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histore originale par Andrej Koymasky


RENCONTRES ROUMAINES CHAPITRE 4
GHEORGHE ET MARCELLO

Dans le train du retour, Gheorghe repensait à ces deux jours passés avec Marcello. Le samedi, le garçon s'était montré tout à fait serein et plein de petites attentions envers lui et l'homme se sentait de plus en plus amoureux. Ils avaient eu de longues conversations, même sur des choses importantes, ce que signifie aimer, être amoureux, vivre ensemble.

Ils avaient aussi parlé de ce que ferait Marcello une fois terminé le service militaire. Bien que pas encore tout à fait sûr, le garçon aimerait s'inscrire à l'école polytechnique, pour devenir ingénieur électronicien.

Gheorghe lui dit qu'il y avait aussi une école polytechnique dans sa ville : Marcello pouvait aller vivre avec lui et s'y inscrire. Et pendant ce temps, vivant ensemble, ils pouvaient voir si et comment évoluerait leur amitié. Le garçon lui dit qu'il y penserait sérieusement et lui donnerait une réponse.

Ils avaient visité un peu la ville, mais ils passèrent la plupart du temps ensemble assis sur la pelouse d'un parc pour parler. Samedi soir, ils avaient longtemps fait l'amour à nouveau, leurs corps se connaissaient de mieux en mieux et faire l'amour était en train de devenir de plus en plus agréable.

Le garçon avait voulu acheter un petit appareil photo, parce qu'il voulait un souvenir de la visite de Gheorghe, et ils avaient fait plusieurs photos l'un et l'autre, que Marcello promit de lui envoyer.

Le garçon avait promis de lui téléphoner chaque fois que son navire s'arrêterait à un port, et Gheorghe lui promit que, s'il pouvait se libérer des engagements d'enseignement, il le rejoindrait pour être ensemble encore un peu.

L'homme repensait à tout cela alors que le train courait vers sa destination. D'accord, Marcello lui avait dit ne pas être amoureux de lui, mais il s'était conduit de manière si délicieuse avec lui, et il n'avait pas exclu que quelque chose entre eux pourrait naître. Il n'avait même pas exclu la possibilité de se déplacer pour vivre ensemble...

Il lui avait demandé comment il pouvait justifier avec sa famille le fait qu'il aille vivre avec un homme plus âgé que lui, un professeur d'université, et aussi comment justifier le fait d'aller s'inscrire dans une école polytechnique si loin de la maison.

Gheorghe lui avait dit que l'école polytechnique qu'il y avait dans sa ville était la plus renommée en Italie, et qu'il pourrait dire qu'il s'établissait chez lui, qu'il avait rencontré à Gênes parce qu'il était l'oncle d'un de ses compagnons d'armes, parce qu'il avait une grande maison et il pouvait lui donner une chambre...

"Comment peux-tu être l'oncle de mon ami si tu as un nom étranger ?"

"La mère de ton ami pourrait être roumaine, non ? Ou je pourrais être le mari de la sœur de sa mère. Tu peux dire que lorsque on s'est rencontrés à la maison de ton copain, tu avais dit que tu pensais t'inscrire à l'école polytechnique, mais que tu avais peur de ne pas avoir assez d'argent pour te payer une chambre, je t'ai offert l'hospitalité gratuitement, car j'ai une chambre disponible, et je n'ai pas besoin d'argent. Si on veut, on peut résoudre tous les problèmes, tu ne crois pas ?"

Marcello, comme toujours, lui avait dit qu'il y penserait... «sérieusement» avait-il ajouté.

Gheorghe ne pouvait rien y faire : il se sentait amoureux de ce garçon, qui était beau et qui faisait l'amour d'une manière très agréable, mais aussi qu'il admirait et estimait de plus en plus. Marcello était un très bon gars, honnête, intelligent, sérieux, sincère et très doux. Non, il ne pouvait rien y faire : il se sentait de plus en plus amoureux.

