H - Le prince Aubépine envahit Sylvana pendant six mois. L'héroïsme de Gentil. De nouveaux dangers.
En 2 Fl LXI (1382) le prince Aubépine de la Tour, qui avait conquis les territoires des Textes d'Opulence pénétra avec son armée dans le territoire de la Commune et conquit les quatre forteresses de Sylvana. La Régence se réfugia au château de Jardin avec tous les hommes en arme qui réussirent à fuir de la Tour. Àcette occasion la Régence signa un pacte d'assistance mutuelle avec le seigneur De Villa de Montpain : Ils avaient compris que la Commune ne pouvait pas, à elle-seule, tenir tête à une grande armée bien armée.
Le prince Aubépine était connu pour sa cruauté et pour sa vie dissolue et débauchée. Son premier décret après la prise de la Commune fut pour déclarer que tous les garçons de l'âge du fruit lui appartenaient et devaient être prêts à se donner à lui selon son bon plaisir. L'épisode que nous rapportons plus loin montre quelle était la fierté des jeunes sylvéniens : la majorité fuit vers Jardin, d'autres s'opposèrent au prix de la prison, la torture et parfois même de leur vie : très peu furent ceux qui se soumirent au prince en rut.
L'occupation par Aubépine de presque tout le territoire de la Commune dura exactement six mois. Lorsque le grand Roi envoya ses troupes combattre le prince, il dut abandonner la Commune pour défendre son siège à Vaillance. Dans sa fuite, il emmena avec lui les quelques jeunes qui s'étaient donnés à lui et on ne sut plus jamais rien d'eux.
La Commune et le seigneur de Montpain combattirent aux côté de l'armée royale qui reconnut leurs territoires respectifs. Le grand Roi offrit à la Commune quelques territoires aux confins de Vaillance et de Bonnaire, au delà de la rivière Rapide, mais la Commune le remercia et n'accepta pas. Alors le grand roi, en geste de remerciement, leur envoya moult armes et beaucoup d'or.
C'est dans ce contexte que se déroule l'histoire de Gentil, un garçon de dix-sept ans.
Gentil fut conduit devant Aubépine, lequel, séduit par sa grande beauté, lui ordonna de se mettre nu et d'aller l'attendre dans son lit.
Gentil répondit : "Tu n'as aucun droit sur moi, pas plus que sur tout être vivant. Comment oses-tu me demander une telle chose ?"
Aubépine éclata de rire : "Selon toi je n'aurais aucun droit ? J'ai le droit de la force ! Cette terre est mienne désormais, ainsi que tout ce qui se trouve dessus et y vit. Alors toi aussi, tu es à moi."
Le garçon secoua tranquillement la tête : "Tu es un voleur, un maraudeur, et tu seras puni pour cela. Tu dis que je t'appartiens, mais tu te trompes, aucun homme libre n'appartient à un autre homme et tu pourras voler mon corps, ma vie, mais pas ma liberté."
Aubépine dit : "Justement, c'est à ton corps que j'en ai. Qu'ai-je à faire de ta liberté ? Peut-elle venir dans mon lit et me donner du plaisir ?"
Alors Gentil répondit : "Si ce n'est que mon corps que tu veux, tu peux le prendre : tu es plus fort que moi."
"Bien, je vois que tu comprends : alors mets-toi nu, je vais te prendre ici, devant tout le monde, ça t'apprendra à t'opposer à mes ordres."
"Je ferai ce que tu demandes, Aubépine, je me dépouillerai ici, devant toi et devant tes hommes, pas de mes habits, mais de ma vie : tu veux un corps, tu auras un corps, un corps que je te laisse." Dit-il serein et il sortit un poignard et se le plongea dans le cœur avant que personne n'ait le temps de l'arrêter. Il tomba à terre sans un gémissement.
Aubépine se pencha sur lui et lui releva la tête. Gentil était encore vivant : "Pourquoi as-tu fait ça ?"
"Tu voulais mon corps, prends-le, ici, devant tous, comme tu l'as dit. Sois de parole." dit-il en souriant et il expira.
Aubépine se releva livide. "Emmenez-le." fut tout ce qu'il dit.
Ses soldats soulevèrent Gentil avec soin et respect et le portèrent dehors. Ils descendirent à Champfleury et le déposèrent entre les fleurs. Alors des Frères et des Amis vinrent et, ayant creusé une fosse, n'ayant pas le temps de faire un cercueil, ils l'enveloppèrent dans leurs manteaux et l'inhumèrent.
Quand Aubépine dut fuir Sylvana, ils revinrent sur cette sépulture provisoire, l'exhumèrent : son corps était intact et exhalait un parfum de fleurs. Ils le mirent dans un cercueil en bois et l'inhumèrent à nouveau au même endroit et construisirent sur sa tombe un monument le montrant gisant à terre, le poignard dans le cœur. La dague du poignard porte, en or, le symbole de la liberté : le soleil et ses seize rayons. Le visage de Gentil arbore un sourire doux et son regard est rivé sur le point où, le matin, le soleil se lève derrière la Roche.
