LA CHARTREUSE DE MONTSABOT |
PREMIÈRE PARTIE 1 - HERVÉ ET ROLAND |
Hervé attendait avec une certaine nervosité d'être appelé sur l'estrade. Il se tourna vers sa tante, assise plus à l'arrière : il était encore surpris qu'elle se soit dérangée pour venir à la cérémonie de remise de son diplôme. Sa tante écoutait, sérieuse et raide, le discours du doyen et elle ne regarda jamais vers son neveu. Son voisin de banc lui donna un discret coup de genoux pour le rappeler à l'ordre : il n'était pas bien que les diplômés soient distraits, surtout quand le doyen parlait... Hervé feignit d'écouter l'ennuyeux discours mais ses pensées étaient à mille lieux de là. Il repensait à sa vie. Pas comme à un film complet projeté sur un écran mais plutôt comme à des petits bouts désordonnés, passés à la visionneuse, tantôt au ralenti tantôt en accéléré, des rushes encore à monter pour obtenir un récit cohérent... Sa tante était venue le prendre, quand il s'était tragiquement retrouvé seul. Il n'aimait pas sa tante. Non qu'il la déteste, mais il ne se sentait pas à l'aise avec la sœur aînée de sa mère, restée vieille fille, une femme sèche, osseuse, raide, sévère. Non, il ne l'avait jamais aimée. Mais maintenant elle était tout ce qu'il lui restait. Et puis, elle avait pris soin de lui. Elle ne l'avait laissé manquer de rien, il devait l'admettre. De rien... à part de la chaleur humaine et de l'affection dont il avait senti un terrible besoin. Ce n'était sans doute pas sa faute, sans doute ne s'était-elle jamais sentie aimée, aussi n'était-elle pas capable d'aimer. Mais elle avait un fort sens du devoir, sa tante, ça oui. Et quand elle avait dû s'occuper du petit, devenu orphelin à dix ans à peine, c'est sûr qu'elle ne s'était pas défilée. Ce terrible malheur... papa, maman et sa petite sœur... la calèche écrasée dans le ravin... rendus méconnaissables... On ne l'avait pas laissé les voir, parce qu'on ne voulait pas que le petit soit traumatisé. Mais cette interdiction avait été cruelle pour le garçon, elle avait bien plus secoué Hervé que ne l'aurait fait la vue des corps déchirés de sa chère famille. Non, sa tante ne l'avait laissé manquer de rien, ni de nourriture ni de vêtements. Et surtout elle ne l'avait pas laissé manquer d'instruction, de ces études qu'il aimait tant. Le garçon avait pris de ses parents le goût des études, la curiosité intellectuelle, le plaisir de la découverte, du raisonnement... Son père était instituteur, sa mère ne travaillait pas, elle était à la maison, mais, étant fille d'un médecin reconnu, elle avait fait des études et elle avait aussi une remarquable culture générale, qu'elle s'était forgée principalement toute seule. Quand le petit Hervé avait été inscrit à l'école élémentaire, il savait déjà lire et écrire. Et pas que ça : il savait jouer de la flûte à bec, il savait reconnaître un chef d'œuvre d'art, il connaissait des extraits de grands auteurs que son père parfois lui lisait pour le faire s'endormir et grâce à sa prodigieuse mémoire, il s'en souvenait, sinon mot à mot, du moins dans leur essence. Son père... Oui, la tendresse et le sourire de sa mère lui avaient manqués, mais il avait senti encore plus fort le manque de la disponibilité et de la sécurité que lui donnait son père. Et aussi de la liberté dont il avait joui avec eux... Il se souvenait bien, quelques mois après avoir été accueilli chez sa tante, le regard scandalisé de cette dernière quand, entrant dans la pièce où il prenait son bain dans une bassine en zinc, elle avait vu qu'il était complètement nu. Hervé sourit à ce souvenir et les mots péremptoires de sa tante lui revirent à l'esprit : "Couvre-toi immédiatement, petit dévergondé ! Il ne faut jamais montrer son intimité à personne, même pas à soi-même !" Surpris, il avait répondu : "Mais, ma tante, comment puis-je me laver le zizi si je garde mon slip ?" Sa tante était devenue rouge et, avec un visible effort pour rester calme, elle avait dit : "On ne se lave pas... là ! On ne se touche pas, là ! Ceci se lave tout seul : c'est l'eau qui se charge de le laver... Se toucher ou se regarder là... c'est faire un grave péché ! Gare à toi si je te revois dans... dans cet état !" et elle était