Une des premières choses que l'homme fit, dès qu'il rencontra à nouveau Francesco à l'université, fut de lui dire qu'il ne pouvait plus l'inviter pour faire l'amour, parce qu'il était amoureux d'un garçon... Francesco accepta sans histoires, tranquillement en fait, il n'y avait pas d'amour entre eux mais seulement le plaisir de baiser ensemble.

Comme convenu, Marcello lui faisait savoir à temps où amarrait son bateau et combien de temps il resterait au port, et Gheorghe presque toujours allait le rejoindre, faisant parfois de longs voyages, comme quand il alla en avion à Barcelone pour passer une nuit avec lui. Ils s'écrivaient aussi de longues lettres.

Marcello termina finalement son service militaire. Il rentra chez lui, et après moins d'un mois, il téléphona à Gheorghe pour lui dire qu'il pensait aller chez lui, et s'inscrire à l'École Polytechnique de sa ville. L'homme en fut très excité. Il alla chercher Marcello à la gare et l'emmena à la maison.

Le garçon lui dit cependant qu'il voulait aussi trouver un emploi, pour payer ses frais. Le père, en fait, avait des problèmes financiers avec son magasin, et n'était pas en mesure de l'entretenir hors de la maison.

"Marcello, tu vivras avec moi, donc tu n'auras pas à dépenser quoi que ce soit pour dormir ou manger. Je vais te payer tous tes frais pour étudier, et je vais aussi te donner quelque argent de poche pour ce dont tu auras besoin... Je ne veux pas que tu travailles : tu dois t'appliquer à tes études à temps plein, afin de terminer en cinq ans et avec de bonnes notes."

"Non, Gheorghe. Tu es très généreux, mais... je ne vais pas me laisser entretenir par toi parce que tu es amoureux de moi. Et puis... j'ai besoin de me sentir libre, tu ne comprends pas ? Tu es bon, gentil, je sais que tu le ferais de tout cœur, mais je ne peux pas accepter."

"Mais tu restes libre... Si tu veux, tu peux même arrêter de partager ma chambre et utiliser la chambre d'amis. Et si tu veux tu pourras même quitter ma maison, je vais t'aider dans tous les cas jusqu'à la fin de tes études. Ce n'est pas juste parce que je suis amoureux de toi, mais parce que tu es un gars intelligent, sérieux, et que tu mérites de pouvoir étudier sans aucun problème. Moi, en tant que professeur d'université, je gagne plus qu'assez. Si j'avais une femme, un couple d'enfants, je pourrais leur donner une vie confortable sans problèmes. Laisse-moi le faire pour toi."

"C'est trop, Gheorghe..."

"Marcello, je ne veux pas t'acheter... Je te prie de le croire. Si tu penses ainsi, je préfère ne pas avoir de relation physique avec toi. Je sais que je peux le faire et je sais que tu le mérites. Si tu ne peux pas l'accepter comme amant... au moins accepte-le comme un fils... et arrêtons de faire l'amour."

Le garçon était ému : il savait que l'homme était honnête en lui disant ces mots. Il savait qu'il le faisait juste pour l'aider, pas pour l'acheter. Il l'enlaça et l'embrassa avec désir.

"Nous pouvons... essayer. Mais tu dois me promettre que tu n'insisteras pas, si je ne peux pas. Promets-moi de respecter mes sentiments... que tu n'insisteras pas..."

"Je veux avant tout te respecter, Marcello. Sans respect, ça n'aurait pas de sens de vivre ensemble. Et la deuxième chose est que je veux te voir heureux et savoir que je peux contribuer à ton bonheur. S'il te plaît, fais-moi ce cadeau..."

"C'est la première fois que pour faire un cadeau... je dois en accepter un si grand..." dit avec un humour tendre le garçon. "Je ne pensais pas qu'il pût exister une personne comme toi, Gheorghe."

"Tu acceptes, alors ?" lui demanda l'homme en le regardant dans les yeux avec une expression de prière.

"Oui... Merci..."

