en supplie." "Rappelle-toi ce que je t'ai enseigné. En face de l'Empereur comporte-toi en noble, pas en serviteur !" "Mais je suis serviteur et pas noble..." "Plus pour longtemps, Fidèle, plus pour longtemps... mais à présent, allons-y, l'Empereur nous attend, on ne doit pas le faire attendre." Quand ils entrent dans la salle, Fidèle a les yeux baissés et s'incline profondément, en tremblant, si bien qu'il ne voit pas qui est devant lui. "Mon Seigneur, voici Fidèle que tu as fait demander." dit Ami en souriant à l'Empereur. Ce dernier dit alors, "Avance-toi, Fidèle ! Approche." Le jeune homme reconnaît la voix, lève les yeux et, étonné, il regarde Puissant. "Noble Ecureuil, mon maître ! C'est toi ? Tu voulais me mettre à l'épreuve..." dit-il en se relevant, avec un sourire un peu égaré. "Oui, je voulais te mettre à l'épreuve. Viens ici, agenouille-toi devant moi." Fidèle, serein, obéit en croyant que c'est un jeu. L'Empereur lui met au cou un collier d'or du peuple de la Foudre. "Je te nomme noble du peuple de la Foudre, mon Fidèle. Et je te nomme Assistant aux chambres Impériales..." Fidèle le regarde sans comprendre. "Ce n'est pas un jeu, mon Fidèle, je ne m'appelle pas Ecureuil, et ces insignes impériaux sont les miens. Et toi, mon amant, tu viendras à la cour et tu vivras à mes côtés..." Il ouvre de grands yeux. "Seigneur, pourquoi te moques-tu de moi ?" "Je ne me moquerai jamais de mon amant, Fidèle." "Je t'ai connu esclave, puis de basse noblesse, maintenant empereur... qui est-tu vraiment ?" "Ton amant, Fidèle." "C'est la seule chose sur laquelle je n'ai pas de doutes, mais..." Ciel dit alors, "Ecoute Fidèle, c'est vraiment notre empereur. Il t'aime, mais il ne pouvait pas savoir si tu étais vraiment digne de lui. Il devait te mettre à l'épreuve. L'offre de venir vivre ici, la proposition de Gazelle, la tentation de Midi, le discours de Don étaient les épreuves pour voir de quel bois tu es fait et tu les as toutes réussies, grâce à ton amour sincère pour Hymne Puissant Chanté à l'Eternel Dieu Soleil, notre Empereur qui maintenant se tient face à toi. Puissant t'aime, il te veut à ses côtés, pour toujours." Fidèle se prosterne profondément à terre, tremblant, bouleversé. Puissant se lève, se penche sur lui et le fait se relever. "Un noble ne se prosterne pas comme ça devant son empereur, un amant ne se prosterne pas comme ça devant son aimé. Lève-toi, mon Fidèle. Accepte mon amour..." "Seigneur... Seigneur..." bégaye Fidèle, les larmes aux yeux, "je ne suis qu'un fils du peuple. Comment ai-je pu trouver grâce à tes yeux ?" "Tu ne veux plus être mon amant alors ?" "Comment pourrais-je oser dire non à mon Seigneur ? Je serai pour toi tout ce que tu voudras. Je suis à toi corps et âme." bégaye encore Fidèle. Puissant l'enlace. "Bien, mes amis, voulez-vous faire la fête avec mon amant et moi, avant que nous ne rentrions à mon palais, à la capitale ?"
|