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histore originale par Andrej Koymasky


MEMOIRE CHAPITRE 1 - UN GRAVE ACCIDENT

Nicolas fonçait plein gaz sur la nationale, il avait hâte d'arriver chez lui pour se jeter sur le lit et, si possible, dormir. Oublier, peut-être, même s'il savait que ce ne serait pas facile.

Pourquoi fallait-il qu'il y ait des gens comme Paolo ? Il s'était fait des illusions, une fois encore et, évidemment, il avait eu une désillusion, une fois de plus. Paolo, comme Danilo avant lui et aussi Fausto encore avant, n'avaient envie que de le baiser, de jouir de lui, de son corps, mais en échange, ils ne lui avaient pas donné la moindre once d'affection, de considération ni de respect.

"Pourquoi ne suis-je pas laid, insignifiant ou au moins insensible ? J'aurais un paquet de problèmes en moins" pensait-il en abordant un virage.

À peine sorti du virage, il entendit derrière lui le bruit d'un moteur puissant et une Alfa Romeo le doubla facilement en faisant crisser ses pneus. Nicolas la maudit mentalement parce que l'auto, après l'avoir doublé, s'était aussitôt rabattue, lui avait fait une queue de poisson et obligé à freiner pour ne pas lui rentrer dedans.

Mais l'Alfa Roméo ne redressa pas et sortit de la route comme un projectile. Nicolas freina plus fort et sa moto dérapa et sursauta comme un cheval affolé et il ne resta en selle que par miracle, puis la moto s'arrêta contre la glissière de sécurité, le moteur emballé. Il vit l'auto atterrir dans le pré avec un bruit sourd, à plat. Au moment de l'impact au sol les portières s'ouvrirent et le chauffeur fut projeté comme une poupée hors de son véhicule et atterrit à son tour dans le pré, à côté de la voiture, dans une position désarticulée et absurde. Puis tout redevint immobile et silencieux.

À cet instant précis Nicolas entendit au loin des criaillements d'oies qui lui semblèrent presque un commentaire surréaliste sur ce qui venait d'arriver.

Il descendit précipitamment de sa moto et enleva son casque, courut dans le pré et s'arrêta, le cœur au bord des lèvres, près du corps immobile. Il le regarda et se demanda s'il était encore vivant. Puis il remarqua que les doigts d'une des mains de l'homme se pliaient un peu. Il se pencha sur lui et essaya de l'appeler, mais à l'évidence l'homme avait perdu connaissance. Le corps reposait dans une position absurde ; Nicolas pensa un instant l'étendre mieux mais il se souvint qu'il pouvait être dangereux de bouger ou toucher un blessé.

Alors il retourna en courant à sa moto, remit son casque, redémarra le moteur et fila au village voisin trouver un téléphone. Il avertit la police, expliqua le lieu de l'accident et demanda qu'ils appellent une ambulance. Puis il reprit sa moto et retourna de nouveau sur les lieux de l'accident.

L'homme était encore là, immobile et aucune autre voiture ne s'était arrêtée : ou personne ne s'était aperçu de l'accident ou personne n'était passé depuis plusieurs minutes ou encore, se dit Nicolas, si quelqu'un l'avait vu, il s'en était foutu et avait continué tout droit. Ce qui arrive malheureusement trop souvent. À croire que les gens sont de plus en plus indifférents aux problèmes et aux souffrances des autres.

Il s'accroupit à côté du corps inanimé et il vit qu'il respirait encore. Il avait au front une coupure dont sortait du sang qui lui maculait le visage. Il regarda autour de lui, puis il regarda l'auto et il vit, par terre, à côté de la portière, un portefeuille. Il le ramassa et l'ouvrit : il contenait beaucoup de billets de cent et de cinquante mille lires, un permis, une photo. Il sortit le permis et le lut, l'homme s'appelait Gilberto Ferri, il avait trente-neuf ans et habitait près de chez Nicolas.

Il regarda la photo du permis, puis le visage de l'homme et se dit qu'il était plus beau sur la photo, puis que c'était normal, il n'était pas que couvert de sang, il avait le visage d'un homme évanoui et qui souffrait sans doute. Il remit tout en place et reposa le portefeuille par terre, là où il l'avait trouvé. Puis il s'approcha de nouveau de l'homme et guetta son visage. Il sortit un mouchoir de sa poche et tamponna délicatement le sang de son visage.

