DE L'AUTRE CÔTÉ
DU MONDE
CHAPITRE 6
JOÂO RENCONTRE TOMÉ

Joâo vit Tomé pour la première fois quelques jours après son achat, tandis que Gregorio lui apprenait à conduire la calèche. Le garçon fut immédiatement frappé par l'aspect du nouvel esclave et surtout par la clarté de son regard et la fraîcheur de son sourire. Il s'est senti immédiatement attiré par ce garçon, de quatre ans plus âgé que lui, tellement incroyablement beau qu'il lui fit ressentir d'une façon presque douloureuse le désir d'établir une relation privilégiée avec lui.

Pendant quelques jours, cependant, il ne put le regarder que de loin et ne put même pas échanger un seul mot avec lui. Quelques fois leurs regards se croisaient et Joâo se sentait fondre d'émotion, surtout quand Tomé, de loin, lui adressait l'un de ses sourires courts mais éblouissants. Joâo ne connaissait rien des contes de fées et des princes charmants, mais s'il l'avait su, il aurait certainement vu en Tomé le parfait prince charmant aux pieds duquel il se serait volontiers prosterné, en se donnant tout entier à lui.

Puis, pendant quelques jours, il ne le vit plus. À la première occasion, il interrogea Gregorio à propos du jeune esclave. Il apprit que le garçon était au lit avec de la fièvre et que mademoiselle Graça avait appelé le médecin pour le soigner.

"Qui lui apporte sa nourriture ?" demanda alors Joâo à Gregorio.

"Ma femme... pourquoi ?" demanda l'homme.

"Mais doit-il manger quelque chose de spécial, pour guérir ?"

"Je ne sais pas. Ma femme lui apporte ce qu'elle cuisine pour nous..."

"Alors peut-être que c'est mieux si je lui apporte quelque chose de la cuisine... quelque chose que les maîtres laissent. Ils mangent bien..." suggéra le garçon.

"Et pourquoi pas ?" Gregorio répondit quiètement, "Je dis à ma femme que tu vas y penser, ainsi elle aura un souci de moins."

Joâo était ravi de cette idée. Ainsi, lorsque les plats de service de la table du maître revenaient, il commença à réserver quelque chose pour Tomé. Antonio le remarqua et lui demanda ce qu'il faisait.

Joâo, mentant, répondit : "Mademoiselle m'a dit d'apporter de la nourriture à son chauffeur qui est malade, alors j'ai mis quelque chose de côté."

"Ah, bien." répondit le cuisinier sans se douter que c'était un mensonge.

Ainsi, après avoir lavé la vaisselle, Joâo prit un plateau avec les portions de bonne nourriture, le recouvrit et alla rapidement à la remise. Il monta à l'étage et entra dans la petite chambre de Tomé.

L'esclave était allongé sur son matelas, seul le beau visage sortait de la couverture. Lorsqu'il vit Joâo entrer, il lui fit un signe de tête avec un sourire.

"Tomé, je t'ai apporté à manger..." lui dit le garçon, "peux-tu t'asseoir ?"

"Oui, bien sûr." répondit le jeune cocher et se releva.

Pour la première fois, Joâo put ainsi voir le beau torse du cocher, aux muscles finement ciselés, et il en ressentit une émotion forte qui le fit presque trembler. Essayant de se contrôler, il s'assit sur le bord du matelas de paille de Tomé et plaça le plateau sur ses jambes en le découvrant.

"Hé, mais ça c'est de la nourriture raffinée !" s'écria joyeusement le malade.

"Oui, c'est ce que mangent les maîtres... As-tu besoin de moi pour te nourrir, ou peux-tu le faire tout seul ?" lui demanda Joâo de plus en plus ému.

"Je ne suis pas en train de mourir... merci, en tout cas." répondit le jeune esclave et il commença à manger : "Mmmhhh, ça c'est vraiment bon, délicieux... tu l'as cuisiné ?" demanda-t-il avec un sourire réjoui.

"Non, Antonio, le cuisinier l'a préparé." répondit Joâo.

"Mais tu ne travailles pas aussi dans la cuisine ?" lui demanda Tomé, continuant à savourer lentement ces plats spéciaux.

"Oui, mais j'apprends encore... je fais surtout le plongeur... ou je cuisine les choses les plus simples et les plus faciles. Antonio est le cuisinier, Luis, l'assistant du cuisinier et je ne suis que le marmiton..."

"Eh bien, tu es encore jeune, moi aussi j'apprends encore à faire mon travail... Quel âge as-tu ?"