Le 6/3/3 Gr LXII (1393) la Commune subit une nouvelle tentative d'invasion. Le nouveau seigneur d'Opulence, Noix de la Vallée et le capitaine du régiment du grand roi en charge de Vaillance se mirent d'accord et, à la tête de deux armées de près de 500 hommes et 20 cavaliers, ils entrèrent sur le territoire pendant la nuit avec l'intention de monter sur le Mont Ardent et d'annuler la liberté ancestrale de la Commune. L'une des armées, contournant Ecluse, arriva par la route d'Opulence et l'autre traversa la rivière Rapide entre Sereine et Vallon.
Mais cette nuit là vit surgir une tempête de neige d'une rare violence et cette seconde armée se perdit dans le territoire de Minière, incapable de retrouver son chemin. L'autre armée, qui suivait une route plus facile, avança sans problème, quoi que moins vite que prévu. Ayant contourné Bourg, ils montèrent à la porte de Vallée et se préparaient à monter sur le Mont lorsque quand ils furent repérés par quelques chiens errants qui se mirent à aboyer furieusement. Les sentinelles, intriguées par ces aboiements inhabituels, allèrent vérifier ce qui se passait, virent les troupes et sonnèrent l'alarme. Les défenseurs des quatre châteaux, ainsi que ceux d'Eauvive, Bourg, Sereine, Vallon et Bois prirent les armes et attaquèrent cette armée sur deux fronts, la forçant à la débandade et à la retraite.
Dans leur fuite ils rencontrèrent l'autre armée qu'ils avertirent que l'effet de surprise était perdu, alors cette armée aussi, épuisée et perdue, repassa la frontière. Ils laissèrent sur le champ 84 morts, alors que les défenseurs ne pleuraient aucune victime. Pour célébrer ce péril maîtrisé on érigea le monument de la porte de la Vallée où une meute de chiens (et non une horde de loups comme le prétendent certains guides) hurlent sur un champ de neige.
Àcette époque, plusieurs maisons d'Amis avaient été construites à l'extérieur des murailles de Sylvana, souvent par des artisans. Si bien que, pour défendre ces maisons des éventuelles attaques et renforcer les défenses de la Commune, il fut décidé de bâtir une seconde enceinte, laquelle va du confluent des ruisseaux Eauvive et Sylvain, celui dont la source est à la maison du Fondateur, là où les eaux chaude et froide se mélangent et jusqu'au château d'Eauvive, puis elle contourne à la frontière du territoire de Terrasse, sous le château de Doux-Soleil, longe la route et contourne Champfleury et, toujours au bord de la route, rejoint les murs au confluent des deux ruisseaux. Cette seconde enceinte ne comptait que trois portes : la porte de la Plaine vers Opulence, la porte de la Forêt sur la route qui de Bourg mène à Temple et la porte du Soleil qui de Bois mène à Jardin.
Cette même année vit la formation de la garde du Château, pour compléter l'armée : leur uniforme avait un pantalon rouge et une veste verte, un chapeau "tambour" rouge avec de grandes plumes blanches qui flottaient doucement à gauche, leur arme d'origine était l'arbalète, qui fut remplacée des générations plus tard par un fusil à baïonnette. La Garde du Château disposait de chiens de gardes et elle devait dormir dans de nouveaux logements ouverts dans la seconde muraille.
Six ans plus tard, en 4 Fe LXII (1399), la Commune subit une nouvelle tentative d'invasion qui ne fut maîtrisée qu'après huit jours de combats sanglants et pour la première fois les femmes aussi prirent les armes pour défendre la liberté du territoire. La Commune confirma alors un pacte d'alliance perpétuelle et de protection absolue avec le seigneur de Montpain, qui engageait les deux puissances à une assistance mutuelle en cas d'attaque ou d'invasion.
Mais en 1 Gr LXIV (1431) mourut le dernier seigneur de Montpain. Comme il n'avait pas d'héritier et qu'il avait épousé une des cadettes du grand Roi, son territoire fut annexé au royaume. De sorte que la commune devint une enclave dans le royaume. Craignant, à juste titre, des tentatives ultérieures d'annexion, la Régence envoya au roi une délégation qui demanda des garanties. Le roi y accéda en partie, mais il mit des conditions : que la Commune envoie chaque année mille soldats à son armée et lui verse un tribut de trois mille mesures d'or fin ou l'équivalent en biens.
Les Régents purent obtenir deux choses : que ces mille soldats forment un corps unique et ne soient sous aucun prétexte dispersés dans les armées royales et que le paiement aux caisses royales soit défini comme un "don". Ce qui avait l'avantage d'éviter de déclarer que la Commune était soumise ou tributaire, et les Régents prudents et sages s'en satisfirent.
