"As tu vu, mon amour, que la princesse t'a très bien accueilli ? Viens, viens ici maintenant... J'ai envie de toi..."
"Mais... ici..." dit Niklos, se laissant cependant enlacer par son amant.
"Ici, personne ne nous dérange, tu es dans ta chambre, non ? Et la princesse a dit que tant que nous restons ici, je suis ton valet... juste pour nous permettre... aussi ça." dit Bruno avec un sourire espiègle, le caressant entre les jambes.
Il sentit que, sous sa main, dans l'élégant pantalon blanc du jeune compositeur, une turgescence saine était en train de s'éveiller. Il lui sourit et lui donna ses lèvres. Le jeune homme se pencha sur lui et l'embrassa, laissant échapper un gémissement d'appréciation et de plaisir.
"Je t'aime, Bruno ! Je t'aime tellement." murmura ému le compositeur, lorsque leurs lèvres se détachèrent.
"Et tu me veux ? Tu me veux en toi ?" lui demanda le valet.
"Oui ..."
"Et maintenant, nous pouvons le faire même tous les jours si tu le veux, mon amour."
"Oui, tous les jours... Et tu peux même dormir avec moi ? Dans mon lit ?"
"Bien sûr que je peux."
"Ils ne s'apercevront pas que tu ne dors pas dans ta chambre ?"
"Et même si ils s'en aperçoivent... qu'importe ? Nous allons bientôt partir, non ?"
"J'ai promis à la princesse que je vais faire encore d'autres concerts pour elle... Tu sais, je pensais aussi écrire un lieder en son honneur..."
"C'est une idée excellente. Comment tu l'intituleras ?"
"Je pensais... «Un rideau se déplaça»... "
"Le rideau derrière lequel je t'ai attiré, cette première fois où nous nous sommes embrassés ?"
"Oui, vraiment celle-là... et je vais la dédier à la princesse."
"Tu te mettras à l'écrire demain matin ?"
"Oui, mon amour... parce que maintenant... maintenant j'ai besoin de toi. Viens..." dit-il, en le poussant vers le beau lit à baldaquin.
Bruno était heureux, parce que c'était la première fois que Niklos prenait l'initiative : jusque-là le jeune compositeur avait promptement répondu à ses avances, il s'était livré rapidement à son désir, mais c'était la première fois qu'il lui montrait, de cette façon, combien il le désirait. Mais Niklos ne se limita pas à cela. Il mit nu son amant, alors que celui-ci le déshabillait, puis il le poussa sur le lit.
"Assieds-toi, mon amour... Je veux essayer de me faire prendre par toi d'une autre façon..." murmura-t-il. "Mets tes jambes ainsi... en cercle."
Niklos se baissa entre les jambes de son amant et embrassa, lécha et suça un peu son beau membre jusqu'à ce qu'il soit dressé et dur, presque parallèle au ventre. Puis il monta aussi sur le lit, s'assis sur le giron de Bruno en lui faisant face, entoura ses hanches avec ses jambes, son cou avec ses bras et descendit sur le poteau dur de son amant, se faisant pénétrer. Puis il embrassa Bruno et se mit à sautiller de haut en bas avec vigueur.
Se faire prendre ainsi, pour Niklos, c'était renverser la situation enfin, il devenait partie active dans cet acte d'amour, ce n'était plus «être pris» mais plutôt «se donner» à son bien-aimé. Il sentait le fort et solide pal du gentil garçon italien lui frotter dedans, le remplir, chaud et palpitant. Niklos se sentait, enfin, au paradis, comme lui avait promis Bruno.
En continuant à s'embrasser, tout en continuant à sautiller sur le giron de Bruno, son membre dur frottait en rythme contre le ventre dur du jeune et beau valet, celui-ci d'une main caressait le corps du beau hongrois et de l'autre il lui frottait les petits mamelons sombres. Les deux bougonnaient en proie à un plaisir de plus en plus grand, tandis que leurs langues jouaient heureuses, tantôt dans la bouche de l'un, tantôt de l'autre.
