DE L'AUTRE CÔTÉ
DU MONDE
PARTIE II - CHAPITRE 5
JOÂO DE VILA VELHA

Luis chevauchait joyeusement le jeune Joâo, qui, penché à quatre-vingt-dix degrés, se masturbait rapidement d'une main tandis que de l'autre il se tenait contre le mur du garde-manger afin de ne pas tomber sous les violents assauts du jeune homme.

"Tu aimes ça, hein, Joâo, tu aimes ma grosse bite dans ton petit cul !"

"Oui..." répondit le garçon, en jouissant de la monte énergique.

"Dis-le que tu aimes ça ! Dis-le !"

"J'aime, Luis, j'aime bien, tu le sais !"

"Qu'est-ce que tu aimes ?" demanda le jeune homme d'une voix rauque avec excitation : "Dis-moi qu'est-ce que tu aimes..."

"Comment tu fous mon petit cul !" répondit le garçon en haletant.

"Oui... tu as vraiment un petit cul d'or, Joâo ! Bien chaud et doux comme je les aime !"

Un léger bruit surprit le garçon "Enlève-toi, Luis !" murmura-t-il de toute urgence, essayant de s'échapper et de relever son pantalon.

"Non, je vais venir..." répondit le jeune homme avec une voix de plus en plus enrouée.

"Quelqu'un arrive..." protesta le garçon en essayant de s'esquiver, mais le jeune homme le tint fermement et continua de lui battre dedans avec une vigueur et un plaisir inchangés.

"Mais non, Antonio est en ville en train de faire ses provisions," dit Luis, "et seulement lui et moi avons la clé du garde-manger..." et il continua à baiser le garçon.

Joâo, cependant, avait raison ; soudain une voix s'éleva dans la faible lumière du garde-manger : "Mais bien, bravo ! Je vois que vous vous amusez bien !"

Luis s'arrêta et se tourna, les yeux écarquillés : "Oh mon Dieu, Antonio !" gémit-il.

"Quand le chat n'est pas là, les souris dansent, hein ?" dit l'homme sévèrement.

Les deux essayèrent de se composer rapidement. Le cuisinier noir dominait la porte du garde-manger, la bloquant de tout son gros corps, et un ricanement amusé plia ses lèvres.

"Antonio... je... laisse-moi t'expliquer..." balbutia Luis, terrifié, en terminant d'arranger son pantalon.

"Il y a bien peu à expliquer, j'ai bien vu ce que tu faisais !" répondit le cuisinier, puis il ajouta en prenant le garçon par un bras : "Alors, Joâo, tu te fais baiser le cul par Luis... mais bravo !"

"Je... je..." balbutia le garçon, tremblant comme une feuille.

"Antonio, s'il te plaît... Ne vas-tu pas le dire au maître, maintenant, non ? Ou à quelqu'un d'autre ? S'il te plaît, ne me ruine pas..."

"Bon ben, et pourquoi ne devrais-je pas le dire à dom Graciliano, ou à l'intendant ou à quelqu'un d'autre ? Donne-moi une bonne raison..." dit l'homme sans lâcher prise sur le garçon et prenant aussi le jeune homme par le bras.

Les deux, pris en flagrant délit, ne savaient pas quoi dire et tous deux tremblaient. Ils savaient très bien à quel point le maître était strict, en particulier en ce qui concerne le sexe.

"Depuis combien de temps dure cette histoire ?" demanda alors le grand esclave, en regardant tantôt l'un tantôt l'autre.

"Deux ans..." gémit Luis, l'assistant de cuisine.

"Quatre ans..." murmura Joâo, fils de la femme de chambre de la mademoiselle.

"Deux ou quatre ?" demanda le cuisinier d'un ton bourru.

"Avec moi deux... avant avec d'autres, je pense..." dit Luis.

"Est-ce vrai, garçon ?" lui demanda alors Antonio.

"Oui, c'est ça..." admit le garçon.