I - Décadence morale de la Commune. La réforme. Renaissance de la Commune.
Mais, petit à petit, la vie de la commune devint triste : une fois les dangers extérieurs maîtrisés, la Commune s'enfonça sous le poids des luttes internes, de la décadence morale et de la corruption administrative. Le Conseil et le Forum étaient désertés. L'éducation publique était négligée. Le droit d'asile avait rempli le territoire de petits délinquants. La justice, à l'instar des autres offices publics, ne fonctionnait plus par manque de moyens, à cause du pesant "don" auquel la Commune était soumise.
C'est l'époque de l'histoire de Petit-hardi qui illustre bien à quel point était tombé la morale de la Commune.
Petit-hardi était un frère enseignant à Bois. Un soir, alors qu'il faisait l'amour avec son compagnon, Taureau, il lui dit : "Ça devait être amusant, quand tu avais l'âge du Fruit, de pouvoir le faire avec tout le monde et pas qu'à deux."
"Oui, on faisait ça aussi à trois ou quatre : mais c'était des histoires de gamins."
"Oui, mais plaisantes. J'aimerais pouvoir le faire. Toi pas ?" demanda-t-il provocateur.
"Ma foi, si, ça pourrait être amusant."
Alors Petit-hardi dit : "Et bien, faisons-le : tu n'aimerais pas un petit cul encore frais et délicat, une bouche douce et parfumée ?"
"Tu penses à quoi ?"
"Aux garçons de l'école, qui en ce moment même prennent leur plaisir ensemble."
"Tu sais que c'est interdit."
"Mais c'est d'autant plus excitant. Viens, allons nous amuser." lui dit Petit-hardi.
Ils entrèrent en silence au dortoir du Fleur : ils virent un garçon de quatorze ans qui en prenait un autre et qui, en bouche, donnait du plaisir à un troisième.
Taureau éloigna le troisième et s'offrit au garçon : "Essaie celle-là elle a plus de goût !"
Le garçon le regarda stupéfait et dit : "Mais tu es un adulte..." mais il ne put pas finir car Petit-hardi lui avait sauté dessus pour le prendre.
Et tous deux prirent leur plaisir avec le garçon jusqu'à leur complète satisfaction.
Quand ils partirent, le garçon était en larmes. Les autres avaient vu la scène, muets.
"Vous n'aviez pas à faire ça." dit un autre garçon de quatorze ans.
"Ah non ? Et pourquoi ? C'était très plaisant alors demain on te le fera à toi. Et si l'un de vous parle, on l'égorgera comme un agneau, pensez-y bien. Vos familles vous ont confiés à nous et nous pouvons donc faire ce que nous voulons de vous."
La nuit suivante, comme ils l'avaient dit, après s'être laissés exciter par les garçons, ils profitèrent de celui qui avait protesté. Les garçons, effrayés, obéirent à toutes les demandes des deux adultes sans broncher. Non contents, ils commencèrent à aller aussi dans les chambres séparées des garçons de l'âge du Fruit et profitèrent aussi d'eux pour leur plaisir et, un peu de gré, un peu de force, il obtinrent ce qu'ils voulaient.
Puis Petit-hardi, pendant les cours, inventa un nouvel amusement : celui qui obtenait la meilleure note devait venir sous le bureau du professeur et satisfaire ses envies avec sa bouche. Suite à quoi tous cherchèrent à obtenir la plus mauvaise note. Alors Petit-hardi imagina une punition pour qui verrait baisser ses notes : il devrait se pencher sur le bureau et Adroit, un garçon de dix-neuf ans qui était leur complice, connu pour les dimensions de ses organes génitaux, le prenait devant tous.
Àla fin de l'année scolaire, un des garçons se plaignit chez lui à ses parents qui dénoncèrent les deux enseignants au Père de la Fraternité de Bois. Ce dernier fit une enquête, mais la majorité des garçons, effrayés, nièrent en bloc. Le Père était convaincu de la véracité de l'accusation, mais Petit-hardi et Taureau, grâce à trois complices de l'âge du fruit, menacèrent le Père de le dénoncer à la Régence pour avoir à plusieurs reprise profité de ces trois garçons contre leur volonté.
Le Père déclara Petit-hardi et Taureau innocents et condamna le garçon à cinq mois de prison. En conséquence plusieurs familles renoncèrent à envoyer leurs enfants à l'école. Et quand les officiers de l'armée vinrent faire une enquête, Petit-hardi et Taureau, avec moult cadeaux, les convainquirent de déclarer que l'absence des garçon était due à une maladie qui leur interdisait l'école.