Puis Niklos, bien planté sur le membre dur de l'amant, se laissa lentement aller en arrière, tenant étroitement à soi Bruno, jusqu'à être couché sur le dos, et le corps du garçon était sur lui.
"Maintenant, prends-moi... avec force, mon amour... maintenant c'est à toi..." murmura-t-il avec émotion.
Bruno plia en arrière ses jambes, pointant les genoux sur le lit, serrant avec ses cuisses le bassin de l'amant, et Niklos étendit en haut ses jambes posant ses chevilles sur les épaules de Bruno. Le fougueux et bel italien rassembla ses forces et commença à bouger de nouveau, dans le canal chaud et serré de l'amant, en avant et en arrière avec une belle énergie virile et jeune.
"Ainsi, mon amour ?" Lui demanda-t-il avec un sourire tendre.
"Oh, oui, mon Bruno... mon amour... ainsi... ainsi... Tu es à moi !" Soupira Niklos heureux.
Bruno observait l'expression de béatitude sereine éclairer le visage de son amant au fur et à mesure qu'il continuait à bouger en lui, et cela lui donnait autant de plaisir que de remuer en lui. Le doux sourire de son amant était le meilleur cadeau qu'il pût recevoir, d'autant plus qu'il était conscient que la cause de ce beau sourire c'était lui.
"Je t'aime, Niklos..."
"Je t'adore, mon Bruno !"
"Oh, Nik... Oohh... ooohhhh... non... je ne peux pas... à..."
"Remplis-moi, amour, laisse-toi aller..." lui dit le bel hongrois ému.
"Oui... oui, Nik... voilà... voilà... oooohhhh!" Bruno marmonna d'une voix basse et chaude, et en tremblant, il se poussa tout dans son amant, lançant ses forts jets.
"Oui... oui... oui..." murmura Niklos à chaque jet tiède de l'amant qu'il sentait se déverser en lui et le remplir.
Enfin, avant que Bruno ait fini de décharger, Niklos également atteint un orgasme puissant et agréable.
Ils s'étendirent enlacés, haletants, se donnant des baisers tendres, se caressant l'un l'autre tandis que leur corps retrouvaient progressivement le calme doré qui suit toujours un orgasme agréable.
"Je t'aime, Niklos." lui dit de nouveau le bel Italien, en lui caressant les joues.
"Et je t'adore..." répondit le jeune compositeur, tendant ses lèvres pour lui demander un autre doux baiser. "Tout est beau, ici..." murmura Niklos.
"La princesse t'a donné une des plus belles chambres..."
"Oui, mais je ne disais pas cela. C'est tout beau parce que je suis dans tes bras..."
Bruno sourit : "Tu veux dire que je suis aussi un bel objet d'ameublement ?" Demanda-t-il avec un regard espiègle.
Niklos sourit et secoua la tête : "Non, je veux dire que... que je resterais comme ça, avec toi, pour toujours. Et que, à l'idée qu'à partir de maintenant tu dormiras avec moi je me sens heureux d'être vivant.... Jusqu'à présent, seule ma musique me donnait encore une raison de vivre. Mais maintenant que je t'ai, la musique passe à la deuxième place."
"Hey, jeune homme ! Prends garde que si tu arrêtes d'écrire ta belle musique, nous risquons d'avoir à demander l'aumône dans les rues !"
"Non, je ne vais pas arrêter. En fait, j'ai maintenant une raison de plus pour l'écrire. Si avant ma muse était ma tristesse, c'est maintenant mon bonheur... qui es toi !"
Deux jours plus tard, Bruno vint à savoir que venait d'arriver au palais l'imprésario Berthold Willibald furieux, et qu'il avait demandé audience à la princesse. Alors le garçon alla derrière la porte, du côté du couloir de service, pour écouter. Il entendit un autre valet annoncer l'imprésario à la princesse.
"Oh, monsieur Willibald ! À quoi dois-je cette visite inattendue ?" Demanda la vieille dame avec sa voix claire de contralto.
"Vous me demandez à quoi vous devez ma visite, princesse ? Me le demandez-vous ? Avez-vous cette hardiesse !" dit la voix furieuse de l'homme.