Il regarda sa montre, il était 16:27. Il se demanda combien de temps avait passé depuis l'accident et combien l'ambulance mettrait encore à arriver. Juste à cet instant il entendit le bruit des sirènes qui approchaient. Il revint aussitôt au bord de la route pour indiquer le point exact de l'accident. C'était la police. Le moteur s'arrêta et les policiers sortirent vite.

Nicolas demanda, inquiet : "Mais et l'ambulance ? Elle arrive quand ?"

"Elle arrive tout de suite, ils ont dit. C'est votre moto ?"

"Oui, pourquoi ?"

"Vous avez assisté à l'accident ?"

"Oui."

"Racontez à mon collègue comment se sont déroulés les faits." dit le policier et il descendit aussitôt dans le pré.

Nicolas avait à peine commencé son récit quand enfin l'ambulance arriva à son tour. Ils emmenèrent le blessé pendant que Nicolas terminait sa déposition et laissait ses coordonnées. Il regarda partir l'ambulance et vit, écrit sur le côté, le nom de l'Hôpital Principal. Puis il reprit sa moto et partit, pendant que la police examinait l'auto. Il remarqua que le premier policier avait trouvé le portefeuille et en vérifiait le contenu.

Une fois chez lui, Nicolas se servit un whisky puis se déshabilla et mit sa tenue de gym. Pour le moment il avait oublié Paolo et il repensait à l'homme de l'accident. Il se souvenait encore de l'adresse qu'il avait lue sur le permis et, sans bien savoir pourquoi, il la nota sur un papier. Puis il se demanda si la police avait prévenu la famille de cet homme. Devait-il le faire, lui ?

Il chercha dans l'annuaire et vit qu'il y avait un Gilberto Ferri à la bonne adresse. Il s'agissait donc bien de lui. Etait-il marié ? Avait-il des enfants ? Il composa le numéro et se dit que, si quelqu'un répondait, il demanderait d'un ton indifférent si par hasard Gilberto était chez lui, comme ça il saurait si la police les avait prévenus ou pas. Le téléphone sonnait mais, bien qu'il l'ait laissé sonner longtemps, personne ne répondit. Ils étaient peut-être allés à l'hôpital, se dit-il.

Il entendit le bruit de la porte d'entrée qui s'ouvrait et il regarda sa montre. 19 heures 42, c'était donc sa mère. Il lui dit bonsoir à voix haute. Elle lui répondit et entra au séjour.

"Papa n'est pas encore là ?"

"Non, maman. Il n'avait pas dit que ce soir il sortait avec ses collègues ?"

"Si, c'est vrai, j'avais oublié. Le dîner d'adieu de Guerrini qui prend sa retraite, hein ? Je fais réchauffer le dîner et je me change, ce sera bientôt prêt. Est-ce que Federica aurait appelé ?"

"Je ne sais pas, maman, je suis rentré il y a moins d'une heure."

"Tu es allé à la fac ?"

"Oui maman." mentit Nicolas.

Ils dînèrent. Sa mère lui raconta ce qu'elle avait fait de l'après-midi et conclut par : "Je préférerais que tu viennes aussi, Nicolas. Tu as très bon goût et tu saurais me donner de bons conseils."

"Pardon, mais il ne vaudrait pas mieux que papa vienne ? Au fond c'est surtout à lui que ça doit plaire, non ?"

"Mais non, je t'ai dit, je veux lui faire la surprise." répliqua sa mère et elle alla s'asseoir devant la télé et prit la télécommande.

Nicolas repensait à l'accident et il essaya de rappeler. Toujours pas de réponse. Alors il alla dans sa chambre et se mit à réviser. Mais dès qu'il ouvrit son livre il repensa à Paolo. Oui, se dit-il, il avait bien fait de le quitter, même s'il savait très bien faire l'amour.

L'amour ! Mais ça existe vraiment, l'amour ? Ou n'y a-t-il que l'envie de baiser ? Tout comme parfois on a envie de se masturber sans qu'il y ait de vraie raison ou de besoin concret. Bien sûr, il y a des moments d'érotisme intense, mais eux aussi, quel rapport ont-ils avec l'amour ? Cet amour romantique, extraordinaire et fort que chantent les poètes, les écrivains, les comédiens et les cinéastes mais qu'en fait on n'arrive jamais à trouver. Ce n'est que de la littérature, un mythe, une apparence, une illusion douce tant qu'elle persiste mais qui devient amère quand la lumière de la réalité nous plonge dans la désillusion.