"Dix-sept. Et toi ?"

"Je crois en avoir vingt-et-un, au moins, ainsi ils m'ont dit. Tu es né ici, n'est-ce pas ?"

"Oui. Tu viens d'Afrique, n'est-ce pas ?"

"Oui, de l'Angola, de la tribu Libolo."

"Comment c'est, en Afrique ? Mieux qu'ici ?"

"Eh bien, son pays est toujours le plus beau pays du monde, n'est-ce pas ? Mais même ici, il ne me semble pas que ce soit mauvais... mais nous sommes des esclaves, des objets à vendre et à acheter. La liberté est toujours ce qu'il y a de mieux, du moins tant qu'il y a de la nourriture."

"La liberté ? Je ne sais même pas ce qu'est la liberté. Mon père et ma mère sont nés ici, esclaves comme leurs parents. Et ici aussi, ce n'est pas mauvais, du moins tant qu'il y a de la nourriture, comme tu le dis."

"Mademoiselle Graça me semble être une personne comme il faut..." dit Tomé en mordant un morceau de viande avec un bon appétit.

"Oui, elle est toujours gentille avec tout le monde, même avec nous les esclaves. J'ai entendu dire qu'elle avait appelé le docteur des blancs pour te faire soigner..."

"Oui, c'est vrai. J'espère me rétablir bientôt, je m'ennuie de passer toute la journée ici, seul."

"Si tu veux, quand j'ai un peu de temps libre, je pourrais venir te tenir compagnie jusqu'à ton rétablissement..."

"Ferais-tu vraiment ça ? T'es très gentil, j'en serais heureux." Tomé répondit avec un beau sourire.

Joâo se sentait mourir de désir de toucher Tomé, son si beau visage, sa poitrine parfaite, ses bras bien tournés, ses grandes mains avec les doigts fuselés... Il aurait voulu le serrer dans ses bras, il aurait voulu lui demander de le faire sien : il se serait donné à lui immédiatement, et avec un plaisir extrême.

Joâo donc alla rendre visite à Tomé, chaque fois qu'il avait du temps libre, en plus de lui apporter à manger trois fois par jour. Entre les deux garçons se noua rapidement une amitié, qui semblait se renforcer chaque jour. Tomé lui racontait sa vie en Afrique, Joâo lui parlait de la vie au Brésil. Parfois, ils riaient et plaisantaient, surtout Tomé qui avait un sens de l'humour très fort. Et Joâo était de plus en plus fasciné par le jeune esclave africain.

Quand le docteur finalement dit que Tomé était guéri et pouvait retourner au travail, le garçon angolais dit à Joâo : "Sais-tu, je regrette presque d'être guéri..."

"Pourquoi ?" demanda Joâo, presque incrédule.

"Parce que j'avais pris l'habitude de t'attendre, d'être avec toi..."

"Eh bien, je peux continuer à mettre de côté pour toi quelque chose de bon à manger..."

"Non, je ne dis pas seulement ça. Bien sûr, si tu pouvais parfois m'apporter quelque chose, j'aimerais bien. Mais j'aimais passer du temps avec toi. Peut-être que je ne te l'ai pas encore dit, mais toi, Joâo, tu m'es assez sympathique."

"Je suis très bien avec toi aussi, Tomé... En quelques jours, tu es devenu mon meilleur ami, ici. Cependant, lorsque nous sommes tous les deux libres, nous pouvons continuer à nous voir, non ?"

"Cela me ferait vraiment bien plaisir. Tu es mon seul ami, ici. Et je sens que je t'aime déjà plus qu'un frère..."

"Vraiment ? Penses-tu que tu m'aimes ?" demanda Joâo en écarquillant les yeux et en se sentant excité et heureux pour ces mots.

"Bien sûr... pourquoi, pas toi ?"

"Oui, je sens que je t'aime aussi... beaucoup plus qu'un frère."

Tomé tendit la main et caressa la joue de Joâo : "Je l'espérais, sais-tu ? Je voudrais que notre amitié devienne... spéciale."

"Spéciale ?" Joâo répéta comme si dans un écho, se demandant s'il rêvait.

"Oui, spéciale." confirma Tomé avec un large sourire.

"Mon Dieu, ne souris pas comme ça, ou je me déshabille et te saute dessus !" pensa Joâo mais ne dit rien.