"Hardiesse, monsieur Willibald ? Vous me parlez de hardiesse ? Vous qui, venu dans MA maison, vous n'avez même pas eu le bon goût de me saluer, et qui me parlez avec ce ton de... de charretier ?" répondit la dame placide mais dure.
"Vous savez bien pourquoi je suis ici, et il est inutile de tourner autour du pot."
"Je ne vois pas de pot ou des gens qui tournent, ici. Vous ne voulez pas vous asseoir, monsieur Willibald ? Mes chaises sont parmi les plus élégantes et confortables de Vienne..."
"Où est ? Dites-moi où c'est !"
"Une chaise ? Vous en voyez là une... et là une autre..."
"Où est Tétény !" rugit l'homme.
"Ah, mon protégé ? Il est mon hôte. Je crois qu'il soit en train de se préparer pour le prochain concert qui aura lieu ici dans quelques jours, comme vous devez bien le savoir..."
"Vous me l'avez enlevé... avec toutes mes choses !"
"VOS choses, monsieur Willibald, dites-vous ? Pas à ma connaissance. Le jeune homme n'a apporté avec lui que les miettes de ce que vous lui deviez."
"Il n'avait aucun droit... j'exige qu'il revienne immédiatement..."
"VOUS exigez ? Oh, mon pauvre monsieur Willibald. Mais vous ne pouvez prétendre à rien. Pas ici de toute façon dans ma maison. Pas de toute façon vis-à-vis de monsieur Tétény."
"Il a signé un contrat avec moi ! Un contrat légal, et j'en exige le respect."
"J'exige, j'exige, j'exige... vous êtes en train de m'ennuyer, monsieur. Et je vous conseille de changer de ton, ou je serai obligé de vous faire jeter à la rue par mes serviteurs. Vous êtes en train de m'importuner."
"Il a signé un contrat..."
"Qui est sur le point d'expirer et que cependant il honorera, étant donné qu'il est ici et tiendra le concert pour lequel JE l'ai payé, même si VOUS avez gardé tout l'argent. Donc, contentez-vous de l'argent et laisser nous tranquilles..."
"J'irais à la police..."
"Oh, oui, vous faites très bien. Et pendant que vous y êtes, ne vous contentez pas de faire votre plainte au premier gradé ou officier que vous trouverez. Allez voir le Chef de la police, le beau-père de ma fille Marie Christine, et saluez-le de ma part, tant que vous serez là. Oh, et dites-lui aussi que j'aurai plaisir de l'avoir comme hôte. Vous savez, je dois lui raconter comment un certain... impresario a commis des actes de sodomie violente sur un certain compositeur... Vous en savez quelque chose, VOUS ?"
Bruno ricana. Pendant un certain temps il y eut le silence dans le salon. Puis il entendit de nouveau la voix de la princesse.
"Oh, vous avez finalement accepté mon invitation à vous asseoir, monsieur Willibald. Mais... vous vous sentez bien ? Votre visage a blanchi tout à coup..."
"Ce sont juste... ce sont juste des calomnies ! Je n'ai jamais... Monsieur Tétény..."
"Oh! C'est vous, alors, l'imprésario dont je parlais ?" demanda avec ironie la dame, "Je n'avais pas donné de nom... Mais, voyez-vous, je vais aussi prier ce cher père de mon gendre de mener une enquête sur les paiements que vous avez reçus pour les performances du jeune Tétény... pour la musique, je veux dire... et tout ce que vous avez retenu pour vous et combien vous lui avez payé..."
"J'ai soutenu des dépenses importantes pour le hongrois qui..."
"Vous serez en mesure de le prouver, j'imagine, si je demande au cher père de mon gendre d'enquêter sur votre comptabilité... Un bon imprésario doit tenir un livre de comptes mis à jour, bien documenté, n'est-ce pas ? Sauf si, au lieu de payer en argent pour ses performances musicales, vous avez décidé de le payer... en nature, pour ainsi dire. Combien vous évaluez un paiement de cette espèce, monsieur Willibald ? Un paiement que, à ce qu'il résulte, le jeune Tétény n'a pas apprécié, mais a subi ? Dites-moi... vous savez, je ne m'y connais pas, étant donné que je suis une femme..."