sortie, raide. Un grave péché ? Non, ce n'était pas possible, sa tante devait être un peu étrange... Qu'aurait-elle dit si elle avait su qu'il se baignait toujours avec son père, nus tous les deux, dans la même bassine ? Et il l'avait regardé et touché... Il avait touché son père là aussi. Pour se laver. Il revoyait le corps de son père : un bel homme, maigre mais fort. Un jour, pendant qu'ils se baignaient, il avait demandé à son père : "Papa, moi aussi, je deviendrai beau comme toi un jour, quand je serai grand ?" "Bien sûr, et tu seras encore plus beau que moi !" lui avait répondu son père avec un large sourire. Oui, il le reconnaissait, il avait bien grandi, il avait un beau corps, surtout grâce à la gymnastique et au sport pratiqué à l'école... mais, du moins à ses yeux, il n'était pas encore aussi beau que son père... Pourtant, même sa tante lui avait dit un jour : "Plus tu grandis, plus tu lui ressembles." Et il n'avait pas eu besoin de lui demander à qui se référait ce "lui". C'était étrange, neuf ans après ce tragique accident, l'image de sa petite sœur avait complètement disparu de son esprit, celle de sa mère perdait ses couleurs, seule celle de son père restait intacte. Il les avait tous aimés, mais il avait adoré son père. Peut-être l'avait-il un peu idéalisé, va savoir... mais il était resté pour lui un modèle, un idéal à imiter, et même à égaler. Ce pourquoi il avait voulu faire des études pour devenir enseignant comme son père. Sa tante ne s'y était pas le moins du monde opposée. Elle l'avait même inscrit dans la meilleure école, bien qu'elle soit très loin de sa maison et qu'elle soit loin d'être bon marché. Quoi qu'il en soit, il s'était engagé à fond dans ses études grâce à quoi, à la fin de la première année, ses brillants résultats lui avaient permis d'obtenir une bourse. Bien sûr, quel changement dans sa vie... quels changements plutôt. Tout d'abord quand, devenu orphelin, il avait dû quitter la petite ville qu'il aimait, les coins familiers, ses amis et ses copains, pour emménager dans la maison de sa tante : une vieille maison isolée et austère, en haut d'une colline, loin de tout et de tous. Aucun voisin, aucun ami avec qui jouer. Il ne pouvait même pas inviter ses copains de classe dans la maison de sa tante et donc il ne pouvait pas non plus accepter leurs invitations. "Je ne veux certainement pas voir une bande de gamins rustres sévir dans ma maison !" avait-elle lâché la première fois qu'il avait essayé de lui demander s'il pouvait inviter un camarade de classe à passer le week-end avec lui. Sa tante l'emmenait à l'école en cabriolet tous les matins et revenait l'attendre à la sortie, ponctuelle comme l'horloge de l'église. La route entre la vieille maison et l'école prenait trois quarts d'heures, au trot. Mais par ailleurs sa tante n'avait rien d'autre à faire, elle vivait de ses rentes, elle. Contrairement à son père qui avait dû travailler dur, enseigner à l'école le matin et donner des cours particuliers l'après-midi. Et pourtant son père avait toujours trouvé du temps pour être avec son fils... Pas sa tante... Ainsi Hervé, après la mort de sa famille, avait grandi solitaire, malgré son désir d'avoir des amis... Cela ne lui avait pas beaucoup pesé, il avait rempli son temps avec les études et la lecture : sa tante avait une belle bibliothèque, riche, plus fournie encore que celle de ses parents. Le deuxième changement était arrivé à quinze ans, quand il était devenu interne en ville pour ses études. Un internat austère, tenu par des pères jésuites. Chaque garçon avait sa petite chambre. Cours le matin, études l'après-midi, promenade le soir, à la bonne saison, puis le "couvre-feu" : chacun dans sa chambre après s'être lavé dans la salle de bains commune. Les seuls moments où il pouvait parler à ses copains étaient les repas et la promenade. Tous les autres moments étaient des temps "de silence", ce qui signifiait qu'ils ne pouvaient parler qu'interpellés par un supérieur ou un surveillant, mais en aucun cas entre eux, sous peine de sévères punitions. La solitude encore, donc. Mais cette solitude était, en un sens, pire que celle qu'il avait connue chez sa tante : là au moins il était vraiment