Un garçon de l'âge du fruit, qui allait encore à l'école, décida un jour de se venger sur ces deux enseignants de ce qu'ils faisaient. Aussi alla-t-il, accompagné de quelques amis, voir les soldats de Bois et ils leur proposèrent de coucher avec eux si en échange ils tendaient une embuscade à Petit-hardi et Taureau et les soumettaient aux mêmes traitements qu'ils imposaient aux garçons. Les soldats acceptèrent volontiers et, un soir, huit d'entre eux attendirent Petit-hardi et Taureau sur leur route vers la Roche, et ils les attaquèrent, ils les immobilisèrent, les mirent à nus et tous profitèrent d'eux.
Petit-hardi et Taureau, furieux, les dénoncèrent au Défenseur pour qu'ils soient punis. Ce dernier fit une enquête mais les garçons et leurs familles déclarèrent que ce soir là les huit soldats avaient passé la soirée avec eux sans jamais sortir de chez eux. Aussi le Défenseur acquitta-t-il les soldats de toute accusation. Petit-hardi et Taureau allèrent alors voir le Père et lui demander d'en appeler à la Régence, mais le Père leur dit : "Vous avez récolté ce que vous avez semé. Ne vous plaignez pas et tâchez de ne plus exagérer à l'avenir."
Cette anecdote montre le niveau de décadence morale où était tombée la communauté. L'histoire dit que Petit-hardi était un ex réfugié, donc un délinquant fuyant la police du grand roi, mais cela ne justifie pas le comportement du Père, ni qu'un délinquant soit admis comme enseignant. D'autre part le Père ne leur dit pas d'arrêter, mais "de ne plus exagérer"...
Celui qui s'attacha à freiner la décadence, conscient que le système éducatif était à la base de tout, ce fut le Recteur Beau Vannier de Jardin. En 1 Fl LXIX (1541) il réforma le système scolaire. Il ne changea rien aux institution, mais il étendit l'enseignement "non seulement aux lettres et aux arts, mais encore aux coutumes et à la morale." Et il réforma complètement la formation des enseignants : il institua un corps pour les jeunes de vingt à vingt quatre ans qui souhaitaient devenir enseignants, corps où ils étaient gardés en observation. Il imposa en outre que seuls ceux qui étaient nés sur le territoire de la Commune pouvaient devenir enseignant. Il institua aussi un corps d'inspecteurs qui tournaient régulièrement dans toutes les écoles et vérifiaient leur bon fonctionnement.
Onze ans plus tard la Régence approuva une autre réforme et le Conseil Général fut réduit de 85 à 45 membres, élus pour cinq ans, qui étaient obligés de participer aux réunions, sous peine de prison. De plus, on fonda la Députation. Elle comptait douze députés : un représentant des frères de chaque château, élu tous les quatre ans, pour assister la Régence. Le Conseil Général, avec le Forum, formait l'organe législatif et la Députation des Douze tenait le rôle du gouvernement. Ses tâches étaient en fait les relations extérieures, l'ordre intérieur, les finances, le domaine, les communications, la santé, l'instruction, l'agriculture, le commerce et l'artisanat.
Beau Vannier décréta aussi que le Forum devait se réunir deux fois l'an, au premier jour des 5ème et 11ème mois pour faire des propositions et des requêtes. Le Forum pouvait abolir une loi préalablement promulguée par le Conseil Général. Et puis le Forum nommait tous les six ans les neufs Syndics de Conduite qui formaient la magistrature suprême, chargée de surveiller les Syndics Ordinaires et leurs actes, dans les trois instances de la justice ordinaire.
La dernière réforme concernait le droit d'asile : si le demandeur était convaincu d'avoir commis des délits contre des personnes ou du patrimoine, l'asile était refusé. Et un réfugié ne pouvait pas obtenir la citoyenneté de Sylvana avant une période égale à 20% de son âge à sa demande d'asile. L'ensemble de ces réformes entraîna une renaissance graduelle de la Commune qui petit à petit mérita à nouveau d'être appelée "Justissime"."
J - L'invasion du Prince Arbre Mâtin contre le droit d'asile. Nouveaux accords avec le roi.
Le 7/6/4 Fr LXXI (1589) deux hommes se présentèrent à Ecluse pour demander asile. Ils furent emmenés chez le Syndic pour examen. Il est rapporté que c'était un certain Ami Caisse, quarante cinq ans, accompagné de son fils Pacifique de vingt-deux ans. Ils avaient fui le territoire du grand Roi où ils étaient des serfs du Prince Grand Prêtre Arbre Mâtin qui les accusait injustement de l'avoir volé.
Pacifique expliqua qu'en fait il avait refusé les avances sexuelles de la fille du grand prêtre et qu'elle s'était vengée en l'accusant d'avoir dérobé cinq antiques statuettes en or.
"Si nous les avions volées, nous les aurions emportées avec nous, ou du moins l'argent qu'on aurait pu en tirer." dit le père.