"Ce sont seulement des calomnies... juste des calomnies..." bégaya l'homme.
"Des calomnie, dites-vous ? Vous voyez, mon pauvre monsieur Willibald, vous avez été naïf... Je n'aurais pas agi ainsi si je... si je n'avais pas la preuve. Mais, voyez-vous, certains de mes serviteurs étaient cachés dans la maison du pauvre monsieur Tétény lorsque vous l'obligiez à souffrir vos attentions, et ils seront prêts à témoigner, si nécessaire."
Bruno sourit à nouveau : il avait bien fait de raconter à la vieille dame aussi ce détail, et maintenant la princesse bluffait, en disant qu'il y avait plusieurs gens prêts à témoigner. Encore une fois il y eut le silence. Là encore, il entendit la voix de la dame.
"Vous avez à nouveau cette mauvaise mine, monsieur Willibald ! Vous voulez que j'appelle un serviteur pour vous apporter un verre de cordial ? Mais peut-être vous en faudrait-il une bouteille entière... Ne faites pas de cérémonie..." dit la dame d'un ton courtois, mais avec la voix teintée d'ironie.
"Je... je... ne me ruinez pas, princesse... Je l'avoue, j'ai succombé à une folle passion, mais... Je, vous voyez..."
"Succombé, vous me dites ? Allons, chacun de nous peut, peut-être, céder une fois à... à ce que vous vous définissez une folle passion. Mais céder pour dix ans ! Et combien d'autres jeunes musiciens ont succombé à votre... folle passion avant monsieur Tétény ? Je suis curieuse... Peut-être que je devrais demander au bon père de mon gendre qu'il se documente également sur ce sujet... qu'en dites-vous ?"
"Que voulez-vous que je fasse, madame... Je suis entre vos mains..."
"Non ! Vous n'êtes pas entre mes mains ... je devrais me les laver pendant des heures et des heures pour en enlever la puanteur, monsieur, et utiliser également de grandes quantités de parfum !" Dit la dame d'une voix dure. "Vous me demandez ce que vous devez faire ? Au minimum, d'abord portez ailleurs cet amas d'ordures que vous êtes. Comme seconde chose, n'osez jamais plus approcher monsieur Tétény. Et troisième chose... Je vous conseille vivement de changer à la fois votre métier et vos habitudes : je vais faire garder un œil sur vous, soyez-en sûr. À partir de maintenant, occupez vous de tout ce qui n'a rien à voir avec des jeunes hommes. Je vous ordonne de m'ôter de devant votre présence désagréable, et de toujours rester loin de ma personne. Je vous ordonne de ne plus paraître, jamais plus, ni dans mon palais, ni dans ceux des gens que je connais... et, malheureusement pour vous, je connais presque tout le monde, ici à Vienne. Je ne veux plus jamais voir votre apparence méprisable, ni entendre votre nom odieux, monsieur ! Et maintenant, sortez d'ici ! Tout de suite !"
Bruno entendit le bruit d'une chaise déplacée, puis la porte qui donnait sur le couloir d'honneur s'ouvrir et se fermer. Immédiatement, il entendit le gloussement de bonne humeur de la vieille dame. Il courut rapide et léger à une fenêtre qui donnait sur la façade du palais. Peu après il vit sortir Willibald vivement, la tête baissée, les épaules voûtées et il semblait qu'il avait le diable à ses trousses.
Puis il entra dans la chambre de son Niklos pour lui raconter toute la conversation qu'il venait d'entendre.
À l'occasion du concert suivant, Niklos joua deux nouveaux lieder : l'un intitulé «Un rideau se déplaça» et un autre qu'il avait intitulé «La colère de la déesse» tous deux dédiés à la princesse Franziska Carla Josepha von Horstemberg-Windischgraetz. Le succès était encore plus grand que d'habitude, parce que maintenant dans ses exécutions pouvait être ressentie une force inhabituelle, et aussi une sérénité colorée à des moments de joie...
Quand les invités eurent quitté le palais, la princesse fit arrêter le jeune compositeur, en lui posant la main sur un bras.