"Et avec qui d'autre le fais-tu ou l'as-tu fait, garçon ?" lui demanda Antonio.

"Avec... avec... certains des autres esclaves non mariés..." admit le garçon.

"Ah. Donc, t'es un peu la salope de tous !" conclut le cuisinier avec un autre ricanement. Puis il toucha le cul du garçon : "Ben, je dois dire que t'as un joli petit cul et qu'en l'absence de mieux... oui, je peux comprendre... Même moi, avant de me marier, je dois l'admettre, je me suis amusé avec le joli petit cul de garçonnets comme toi... Que les maîtres le veuillent ou non, qu'ils le sachent ou non, ça a toujours été comme ça..."

"Alors tu ne me dénonceras pas au maître ?" demanda Luis en commençant à espérer.

"Bah, peut-être pas, peut-être que je ne te dénoncerai pas... mais en retour... Joâo doit me donner son joli cul chaque fois que je le veux !"

"Mais tu es marié, Antonio, de quoi as-tu besoin ?" essaya de protester Luis.

"J'ai toujours aimé baiser le cul des garçons comme Joâo, je dois l'avouer... Et puis ma femme ne veut pas me le sucer, et moi j'aime. En fait... tu sais ce que je dis ? Si Joâo se laisse baiser par moi quand j'en ai envie, je te le laisserai, Luis. J'ai une idée : je vais demander à l'intendant que Joâo vienne travailler dans la cuisine avec nous, ainsi je le fais dormir avec toi, Luis... Tu l'auras tous les soirs, si tu veux, et quand j'ai envie de le baiser, je dois juste venir dans ta chambre et je peux le faire en toute sécurité pendant que tu surveilles dehors afin que ma femme ou les autres ne puissent pas le savoir."

"Mais toi, Joâo, t'aimerais venir travailler dans la cuisine ?" lui demanda Luis, les yeux brillants d'anticipation.

"C'est toujours mieux que de nettoyer les toilettes des maîtres et de transporter des poids toute la journée. Mais je n'ai jamais travaillé dans la cuisine..." dit Joâo.

"Nous t'apprendrons, pas vrai Luis ? À condition que tu nous laisses nous défouler dans ton joli petit cul..." dit Antonio avec un petit rire.

Ainsi, Joâo, avec l'accord du maître dom Graciliano, fut affecté à la cuisine et alla dormir avec Luis, comme l'avait dit Antonio. Et au lieu d'ajouter un autre matelas en paille à côté de celui de Luis, le cuisinier en fit mettre un plus grand où on pouvait dormir à deux, comme cela se faisait parfois pour des esclaves qui n'étaient pas encore mariés.

"Ainsi c'est plus confortable pour baiser, pas vrai les gars ?" dit Antonio gaiement.

Dès le premier soir où ils dormirent ensemble, Luis baissa le pantalon de Joâo et s'étendit derrière lui, le prenant pour la première fois en tranquillité, jouissant du garçon aussi longtemps qu'il le voulait. Le lendemain, alors qu'il y avait peu de travail dans la cuisine, Antonio dit à Luis de rester sur ses gardes et emmena Joâo dans la chambre pour s'amuser avec lui.

L'homme s'assit sur le matelas de paille et ouvrit son pantalon. "Viens ici, mon garçon, fais-moi le durcir avec ta bouche, et ensuite je le foutrai tout dans ton derrière."

Joâo s'agenouilla entre ses jambes, prit le saucisson juteux de l'homme entre ses lèvres et commença à le sucer avec soin. Il aimait le sentir grandir et se durcir dans sa bouche, chaud et fort. Antonio l'avait plus gros que Luis mais moins long. Joâo, contrairement à la plupart des autres esclaves mâles, y compris Luis, ne s'était jamais senti attiré par les filles. Voir plutôt un beau corps masculin à moitié nu lui donnait des émotions très agréables et, assez souvent, une bonne érection.

