LA COMMUNE LIBRE DE SYLVANA CHAPITRE 2

D - Le premier Temple. L'histoire de Joyeux, le successeur de Sylvain, et de son compagnon Silencieux.


Un document intéressant est la lettre envoyée par le grand prêtre de Puissance l'an 1 des Fleurs de la 10ème génération (361) à Joyeux, un des premiers successeurs de Sylvain. Il résulte de cette lettre que Joyeux avait demandé au grand prêtre l'autorisation de bâtir le temple de la Commune puis de venir le consacrer. Où ce premier temple fut bâti n'est que conjoncture : beaucoup pensent que c'était près de là où se dresse encore le Château du Temple, même si la construction actuelle est intra-muros et postérieure de plusieurs générations.

Quoi qu'il en soit, le grand prêtre Bienné répondit qu'il viendrait volontiers parce que "... je connais la piété de la communauté du Mont Ardent que tu présides avec sagesse. De plus, je suis heureux de donner à ta communauté tout le territoire qui va de votre Mont à la Rivière Blanche qui appartient maintenant à notre temple. Il sera sous votre complète juridiction, avec tous nos serviteurs et nos esclaves qui aujourd'hui cultivent cette terre..."

C'était une étroite bande de terre et elle constituait le premier agrandissement du territoire de la Commune. La lettre se terminait en outre par ces mots : "... et je prierai pour toi, pour ton compagnon aimé, Silencieux, pour toute la communauté et pour tous les gens du commun qui travaillent dans votre territoire. Que le Réveillé vous protège et vous maintienne libres et unis, comme vous l'avez toujours été." Cette lettre montre que Bienné avait une idée assez claire de l'organisation de la communauté et les valeurs d'égalité et d'union qu'elle professait. D'ailleurs, elle parle de "juridiction" ce qui, à défaut d'être une véritable reconnaissance de l'indépendance du territoire, est du moins la reconnaissance de son autonomie vis à vis des autres puissances.

Cette lettre, avec d'autres documents, sera utilisée plus tard par la communauté comme preuve dans les différends qui l'opposeront à ses puissants voisins. Il est aussi clair que Bienné savait que cette communauté pratiquait l'amour entre hommes, comme l'indique l'expression "ton compagnon aimé, Silencieux."

À propos de Joyeux et Silencieux, voici un récit délicieux, datant sans doute de la douzième génération et qui, à part nous dire comment ils se connurent et tombèrent amoureux, illustre les rapports entre Compagnons et Amis.

"Un jeune compagnon nommé Joyeux descendait presque chaque jour, après les louanges du matin, à la source d'Eauvive, chercher de l'eau pour la communauté. Autour de la source étaient bâties cinq maisons d'Amis. Quand Joyeux venait, ils le priaient de s'arrêter un moment avec eux pour leur raconter les récits des premiers temps. Joyeux s'asseyait alors sur une pierre et il racontait. Les petits surtout venaient autour de lui et se pressaient autour de lui, et l'un ou l'autre montait sur ses genoux et Joyeux, leur caressant doucement les cheveux, commençait son nouveau récit.

Parmi eux se trouvait Silencieux, le fils de Brave et de Lys. C'était un très bel enfant, doux et calme, à peine entré dans l'âge des fleurs (10 ans), aux cheveux noirs doux comme la soie et aux yeux de la couleur d'un ciel d'été. Quand il arrivait à s'asseoir sur les genoux de Joyeux, il posait la tête sur son épaule et restait immobile jusqu'à la fin du récit. Puis il le remerciait avec un sourire doux, embrassait la manche de son habit et le regardait aller à la source et remplir ses deux seaux.