"Mon cher Niklos Sebestyen, je vous remercie de m'avoir dédié deux de vos lieder."
"C'est moi qui dois vous remercier, princesse." dit le jeune homme avec une légère révérence, rougissant légèrement.
"Je regrette que vous ayez décidé de quitter Vienne. Non... Je ne suis pas en train de vous demander de rester. Je comprends que vous vouliez commencer... une nouvelle vie loin de cette ville qui, pour vous, a juste des mauvais souvenirs. Je vous souhaite d'être heureux... avec votre Bruno Leopoldo."
"Ce qui m'étonne vraiment, princesse, c'est comment, tout en sachant ce qui existe entre votre valet et moi..."
"Mon jeune ami... quand on a le bonheur de vivre pendant tant d'années comme moi, ou on devient des vieilles insupportables ou on apprend à comprendre. Je sais bien combien, soit les lois soit les coutumes, prétendent réglementer tous les aspects de la vie des individus, même dans les choses les plus intimes. Mais, vous voyez, Cicéron [De officiis, I, 10, 33] affirmait «summum jus, summa injuria» et il avait raison. La loi appliquée sans bon sens, donne lieu seul à des ergoteries absurdes qui servent seulement à justifier de véritables abus. Tant que vous ne faites pas de mal à personne, aussi longtemps que ce qui vous pousse l'un vers l'autre est une affection sincère, je ne vois pas pourquoi cela devrait me scandaliser."
"Mais aussi l'Église, l'Écriture Sainte..." dit le jeune homme, sachant combien la vieille dame était religieuse.
"Oh, mon bon jeune homme ! N'avez vous jamais remarqué à quel point chaque homme d'église interprète de manière différente, même opposée, le même passage de l'Écriture Sainte ? Qui a raison ? Tous prétendent parler au nom de Dieu, tous se proclament son porte-parole. Vous n'avez jamais remarqué comment les évêques des nations en guerre implorent la bénédiction de Dieu sur chacun de soldats de leurs nation, comme si Dieu pouvait bénir et les un et les autres alors qu'ils se tuent ? Lisez les dix commandements : ils ne disent rien par rapport à votre relation avec Bruno Leopoldo."
"Tu ne feras pas d'impureté..." récita à voix basse Niklos.
"Etait impur ce que votre imprésario accomplissait sur vous, jeune homme. Pas ce que vous lie à Bruno Leopoldo, étant donné que, pour autant que je sache, c'est dicté par l'affection et par le respect mutuels. Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse... Donc, fais à l'autre comme tu voudrais qu'il soit fait à toi. Saint Augustin d'Hippone Ne disait-t-il pas : «Aime et fais ce que tu veux» [In Io. Ep. tr. 7, 8] ? Alors mon bon Niklos Sebestyen, aimez votre Bruno Leopoldo, et soyez heureux."
"Merci, princesse. Vos mots sont un baume pour mon âme..."
"Je m'en réjouis. Malgré mon âge respectable... je suis encore utile pour quelque chose." dit la dame avec un sourire et ayant fait un léger geste de salutation, elle s'éloigna du jeune compositeur hongrois.
Enfin, les pauvres affaires de Niklos furent envoyées à Trieste. L'intendant paya Bruno et lui remit une lettre flatteuse comme certificat de travail, signé de sa propre main par la princesse, et finalement les deux amants, prirent congé de la dame, et entreprirent le voyage qui devait les conduire à Trieste.
Passant par Gratz et Ljubljana, où ils firent un arrêt, ils rejoignirent enfin Trieste. Après avoir dormi, pour une nuit, dans un petit hôtel du port, Bruno demanda où vivait son vieil ami, Gunnar Siegmund von Platen et il y alla. Gunnar l'accueillit avec plaisir.
"Oui, comme je te l'ai dit, Bruno, pendant quelque temps, vous pouvez rester avec moi, toi et ton ami compositeur. J'ai une pièce libre... une seule vous suffit, non ?" lui demanda-t-il avec un petit sourire malicieux.
"Bien sûr, surtout s'il y a seulement un grand lit pour deux..." répondit le bel italien, gaiement.