Alors Marcello alla s'inscrire à la polytechnique, et resta vivre avec Gheorghe. Ils étaient très bien ensemble. Le garçon étudiait sérieusement, passionnément, et à la maison, en plus d'essayer d'être utile dans tous les sens, il était de bonne compagnie. Ils parlaient souvent, l'homme de son enseignement et le garçon de ses études, en s'aidant ainsi l'un l'autre.

Marcello ne voulait jamais rien acheter pour lui-même, de sorte que Gheorghe décida, comme il avait déjà pensé, de lui donner un mensuel comme argent de poche, et quand Marcello lui dit qu'il avait encore de l'argent et ne voulait pas la nouvelle mensualité, Gheorghe lui dit d'ouvrir un compte bancaire et de les y déposer.

"Mais pourquoi ?" lui demanda Marcello.

"Au moins, si un jour tu veux partir, tu auras un peu d'argent de côté. Tu seras plus libre, plus indépendant, pas trop lié à moi."

Même au lit, tout était très beau. Et un jour, Marcello dit à l'homme que lui aussi se sentait amoureux de lui. Gheorghe était au septième ciel.

Après la première année, Marcello avait passé tous les examens prescrits, avec la moyenne de 29 sur 30.

L'été vint et Gheorghe lui dit : "Nous sommes toujours ensemble, et je suis très heureux mais je pense qu'il est juste que tu prennes tes vacances seul, que tu te détaches un peu de moi."

"Mais... j'imaginais déjà qu'il aurait été beau d'aller quelque part ensemble... Tu ne veux pas ?"

"Oh, Marcello, bien sûr que j'aimerais, mais il me semble juste que tu..."

"Alors on va faire ainsi, Gheorghe : moitié des vacances nous les passons ensemble, et l'autre moitié chacun pour propre compte. D'accord ?"

"Oui, mon amour, faisons ainsi."

Ensemble, ils allèrent visiter la Suisse. Puis Marcello alla trouver les siens puis, avec quelques amis, il alla camper à la montagne.

Quand ils se revirent, pour le début de l'année scolaire, tout de suite Gheorghe remarqua que quelque chose affligeait Marcello. Le soir, quand ils furent dans le lit ensemble avant de faire l'amour, le garçon lui dit qu'il devait lui parler.

"Je, Gheorghe... Je crois que je ne t'aime pas." Dit-il d'un ton abattu.

"Tu es... amoureux d'un autre ?" demanda l'homme en se sentant trembler, mais en essayant de ne pas le montrer.

"Non, je ne suis pas amoureux d'un autre..." gémit le garçon. "Mais au camping... il y avait un gars allemand et..."

"Tu lui as fait l'amour." l'homme conclut.

"Oui... pardonne-moi... Je ne sais pas ce que... je n'ai pas su résister... Si je t'avais vraiment aimé, je n'aurais pas..." gémit le garçon.

"Pour moi..." dit l'homme, "si tu veux toujours être avec moi, rien ne change. Après tout tu es jeune, tu avais envie..."

"Tu n'es pas... déçu ?" demanda le garçon incrédule. "N'es-tu pas jaloux ?"

"Être jaloux est le contraire d'aimer. Tu n'es pas un objet, une chose à moi. Je t'aime et donc je sais que je t'appartiens, pas que je te possède."

"Mais si je t'aimais, pour moi aussi il en aurait été ainsi, et je n'aurais pas fait l'amour... avec ce gars-là."

"Marcello, chacun de nous peut avoir un moment de faiblesse... De toute façon, ce n'est pas à moi de te juger. Donc, je le répète, si tu ne veux plus être mon petit ami... je ne peux qu'accepter ta décision, ta volonté. Mais si tu veux toujours l'être, j'en serais heureux."

"Tu es trop bon, Gheorghe. Je ne te mérite pas..."

"Personne ne se mérite. Même moi, je ne te mérite pas, mon amour. La seule chose qui importe est si tu entends rester avec moi."

"Comment pourrais-je ne pas le vouloir, surtout après ce que tu me dis ? Si tu veux toujours de moi avec toi... Je..." dit le garçon, il l'embrassa, et se mit à pleurer.