Un jour, Joyeux allait retourner à la falaise avec ses seaux pleins d'eau, Lys et Brave tenant leurs trois enfants par la main, dirent à Joyeux : "Notre fils veut devenir Compagnon. Pouvons-nous te le confier ?" "À moi ? Je suis l'un des plus jeunes compagnons, pourquoi ne le confiez-vous pas à quelqu'un de plus sage que moi ?" "Notre fils a de l'affection pour toi, il veut que tu sois son guide." "Emmenez-le voir notre Recteur et lui, dans sa sagesse, décidera qui sera le meilleur guide pour en faire un compagnon." répondit Joyeux. "C'est toi que nous connaissons et en toi que nous avons confiance : alors ce que tu feras sera bien fait."

Joyeux prit Silencieux par la main et partit vers la Roche. "Pourquoi veux-tu devenir compagnon, mon jeune ami ?" "Je veux devenir ton compagnon." répondit Silencieux. "Mais tu es encore un enfant." "Mais je grandirai. Tu m'attendras ?" "On verra. Il faut d'abord que tu deviennes vraiment un bon compagnon. Tu sais qu'on ne peut pas devenir compagnon avant l'âge des Fruits, hein ?" "Il ne reste même pas cinq ans." répondit serein Silencieux en serrant affectueusement la main du jeune homme.

Joyeux le conduisit chez le Recteur qui l'interrogea longtemps, puis le confia à Loup et à son compagnon Orme pour qu'ils l'instruisent. Silencieux dormait à la maison des novices et s'appliquait avec diligence. Tous les jours il cueillait une fleur et la déposait sur le seuil de la maison de Joyeux et quand il le croisait, il le saluait toujours d'un sourire chaleureux.

Joyeux le regardait grandir et il lui semblait que plus il grandissait plus il était beau. Quand ils chantaient dans la grotte principale, trois fois par jour, les louanges au Réveillé et au Maître, leurs yeux se croisaient souvent et ceux de Silencieux devenaient lumineux, ceux de Joyeux se remplissaient de tendresse.

Quand enfin Silencieux entra dans l'âge des Fruits, il put laisser l'habit noir et revêtir l'habit bleu des compagnons et, lors d'une cérémonie, il prononça les vœux de liberté de pauvreté et d'amour puis il descendit à Eauvive pour le chant de remerciement à ses parents de lui avoir donné la vie.

Silencieux, devenu compagnon, déposait chaque jour un fruit sur le seuil de chez Joyeux. Jusqu'à un soir où, après les Louanges, Joyeux s'approcha de lui et lui dit : "Les fleurs que tu m'as données étaient parfumées, les fruits que tu me donnes sont doux." "Je suis heureux que tu les apprécies." répondit Silencieux content. "Mais il est un autre fruit, mur maintenant, que je voudrais goûter. Pourquoi ne le déposes-tu pas sur mon seuil ?" demanda Joyeux avec un sourire.

Silencieux alors alla sur le seuil de la maison de Joyeux et s'assit pour l'attendre. Quand Joyeux rentra pour la nuit, il le trouva assis là. Alors il le prit dans ses bras tira le rideau et l'étendit sur sa propre couche. Puis il alluma la lanterne, retira son habit au garçon et étendu sur lui, il le savoura toute la nuit.

Ils s'aimèrent intensément, jour après jour, jusqu'à ce que Silencieux soit enfin en âge de demander au Recteur de l'unire à Joyeux. Leur amour grandissait et se renforçait tant qu'ils étaient cités aux novices comme exemple du vrai amour qui devait unir deux compagnons."

Joyeux fut nommé Recteur et, comme on l'a vu, fit construire le premier temple. La statue de Joyeux et Silencieux dans la Grotte est la troisième à droite de celle du fondateur : Silencieux est représenté lové à ses pieds, pour rappeler son attente sur le seuil de sa porte, même s'il est représenté comme un jeune de vingt ans. Il a une fleur dans la main droite et, de la gauche, il tend un fruit à Joyeux, en symbole de son complet don de soi. On pense qu'elle a été sculptée autour de l'an 400, c'est à dire dans la 12ème génération.


E - Le Roc et la Forteresse. Les premiers Statuts. Le forum des chefs de famille. L'histoire de Fidèle et Sévère.