seul. À l'internat par contre il avait plein de compagnons. Ils étaient en contact, coude à coude, mais il leur était interdit de communiquer. Ce furent encore les études et l'amour de la littérature qui le sauvèrent, avec une troisième et nouvelle passion : le dessin. Leur professeur de dessin, le Père Duvalier, était vraiment un excellent professeur et surtout il savait provoquer l'enthousiasme de ses élèves. Aucun rapport avec le prof de latin. "Monsieur Brout Hervé !" appela une voix. Hervé se secoua et sentit comme un frisson dans son dos : son tour était arrivé et il ne s'était même pas rendu compte que la remise des diplômes avait déjà commencé. Il se leva et monta sur l'estrade, ému. Le doyen, drapé dans son austère cape académique, prononça la formule rituelle et lui remit le parchemin de son diplôme d'état. En le prenant, Hervé s'inclina un peu, puis il s'inclina vers le corps enseignant et enfin vers le public de ses copains et des familles, comme on lui avait appris à faire. Puis il revint à sa place. C'est alors qu'il nota que sa tante, avec un petit mouchoir de légère dentelle, essuyait une larme au coin de son œil. Cela le frappa : il n'avait jamais vu sa tante pleurer, même aux funérailles de sa famille elle n'avait pas versé une larme... "À sa façon, ma tante m'aime bien," pensa-t-il et il fut comme foudroyé par cette idée. "Mais alors... pourquoi ne me l'a-t-elle jamais montré jusque là ?" se demanda-t-il, assez perplexe. Cette découverte provoqua comme une grande chaleur en lui, et soudain il se sentit de nouveau un petit garçon, mais cette fois un peu moins perdu que quand il était arrivé dans la grande maison et dans la vie de sa tante... Après la cérémonie, il y eut un apéritif offert à tous les diplômés, leurs familles et le corps enseignant. Sa tante, comme toujours, ne mangeait pas : elle picorait délicatement. À un moment elle lui demanda, de son habituel ton austère : "Et à présent, mon neveu Hervé Brout, qu'avez-vous l'intention de faire ?" Le garçon la regarda, puis, hésitant, il dit : "Je vais chercher du travail... Sans doute comme enseignant..." "Donc, j'imagine, vous n'avez pas l'intention de revenir à la maison avec moi." Ce n'était pas une question, mais un constat, froid, sans émotion apparente. "Non, je ne crois pas... Le Préfet m'a dit que je peux encore dormir dans ma chambre jusqu'à la semaine qui précède la rentrée, aussi pourrai-je entre-temps me chercher un travail..." "J'ai pensé que vous pourriez avoir besoin d'un peu d'argent. Aussi ai-je prévu d'ouvrir un compte à votre nom dans la banque qui est devant votre école : chaque mois vous pourrez y retirer une mensualité jusqu'à ce que vous ayez vingt et un ans, c'est à dire pendant encore deux ans." "Je vous en remercie, ma tante..." "C'est mon devoir." répondit-elle, toujours raide. Bien, cela lui donnerait un peu plus de liberté. Il n'avait pas demandé quelle serait la mensualité, sa tante sans aucun doute, femme précise qu'elle était, aurait calculé le budget moyen d'une chambre, de deux repas par jour et d'un habit à chaque nouvelle saison... Il l'aurait juré. Quoi qu'il en soit son geste était plutôt prévenant. Sa tante alla remercier le corps enseignant, lécher les pompes aux pères jésuites, puis elle prit congé de son neveu et repartit. "Hervé, viens-tu fêter ça avec nous ce soir ?" lui demanda Daniel, un copain d'études. "Et pourquoi pas ? Nous sommes enfin libres..." répondit-il en souriant. Daniel lui était sympathique : bien qu'il soit d'une très riche famille, il ne prenait jamais d'airs et, pour autant que l'internat le permette, il était ce qui pouvait y avoir de plus proche d'un ami qu'il ait pu y trouver.