"Pourquoi pleures-tu maintenant ?" lui dit avec douceur l'homme, en lui essuyant avec tendresse les larmes.

"Parce que j'avais tellement peur de te faire du mal, de t'avoir blessé... et tu ne le mérites pas ! Tu es trop bon..."

"Personne n'est jamais trop bon, sinon il serait parfait comme Dieu. J'essaie d'être bon, j'essaie d'être capable d'aimer... voilà tout."

Ils firent l'amour très doucement, et s'endormirent entre les bras l'un de l'autre, sereinement.

Les années passèrent. Marcello continuait à bien avancer dans ses études. Leur relation avait des hauts et des bas, des moments où le garçon était sûr de l'aimer et le lui montrait de toutes les façons, et des moments où il était en crise, et lui disait de lui vouloir du bien, mais de ne pas l'aimer...

Il arriva trois ou quatre fois, mais seulement quand ils n'étaient pas ensemble, que Marcello le trahisse avec un autre. Il ne le lui cacha jamais, et chaque fois, quand il l'avouait, le garçon le regrettait et en avait honte.

"Je ne comprends pas moi-même pourquoi... si je pense à ce sujet plus tard, je sais que tu es tellement mieux que ces types là, en tant que personne et pour faire l'amour. Mais à ce moment-là, je ne pense pas à ça... Je me sens attiré par un type, et si ce mec aussi en a envie, je le fais et c'est tout. Je suis égoïste, non ? Je suis superficiel... Pourquoi continues-tu à être amoureux de moi ? Tu ne le vois pas que je ne suis pas celui que tu penses ?"

"Là, tu as tort. Je n'aime pas quelqu'un que je pense être d'une certaine manière, que j'idéalise à l'intérieur de moi. J'aime Marcello, comme il est... y compris ses faiblesses, ses incertitudes, tout, les choses fantastiques incluses qu'il a en lui, et les limites qu'il a, et qu'il reconnaît avoir. "

"Je ne serai jamais capable de t'aimer comme tu m'aimes..."

"Ce n'est pas dit. Et puis, chacun aime comme il sait et comme il peut."

Des hauts et des bas, des élans d'amour et des moments de crise, et Gheorghe continuait à l'aimer comme avant. Il jouissait des périodes où Marcello était heureux et sentait l'aimer, et il acceptait les moments où il était troublé et en crise. Il les acceptait, il ne les supportait pas, il ne les tolérait pas.

"Celui qui a les épaules les plus larges, doit porter le poids le plus grand..." disait parfois Gheorghe. "C'est une loi de la nature."

De toute façon, l'homme était heureux que Marcello soit son petit ami. Heureux et reconnaissant, et était convaincu qu'il avait eu la plus grande chance de rencontrer un gars comme lui.

Marcello passa sa maîtrise à la fin de la cinquième année d'études, sans aller hors cours, et obtint un beau 110 sur 110 avec les félicitations du jury. Gheorghe comme cadeau de graduation, l'emmena faire un voyage aux États-Unis, où ils visitèrent tous les parcs nationaux. Ce furent de belles vacances, dont ils profitèrent ensemble.

De retour en Italie, Marcello trouva tout de suite un travail au centre d'études et de recherches de Hewlett et Packard. Il était heureux, il aimait son travail. Il acheta sa première voiture, nécessaire pour aller au travail.

Marcello avait maintenant vingt-cinq ans, il était devenu un très beau jeune homme, et Gheorghe était toujours amoureux de lui.

Mais bientôt le professeur commença à sentir que Marcello avait quelque chose qui n'allait pas. Puisque celui-ci avait toujours été très ouvert et honnête avec lui, il se dit que si Marcello n'en parlait pas avec lui, cela signifiait que lui-même ne pouvait pas comprendre ce qu'il avait. Donc Gheorghe attendit.