Les syndics les interrogèrent séparément, longuement, et ils finirent par se convaincre qu'ils disaient la vérité, aussi les déclarèrent-ils admissibles et les députés établirent leur permis de résidence. Ils furent hébergés dans l'abri prévu pour les réfugiés qui était construit près de la Porte du Soleil, en attendant de trouver une maison et un travail.
Ami, qui était jardinier, se fit proposer un travail à Champfleury. Pacifique, qui était serviteur, demanda à travailler dans la boutique de maître Brillant, un tisserand, pour apprendre son art. Maître Brillant l'accueillit volontiers et commença à lui apprendre le métier. Brillant avait quatre fils, le deuxième s'appelait Sincère, c'était un garçon de dix-sept ans, timide et gentil. Le jour il travaillait dans la boutique de son père et la nuit il allait à l'école.
Pacifique et Sincère devinrent vite amis et le garçon apprenait au jeune homme, avec patience et adresse, l'art de tisser, il l'encourageait et lui apprenait les petites astuces qu'il connaissait pour faire un meilleur travail. Quand enfin Pacifique réussit à faire sa première toile vendable il en fut très fier. Sincère, pendant leurs moments libres, lui racontait les coutumes de Sylvana ainsi que sa propre histoire. Pacifique lui posait mille questions.
Quand il apprit le système d'éducation sexuelle de la Commune, Pacifique en fut profondément émerveillé : "On vous apprend à faire l'amour ?"
"Oui, bien sûr : c'est important, non ?"
"Mais, aussi entre hommes ?"
"Pourquoi, vous ne faites pas l'amour entre homme là d'où tu viens ?"
"Si... bien sûr, certains le font, mais en cachette. Ici, chez toi, ils vous apprennent carrément à le faire ! Ça me paraît incroyable. Et deux personnes du même sexe peuvent même se marier ici !" s'exclama-t-il, incrédule et stupéfait.
"Mais toi, qui t'es refusé à la fille du grand prêtre, ce ne serait pas parce que tu aimes les hommes ?"
"Non, c'est juste que je ne voulais pas le faire avec elle."
"Alors tu n'as jamais fait l'amour avec un garçon ?"
"Non, jamais. Enfin... sauf gamin, avec un copain. Mais ce n'était pas vraiment faire l'amour, on s'amusait un peu, en cachette." admit-il en rougissant un peu.
"En cachette ! Mais c'est ridicule, c'est stupide. Ce n'était pas agréable ?"
"Ben, si, c'était amusant, plaisant, mais c'était juste un truc de gamins."
"Et avec des filles, tu l'as déjà fait ?"
"Vraiment l'amour... une seule fois."
"Et tu as adoré ?"
"Et bien, c'était agréable, oui."
"Moi avec les filles je trouve ça agréable, mais avec un garçon je trouve ça merveilleux, ça me plait beaucoup plus."
"Et pourquoi ?"
"Mais parce que deux garçons, entre eux, peuvent faire l'amour de la même façon. Et puis, je sais l'effet sur mon corps de ce que me fait mon compagnon et comme deux garçons ont des corps semblables, je sais ce qui lui donnera plus ou moins de plaisir, et lui de même pour moi. L'homme prend la femme et c'est tout. Deux hommes, par contre, peuvent se prendre l'un l'autre."
"Alors, tu épouseras un homme ?" lui demanda Pacifique.
"Je crois bien. Quand je trouverai l'homme qui m'ira."
"Tout cela me paraît très étrange. Deux hommes peuvent être de grands amis, mais des amants..." dit le beau jeune homme en secouant la tête.
"Et s'ils sont tellement amis qu'ils veulent s'aimer ? C'est bien naturel, non ? Et c'est beau, parce que le corps sait dire des choses que nous n'avons aucun autre moyen d'exprimer." répondit Sincère.
Trois mois avaient passé depuis leur arrivée quand trois carrosses venant de Jardin demandèrent à entrer : dans l'une était le prince grand prêtre Arbre Mâtin en personne, les autres abritaient sa suite. Ordre fut donné de les laisser passer. Àla porte du Soleil, le député aux affaires extérieures les accueillit et, les faisant passer par la Porte-Belle, il les emmena à la Grande Grotte où la Régence les attendait.
Le prince dit qu'il savait que deux malfaiteurs, voleurs et sacrilèges, avaient trouvé refuge sur le territoire de la Commune et, s'agissant de ses sujets et serfs, il exigeait qu'on les lui remette pour qu'il les emmène, les juge et les punisse. Le Seigneur de Sylvana répondit qu'il était faux que la Commune cache deux voleurs sacrilèges et qu'il n'était donc pas en mesure d'accéder à la demande du prince.