"Papa, je n'ai pas la moindre intention de vous manquer de respect, mais... je ne veux pas d'une autre gouvernante ! J'ai quatorze ans, maintenant !" "Quatorze ans, quatorze ans : vous n'êtes pas encore en mesure de vous occuper de vous-même ! Et moi, vous le savez bien, je suis trop pris par mes affaires pour m'occuper de vous sans arrêt. Et puis, la maison a grand besoin d'une gouvernante, même vous vous devriez le comprendre !" Oui, c'était vrai, il ne s'occupait pas de lui : souvent il ne voyait pas son père de toute la semaine, parfois même le dimanche non plus... Il passait sans doute la semaine avec sa maîtresse. Mais Roland n'avait pas l'intention de céder sur ce point. "Quoi qu'il en soit, je ne veux pas d'une gouvernante qui s'occupe aussi de moi !" protesta-t-il encore. Puis il ajouta : "Ou alors je la ferai fuir comme madame Sorel !" et il se mordit la langue. Mais son père ne parut pas étonné de cette déclaration. Tout simplement il n'y répondit pas et, monté dans sa calèche, il fit signe au cocher de partir : le devoir l'appelait et il n'avait que perdu trop de temps avec son fils. Mais Monsieur Laforest, en chemin, réfléchit et se dit que son fils avait en partie raison, il devenait un petit homme et être dans les jupes d'une femme comme un bébé devait commencer à lui peser. Et pourtant il ne pouvait pas le laisser seul : un petit homme, certes, mais encore trop jeune... Il trouverait une solution... Ah, si seulement sa chère épouse était encore en vie ! Roland rentra à la maison, furieux et plus que jamais décidé à ne pas céder. Une gouvernante ! Bien sûr, c'est lui qui l'avait fait fuir, et il en était fier. Madame Sorel avait été la plus dure, mais il y était arrivé. Elle avait froidement pris le crapaud dans les draps de son lit et, puisqu'il avait mis une feuille avec écrit de sa main : "Essayez de l'embrasser, peut-être deviendra-t-il un prince charmant. Roland" elle avait déclaré acide : "Ça au moins, il faut te le reconnaître : vous n'êtes pas du genre à cacher votre main quand vous lancez la pierre !" Elle avait résisté à la souris mise dans ses toilettes, bien qu'ayant couiné comme une truie en la voyant fuir quand elle avait ouvert le volet, elle n'avait pas battu un cil quand il avait mis du sel dans son café... mais quand enfin Roland, après un après-midi entier passé au jardin de la villa à recueillir un seau plein de vermines en tout genre : lombrics, chenilles velues, vers blancs, vers jaunes et noirs, en avait parsemé toutes les vasques de plantes aux fenêtres de la chambre de Madame Sorel, quand la dame était arrivée dans sa chambre le soir et avait vu l'amas de vermine grouillante dans les vasques, et bien, ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Madame Sorel démissionna sur l'heure ! Ces souvenirs l'amusaient et Roland sourit en y repensant. Non, pas d'autre gouvernante... il la ferait fuir au pied levé, plus vite que le vent, se jura-t-il. Son père, pris par les affaires de l'aciérie, avait oublié la question de la gouvernante. Il lui fallait travailler dur s'il voulait rendre son entreprise encore plus importante : quel chemin de l'échoppe de forgeron de son grand-père aux aciéries modernes à qui il avait donné vie en poursuivant le travail de son père, il en était passé de l'eau sous les ponts ! Mais il ne pouvait pas se relâcher, pas un instant. Les gens croyaient que les riches faisaient de l'argent en restant dans leurs pantoufles, mais il savait bien qu'il n'en était rien ! En mangeant le frugal repas qu'il s'était fait apporter au bureau, il pensa néanmoins au problème de son fils... Une gouvernante... Bah, il pourrait bien faire d'une pierre deux coups : une gouvernante qui s'occupe de la maison et du linge et un précepteur pour le garçon... Plus de dépenses, mais... Peut-être, se dit-il, en embauchant un garçon tout juste diplômé par les jésuites, ne faudrait-il pas le payer trop. Un de ces garçons de la campagne qui serait heureux de travailler pour une famille importante... Après déjeuner il décida d'aller tout de suite chez les pères jésuites : "Plus tôt je m'ôterai cette épine du pied," pensa-t-il, "moins j'en souffrirai." Et une annonce dans le journal pour trouver une autre gouvernante... Oui, les Jésuites d'abord, puis le journal. "Comme ça je pourrai travailler tout l'après-midi sans y penser." se dit-il en se garant devant l'internat. Il fut reçu par le Recteur : Laforest était trop connu pour qu'on le fasse attendre. Quand il eut expliqué ce qu'il cherchait, le prêtre lui dit : "En effet nous aurions un excellent garçon, de bonne famille, tout juste diplômé et à la recherche d'un emploi. Il est orphelin : un toit et un emploi, ce serait parfait pour lui. C'est un