Au cours de la 29ème génération, sous le recteur Premier, l'empire tout autour fut la proie d'incursions des barbares qui vivaient à l'ouest. Les compagnons, craignant la férocité des envahisseurs, décidèrent de fortifier le sommet du Mont et construisirent le Roc qui s'élève à partir du sommet du Mont Ardent, au dessus de la Roche et qui court tout autour en descendant et entoure de forts murs la Grande Grotte .

Il ressort des documents que les familles tant d'Eauvive que du Temple participèrent à sa construction et, pour la première fois, on cite aussi des familles de Bourg. En fait, les archives contiennent un acte daté de 3 Gr XII (393) par lequel la famille Galle de Opulence donne les à la communauté fermes de Plaine, et Bourg est établi presque au centre de Plaine. Il en ressort aussi que les compagnons étaient organisés en dix équipes de travail et les amis en dix autres ce qui indiquerait, pour des équipes de huit personnes, et en tenant compte de ceux qui, pour raison d'âge ou d'autres tâches, ne participaient pas à la construction, la population totale de la communauté devait approcher les 200 compagnons et les 300 amis.

Par ailleurs, une note du recteur Premier indique qu'il fallait entretenir des vigiles, quatre équipes de douze hommes précise-t-il, soit un dixième de la population. On trouve aussi à cette époque trace de l'achat à Opulence de cinquante épées, cinquante lances et cinquante arcs et un millier de flèches à pointe de fer. En paiement de ces armes, les compagnons s'engagent à sculpter les 80 statues de la tour du Temple Majeur d'Opulence. Malheureusement la tour fut détruite par le tremblement de terre de 1027 et elle n'existe plus, mais elle devait être très belle, d'après ce que montrent certains dessins d'époque dans les Archives d'Etat.

Dans la partie supérieure du Roc sont les douze "maisons" des compagnons, ceux qui assuraient deux des quarts. Les deux autres étaient tenus par des amis. Dans une autre ordonnance du commandant du Roc, quelques années après, impose aux compagnons de garde d'être séparé de leur compagnon par au moins deux hommes, pour éviter qu'ils ne cèdent à la tentation de faire l'amour pendant le service : à l'évidence cela arrivait parce que les Compagnons étaient toujours de garde la nuit.

Nous avons un document de 20/2/1 Fe XXIX (736) intitulé : "Dénouement de la controverse entre le grand prêtre d'Opulence et le recteur du Mont Ardent." À cette époque survint une dispute entre Donné, grand prêtre du temple majeur d'Opulence, et la communauté. Le recteur était Simple. Donné soutenait que Simple avait usurpé quelques fermes du Temple d'Opulence sur le versant occidental du Mont Ardent. L'arbitrage fut soumis à Jeune, grand prêtre de Montpain, à Lion, seigneur de Montpain et à trois juristes de renom appelés de Villette, Bonnaire et Vaillance. La dispute fut résolue en faveur de Simple et de la communauté du Mont Ardent, qui put prouver que le temple d'Opulence n'avait jamais eu la propriété de ces biens et que "ni depuis dix, ou deux, ni même une génération", ils n'en avait jamais joui. Il fut donc reconnu tacitement que par le passé maintenant et à jamais, les fermes de Rive, Plaine, Maisonnettes, Forêt et Terrasses appartenaient au Mont Ardent et à la Commune des compagnons.

Nous sommes alors à l'aube de l'unification et de l'indépendance du territoire. Une lettre du roi Osant datée de 26/9/2 Gr XXXV (852) octroie à la "libre communauté" le droit de construire un second château au sommet du Mont (le château de la Forteresse) et de ceindre de murs les bourgades Eauvive, Temple et Plaine.

L'an 3 Fl XLIII (1023) le concile des grands prêtres de Vaillance et Bonnaire autorise la construction du mur d'enceinte autour des maisons des Amis de Maisonnettes, ensemble qui forma le château de Sereine. Les documents de l'époque permettent d'estimer la population à près de 1800 personnes, environ 500 compagnons et 1300 Amis.