Joâo se sentait étrange : alors qu'avec d'autres il serait allé immédiatement au but, en s'offrant pour une bonne baise, avec Tomé, il était incapable de se décider... Il sentait qu'il voulait une relation différente avec lui, qui ne soit pas que de sexe, et il sentait qu'il pouvait l'avoir, s'il ne brûlait pas les étapes. Le garçon, pour la première fois, comprit avec une extrême clarté, presque éblouissante, qu'il était tombé amoureux du jeune cocher !

Leur amitié grandissait, s'approfondissait et se colorait de plus en plus d'un sens d'intimité sensuelle, sans jamais dépasser la limite au-delà de laquelle on s'abandonne au sexe. Pour Joâo, c'était quelque chose de tout à fait nouveau, d'une beauté extraordinaire et d'une douceur terrible...

Un soir, alors qu'ils étaient seuls dans la chambre de Tomé, celui-ci passa son bras autour des épaules de son ami et Joâo posa sa tête sur l'épaule du beau cocher. Il inhala la légère odeur si agréable, virile et tendre, et il se sentit au paradis. Il leva la tête et leurs visages étaient à un doigt l'un de l'autre. Leurs yeux se rencontrèrent, des vagues de douceur flottèrent parmi eux et leurs yeux envoyèrent des étincelles. Tomé baissa légèrement la tête et posa ses lèvres sur celles de son ami, les appuyant légèrement et les frottant doucement.

"Joâo ?" murmura le jeune Angolais.

"Oui ?"

"Je suis tombé amoureux de toi..."

À Joâo, le cœur lui sauta dans la poitrine, comme un chevreuil emballé, il sentit le sang battre dans ses tempes, une chaleur brûlante se répandit dans tout son corps et il pensa que s'il devait mourir, celui-ci était le bon moment !

"Tu m'as entendu ?" lui demanda Tomé, toujours à voix très basse.

"Oui... je veux être à toi, Tomé... prends-moi, s'il te plaît..." murmura le garçon en commençant à trembler d'émotion.

"Non, pas encore... nous ne devons pas être pressés. Aussi, je veux que tu sois à moi, mais je t'aime, je n'ai pas seulement envie de baiser, tu comprends ? Donc... nous ne devons pas être pressés, nous n'avons pas à tout consommer en une seule flambée..."

"Tout comme tu veux... Je suis amoureux de toi, moi aussi."

"Alors," dit Tomé avec un de ses merveilleux sourires, "ça doit être comme un repas, comme le repas d'un jour de fête... Toi qui es cuisinier, tu devrais savoir comment c'est, non ? Si on mange tout rapidement, on ne goûte pas à la douceur de chaque plat et on risque une indigestion..."

"On commence avec un hors d'œuvre..."

"Oui, bien sûr, aujourd'hui contentons-nous d'un bon hors d'œuvre..." répondit Tomé en l'embrassant à nouveau.

Leurs bouches, unies, s'ouvrirent et leurs langues se mirent à jouer, légères et heureuses.

L'un d'eux explorait la bouche de l'autre, à tour de rôle. Parfois l'un suçait la langue de l'autre, goûtant sa consistance chaude et sa vive mobilité, mordillant parfois légèrement et suçant ses lèvres, tandis que Tomé tenait Joâo dans ses bras sur ses genoux et se penchait sur lui.

Ils ont tous deux savouré leur premier contact intime pendant un long moment, frémissants et heureux.

"Tomé ?" le garçon demanda quand il refit surface à la conscience du monde extérieur.

"Dis-moi, mon bien-aimé."

'Tu m'aimes vraiment ?"

"Je te l'ai dit. Je suis amoureux de toi."

"Mais un jour... tu connaîtras peut-être une jeune et jolie esclave... et tu m'oublieras."

"Non, mon doux Joâo, tu ne dois pas avoir ces peurs. Je ne me suis jamais intéressé, je ne m'intéresse pas du tout, et je ne serai jamais intéressé à aucune fille, je le jure. Je désire que tu sois à moi et à moi seul, et je te promets que je serai à toi et à toi seul."

"Pour toujours ?"

"Pour toujours, si la vie et le destin nous le permettent, mon bien-aimé !"

Les deux garçons s'embrassèrent encore et Joâo se sentit heureux comme jamais. Quand ils ont finalement dû se séparer, c'était difficile pour eux deux. Ils se tenaient la main, tandis que Joâo se dirigeait vers la porte, les bras tendus, les mains lentement quittées et finalement Joâo franchit le seuil, descendit les escaliers et regagna la pièce qu'il partageait avec Luis.