Avec les autres garçons noirs de la maison, lui aussi plaisantait et disait des blagues à propos des filles, mais secrètement il avait toujours désiré un joli garçon. Pour cette raison, chaque fois qu'un des esclaves non mariés avait essayé avec lui, depuis qu'il avait treize ans, il ne s'était jamais refusé.

Quand Antonio se sentit satisfait, il fit mettre le garçon à quatre pattes et se pencha sur lui par derrière. Avec une série de petits mais forts coups, il le lui poussa tout dedans, puis le pris par la veste à deux mains, presque comme s'il tenait les rênes d'un poulain, et en le tirant à lui-même, il commença à lui marteler à l'intérieur.

Contrairement à Luis, Antonio ne parlait pas pendant le rapport. Il ne cessait de lui plonger dedans avec énergie, soufflant de temps en temps. Joâo, au contraire, laissait parfois échapper un léger gémissement de plaisir : il aimait beaucoup se sentir ainsi comblé par le pal d'un mâle en chaleur !

La première fois, à l'âge de douze ans, c'était le frère cadet de son père qui l'avait convaincu, un peu avec des flatteries, un peu avec des menaces, de se la faire mettre dans le petit cul vierge. Son oncle était un jeune homme de vingt-trois ans, pas beau mais très chaud et sensuel, et Joâo, bien qu'il ait eu du mal au début, avait aimé le faire. Un an plus tard, son oncle et quatre autres esclaves qui travaillaient avec lui dans les entrepôts, avaient été vendus, car ils avaient tenté de se rebeller contre les ordres de l'intendant.

Mais avant d'être vendu, l'oncle avait confié à un couple de jeunes esclaves ses amis que Joâo était prêt à se le faire mettre dans le cul et même à le sucer sans faire d'histoires, de sorte que les services du garçonnet furent souvent sollicités. Puis l'un de ces deux jeunes hommes le dit à d'autres esclaves, de sorte qu'un jour, la nouvelle vint aussi à l'oreille de Luis... Joâo ne se plaignit pas, au contraire, il acceptait avec plaisir le fait d'être tellement apprécié.

Tout le monde était toujours très gentil avec Joâo, certains simplement parce que c'était un garçon très gentil, toujours gai et serviable, d'autres simplement parce qu'ils pouvaient défouler leur pulsion sexuelle avec lui.

Mais tout le monde, qui tôt qui après, quand ils pouvaient se marier, cessait de lui demander d'avoir du sexe avec lui : Joâo était conscient de n'être qu'un palliatif pour presque tous ces hommes. Mais, peut-être comme n'importe quel adolescent, le garçon rêvait de trouver un jour quelqu'un comme lui, l'âme sœur, un amoureux vrai et sincère. Pour le moment, cependant, il se contentait d'être invité par ces jeunes hommes assoiffés de sexe, pour sa beauté et sa disponibilité.

On n'était pas mal là, chez dom Graciliano. L'homme, qui était l'un des plus grands importateurs et exportateurs de la région, était un maître strict, parfois même sévère, et son intendant était encore plus dur avec les esclaves. Tant de dureté était atténuée par la fille de dom Graciliano, Graça Maria de Moraes Barbosa.

Graça Maria, qui avait vingt ans, était une jolie fille, pas vraiment belle, mais d'une intelligence rare et avec une mentalité très ouverte et moderne. Elle était résolument contre le concept de l'esclavage : si cela dépendait d'elle, elle aurait libéré tous les esclaves et leur verserait un salaire pour leur travail. Logiquement, son père était tout sauf d'accord avec sa fille, et il ne jugeait ses idées que comme l'expression d'un stupide idéalisme juvénile.

À l'âge de dix-huit ans, Graça Maria s'était opposé obstinément au projet de vente des trois jeunes enfants d'un couple d'esclaves qui travaillaient dans les magasins de son père et elle avait tant fait et avait tellement insisté pour que la famille ne soit pas séparée, qu'à la fin le père avait dû céder et il avait vendu à la place deux jeunes femmes non mariées. Les esclaves, à cause de ça, étaient très reconnaissants et très affectionnés à la jeune maîtresse. Graça Maria ne se limitait pas à cela, mais veillait à soigner les esclaves malades et à les empêcher de travailler jusqu'à ce qu'ils soient vraiment guéris.