Le nom de Sereine vient de Serein, le Compagnon issu d'une famille de la plaine de Maisonnettes, qui fut chargé de rédiger les premiers "statuts" de la communauté des amis et des compagnons. Et il utilisa pour la première fois le terme 'la Commune' pour désigner l'ensemble du territoire et de la communauté sous la juridiction du Mont Ardent.

Pour la première fois le Forum se réunit, c'est à dire l'assemblée des chefs de familles des Amis. La famille était alors définie comme un groupe de personnes ayant en commun un ascendant vivant . C'est d'ailleurs l'époque où se développe l'usage du patronyme. A la mort de l'ancêtre commun, la famille se divise en autant de familles qu'il y a de fils, mais seul le fils aîné porte le patronyme du père, les autres en prennent un nouveau. Le Forum élit un Capitaine qui seconde le Recteur pour toute décision.

Les statuts imposaient le service militaire obligatoire pour tout mâle de 15 à 60 ans. Les gardes du Roc et de la Forteresse devaient résider intra-muros. Ils restaient disposés à accueillir et protéger toute victime de persécution, mais cela se faisait désormais contre la consignation de tous leurs biens en or, argent, armes, outil et autres objets, ils ne gardaient que leurs habits : s'ils demandaient asile, leurs bien devenaient propriété commune, si par contre ils décidaient de repartir, ils étaient reconduits à la frontière où on leur restituait tout ce qu'ils avaient à leur arrivée.

Nul ne pouvait se déplacer sans lumière la nuit ou armé sur le territoire de la Commune : les gardes de nuit avaient ordre d'arrêter immédiatement quiconque contrevenait à ces ordres, fusse-t-il le Capitaine ou le Recteur. Nul étranger ne pouvait acheter maison ou terre dans le territoire. L'homicide et la trahison étaient passible de décapitation. Qui ne priait pas trois fois par jours encourait jusqu'à 150 jours de prison. Qui s'adonnait aux jeux de hasard encourrait aussi 150 jours. Qui avait jeté eau usée ou déchets sur une voie publique ou une place enquerrait 30 jours de prison.

Même la vie sexuelle était réglementée par des lois précises, qui ne distinguaient pas les amis des compagnons : nul ne pouvait avoir de rapports sexuels avec un enfant dans l'âge de la Graine, et à l'âge de la Feuille ce n'était permis qu'avec une différence d'au plus deux ans entre les partenaires et sous réserve de consentement mutuel, à l'âge de Fleur, le consentement restait requis avec un écart d'âge d'au plus trois ans, les rapports n'étaient libre qu'à l'âge des fruits, à partir de 15 ans. Qui contrevenait à ces règles ou qui, à tout âge, obligeait de quelque façon que ce soit autrui à faire l'amour avec lui, était puni d'autant d'années de prison qu'ils avaient de différence d'âge. Nul ne pouvait être uni à un autre avant ses vingt ans, mais il pouvait être "promis" avant.

Les promis ne pouvaient pas encore habiter ensemble mais ils pouvaient faire l'amour dans la maison du plus âgé. Les relations sexuelles extraconjugales étaient punies, sur dénonciation du compagnon, d'une peine de prison de même durée que la relation illicite.

Aucune famille ne pouvait élever plus d'un petit animal (poulet, lapin, mouton) par membre de la famille et pas plus d'un grand (vache, cochon) pour trois membres ou fratrie.

Enfin, au Forum, nul ne pouvait parler avant que le précédent à avoir eu la parole n'ait terminé. Pour éviter des interventions trop longues, il y avait une clepsydre qui permettait près d'une heure de parole.

À propos de la loi sur les rapports sexuels, voici un texte qui rapporte l'histoire de Fidèle Doux d'Eauvive.

Fidèle Doux d'Eauvive était un artisan, issu d'une famille de potiers. Ses premiers émois sexuels advinrent quand il avait douze ans, et l'emmenèrent à épier au confluent de l'Eauvive et de la rivière de Sylvain les garçons plus grands qui se baignaient nus.