Lorsqu'il le vit entrer, Luis lui demanda : "Où étais-tu, garçon ? Je t'attends depuis un siècle. Viens ici, j'ai vraiment envie de baiser ton joli petit cul !"

Cette phrase, dans sa grossièreté, ramena brusquement le garçon sur terre.

"Non, Luis, je n'en ai pas envie ce soir..." protesta Joâo.

"Je ne t'ai pas demandé si tu en as envie ! J'en ai envie et ça suffit. Viens ici et ne fais pas d'histoires."

"Non, Luis, je t'ai dit non. Laisse-moi tranquille, s'il te plaît." le garçon répondit brusquement.

"Quel est le problème avec toi ? Viens ici et arrête de faire des histoires." le jeune homme insista.

"Luis, je t'ai dit non. Je suis l'esclave de dom Graciliano, pas le tien. Laisse-moi seul. Je ne te dois rien, ne l'oublie pas."

L'assistant cuisinier le regarda en fronçant les sourcils : "Tu n'as jamais fait comme ça, Joâo. Et les accords étaient clairs, non ?"

"Quels accords ? Ceux que t'as fait avec Antonio ? N'avez-vous jamais demandé mon avis ? Personne n'a jamais fait aucun accord avec moi."

"Qu'est-ce que ça a à voir avec ça ? Pour quoi crois-tu que nous t'ayons fait venir travailler dans la cuisine, pour ton beau visage ?"

"Non, pour mon beau cul, je le sais bien. Mais maintenant ça suffit."

"Quel droit as-tu pour me dire assez ?" lui demanda Luis en se levant du matelas, en le prenant par le bras en essayant de l'attirer à lui-même.

"Laisse-moi tout de suite, ou je me mets à crier et à faire courir tout le monde !" le garçon lui siffla avec une telle décision et avec une lumière si dure dans les yeux que Luis le laissa.

"Hey, qu'est-ce qui se passe avec toi ce soir ? T'as toujours aimé le prendre dans ton cul, non ? Tu l'as toujours pris par tous ceux qui te voulaient, nous le savons bien tous les deux. C'est quoi cette nouvelle ?"

"Luis, toi et Antonio êtes grands et gros, vous pouvez me prendre et me faire tout ce que vous voulez et qu'il vous plaît, car je n'ai pas la force de m'y opposer, je le sais bien. Mais quand tu dormiras, vois-tu ce couteau, je te le pousse tout dans le cœur, si seulement tu essaies de me toucher, ce soir ou dans les jours à venir, même au prix d'être pendu. Est-ce que je me suis expliqué assez clairement ? Et dis-le aussi à Antonio que la fête est terminée. Joâo a dit assez."

Luis secoua la tête mais décida qu'il valait mieux ne pas insister : il avait lu une détermination terrible dans les yeux du garçon. Il s'allongea sur le matelas et regarda le garçon qui se tenait debout près de la porte.

"Ben, que fais-tu maintenant ? Tu ne peux pas rester debout et dormir comme des chevaux, non ? Viens t'allonger et dormir."

Joâo ne bougea pas.

"Allez, je te promets de ne pas te toucher, viens dormir. Mais... demain il faudra en parler, d'accord ? Même avec Antonio, nous devrons en parler. Et ensuite, nous verrons comment cela se terminera."

"Jure-moi que tu n'essaieras pas !" demanda le garçon.

"Mais oui, oui, je jure... ce soir je ne te touche pas, puisque t'es mal luné."

Le garçon s'allongea à côté du jeune homme, qui se retourna sans rien dire d'autre ni essayer de s'approcher. Après un moment, ils dormaient profondément tous les deux.

Le lendemain matin, João se réveilla le premier. Il alla aussitôt allumer le feu dans la grande cheminée, ajouter du bois et remplir le chaudron d'eau. Il était en train de terminer lorsque Luis le rejoignit dans la grande cuisine et, en silence, il commença à préparer la vaisselle pour le petit-déjeuner des maîtres, en regardant Joâo de temps à autre. Puis arriva aussi Antonio.

Alors Luis le prit à part et les deux parlèrent un moment. Parfois, Antonio regardait vers Joâo. Puis il l'appela. Le garçon s'approcha des deux.

"Alors, Joâo, Luis me dit que tu as changé d'avis..."

"Oui." répondit le garçon, sachant bien ce que l'homme voulait dire.

"Et... peux-on savoir ce qui t'a fait changer d'avis si soudainement ?"

"Non. J'ai changé d'avis et c'est tout. Et si vous n'aimez pas cela, il vous suffit de me renvoyer pour nettoyer les toilettes, ce qui à moi ne pose aucun problème." Joâo répondit sèchement.