"Non," pensa Nicolas, "je dois grandir, mûrir, réaliser que l'amour n'existe pas. Si je l'avais compris plus tôt, je n'aurais peut-être pas largué Paolo."

Il regarda encore sa montre : presque minuit. Il ferma son livre de cours qu'il n'avait même pas lu, passa la tête à la porte pour dire bonne nuit à sa mère, encore assise devant la télé, et se mit au lit. Pendant qu'il s'endormait il lui sembla entendre rentrer son père.

Au réveil le lendemain matin, il essaya encore d'appeler chez Gilberto Ferri : toujours pas de réponse. Il se dit alors que cet homme vivait peut-être seul, que personne de sa famille, s'il en avait une, n'était au courant de l'accident.

Alors, au lieu de la fac, il décida d'aller à l'hôpital. Il s'informa auprès des médecins et apprit que Gilberto était encore inconscient et que la police n'était arrivée à localiser aucun de ses parents. Il demanda s'il pouvait le voir. Gilberto était couché sur un lit, les yeux fermés, la tête bandée, un bras et une jambe dans le plâtre.

Une infirmière entra : "Vous êtes de la famille ?"

"Non, juste une connaissance." répondit Nicolas et il se demanda aussitôt pourquoi il avait menti. Peut-être par crainte d'être renvoyé,

Il approcha du lit une chaise en métal émaillé blanc, s'assit et le regarda. Gilberto avait un beau visage, encadré par la blancheur des bandes et de la gaze. Il était beau dans son abandon serein, détendu dans les limbes de l'inconscience.

Nicolas se demandait ce qui l'avait poussé à venir à l'hôpital, pour veiller un inconnu. Peut-être l'idée qu'il pourrait n'y avoir personne pour prendre soin de lui ? Peut-être se sentait-il, sinon responsable au moins concerné, pour avoir assisté à l'accident, parce que lui seul l'avait secouru, avait appelé la police ? Ou se sentait-il coupable de l'avoir maudit quand il l'avait doublé et Mais non, il n'y était pour rien.

Et pourtant il sentait que sa vie et celle de cet inconnu avaient désormais un point de contact, indéniable, inévitable

Il se demanda aussi s'il n'était pas attiré par ce visage. Indubitablement Gilberto avait un beau visage, mais mais qui était-il, après tout ? Peut-être quelqu'un d'odieux, d'antipathique, même si ça lui semblait assez improbable, du moins à en juger à son air détendu et serein. Mais peut-être n'avait-il cette expression que parce qu'il, était bourré de sédatifs Va savoir ce qu'il était, ce qu'il faisait dans la vie ? À trente-neuf ans il n'était même pas marié, si à la place du permis il avait trouvé une carte d'identité, il aurait pu le savoir.

Nicolas resta là, en silence, à le regarder et à penser, pendant plus d'une heure.

L'infirmière revint : "Nous n'arrivons pas à contacter la famille de monsieur Ferri. Vous n'auriez pas quelques indications ?"

"Non, je ne sais pas Je ne connais personne de sa famille."

"Vous le connaissez depuis longtemps ? Vous ne sauriez pas où il travaille ?"

"Non, désolé, je ne sais pas. Nous n'en avons jamais parlé"

L'infirmière haussa les épaules et ressortit. Nicolas regarda encore Gilberto puis se leva et il allait sortir de la chambre quand il rencontra de nouveau l'infirmière à la porte.

"Vous partez ?" lui demanda-t-elle.

"Oui pourquoi ?"

"Et bien s'il se passait quelque chose vous pourriez nous laisser votre téléphone ?"

"Quelque chose ? Quoi ?"

"Je ne sais pas une complication le pronostic est encore réservé, vous savez, Vous n'avez pas parlé au médecin ?"

"Non je connais à peine monsieur Ferri."

"Mais vous êtes le seul à vous être intéressé à lui, jusque là."

"Bien, le médecin il est là en ce moment ?"

"Non, il devrait venir demain matin, vers huit heures."

"D'accord, je tâcherai d'être là."