Parfois, il essayait de le solliciter, peut-être indirectement, en espérant qu'il s'ouvre avec lui. Il le sentait devenir de plus en plus irritable, fermé, étrange. Il y avait des périodes où il semblait redevenir serein, gai, doux et tendre avec lui, mais ces moments semblaient progressivement diminuer.

Quand ils faisaient l'amour, tout semblait exactement comme avant. Marcello, c'était évident, continuait à sentir un fort plaisir à s'unir avec Gheorghe, et c'était souvent lui qui le pressait, lui demandait de faire l'amour, et pas seulement quand ils allaient au lit. Parfois, même pendant la journée, quand ils étaient ensemble.

Parfois, alors que Gheorghe était en train de préparer la nourriture pour eux deux, Marcello lui arrivait aux épaules, l'enlaçait, le caressait, l'embrassait... jusqu'à ce que Gheorghe éteigne le poêle pour ne pas tout brûler et fasse l'amour avec lui.

Cette situation dura des mois, et Gheorghe réalisa que, malgré tous ses efforts et ses attentions, les choses semblaient, lentement mais sûrement, s'aggraver.

Ils étaient ensemble depuis huit ans, quand Gheorghe décida qu'il devait faire face à la situation : il sentait que Marcello était de plus en plus malheureux, et cela lui faisait mal.

"Marcello, qu'est-ce qui se passe ?" lui demanda-t-il donc un jour.

"Je ne sais pas..." dit l'autre.

Gheorghe lui fut reconnaissant de ne lui avoir pas répondu «rien».

"Tu n'es pas heureux... Tu n'es plus heureux avec moi..." dit l'homme.

"Tu es une personne unique, extraordinaire..."

"Il n'est pas question de quoi ou comment je suis, Marcello. Tu sais que pour moi la chose la plus importante est de pouvoir faire que tu sois heureux... et je me rends compte que je ne réussis pas à le faire... je ne peux plus le faire. Et ton malheur me rend malade. Pourquoi es-tu si malheureux ?"

"Parce que... parce que je voudrais avoir ma vie... Je voudrais... me détacher de toi."

"Tu sais, tu as toujours su que tu es libre. Si tu veux me laisser, si tu penses que c'est mieux de partir, non seulement tu peux, mais tu dois le faire."

"Mais je n'y arrive pas..." dit le jeune homme avec un accent affligé.

"À quoi faire ?"

"À me détacher de toi. Tu ne le mérites pas. Je ne peux pas te faire ça. Je te veux vraiment du bien, je te veux tellement, vraiment du bien. Je ne veux pas te faire mal, je ne vais pas te faire du mal. Je ne peux pas te faire ça !"

"Mais tu n'es pas amoureux de moi..."

"Non... je ne suis pas amoureux de toi. Et je suis désolé... S'il y a une personne digne d'amour, dans ce monde, c'est toi... Seulement que je n'y réussis pas... Et cela me fait sentir mal. Je ne suis pas capable de te donner ce que je voudrais."

"Mais ce que tu sais me donner me suffit, combien tu peux me donner..."

"Mais ce n'est pas assez pour moi. Je me sens coupable envers toi, ne comprends-tu pas ? Qu'est-ce que je peux faire, Gheorghe ? On ne peut pas tomber amoureux tout simplement parce qu'on a décidé qu'il est juste de le faire..."

"Ni on ne peut cesser d'aimer simplement parce qu'on décide de le faire. Comme tu ne peux pas y faire quelque chose, si tu ne m'aimes pas..."

"Mais je te veux tellement de bien, crois-moi..."

"Je le sais. Mais de la même manière je ne peux pas ne pas t'aimer."

"Je le sais, je le sais... Je ne peux pas te laisser..."

"Mais tu ne peux même pas rester avec moi, tu ne peux même pas continuer à être mon petit ami. Voilà pourquoi tu es si étrange, pourquoi tu te sens si mal..."

"Oui. Je ne peux pas te quitter, je ne peux pas te faire si mal."

"Mais si tu continues comme ça, je suis mal tout de même. Si tu me quittes, je me sens mal, si tu restes avec moi comme au cours des derniers mois, je suis mal. Mais si tu me laisses, au moins tu arrêtes d'être si mal... Par conséquent, tu dois me quitter."