"Allez, mon garçon, il y aura bien une raison pour cela, pas vrai ?" insista l'homme.

"Seulement que je ne veux pas être la pute de vous deux ou de quelqu'un d'autre. Ce n'est pas assez pour toi ?"

Antonio regarda Luis qui secoua la tête. Puis, sans ajouter rien d'autre, il commença à donner des ordres aux deux pour préparer le petit-déjeuner.

Joâo se sentait tendu, mais il était satisfait de la décision qu'il avait prise et il se sentait disposé à faire tout son possible pour ne pas revenir sur ses pas. Il avait juré à Tomé qu'il serait seulement à lui, et rien ni personne ne lui ferait changer cette décision. Aucun des deux hommes ne revint sur le sujet et Joâo commença à se détendre un peu. Dans l'après-midi, il réussit à rencontrer Tomé et à lui apporter quelque chose de bon à manger. Joâo était tenté de lui dire ce qui s'était passé, mais il ne se sentait pas, car il ne lui avait encore rien dit auparavant, de ce qu'il y avait entre lui, Luis et Antonio.

Tomé le serra dans ses bras et l'embrassa intimement. "Tu sais, j'ai rêvé de toi la nuit dernière..." murmura-t-il.

"Pas moi, malheureusement. Je n'ai rêvé de rien. C'était un beau rêve, qu'as-tu fait ?"

"Oui, c'était un bien beau rêve. Viens ici, mon amour, laisse-moi te déshabiller et déshabille-moi, je veux te voir enfin tout nu..."

"C'est le premier plat ?" lui demanda gaiement le garçon, commençant à lui desserrer les lacets de la veste.

"C'est ça : je veux maintenant me réjouir de la vision de mon petit ami et je veux que tu te réjouisse de la mienne..."

"Mais... nous devons juste regarder ?" demanda Joâo, faisant une expression légèrement déçue.

"Regarder et... toucher. Embrasser, caresser, palper..."

"Et rien d'autre ?"

"Je te l'ai dit, mon amour, je ne veux pas tout brûler tout de suite, en une seule flambée : tu es trop important pour moi !"

À présent, ils étaient nus l'un devant l'autre et ils s'admiraient, se touchaient, caressaient et embrassaient un peu partout sur le corps. Joâo admirait le beau membre de son amant, qu'il voyait pour la première fois et qui s'était rapidement soulevé dans toute sa gloire.

"Puis-je le toucher ?" demanda-t-il presque timidement.

"Bien sûr que tu peux, mon doux Joâo."

"Et... et aussi l'embrasser ?" demanda le garçon avec un sourire captivant.

"Aussi... mais rien de plus, nous n'en sommes qu'au premier plat... cela doit être un dîner de gala, avec plusieurs plats..."

"Plusieurs ? Plusieurs, combien ?"

"Un plat de résistance, des fruits et, enfin, même un dessert, non ? Tu devrais le savoir, tu es le cuisinier..."

Ils continuèrent à caresser, à explorer le corps de l'autre, s'embrassant et Joâo se sentait de plus en plus au paradis.

Jusque-là, il n'avait connu que le sexe, souvent même hâtif, très rarement assaisonné d'un peu de tendresse... maintenant il sentait que ce qui lui arrivait avec Tomé était très différent et il en savait le pourquoi : maintenant il était en train de faire, pour la première fois dans sa vie, l'amour !

Mais Joâo sentait de plus en plus impérieux le besoin de faire connaître son passé à Tomé... et pour y réussir, il eut une idée.

"Tomé, as-tu déjà fait l'amour plusieurs fois ?"

"Oui, plusieurs fois."

"Avec beaucoup d'hommes ?"

"Non, avec un seulement... mais j'ai été avec lui pendant presque sept ans."

"Étais-tu en amour avec lui ?"

"Non, mais je l'aimais bien..."

"Veux-tu m'en parler ?"

"Bien sûr, je veux que tu saches tout sur moi, sur ma vie." répondit-il avec un doux sourire, continuant de le caresser sur tout le corps : "Alors, j'avais treize ans... Un franciscain, le père Ignacio, était arrivé dans notre village depuis deux ans, accompagné de deux autres jeunes frères, portugais comme lui, frère Emanuele et frère Rui, pour fonder une nouvelle mission. Ils ont d'abord construit l'église puis la maison pour eux trois, puis l'école aussi. Nous, les garçons du village et même quelques hommes, nous sommes allés les aider à construire.