La jeune maîtresse était fiancée à un jeune avocat de Curitiba qui exerçait toutefois à Vitòria, capitale de l'État d'Espìrito Santo. C'était le marquis Idelfonso De Fonseca Fernandes, un jeune homme de vingt-sept ans, qui avait aidé dom Graciliano à résoudre certains de ses problèmes juridiques. Le jeune avocat, ayant à fréquenter la maison de dom Graciliano, fut progressivement fasciné par cette fille si indépendante, dotée d'idées claires et fortes ainsi que d'une intelligence prête et vive.

Cela n'avait pas été pas un coup de foudre, au contraire, ça avait mûri peu à peu, mais désormais les deux jeunes envisageaient de se marier et de s'installer à Rio de Janeiro avec la bénédiction de leurs familles respectives. Idelfonso était aussi un idéaliste, il s'opposait également à l'esclavage et c'est précisément sur ce point que les deux jeunes gens avaient commencé à s'apprécier mutuellement et à se rapprocher.

Graça Maria, jeune fille moderne et indépendante comme elle était, s'adressa un matin à son père pour lui dire qu'elle avait décidé de s'acheter un jeune esclave pour en faire son propre cocher et pouvoir faire ses visites, toute seule, avec le cabriolet. Au début, dom Graciliano s'était moqué d'elle.

"Mais comment, Graça, ma chérie, tu qui es si convaincue contre l'esclavage, tu me demandes maintenant de t'acheter un esclave ? Je dois en déduire que tes idéaux se sont quelque peu atténués par rapport à tes besoins personnels..."

"Mais non, papa, le fait est que pour le moment, si on veut les services d'un cocher, il n'y a pas d'autre moyen que d'en acheter un, car il est assez difficile d'en trouver et d'en engager un blanc. D'ailleurs, je te connais assez pour savoir que même si j'avais trouvé un cocher blanc, tu me l'aurais refusé, car à long terme, acheter un esclave coûte moins cher que de payer le salaire d'un employé. Je sais à quel point tu fais attention quand il s'agit de dépenser de l'argent."

"D'accord, Graça, d'accord. Donc je te dis : si tu veux acheter un cocher, va au marché aux esclaves de Vitòria et achète un jeune esclave venant d'Afrique : ils coûtent moins cher que ceux nés ici. Passe chez l'intendant te faire donner de l'argent, puis appelle Gregorio pour qu'il t'amène à Vitòria."

La jeune fille partit avec le carrosse de famille. Quand elle arriva à Vitòria, demanda où on tenait la vente aux enchères annoncée d'esclaves venant d'Afrique. Avec son carrosse, elle y arriva, sortit et, flanqué du vieux cocher de son père, elle se mêla à la petite foule d'acheteurs potentiels et de curieux qui se réunissaient généralement pour ces occasions.

Graça regardait les esclaves qui montaient sur la petite estrade et écoutait les descriptions du vendeur autorisé. Elle en vit passer quelques-uns, mais ne fit aucune offre. Beaucoup étaient des hommes d'âge adulte, dans le plein de leur virilité, achetés principalement par les propriétaires des plantations de coton. Il y avait aussi quelques filles, achetées comme esclave de maison par des gens riches ou aisés.

Puis elle vit amener sur l'estrade un garçon qui avait environ vingt ans. Il était torse nu, il portait un pantalon large et long en chanvre noué à la taille avec une corde et était pieds nus. La jeune fille fut frappée par la fière allure du garçon, par le raffinement des traits du visage, par les yeux lumineux et intelligents et souhaita immédiatement pouvoir l'acheter.