Fidèle s'enticha d'un garçon de dix-sept ans appelé Sévère. Alors, un jour où il put le voir seul, il lui demanda de lui apprendre à faire l'amour.

Sévère lui répondit : "Je ne peux pas faire l'amour avec toi, on a cinq ans de différence."

"Mais je veux que ce soit toi qui m'apprenne."

"Je ne peux pas, tu le sais bien. Pourquoi ne demandes-tu pas à Gentil : il a quinze ans, le bon âge pour toi, et il fait bien l'amour, je te le garantis."

"Je t'ai vu nu et ce que j'ai vu m'a plu. Gentil n'est pas si différent de moi : il ne m'intéresse pas." Répondit Fidèle.

"Même s'il n'est pas très développé, il sait bien faire l'amour, crois-moi... demande-le-lui." Insista Sévère.

Fidèle lui demanda alors ce que faisait Gentil pour lui faire dire qu'il était bon et Sévère le lui expliqua. Mais Fidèle voulait Sévère, pas Gentil. Il l'espionna et vit que Sévère laissait parfois un signe à Gentil pour lui dire qu'il l'attendait et Gentil, la nuit, venait à la grange de Sévère où ce dernier l'attendait et, dans la nuit, ils faisaient l'amour. Fidèle, caché dans le coin, entendait leurs gémissements de plaisir et était excité. Les deux garçons ne parlaient presque jamais et ça lui donna une idée.

Il chercha des habits ressemblants à ceux de Gentil et, quand Sévère mit le signe par lequel il disait à Gentil qu'il l'attendrait cette nuit, il l'enleva avant que Gentil ne le voit et il attendit la nuit. Il rampa jusqu'à la grange de Sévère et Sévère l'accueillit sans rien soupçonner, l'attira à lui, le mit nu et commença à lui faire l'amour. Fidèle gémissait de plaisir et faisait tout ce que Sévère lui disait avec passion.

Quand finalement Sévère commença à le prendre il dit ahuri : "Cette nuit tu m'as l'air plus étroit que d'habitude, ne te contractes pas comme ça, Gentil." Mais quand il fut enfin en lui, il lui murmura : "Tu es plus chaud et plus agréable que jamais." Et Fidèle se sentit heureux.

Sévère était fort et déterminé, mais aussi tendre et doux et Fidèle gémissait de plaisir sous les coups énergiques du jeune homme qu'il aimait.

"Gentil, si je ne mets pas le signe, tu viendrais demain soir ?"

"Oui." murmura Fidèle en se rhabillant et il rentra comblé chez lui.

Ils se retrouvèrent plusieurs nuits jusqu'à ce que Gentil demande à Sévère pourquoi il ne l'invitait plus dans sa grange.

Sévère lui dit : "Mais que dis-tu ? On se voit tous les soirs ces jours-ci."

"Tous les soirs ? Mais ça fait des jours que tu n'as plus mis le signe !"

Sévère n'insista pas : il comprit soudain ce qui devait être arrivé, d'autant plus qu'il devait y avoir dix jours que Fidèle avait arrêté d'insister pour faire l'amour avec lui. Alors cette nuit-là, il cacha une lanterne sous une bâche de manière à ce qu'elle reste allumée sans être visible.

Quand Fidèle arriva, il le déshabilla d'abord puis il sortit la lanterne : "Fidèle !" dit-il l'air sévère.

Le garçon ne se démonta pas, il le caressa et lui dit : "Ça te plait de le faire avec moi, non ? Faisons-le encore."

"Tu sais que c'est interdit !"

"Si tu le fais encore avec moi, je me tairai, sinon, je le dirai et tu iras en prison. Tu choisis quoi ?"

Sévère était troublé, alors Fidèle se mit à lui faire l'amour jusqu'à ce qu'il soit excité et qu'il participe. L'expression de Sévère, à la lumière de la lanterne, plaisait beaucoup au garçon.