"Si vous pouvez me laisser votre téléphone, quand même."

Nicolas acquiesça, suivit l'infirmière à un petit bureau et écrivit sur un papier son nom et son numéro de téléphone, puis il sortit. À présent il était concerné, peut-être plus qu'il ne l'aurait souhaité. Il fallait qu'il en parle à la maison, au cas où on l'appellerait de l'hôpital. Il prit sa moto et partit vers la fac, mais il changea d'idée à mi-chemin et repartit vers chez lui. Il alla à l'adresse de Gilberto Ferri. C'était un immeuble neuf et il trouva sur l'élégant panneau de sonnettes le nom Ferri. Il sonna mais personne ne répondit. Il n'y avait pas de concierge dans l'immeuble. Il allait repartir quand la porte d'entrée s'ouvrit et une dame sortit.

"Vous cherchez quelqu'un ?" demanda-t-elle à Nicolas.

"Monsieur Ferri mais personne ne répond."

"Il doit être au bureau." dit la dame.

"Vous savez où il travaille ?"

"Oui, bien sûr, à la Caisse d'Epargne. Mais qui êtes-vous ?"

"Merci et bonne journée." répondit Nicolas qui s'éloigna vite et laissa la dame interdite.

Il reprit sa moto et partit pour la Caisse d'Epargne. Il entra et demanda à l'accueil Gilberto Ferri.

"Le directeur ? Je ne sais pas, je crois qu'il n'est pas venu, aujourd'hui. Voulez-vous parler au directeur adjoint ?"

"Non, merci."

En repartant il vit entrer un caporal chef des carabiniers et l'entendit demander Gilberto Ferri. Il sortit. Donc les forces de l'ordre aussi s'activaient, sans doute pour retrouver un parent à prévenir de l'accident. Si c'était le directeur de cet établissement de la Caisse d'Epargne, il devait être bien connu. Ils retrouveraient certainement un membre de sa famille.

Nicolas rentra chez lui, raconta à sa mère l'accident dont il avait été témoin et lui dit avoir laissé son nom à l'hôpital pour qu'ils puissent l'avertir s'il venait à y avoir un quelconque problème, au moins tant qu'ils n'auraient pas localisé un membre de sa famille qui puisse prendre soin de lui.

Sa mère l'approuva : "Je crois que je le connais, au moins de vue. Il est bel homme, mais, que je sache, il n'est pas encore marié. Je crois qu'il vient de Novara, enfin il me semble. Quand il a remplacé le docteur Segre, l'an passé, je crois bien qu'on a dit qu'il était muté de Novara. Mais je ne sais pas s'il y avait de la famille ou s'il travaillait seulement là-bas, avant Espérons qu'ils retrouvent vite sa famille, le pauvre homme."

Nicolas acquiesça. Donc il s'appelait Gilberto Ferri, était directeur de banque et venait de Novara. Et il était bel homme, célibataire peut-être. Et aujourd'hui il était dans un lit d'hôpital suite à un accident de la circulation, avec un pronostic encore réservé. Et c'était tout.

Il monta dans sa chambre. Il se dit qu'il aurait aimé en savoir plus mais comment ? Et puis, pourquoi ? De toutes façons il irait à l'hôpital le lendemain matin et peut-être qu'il y reviendrait tant qu'on n'aurait pas localisé un de ses parents, parce qu'on ne peut abandonner personne comme ça, pas même un inconnu. Du moins tant qu'il ne serait pas déclaré hors de danger.

Et le lendemain matin, il alla à l'hôpital.

L'infirmière le reconnut et lui sourit : "Il n'a pas encore repris connaissance. Si vous voulez parler avec le médecin..."

"Mais vraiment je le connais à peine, le docteur Ferri, et je ne sais pas si..."

"La police dit que vous avez été témoin de l'accident. Je crois que le médecin aimerait vous poser quelques questions. Venez."

Nicolas parla avec l'interne. Ce dernier lui demanda comment s'était passé l'accident puis lui dit qu'il n'y avait rien de vraiment préoccupant, à part quelques fractures et l'état de choc, du moins pour l'instant. Mais il dit qu'il fallait finir toutes des analyses cliniques nécessaires avant de pouvoir se prononcer sur un diagnostic. Il dit aussi que le sang du patient n'avait de traces ni d'alcool ni de stupéfiants.