"Tu t'es trouvé un grand beau garçon, Bruno. Tu te souviens du bon vieux temps quand toi et moi..."
"Bien sûr que je me souviens. Tu m'as fait découvrir combien ça me plaît de le faire avec les hommes."
"Ça me plairait de pouvoir renouveler avec toi..."
"Gunnar ! Je t'ai dit que je suis amoureux de mon Niklos, non ? Tu ne peux pas me demander ça."
L'homme sourit : "Non, je ne te le demande pas, bien sûr. Mais tu ne peux pas m'empêcher de me sentir encore attiré par toi."
"Tu n'as pas d'amant, en ce moment ?" Lui demanda Bruno.
"Non... j'en ai eu un jusqu'il y a sept mois... C'était un garçon très aimable..."
"Que tu as séduit, comme tu l'as fait avec moi ?"
"Non, je dirais plutôt que ce fut lui qui m'a séduit. Son nom était Floriano Veglia..."
"Son nom était ? Il est... mort ?" Demanda Bruno.
"Non, il est juste parti. Il venait toujours à la bibliothèque pour faire des recherches sur Pétrarque... et donc on s'est connu. Il m'a fait comprendre qu'il voulait avoir une relation avec moi. Même s'il avait seulement vingt-deux ans, il était plus qu'expert au lit : il avait déjà eu beaucoup d'expériences avant de se mettre avec moi, il a été mon petit ami pendant un peu plus de deux ans, mais ensuite il a rencontré un jeune professeur à l'université de Bologne, qui était également venu ici pour faire des recherches sur Pétrarque, puisque nous, dans notre bibliothèque, on a plusieurs de ses œuvres et de ses manuscrits. Ils sont tombés amoureux... à mon insu Floriano a entretenu une relation à la fois avec moi et avec le professeur... et quand le jeune professeur repartit à Bologne, Floriano m'a dit au revoir et l'a suivi."
"Et maintenant ? Tu n'as rien en vue ?"
"Si, un garçon très beau et très doux... mais je ne sais pas si... Je ne sais pas si nous pouvons..."
"Y a-t-il des problèmes ?" Demanda Bruno intrigué.
"Oui. Tu vois, c'est un... séminariste."
"Oh ! Un séminariste ? Quel âge a-t-il ?"
"Vingt ans. Il vient souvent à la bibliothèque avec un monseigneur, un chanoine de la cathédrale, dont il est le secrétaire."
"Et cette fois, c'est lui qui t'a séduit, ou tu l'as séduit ?"
"Je l'ai séduit... Je suis son premier et unique homme... Nous étions dans le dépôt de livres pour chercher un vieux tome pour son monseigneur... je le voulais trop, il est trop beau... donc je J'ai enlacé, je l'ai embrassé... et il... ne m'a pas repoussé. Je l'ai pris là, entre les livres, debout... Je lui ai soulevé sa soutane, je lui ai baissé son pantalon et je l'ai pris... C'a été très agréable..."
"Mais maintenant, il ne veut plus rien savoir ? Il a... regretté de t'avoir cédé ?"
"Non, au contraire... Martino est amoureux de moi, mais... il ne peut pas quitter le séminaire et rester ici à Trieste. Sa famille ne le laisserait jamais le faire, tu vois? Et je peux pas encore quitter Trieste, sinon je l'emmènerais ailleurs avec moi."
"Et vous continuez à vous voir... et à faire l'amour dans le dépôt de la bibliothèque ?"
"Oui, bien que beaucoup moins fréquemment que ce que nous deux nous voudrions. Et même plus rapidement que nous le souhaiterions. Cela fait maintenant huit jours qu'on ne se voit plus."
"Et ça fait combien de temps que vous vous voyez ? Quand est arrivée la première fois ?"
"Il y a seulement trois mois. Pense que je n'ai même jamais pu le voir nu, jamais l'avoir sur un lit, même pas passer une seule nuit avec lui..."
"Mais tu en es amoureux, Gunnar ?"
"Oui, mais je ne vois pas de porte de sortie. Au delà de tout, il ne peut même pas continuer à venir à la bibliothèque, il semble que son monseigneur ait trouvé ce qu'il cherchait. Mais toi plutôt, pourquoi tu ne me racontes rien de toi et de ton compositeur ? Dans tes lettres tu ne m'en as pas dit beaucoup."