Ce dernier insista, dit qu'il savait de source sure qu'ils étaient sur le territoire de la Commune et donc, ajouta-t-il avec arrogance, ils devaient absolument les chercher et les lui remettre. Le Seigneur confirma qu'il n'y avait pas de voleurs sacrilèges réfugiés. Le prince, irrité, dit qu'il cherchait deux serfs nommés Ami et Pacifique Caisse qu'il entendait qu'on lui remette très rapidement.
Le Seigneur, décidé, répondit : "Je n'ai nul homme à vous remettre. En conséquence, Prince, vous pouvez maintenant vous en retourner dans vos terres."
Le prince grand prêtre se leva, en colère, et dit : "Nous n'en resterons pas là, je vous le jure ! Il me faut ces hommes et je les aurai." et il s'en alla.
Ami et Pacifique furent épouvantés mais tout le monde les rassura et leur dit qu'ils ne couraient aucun danger, qu'ils étaient en terre sûre. Mais le 17 du 10ème mois, à l'aube, Arbre Mâtin arriva à Jardin à la tête de 39 cavaliers, 350 soldats d'élite et 1647 hommes d'infanterie et sept machines de guerre et ils prirent le château. Puis il partit à la Porte du Soleil qu'ils prirent en à peine trois heures de combats et il attaqua la porte de Route. Dix heures de combats suffirent pour qu'il puisse pénétrer, de nuit, dans l'enceinte intérieure. Il arrêta la Régence et la Députation au complet et il se déclara Maître et Seigneur de tout le territoire de Sylvana.
Puis ils prirent d'assaut une après l'autre les places fortifiées et toutes tombèrent. Il désarma toutes les armées de la Commune et donna ordre à ses hommes d'aller de maison en maison et d'interroger les gens pour retrouver les deux hommes.
Mais entre temps, dès la première rumeur de l'attaque, la Régence avait pris deux actions d'urgence : elle avait envoyé des Légats au Grand Roi pour protester contre la violation de leurs droits et, en même temps, elle avait fait mettre en sécurité les deux réfugiés.
Maître Brillant les confia à Sincère, il leur donna des provisions, des couvertures et des habits chauds et il dit à son fils d'aller les cacher dans les mines. Fuyant par la porte de Plaine, Sincère les guida jusqu'au territoire de Minière : il le connaissait très bien parce qu'enfant il allait souvent jouer par là avec ses amis. C'était un endroit inaccessible, plein de ravins, de puits et de galeries, certaines encore exploitées d'autres abandonnées. Àl'entrée d'une galerie, Sincère alluma trois lanternes et ils pénétrèrent dans la mine. Ils cheminèrent dans un dédale de galeries et de passages, montant par moment, descendant à d'autres, jusqu'à arriver dans une petite grotte bordée par une petite source d'eau claire.
"Nous y voila. Ici il ne fera pas trop froid et nous avons de l'eau pour boire et nous laver. Même si les hommes de Mâtin trouvent ces galeries, ils auront du fil à retordre avant de nous mettre la main dessus. L'important c'est qu'ils ne nous surprennent pas pendant notre sommeil. Alors l'un d'entre nous doit rester à la dernière intersection de tunnels, si quelqu'un vient d'une des trois autres directions, il entendra de loin le bruit des pas et des armes. Notre garde aura tout le temps pour appeler les deux autres et je connais très bien tous les passages et toutes les sorties : on pourra s'échapper encore."
"Mais nous avons à manger pour sept, huit jours, pas plus." objecta Ami.
"Ne vous en faites pas, mes frères et leurs amis s'organisent pour nous apporter régulièrement des provisions et des nouvelles. Vous verrez, tout ira bien." Répondit Sincère et il se mit à étendre les couvertures et à installer le peu qu'ils avaient emporté. Puis il demanda qui voulait prendre la première garde. Pacifique se proposa et alla au croisement avec une lanterne, il s'y assit en attendant.
Sincère avait emporté du papier et un crayon. Il se mit à écrire pour passer le temps.
"Tu écris quoi ?" lui demanda Ami.
"Toute cette histoire."
"Mais ici, à Sylvana, tout le monde sait écrire ?"
"Bien sûr. Pas chez vous ?"
"Mon fils et moi, comme presque tout le monde, on n'a jamais appris."
"Ce n'est pas difficile. Si vous voulez, je peux vous apprendre."
"Non. Pas à moi. Pas à mon âge. Mais j'aimerais que mon fils apprenne : il est encore jeune. Tu lui apprendrais, vraiment ?"
"Avec grand plaisir. Quand tu prendras ta garde, je lui apprendrai. Et puis ça fera passer le temps."
"Je te remercie. Vous êtes très gentils, ici."
"Ben... malheureusement pas tous. Même si les enseignants disent que la gentillesse est une grande vertu." Répondit le garçon en souriant.
Quand Ami alla relever son fils, il lui dit que Sincère allait lui apprendre à écrire.
Pacifique retourna à la grotte et demanda : "Papa dit que tu vas m'apprendre à écrire. C'est difficile ?"