Nicolas revint voir cet homme. Il était encore inconscient. Il resta un moment assis à côté de lui, puis il sortit de l'hôpital. En sortant, il repensa à Paolo mais, à sa grande surprise, il réalisa qu'à présent il le sentait lointain, comme appartenant au passé. Et dire que l'avant-veille à peine, sa rupture avec Paolo le brûlait comme une blessure. Oui, maintenant ça lui semblait juste du passé. Si vite ! Il en était stupéfait.

Puis il se dit que c'était peut-être bien l'accident qui lui avait fait si vite surmonter la déchirure de sa rupture avec Paolo. Il y avait dans la vie plus grave et plus important que la fin d'une relation mal entamée, et encore plus, mal terminée. Un inconnu avait failli mourir sous ses yeux. Peut-être était-ce lui qui l'avait sauvé, même s'il s'était trouvé là par hasard. Mais le hasard, ou le destin, ou Dieu, va savoir quoi, avait voulu qu'il soit là, lui-même, à cet instant.

Nicolas passa enfin à la fac. Il y croiserait sans doute Paolo, mais si ces derniers jours, cette simple idée l'ennuyait, maintenant cela ne lui importait plus trop. Il était stupéfait de la vitesse à laquelle il avait surmonté cette rupture. Mais il n'y avait pas trace de Paolo. Il demanda à Marinella ses notes des cours qu'il avait séchés et il alla aussitôt les photocopier.

Au local de photocopie il rencontra Stefano : "Salut Nicolas, ça va ?"

"Ça va."

"On te croyait malade."

"Non, j'avais des trucs à faire."

"Tant mieux. Ecoute, demain soir on va danser à l'endroit habituel. Tu viens avec nous ?"

"Qui vient ?"

"Comme d'hab. Francesca, Paola, Giannina, Marco, Paolo..."

"Ah, Paolo vient aussi ?"

"Oui, pourquoi ?"

"Non, rien comme ça. Je ne suis pas sûr de pouvoir venir. Mais au cas où, c'est à dix heures à la brasserie ?"

"Bien sûr. Mais tâche de venir. Je crois que Marta tient à ce que tu y sois, tu sais ?"

"Ah bon ? C'est elle qui te l'a dit ?"

Stefano rigola, cligna de l'œil mais ne répondit pas. Nicolas fit ses copies, retourna à la fac et rendit ses notes à Marinella. Puis il regarda sa montre et se dépêcha d'aller en amphi pour le cours. Là non plus, pas l'ombre d'un Paolo. Il trouva ça bizarre, parce que quand il lui avait dit que tout était fini entre eux, il avait paru prendre ça presque avec indifférence. Peut-être séchait-il pour une autre raison, va savoir.

À la fin du cours, il rencontra Mimmo à la sortie de l'amphi. Il était, de toute la promo, le seul à savoir pour Paolo et lui, parce qu'il était pédé lui aussi et ils s'étaient souvent rencontrés dans des boîtes gays. Ils se sont dit bonjour et Mimmo lui a demandé des nouvelles de Paolo. Nicolas lui dit qu'ils avaient rompu.

"C'est toi qui l'as largué, Nicolas ?"

"Oui, pourquoi ?"

"Je m'y attendais. Toi tu étais amoureux, lui pas."

"C'était si évident ?"

"Ça c'est sûr, et c'est un euphémisme. Paolo veut juste s'amuser, ça ne pouvait pas durer."

"Oui mais moi, il m'a fallu du temps pour le réaliser."

"Vous êtes ensemble depuis quand ?"

"Presqu'un an."

"Tu ne perds pas grand-chose. Paolo est sympa, c'est vrai, mais ce n'est pas le bon mec pour toi."

"Il est très beau."

"Ça se discute."

"Mais il est beau, non ?"

"Bof, c'est pas mon genre."

"Moi il m'a toujours fait bander, rien qu'à être près de lui."

"Tu trouveras mieux, ne t'en fais pas."

"Possible. Mais je ne veux plus m'engager. Je ne veux plus de désillusions."

"Tu dis ça maintenant, mais si tu trouvais le bon mec..."

"Ça existe, le bon mec ? Et toi, tu l'as trouvé ?"

"Pas encore. Mais parmi ces millions de pédés, il doit bien y en avoir un, pas vrai ?"