garçon attentionné et méritant, je peux vous l'assurer..." "Si c'est vous qui me le recommandez, mon père, il sera certainement la personne qu'il faut... Bien que mon garçon, je dois l'avouer, à un caractère plutôt difficile... Serait-il possible de rencontrer tout de suite le jeune homme dont vous parlez ?" "Je le crois, je le fais appeler. Et... vous pourrez lui parler tranquillement, ici dans mon bureau, je vous laisserai seuls, après avoir fait les présentations." "Je vous remercie, mon père. Si le garçon s'avère être la bonne personne, je n'oublierai pas vos œuvres..." Ne rien donner pour rien, telle était sa philosophie : voyons d'abord si la marchandise est bonne et ne payons qu'après... À ce moment Roland était dans sa chambre, plongé dans un livre. Il lisait Robinson Crusoé, en anglais... et rêvait de vivre lui cette incroyable aventure. Etre seul sur une île ne l'aurait pas préoccupé, il était habitué à la solitude. Aucun des employés de maison n'avait d'enfants et même quand parfois il était avec ses cousins, ils étaient surveillés à tour de rôle par plusieurs gouvernantes et leurs sévères froncements de sourcils. Et puis ses cousins étaient ennuyeux... Ses vrais amis étaient les livres. "Jeune monsieur, il faudrait que je fasse la chambre..." dit la voix plaintive de la bonne derrière la porte. Josette... Roland se leva en hâte et alla vérifier sa chemise de nuit : non, pas de traces compromettantes. "Entrez." dit-il alors. "Excusez-moi, jeune monsieur, si vous voulez bien, pourriez-vous aller dans une autre pièce, que je ne vous dérange pas ?" demanda-t-elle en entrant avec des seaux et un balai. Roland sortit sans répondre, en emportant son livre. Josette... elle devait avoir vingt-sept ans, elle était à leur service depuis ses premiers souvenirs... Josette qui le regardait avec des yeux malicieux qui le mettaient mal à l'aise, depuis la fois où... Cela remontait presque à un an. Roland avait eu sa première pollution nocturne. Au matin il s'était réveillé et avait remarqué une tâche humide sur le devant de sa chemise de nuit, juste là devant, à la hauteur de l'aine. Vu l'endroit il avait craint de s'être fait pipi dessus ce qui l'avait embarrassé, et pas qu'un peu. Ça ne lui était jamais arrivé, avant. Mais après, en se touchant, il avait remarqué quelque chose de collant. Il avait senti ses doigts et c'était une odeur étrange. Et le liquide était blanchâtre et gélatineux... ce n'était pas de l'urine, ça ressemblait plus à... du pus ! Inquiet, il enleva sa chemise de nuit, s'assit sur le lit, et examina soigneusement la zone sous la tâche : il passa ses doigts sur l'aine, puis sur les testicules, sur le pénis... rien. Et pourtant ce liquide était là. Alors, lentement, il fit glisser la peau de son petit membre pour voir s'il n'y avait pas des boutons dessous, et il vit que là aussi il y avait de cet étrange liquide. Il brillait presque. Il avait une odeur particulière... un peu comme la lessive. Mais tout semblait en ordre. Il fit glisser encore plus la peau de son prépuce jusqu'à découvrir complètement le gland : rien. La seule chose qu'il remarqua fut que son sexe augmentait de volume... et pourtant il n'avait pas envie de pisser... Il rabaissa sa peau, encore inquiet et examina encore soigneusement son sexe. Non, rien de rien, il était sain, rosé et lisse comme du velours. Il refit glisser la peau pour découvrir encore tout le gland et il remarqua que son membre continuait à grandir, en volume et en longueur. Il prit un mouchoir pour le nettoyer délicatement : le léger frottement du doux tissu de batiste sur son gland gonflé lui procura une sensation, comme un tremblement, agréable. Il le passa et le repassa encore, même quand il fut complètement nettoyé : la sensation devenait de plus en plus forte, de plus en plus agréable. Surpris, ravi, il continua : sa main gauche retenait la peau, la droite frottait le gland et son pénis était dur comme jamais, il pulsait et le plaisir montait. Quelque chose de jamais éprouvé, de mystérieux, se passait en lui. Le mouchoir de batiste lui effleura les testicules et il s'aperçut que cela aussi lui donnait du plaisir et aussi que les bourses s'étaient comme contractées, durcies, et