Sévère était de plus en plus gêné et demandait à Fidèle d'arrêter. Mais Fidèle ne voulait rien savoir. Alors un jour Sévère monta à la Roche et demanda à parler au compagnon Tigre lui raconta tout ce qui lui arrivait et lui demanda conseil. Tigre lui dit ce qu'il devait faire...

Cette nuit là, avant que n'arrive Fidèle, trois compagnons se cachèrent dans la grange.

Quand Fidèle arriva, Sévère lui dit : "Pour la dernière fois, je t'en prie : je ne veux plus faire l'amour avec toi, c'est interdit."

Fidèle répondit : "Moi, par contre, je veux le faire et tu sais très bien qu'il vaut mieux qu'on le fasse, sinon je te dénonce et tu feras cinq ans de prison. Tu aimes faire l'amour avec moi, non ?"

"Oui, ça me plait. Mais c'est interdit. Arrêtons, je t'en prie."

"Non, je te veux." dit le garçon et il se déshabilla.

Alors les trois compagnons se firent voir et Tigre dit : "Maintenant ça suffit, rhabille-toi : on a tout entendu, nous pouvons témoigner que tu as frauduleusement forcé Sévère à avoir des rapports sexuels avec toi, et donc tu ne peux plus le faire chanter."

Fidèle ne se rhabilla pas, mais il dit : "C'est une loi injuste, il me plait et je lui plais. Comment pouvez-vous nous imposer cela ? Notre Terre n'est-elle pas la terre de la liberté, ne s'appelle-t-elle pas la justissime ? Quelle liberté y a-t-il là pour moi ? Et quelle justice ?"

"Tu n'es encore qu'un enfant et tu veux juger les lois de nos pères? Nous dire ce qui est juste ou non ?" demanda Tigre sévèrement.

"Nos pères n'avaient pas ces lois, elles ont été faites plus récemment. N'eussent été ces lois, toi, Sévère, m'aurais-tu dit non ? Sois sincère, je t'en prie !"

"Tu me plais beaucoup, Fidèle : je crois que je t'aurais dit oui."

"Et je devrais attendre trois ans pour faire l'amour avec toi ? Quand on se désire tous les deux ? Ce n'est pas juste, Compagnons. Si je me trompe, démontrez-le moi."

Les trois compagnons ne surent que répondre alors ils dirent qu'ils soumettraient le cas à la sagesse du Recteur et du Capitaine pour qu'ils tranchent. D'ici là, Fidèle devait jurer qu'il ne harcèlerait plus Sévère. Le garçon jura. Les trois compagnons soumirent le cas mais le Recteur dit qu'un seul cas ne suffisait pas à changer la loi. Le Capitaine réunit alors le Forum et, sans donner de noms, il raconta le problème aux chefs de famille. Le Forum décida d'ajouter une apostille à la loi pour préciser que si deux personnes étaient décidées à faire l'amour malgré l'interdiction due à leurs âges, ils devaient en demander l'autorisation au Recteur et au Capitaine et si tous deux, ainsi que le chef de la famille du mineur, donnaient leur placet, cela ne devait pas leur être interdit.

Aussi furent convoqués le chef de la famille Doux, ainsi que les deux garçons. Fidèle déclara que, même si ça lui coûtait cinq ans de prison, il voulait encore faire l'amour avec Sévère. Sévère dit que Fidèle était bien développé et qu'il lui plaisait beaucoup, et que s'ils avaient été promis il aurait été ravi de lui faire l'amour. Le chef de la famille Doux donna son accord, de même que le Capitaine. Alors le Recteur donna aussi son 'placet' et les deux garçons purent poursuivre leur relation. Toutefois, pour punir Fidèle de son effronterie, il dut passer un mois par an en prison jusqu'à ses quinze ans. Fidèle accepta avec joie et les deux garçons purent ainsi s'aimer sereinement.

L'addition à la loi est datée du 20/8/4 Fr XLVI (1089).


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