"Il n'est pas dit qu'on le trouve."

"Paolo est le premier, pour toi ?"

"Avec qui j'ai une histoire ?"

"Non, dont tu tombes amoureux."

"Non, le deuxième. Le premier, c'est celui qui m'a fait comprendre que j'étais pédé, j'avais quinze ans."

"Et vous avez été ensemble longtemps ?"

"Deux ans."

"C'est toi qui l'as quitté ?"

"Non, lui. Il s'appelait Cesare. Il avait vingt-cinq ans. C'était mon prof de sport au lycée. Il avait un corps parfait, de dieu grec. Et il savait me faire grimper aux rideaux de façon fabuleuse. Mais il en a rencontré un autre, après, et et il m'a largué. Puis plus rien pendant deux ans, jusqu'à ce que je rencontre Paolo. Il m'a tout de suite fait tourner la tête, mais il a fallu un an avant qu'il ne se passe quelque chose entre nous, parce que je ne savais pas encore qu'il était pédé."

"Comment vous avez su ?"

"Il a fait le premier pas. Il m'avait invité chez lui sous prétexte de préparer un examen, et il m'a pris dans ses bras et embrassé sur la bouche et il m'a dit vouloir faire l'amour avec moi."

"Si vite, dès la première fois ?"

"Oui, dès qu'on est arrivés chez lui, à peine la porte fermée, là, dans le couloir. Il m'a dit avoir tout de suite compris, à ma façon de le regarder, de regarder les autres garçons il m'a dit qu'il était sûr de ne pas se tromper."

"Mais il a pris un sacré risque. Moi je n'aurais pas osé. Il m'a toujours été difficile de faire le premier pas, même quand je suis sûr que l'autre est pédé, il n'est pas certain qu'il veuille de moi."

"Tu as peur d'un refus ?"

"Peut-être. Ou alors d'un scandale, je ne sais pas. Mes parents me mettraient dehors, s'ils savaient pour moi."

"Je crois que les parents de Paolo savent, pour lui."

"Il a de la chance. Et les tiens ?"

"Les miens ? Il ne manquerait plus que ça. Je ne crois vraiment pas qu'ils accepteraient, surtout mon père."

Ils discutèrent encore un peu puis se dirent au revoir et Nicolas rentra chez lui. Sa conversation avec Mimmo, l'évocation de Paolo et de Cesare l'avaient excité. Il profita de ce qu'il était seul chez lui pour se coucher et commencer à se masturber lentement, les yeux fermés, et il rêvait qu'il faisait l'amour avec Cesare et Paolo en même temps.

Cesare était peut-être plus beau, mais Paolo était un champion au lit. Oui, il aurait aimé faire l'amour avec les deux en même temps. Et peut-être bien aussi avec Danilo et Fausto. Il n'avait rien dit à Mimmo sur ces deux-là, mais avec eux ça n'avait pas vraiment été une relation ni une histoire d'amour. Ça aurait été impossible. Danilo avait trop de complexes, il était plein de peurs et de faiblesses. Ils s'étaient rencontrés aux toilettes de la gare. Ils avaient fait l'amour plusieurs fois, mais toujours à la va-vite, toujours en cachette. Bien qu'il ait trente ans et une bite très respectable, et bien qu'il suce merveilleusement bien, Nicolas finit par décider de ne plus voir Danilo.

Puis il avait rencontré Fausto. Fausto le sans scrupules. Il avait alors dix-huit ans et Fausto deux de plus. Ils s'étaient rencontrés la nuit du réveillon. Nicolas était allé, en famille, au banquet organisé par la maison de son père, au restaurant Villa Sassi. À un moment il était allé aux toilettes, et à l'urinoir à côté du sien, il y avait déjà Fausto. Du coin de l'œil il avait remarqué qu'il se masturbait lentement. Ça l'avait excité et son voisin le remarqua tout de suite et tendit la main pour le toucher. Nicolas avait sursauté et avait regardé nerveusement autour de lui : ils étaient seuls.

"Il n'y a personne, sois tranquille. Tu sais que tu me plais beaucoup ? Il y a un moment que je te regarde, là-bas dans la salle. Viens, enfermons-nous dans une cabine."

"Non, c'est risqué"

"Tu n'as pas envie ?"