Bruno lui raconta son histoire avec Niklos. Pendant ce temps Gunnar lui montra son appartement et la chambre qui abriterait les deux amants, puis l'emmena voir l'entrepôt où il avait mis les affaires du compositeur envoyés de Vienne. Finalement il lui donna les clés et Bruno alla chercher Niklos.
Grâce aux bons offices de Gunnar, Niklos donna un concert dans le théâtre de la ville. Des invitations commencèrent à arriver de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie locale, et Bruno s'occupa des écritures et des paiements. Chaque fois qu'il remettait de l'argent à Niklos, celui-ci était surpris de ces paiements : il n'avait jamais pensé que sa «valeur» était telle ! Willibald l'avait toujours amené à croire qu'il était payé beaucoup moins.
Ensuite, commencèrent à arriver des demandes de concerts également de Venise, de sorte que les deux commencèrent à se déplacer ici et là. Bruno servait de secrétaire à Niklos et prenait les contacts avec les seigneurs ou les agents pour fixer les cachets.
Niklos n'avait pas la place pour remonter son piano, donc parfois il s'entrainait avec le violon, parfois il allait répéter au séminaire, en utilisant le beau piano qui était là.
Bruno, ainsi, rencontra Martino, le séminariste amoureux de Gunnar.
Un jour, il le prit à part : "Martino... Gunnar m'a parlé de vous et de lui... de votre amitié..."
Le jeune séminariste rougit violemment : "Est-ce qu'il vous a dit ... tout ?" Demanda-t-il préoccupé.
"Oui. Gunnar, il y a des années, a été mon premier homme, tout comme pour vous. Mais maintenant, je suis avec Niklos Tétény, le compositeur. Dites-moi, êtes-vous vraiment amoureux de Gunnar ?"
"Oui..." répondit le jeune séminariste rougissant à nouveau.
" Gunnar m'a dit que vous ne pouvez pas quitter le séminaire pour aller avec lui..."
"C'est ainsi. Et Gunnar ne peut pas quitter Trieste, alors... Nous ne savons pas quoi faire..."
"Pourquoi ne pouvez-vous pas quitter le séminaire, vous, Martino ?"
"Mon père est un officier de la police impériale, ici à Trieste. Il m'empêcherait de quitter le séminaire. Il a décidé que je dois embrasser la carrière ecclésiastique et... quand mon père a décidé quelque chose... En outre, si j'osais vivre avec Gunnar, mon père certainement comprendrait... et il nous le ferait payer cher, et plus qu'à moi, à mon homme aussi. Je ne peux pas, vous comprenez ? Bienheureux êtes-vous que vous puissiez rester avec votre amant..."
"Oui, je peux vraiment dire être très chanceux ..." dit Bruno, en sentant sympathie et compassion pour le jeune séminariste. "Mais vous, voulez-vous vraiment devenir prêtre ?"
"Non, ma mère l'a décidé, par un vœu qu'elle avait fait. Et mon père, même s'il est un mécréant l'a tout de suite écoutée, je suis juste le mineur, le cinquième de cinq frères... Mon avis n'a jamais compté pour rien dans la famille."
"Je vous souhaite de trouver une solution, Martino. Je vous le souhaite de tout mon cœur." Dit Bruno.
"Merci... Je suis heureux de parler avec vous, quelqu'un qui me comprend... et qui ne me condamne pas, même si je vis dans le péché..."
"L'amour ne peut pas être péché, Martino ! Peu importe ce qu'ils vous ont appris, tout ce qu'ils vous disent, n'oubliez jamais que l'amour ne peut pas être péché. Je crois que Dieu ne condamnera jamais personne pour avoir aimé."
Martino le regarda un peu surpris cependant et hocha pensivement la tête. Puis, après s'être assuré que personne ne pouvait les voir, il prit une main de Bruno et la baisa.
"Merci, Bruno. J'espère que lorsque votre homme viendra ici pour jouer, nous pourrons encore parler, vous et moi."