"Et maintenant, voici un esclave qui vient d'arriver d'Angola et qui parle donc déjà le portugais, du nom de Tomé, âgé de 19 ans, qui est en bonne santé comme un pur-sang, et qui sait même assez bien lire et écrire. Il pourrait être utile dans une maison plus que dans une plantation, et en livrée il fera très bonne impression. La base de vente aux enchères est deux cents. Qui offre deux cents ? Deux cents pour un garçon si beau, c'est un très bon prix..."

Un homme monta sur l'estrade, comme le faisaient parfois les acheteurs, et tourna autour du garçon en le regardant avec soin de la tête aux pieds. Puis un autre homme arriva et testa les muscles de ses bras, puis lui ouvrit les lèvres avec deux doigts pour contrôler ses dents. Le jeune esclave fit le geste de lui mordre les doigts et quand l'homme recula brusquement, il éclata de rire. Puis il lui montra ses dents et, en portugais parfait, il dit : "Satisfait, monsieur ?"

Le vendeur le frappa avec une baguette : "Tais-toi, malotru, ne manque pas de respect à ces messieurs ou je te le ferai payer !"

Graça décida qu'elle devait avoir cet esclave à tout prix. Les offres n'étaient pas nombreuses mais à chaque fois, Graça surenchérissait, plus que jamais déterminée à ramener ce garçon à la maison. Tomé la regarda curieusement et leurs yeux se croisèrent. Graça lui sourit instinctivement et le garçon lui rendit son sourire.

"Trois cent quinze !" surenchérit Graça à haute voix, faisant signe avec la main pour se faire remarquer par le commissaire-priseur.

"Trois cent vingt !" un homme cria derrière elle.

"Trois cent vingt-cinq !" cria la fille.

Un autre homme de l'autre côté dit : "Trois cent cinquante !"

Si les offres continuaient d'augmenter, Graça risquait de ne pas pouvoir l'acheter. "Trois cent cinquante et un !" dit-elle.

Tout le monde a ri : personne n'avait jamais augmenté une offre de si peu.

"Quatre cents !" cria l'homme derrière elle.

Graça se retourna et le foudroya des yeux, mais l'homme lui sourit d'un air vide. La jeune fille se retourna et surenchérit encore : "Quatre cent cinq !"

L'homme derrière elle cria d'une voix fatiguée : "Quatre cent vingt !"

Graça se retourna et vit que, à côté de l'homme, était apparu Idelfonso qui la salua avec un sourire et la flanqua. "Quatre cent vingt cinq !" dit la fille. Puis elle se tourna vers Idelfonso et dit à voix basse : "Je n'ai que quatre cent cinquante... avez-vous de l'argent avec vous ? Je veux absolument acheter cet esclave !"

"Vous pouvez surenchérir tranquillement, Graça Maria, je suis connu en ville et ma signature suffit pour couvrir vos besoins..."

"Quatre cent cinquante !" dit l'homme derrière elle.

"Cinq cents !" cria alors Ildefonso.

"Cinq cent dix !" cria l'homme derrière eux.

"Cinq cent cinquante !" dit imperturbablement Idelfonso.

"Je vous le laisse..." murmura l'homme derrière eux.

Le commissaire-priseur, ayant vu qu'aucune autre offre ne venait, annonça : "Cinq cent cinquante et un, cinq cent cinquante et deux, cinq cent cinquante et trois ! Remis au gentilhomme avec un haut-de-forme de couleur miel et une queue-de-pie verte !"

"Merci Idelfonso... Voici l'argent que mon père m'a donné. Je vous donnerai la différence dès que vous viendrez à Vila Velha..."

"Non, Graça Maria, rapportez cet argent à votre père et permettez-moi de vous faire cadeau de cet esclave, car vous y tenez tellement !"

"Vous êtes toujours d'une gentillesse exquise, Idelfonso..."

"Vous savez que je vous aime, n'est-ce pas ?"

"Bien sûr... et j'espère que nous pourrons célébrer notre mariage le plus tôt possible..."

"Dès que je pourrai ouvrir mon studio à Rio de Janeiro et y acheter une résidence digne de vous, ma bien-aimée..."