"Non, il y a à peine une centaine de caractères à mémoriser."
"On peut s'y mettre maintenant ?"
"Bien sûr." Dit Sincère et, prenant un papier et le crayon, il commença par écrire leurs noms et les lui faire copier, à le corriger et à reprendre l'exercice.
Puis ils mangèrent. Sincère alla remplacer Ami et Pacifique alla dormir. Ils se cachaient depuis une semaine quand Pacifique, qui était de garde, vint donner l'alarme dans la grotte. Il avait entendu des bruits venant d'une des trois galeries. Sincère leur dit de tout ramasser et il alla écouter au carrefour.
Quand les réfugiés le rejoignirent avec les sacs, il murmura : "C'est une seule personne et il bouge vite, ça pourrait être un de mes amis. Attendez ici, je vais voir."
"Et si c'est un soldat ou un ennemi ?"
"Ne vous en faites pas, j'y vais dans le noir et je le verrai avant qu'il ne me voit. Et je reviendrai vous avertir."
"Mais comment saurons-nous que c'est toi et pas un autre ?" demanda Ami.
"Très juste... Si c'est moi, vous m'entendrez claquer des doigts comme ça... d'accord ?"
"Oui. Parfait." dit Ami.
Sincère partit, pieds nus, dans le noir, en suivant le mur de la galerie qu'il effleurait de la main, jusqu'à apercevoir devant lui une flammèche qui approchait. Peu après il reconnut son benjamin. Alors il l'appela, prit un des deux paniers qu'il portait et retourna vers les deux autres en disant : "Je reviens, ce n'était que mon petit frère, soyez tranquilles."
Le petit frère raconta que Mâtin avait pris possession de toute la Commune et qu'il les faisait rechercher, mais que d'après son père, ils étaient était à l'endroit le plus sûr. Ils espéraient que tôt ou tard Mâtin s'en irait ou arrêterait de les chercher. Ils se mirent d'accord sur des signes de reconnaissance quand ils leurs apporteraient des provisions et des nouvelles. Sincère demanda qu'ils leur apportent le nécessaire puisque leur séjour ici pourrait être long.
Puis le petit frère s'en alla et Ami prit son tour de garde.
Pacifique dit à Sincère : "Tu sais, j'ai eu une de ces peurs ! Et vous, vous avez été envahis à cause de nous. Pourquoi faites-vous tout cela pour nous, nous ne vous sommes rien."
"Vous êtes des nôtres, désormais. Tous ceux qui se battent pour leur liberté sont des nôtres. Mais tu trembles encore ! Sois tranquille, tout finira bien, tu verras." Lui dit Sincère en lui caressant la joue d'un geste léger, affectueux et rassurant.
Pacifique lui demanda dans un murmure : "Je peux te prendre dans mes bras ?"
"Bien sûr." répondit Sincère.
Ils étaient côte à côte, sur la couverture. Ils s'approchèrent et s'enlacèrent.
Pacifique dit : "Je me sens mieux, maintenant, plus en sécurité. Sers moi..."
Sincère le serra et lui caressa le dos puis, naturellement, il posa doucement ses lèvres sur les siennes. C'était un baiser amical, affectueux. Mais Pacifique sortit la langue et l'insinua entre les lèvres de son ami. Celui-ci trembla à peine et se mit à la sucer, et il lui caressa la nuque.
Pacifique s'abandonna tremblant à ce baiser puis, lui caressant le dos, il lui demanda avec émotion : "Sincère, tu veux faire l'amour avec moi ?"
"Et toi ? Tu en as envie ?"
"Oh, oui..."
"Pourquoi ?"
"Je ne sais pas, je le désire, j'en ressens le besoin. Je veux te dire avec mon corps ce que je ne saurais pas te dire autrement." dit-il en l'embrassant de nouveau et en le faisant se coucher sur la couverture.
Sincère sourit en l'entendant répéter ses mots d'un mois plus tôt : d'évidence, Pacifique y avait longuement repensé. Couchés, leurs jeunes corps s'entrelacèrent, se caressèrent, se cherchèrent. Leur désir et leur plaisir montaient avec chaque caresse.
Quand Sincère sentit l'excitation de son ami, il commença à le dévêtir et Pacifique fit de même et ils furent vite nus tous les deux, deux corps pleins de désir mutuel dans une étreinte étroite. Sincère le guida avec douceur sur la route de l'amour, et leur passion réciproque déboucha vite sur un plaisir mutuel.
Quand, haletants, enlacés, ils se détendirent, Pacifique caressa le corps de Sincère et murmura : "Merci, mon ami; c'était magnifique..."
"Oui, vraiment." répondit Sincère content, en se serrant contre lui.
"On peut dormir comme ça, sans se rhabiller ?" demanda Pacifique.
"Mais... et ton père ?"