"Si mais c'est trop risqué." répéta Nicolas qui rougissait.

Mais cette main forte et assurée sur son sexe l'excitait trop et il n'arrivait pas à s'y soustraire.

"Je m'appelle Fausto. Et toi ?"

"Nicolas."

"Tu me plais, Nicolas. Tu viens dehors, alors ?"

"Dehors ? Où ?"

"J'ai une fourgonnette sur le parking. On s'enferme dedans et personne ne nous verra, personne ne nous dérangera. J'ai envie de le faire avec toi."

"Non, pas maintenant. Je dois retourner dans la salle, mes vieux auraient des soupçons."

"Si c'est pas maintenant, alors quand ?"

"Une autre fois."

"Mais y aura-t-il une autre fois ? Tu me plais beaucoup, Nicolas. Viens, sortons, allez J'ai même un duvet dans ma fourgonnette, on sera bien."

"Non, s'il te plaît, n'insiste pas."

"Bon, d'accord. Voilà mon téléphone. Tu m'appelles, demain ? Là on arrangera un truc." dit Fausto en lui tendant quelque chose : c'était une carte de visite.

Nicolas vit que Fausto était représentant des éditions Fratelli Fabbri.

"Demain je serai chez moi toute la journée. Tu vois, là c'est le numéro de ma maison. Tu m'appelleras ? Demain ?"

"Oui, je crois, oui."

"Ne me pose pas de lapin, tu me plais trop. Je compte sur toi. Tu verras, tu seras content. Tu promets de m'appeler demain ?"

"Oui, oui je t'appelle." répondit Nicolas en rajustant son pantalon et, confus, il repartit vers la salle.

Il mit la carte de visite dans sa poche. Tout le reste de la soirée, il ne fit que penser à Fausto. Il le chercha plusieurs fois du regard mais il ne le vit pas. L'appellerait-il vraiment ? Peut-être bien.

À minuit, tout le monde s'est levé, a trinqué et a échangé des vœux pour la nouvelle année, avec les gens des tables voisines aussi, avec des inconnus aussi.

Nicolas vit apparaître devant lui Fausto qui le prit dans ses bras et lui murmura à l'oreille : "Demain, je compte sur toi, Nicolas." et il s'éloigna aussitôt embrasser et faire ses vœux à d'autres dans la salle.

Le lendemain, vers onze heures du matin, Nicolas prit le téléphone, l'emporta dans sa chambre et appela Fausto.

"Nicolas à l'appareil, Fausto est là ?"

"C'est moi. Ah, Nicolas, je suis content que tu aies appelé. J'ai envie de toi. On se voit quand ?"

"Cet après-midi ?"

"Parfait. Où ?"

"Où tu veux Je vais en ville."

"Tu viens en train ? À quelle heure ?"

"Non, en bus. J'arrive à six heures, ça ira ?"

"Parfait. Puis viens chez moi. Je suis seul, on sera tranquilles. Je viens te chercher à l'arrêt avec ma fourgonnette. Tu descends où ? Cours Marconi ?"

"Non cours Inghilterra. Tu sais où c'est ?"

"Oui, bien sûr. J'y serai. Je bande déjà à l'idée, tu sais."

"Ah."

"À bientôt, alors, Nicolas."

Et ils se sont retrouvés. Ce fut bien et ce fut différent de ce qu'il avait imaginé. Au lit Fausto perdait toute l'agressivité et la fougue qu'il démontrait et il devenait très doux, mais pas mielleux. Il n'était pas très beau, mais il savait faire l'amour bien et très longtemps. Ils se sont revus plusieurs fois dans les six mois qui ont suivi et Nicolas s'entichait de Fausto quand il découvrit que ce dernier couchait aussi avec d'autres garçons et qu'il n'était pour lui qu'un parmi les autres.

Alors, dès que Paolo essaya avec lui, Nicolas cessa de voir Fausto.

"Oui," pensait Nicolas en continuant à se masturber lentement, "j'aimerais, rien qu'une fois, faire l'amour avec tous les quatre : Cesare, Danilo, Fausto et Paolo. Un bel empilement, une agréable orgie Cesare qui me prend pendant que Paolo me suce, moi je suce Fausto et Danilo suce Paolo..." et en poursuivant son fantasme il atteignit finalement l'orgasme.


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