n'étaient plus souples comme d'habitude. Il laissa tomber le mouchoir et se caressa du bout des doigts : il frémit. C'était bon de se toucher comme ça, très bon. Pourquoi donc ne s'en était-il jamais aperçu, pas même au bain en se frottant avec l'éponge ? Il ferma les yeux en se caressant, à présent des deux mains, le sexe gonflé et palpitant, comme pour mieux savourer cette étrange sensation. Un léger et agréable frisson le parcourut et il comprit que quelque chose allait arriver. Il rouvrit les yeux et regarda son gland décalotté, rouge maintenant et par le petit trou il vit apparaître comme une goutte d'un liquide clair et perlé. Ce n'était certainement pas de l'urine, cette chose blanche... pour mieux la faire sortir, il serra sa tige dure, de bas en haut, deux ou trois fois et la perle grossit et le plaisir augmenta : il réalisa qu'en serrant son pénis de sa main et en la bougeant de bas en haut, il augmentait les sensations qui se faisaient d'une telle intensité que tout son corps en tremblait. Il serra la main plus fort, la bougea plus vite de haut en bas : oh mon dieu ! c'était un pur plaisir ! Sa respiration se fit pesante, presque essoufflée, des frissons de plus en plus intenses s'élançaient de son pénis dans tout son corps et dans les jambes. Il dut se laisser tomber en arrière sur le lit, se sentant soudain privé de forces, mais sa main continuait à bouger de bas en haut sur son sexe raide et l'autre caressait ses testicules fermes et tendus. Et soudain, ce fut comme une secousse électrique, un spasme, et il sentit que quelque chose sortait du bout de son sexe. Il ouvrit les yeux et il vit ce liquide blanc qui collait sur ses mains et d'un coup il se sentit faible, faible... Mais d'une si agréable faiblesse. Son corps se détendit progressivement dans une série de frissons de plus en plus espacés. Jusqu'à ce qu'un soupir discret et tremblant remonte du fond de sa poitrine et il fut complètement détendu. Alors il porta sa main trempée devant son visage pour en sentir l'odeur : étrange, mais agréable. Le liquide coula et il n'enleva pas sa main à temps, un filet brillant glissa vers son visage et il le sentit se poser sur sa lèvre. Spontanément, sans y penser, il se lécha la lèvre... le goût aussi était étrange, mais agréable. Alors il porta la main trempée de son sperme à sa bouche et la lécha aussi : cette fois il le sentit un peu salé, ou plutôt sucré-salé... Ce n'était certainement pas de l'urine, ni du pus... Quoi que ce soit, c'était le résultat d'un plaisir intense, magnifique. Il se nettoya avec la chemise de nuit, puis sentant ses forces revenues, il se leva. Il alla se laver, s'habilla, en laissant comme toujours la chemise de nuit sur le lit défait. Et il n'y pensa plus. Mais peu après Josette arriva pour refaire la chambre. Elle prit la chemise de nuit et vit la tâche. Elle la porta à son nez et la sentit, puis elle se tourna vers le garçon l'air malicieuse : "Oh, le jeune monsieur devient un homme, n'est-ce pas ?" et agita la chemise comme un trophée et rit. Roland ne comprit pas ce que voulait dire la chambrière, mais son regard malicieux et le fait qu'elle ait découvert cette tâche le firent rougir et il se sentit terriblement gêné. La jeune femme se mit à nettoyer la chambre sans cesser de ricaner. Roland sortit pour éviter les coups d'œil amusés et malicieux de la chambrière qui le gênaient. Pour un temps, il ne fit plus rien, de crainte que Josette ne se moque de nouveau de lui. Mais le souvenir de cet intense plaisir ne le quittait pas, aussi finit-il, après quelques jours, par réessayer, sauf que cette fois il avait une serviette à portée de main pour ne pas tâcher sa chemise de nuit. Et il éprouva à nouveau ces merveilleuses sensations que ses mains et son sexe provoquaient dans son corps et il émit encore cette liqueur parfumée. Il ne savait pas qu'il avait découvert la masturbation, il savait juste qu'il pouvait éprouver un plaisir intense et impensable. Aussi intensifia-t-il cette nouvelle pratique. Et, en quelques mois, il se vit grandir, émettre de plus en plus de liqueur, éprouver des sensations de plus en plus intenses...
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