Le jeune homme alla ensuite concrétiser l'achat de l'esclave. Il signa les papiers nécessaires, puis se tourna vers le garçon : "Comment t'appelles-tu, garçon ?"

"Tomé, monsieur."

"Bien, si je te fais enlever la chaîne, tu ne chercheras pas à t'échapper, n'est-ce pas ?"

"Et où pourrais-je m'échapper, ici ? Je ne sais rien et ne connais personne, monsieur. En tout cas, je vous promets que je ne vais pas essayer."

"Enlevez cette horrible chaîne au garçon." commanda alors Idelfonso au vendeur.

"Comme vous le commandez, monsieur le marquis." dit l'homme avec un respect mielleux.

"Je vous demande pardon, monsieur le marquis, maître, je ne savais pas que vous étiez un aristocrate..." dit Tomé en étudiant l'expression du jeune homme.

"Je ne suis pas ton maître, ou pas encore, en tout cas. Je t'ai acheté pour offrir un cadeau à ma fiancée qui voulait t'avoir à tout prix à son service. J'espère que tu ne la décevras pas. Graça Maria, ma fiancée, sera sûrement une excellente maîtresse, pour toi, si tu sais bien te comporter."

La jeune esclave regarda alors la fille qui était à côté d'Idelfonso et reconnut en elle celle avec qui ils avaient échangé un sourire. Instinctivement, il sourit à nouveau et Graça fut plus que jamais conquise par le sourire lumineux de l'esclave et lui sourit en réponse.

"Rentrez-vous tout de suite à Vila Velha, Graça Maria ?"

"Oui, mon père et ma mère m'attendent pour le déjeuner... pourquoi ne venez-vous pas aussi ?"

"Malheureusement, j'ai un rendez-vous d'affaires important dans l'après-midi. Mais dimanche je viendrai sans aucun doute et avec un plaisir infini..."dit le jeune homme et, embrassant la main à la fille, la salua et partit.

"Tu t'appelles Tomé, il me semble..." dit la fille en se tournant vers l'esclave récemment acheté.

"Oui, maîtresse."

"Eh bien, viens avec moi à mon carrosse, rentrons à la maison. As-tu déjà conduit un carrosse ?"

"Non, maîtresse... mais je peux apprendre..."

"Je n'en doute pas. Gregorio, le cocher de mon père qui nous ramènera à la maison, t'apprendra. Tu vas t'asseoir à côté de lui, commence à voir comment il fait..."

"Bien sûr, maîtresse."

"Et s'il te plait, ne m'appelle pas maîtresse, ça me dérange... Mademoiselle peut bien aller."

"Comme vous le commandez, mademoiselle... mais ils m'ont ordonné de dire à tous les blancs maître et maîtresse..."

"À mon avis, aucun être humain ne devrait être le maître d'un autre être humain. Toi... étais-tu déjà esclave en Angola ?"

"Non, mademoiselle. J'ai vécu dans un village de ma tribu, les Libolos... Là, j'étais l'aide du prêtre de la mission... C'est lui qui m'a appris à écrire, à lire et à parler portugais. Père Ignacio, c'était son nom, était un frère franciscain..."

"Et pourquoi alors on t'a vendu comme esclave ?"

"Le chef de ma tribu avait contracté de grosses dettes auprès d'une caravane de marchands arabes... alors il nous a pris à trois et nous a donnés aux marchands pour qu'ils nous vendent comme esclaves, pour annuler ses dettes... Le père Ignacio a tenté de s'opposer, mais ils l'ont battu..."

"Mais c'est horrible. Un être humain ne peut être privé de la liberté ainsi !" protesta la fille.

"Bien sûr qu'on le peut, ils l'ont fait !" répondit l'esclave avec un sourire.

"Il devrait y avoir des lois qui l'interdisent. C'est honteux, c'est inhumain... et ce n'est pas digne d'un peuple qui se dit chrétien !"

"Mais aussi dans l'évangile il est écrit que l'esclave doit obéir au maître..."