"Puis, le père Ignacio a commencé à nous apprendre le catéchisme et à nous les garçons, aussi à lire et à écrire. J'étais fasciné par ces hommes blancs, alors j'ai demandé à mon père la permission d'aller travailler pour eux : j'ai gardé la maison, l'école et l'église propres et faisais ce qu'ils me demandaient de faire, en échange de nourriture et de vêtements, et je dormais là aussi, dans une petite pièce à l'intérieur du bâtiment de l'école.

"Un soir frère Rui, qui avait alors vingt-deux ans, vint dans ma chambre et me dit que si je savais garder un secret, il m'apprendrait quelque chose de spécial. Je voulais apprendre tout ce que les Blancs pouvaient nous apprendre, alors j'ai juré immédiatement de garder le secret... Alors il est venu se coucher dans ma paillasse, m'a étreint et m'a dit qu'il m'aimait comme un frère et qu'il voulait me le montrer d'une manière spéciale, avec un rituel spécial. Il m'a déshabillé, s'est déshabillé et m'a pris entre ses bras, m'a caressé, m'a embrassé. J'ai beaucoup aimé.

"Quand il vit que j'étais bien excité et que je l'avais dur comme une pierre, il m'a dit que pour devenir vraiment frères de sang et de chair, je devais le lui mettre tout dedans, derrière, et c'est ainsi qu'il m'apprit à faire l'amour. C'était très agréable de faire ce genre de choses avec lui... il revenait me voir deux ou trois fois par semaine, la nuit et on faisait l'amour. Rui m'a aussi fait jurer que je ne le ferais avec personne d'autre que lui, et me dit que lui aussi ne le faisait qu'avec moi.

"Nous avons donc continué pendant six ans, jusqu'à ce que le chef de notre tribu me vende, ainsi que d'autres garçons, à des arabes, marchands d'esclaves, pour payer les dettes qu'il avait contractées. Je ne pus même pas dire adieu à Rui, car les marchands nous ont pris par surprise et nous ont emmenés..."

"C'est triste qu'ils t'aient enlevé et vendu comme esclave..."

"Je le pensais aussi un peu. Mais maintenant, je ne le pense plus. Parce que, si cela ne s'était pas produit, je ne t'aurais jamais rencontré." Tomé répondit avec un sourire éclatant et commença à l'embrasser et à le caresser avec amour.

"Tomé, je veux aussi te parler de moi maintenant..." lui dit le garçon.

"De ta première fois, tu veux dire ?"

"Oui... et aussi de toutes les autres fois où je l'ai fait avant de te rencontrer et de tomber amoureux de toi."

Alors le garçon lui raconta son histoire, depuis le premier esclave qui l'avait défloré, c'est-à-dire l'oncle paternel, jusqu'à son histoire avec Luis et Antonio et comment il avait dit aux deux qu'ils ne pouvaient maintenant plus s'amuser avec lui.

"Mais pour ne pas te compromettre, je ne leur ai pas dit la vraie raison, je ne leur ai pas dit que je suis amoureux de toi et pas même que maintenant je veux le faire seulement avec toi." conclut Joâo.

"Je ne sais pas si et pour combien de temps nous pourrons garder le secret sur ce qu'il y a entre nous, mon amour..." lui dit Tomé en le caressant tendrement.

"L'important, c'est que ne le découvrent pas les maîtres... On m'a dit qu'il y a quelque temps, un des esclaves noirs a été fouetté au sang, puis vendu juste parce que l'intendant l'avait surpris à faire l'amour avec un autre esclave..."

"Tu as raison, nous devons faire très attention, mon amour. Maintenant que je t'ai retrouvé, je sens que je mourrais si on me séparait de toi." lui dit Tomé.

"Mais tu appartiens à mademoiselle Graça... N'as-tu pas pensé que lorsqu'elle se mariera, elle t'emmènera avec elle et que nous serons séparés pour toujours ?" lui demanda tristement Joâo.

"Mademoiselle est très bonne... Je peux essayer de lui demander de t'emmener toi aussi, et peut-être qu'elle le ferait..."

"Mais comment peux-tu justifier de lui faire une telle demande ?"

"Je peux lui dire que c'est parce que nous sommes de très bons amis..."

"Et penses-tu que c'est suffisant de lui dire ça ?"

"Je peux au moins essayer..." répondit Tomé, mais maintenant, il se sentait lui aussi triste, car il avait pensé pour la première fois au fait qu'ils risquaient d'être séparés un jour.


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