"Je lui ai dit que je me sentais attiré par toi. Il a compris et il m'a donné son quitus. Aucun problème."
Ils durent rester cachés deux mois. Pacifique commençait à lire et à écrire plutôt bien, et les deux garçons dormaient désormais ensemble et faisaient l'amour souvent et volontiers, et ils étaient de plus en plus attirés l'un par l'autre et toujours et heureux de dormir ensemble. Dehors, la neige était tombée, mais dans la grotte, loin sous la terre, il ne faisait pas très froid. Les amis apportaient nourriture et nouvelles régulièrement. Mâtin avait obtenu l'allégeance de toute la population qui, sur le conseil des frères, feignait de s'incliner devant l'envahisseur mais qui en fait attendait la réponse de la légation envoyée au grand roi ou bien le bon moment pour se soulever et se rebeller.
Le 15 du 12ème mois, la légation revint enfin, accompagnée d'un plénipotentiaire royal avec son escorte. Le grand roi donnait ordre au prince Mâtin de libérer tous ses prisonniers et d'évacuer immédiatement la Commune et de n'emporter avec lui ni bien ni prisonnier de la Commune. Le prince dut s'incliner et obéir et il partit sous le contrôle du plénipotentiaire, il rappela toutes ses armées et quitta le territoire de la Commune.
Après leur départ la population fit une grande fête et la famille de Sincère alla annoncer aux trois fugitifs que tout était fini et qu'ils étaient libres. Sincère retrouva son l'école, Pacifique le métier à tisser et Ami les fleurs de Champfleury. Mais désormais Sincère devait dormir à l'école et, en rentrant à la maison, il devait travailler et les deux amis ne purent, des jours durant, partager le même lit.
Un jour, alors que Sincère expliquait à Pacifique comment armer le métier pour une serge de cinq, ce dernier lui dit : "Sincère... ça me manque beaucoup qu'on ne puisse plus faire l'amour."
"Àtoi aussi ?"
"Je crois que... je suis amoureux de toi."
"Vraiment ? Oh, Pacifique, tu ne sais pas le plaisir que j'ai à te l'entendre dire ! Moi aussi, je crois que je t'aime..."
"Je voudrais partager ta vie pour toujours."
"Moi aussi, mais il nous faudra attendre encore trois ans pour demander à être mariés."
"Mais d'ici là, on pourra encore faire l'amour tous les deux ?"
"Oui, le soir, avant que j'aille à l'école, on peut. Je demanderai à mon père qu'il nous laisse utiliser la chambre au premier. Je suis si heureux que tu m'aimes aussi."
"Tu ne l'avais pas compris pendant ces deux mois ?"
"J'avais peur que ce soit la situation particulière où nous étions et que maintenant, de retour à une vie normale, tu ne veuilles pas continuer. Tu ne m'avais jamais dit que tu m'aimes."
"Toi non plus." lui reprocha tendrement le jeune homme.
"C'est vrai, je craignais juste de te mettre dans l'embarras, si ce n'était pas réciproque."
"Ne crains plus rien. D'accord ? Tu sais maintenant que je veux t'épouser."
"Bien sûr, mon tendre ami." répondit Sincère.
Et voici l'histoire telle que Sincère la raconte dans un petit cahier dont on ignore comment il a fini aux archives secrètes de la Commune. Certaines pages du cahier sont pleines des exercices d'écriture de Pacifique et on y suit ses progrès.
Une des conséquences de la mésaventure du prince Arbre Mâtin fut que la Commune et le Grand Roi échangèrent une légation permanente, autrement dit établirent des relations diplomatiques. Une autre fut l'organisation de la milice : l'armée divisée en trois corps de fantassins, lanciers et archers fut consignée à la garde des portes. Mais les autres militaires furent organisés dans la milice, avec un uniforme bleu aux décorations blanches, sous les ordres d'un Capitaine Général et de huit Capitaines de forteresse. La musique forma aussi le premier orchestre militaire de cinquante hommes. En ce temps là, la milice étai armée de sabre, en plus des armes traditionnelles : arquebuse, arbalète et hallebarde. Par la suite elle fut armée de fusils et plus récemment de pistolets. Et les meilleurs éléments de la milice entrèrent dans le corps des gardes d'élite, fondé le 12/3/1 Gr LXXII (1591), qui comptait soixante et un hommes à l'uniforme bleu décoré d'or, avec un képi d'or orné de plumes bleu à casque, des gants blancs et armés de sabres. Jusqu'à une époque récente, leur tâche était de défendre la Régence et la Députation.
Les gardes de La Roche restèrent la partie professionnelle de la milice et conservèrent leur uniforme et leur tâche de vigile des remparts pour des générations, et jusqu'à la fondation de la gendarmerie ils assurèrent aussi des missions de police. Les gardes de la Roche furent par la suite armés de fusils.