"Cela valait il y a mille ans..." rétorqua la fille revêche.

"Mais le père Ignacio disait que, dans l'évangile, il est également écrit que le maître doit traiter l'esclave comme un frère..." murmura le garçon nègre avec un sourire timide.

"Je vais essayer de ne jamais l'oublier, Tomé." répondit la fille avec un sourire amical.

"Vos yeux sont bons, mademoiselle, et votre sourire est doux..." dit le jeune esclave.

"Aussi tes yeux sont bons, même si ton sourire est parfois coquin..." répondit la fille en plaisantant. "Eh bien, voici mon carrosse. Monte à côté de Gregorio. Gregorio, voici Tomé et il sera mon cocher. Vois de lui apprendre bien son nouveau travail, s'il te plaît."

"Avec plaisir, mademoiselle. On peut rentrer à la maison ?"

"Bien sûr, Gregorio."

Quand ils sont arrivés à la maison, Graça appela l'intendant et lui ordonna de trouver une chambre pour Tomé et de lui faire avoir le plus tôt possible des vêtements décents, convenant à la fois au travail à domicile et comme cocher. L'intendant assigna à Tomé une petite pièce au-dessus du dépôt des calèches, à l'opposé de celle de Gregorio, qui, marié et père de deux jeunes enfants vivant toujours avec lui, avait une pièce plus grande.

Puis la fille alla chez son père et lui donna tout l'argent : "Comme tu peux le voir, j'ai été économe, j'ai eu mon cocher sans dépenser un seul milreis !" lui dit-elle en plaisantant.

L'homme compta l'argent et demanda en riant : "Comment as-tu fait ? As-tu séduit le commissaire-priseur ?"

"Non, mon cocher Tomé est un cadeau de mon fiancé, Idelfonso."

"Ah, ce jeune homme te gâte vraiment. Tu as de la chance de lui être promise : il est noble, riche, généreux..."

"Je sais que j'ai de la chance, mais surtout parce qu'il est très bon, intelligent et beau !"

"Et comment est ton nouveau cocher ?"

"Un grand et beau garçon qui me fera bien figurer quand j'irai sur ma calèche conduite par lui."

"Vaniteuse même pour le cocher, je vois. "

"Papa, pour être admiré, il ne suffit pas de porter un bel habit à la mode quand on est accompagné par un cocher vieux et laid."

"Quelque chose à dire contre Grégorio, peut-être ?"

"Mais non, mon père... Gregorio n'est ni vieux ni laid, mais il convient mieux à toi et de toute façon, c'est ton cocher et pas le mien. Ah, s'il te plaît, dis à ton avare d'intendant de faire coudre une élégante livrée pour mon Tomé."

"Qui serait-ce ton Tomé ? Ton nouveau cocher ?"

"Bien sûr, papa."

"Essaye de ne pas lui donner trop confiance. Les esclaves doivent être tenus à distance si on veut qu'ils fassent bien leur travail. Sait-il déjà conduire une calèche ?"

"Papa, il vient d'arriver d'Afrique ! Je ne pense pas qu'il y ait des calèches ou des carrosses dans leurs villages... et peut-être même pas des chevaux. Mais j'ai déjà demandé à Gregorio de lui apprendre le métier. Il semble un garçon plein de bonne volonté et aussi intelligent. Je pense qu'il va apprendre assez vite."

"Oui, espérons-le bien... tu es l'habituelle enthousiaste... à t'entendre tous les esclaves sont bons, intelligents, dévoués, honnêtes, travailleurs... Quand ouvriras-tu les yeux ma fille ? Seul le fouet les maintient dans le droit chemin, ne l'oublie jamais."

"Selon certains pères, même pour garder les fils dans le droit chemin, il faut utiliser le fouet..." rétorqua la fille avec un sourire de taquinerie.

"Oh oui, j'aurais peut-être dû l'utiliser avec toi..." dit le père avec entrain, et avec un doigt, il lui envoya un baiser et lui fit un clin d'œil.


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