"Je ne peux pas."

Gheorghe sentit un rocher au milieu de son cœur. Puis il se dit, encore une fois, «qui a les épaules les plus larges doit porter le plus lourd fardeau». Il prit une profonde inspiration et se fit courage.

Il dit : "Je t'aime, Marcello. Par conséquent... à partir de ce soir tu vas dormir dans la chambre des hôtes et quand tu veux, tu peux te trouver une autre maison et aller vivre pour ton compte. Si je pouvais, je m'en irais...mais..."

"Tu ne veux plus me voir ?" demanda le jeune homme d'une voix angoissée.

"Pourquoi ? Il n'y a aucune raison pour ne plus nous voir. Pour moi, tu restes une personne que j'admire, que je respecte. Si pour toi ce n'est pas un problème, je serais heureux qu'on reste amis. Et je ne le dis pas tant pour dire. Si tu te sens, ça se comprend. Mais je ne peux pas être avec toi et te sentir de pire en pire à cause de moi."

Marcello se mit à pleurer. Gheorghe l'étreignit, le câlina.

"Je regrette, je regrette beaucoup..." disait le jeune homme.

"Si tu ne regrettais pas vraiment beaucoup, tu m'aurais abandonné il y a longtemps, Marcello. Mais tu ne peux pas continuer à rester avec moi... par devoir."

"Je ne me suis pas servi de toi tant que cela me convenait, tu ne dois pas le penser..."

"Et je ne le pense pas du tout. Je le sais très bien. Tu n'en serais pas capable. Je te connais assez bien pour en être sûr. Et je sais que tu m'aimes bien."

"Mais... j'aime faire l'amour avec toi... Nous pouvons continuer à faire l'amour, même si je pars de chez toi..."

"Non, tu ne peux pas me le demander. Pour moi, ce serait trop... Tu ne peux pas avoir la femme ivre et le tonneau plein aussi, comme vous dites ici en Italie. Ne comprends-tu pas ? Pour moi... une aventure est une chose... un amant en est une autre. Si je ne t'aimais pas, ça pourrait être possible. Mais tu ne peux pas me demander ça..."

"Je me sens tellement confus... Je suis désolé."

"Si nous devons arrêter d'être un couple, toi et moi, il vaut mieux couper court à notre relation. Seulement de cette manière on peut vraiment rester amis."

"Oui, peut-être que tu as raison... Pardonne-moi."

Gheorghe sourit : "Et arrêter de t'excuser, de demander pardon, je sais que tu as fait tout ton possible... ce n'est pas ta faute si tu n'es pas amoureux de moi, comme ce n'est pas ma faute si je suis amoureux de toi."

"A certains moments, j'étais convaincu de t'aimer. Quand je te le disais, j'étais sincère..."

"Je le sais."

"Peut-être que je ne suis pas capable d'aimer, peut-être je ne le serai jamais."

"J'espère que tu te trompes. Je l'espère pour toi."

"Bon Dieu ! Après tout ce que tu as fait pour moi... Je me sens comme un ver..."

"Et tu fais mal. Ce que j'ai su et pu faire pour toi, tu ne l'as jamais exigé, tu ne l'as même jamais demandé. Je voulais te le donner et en tout cas pour moi, ce fut une joie de te donner ce que je pouvais."

"Je suis un égoïste ?"

"Il ne me semble pas. Tu es un gars honnête, tu as toujours été honnête avec moi. Qui n'aime pas c'est logique que le premier soit lui-même et puis viennent les autres, c'est ainsi aussi pour ceux qui aiment, il est logique qu'avant vienne l'autre, puis lui-même. Pour moi, ce fut l'une des plus belles choses de ma vie de t'avoir rencontré, d'avoir vécu avec toi, et je ne regrette pas même une minute passée avec toi."

Donc, Marcello alla vivre plus près de son lieu de travail. Ils restèrent en contact étroit. Le jeune homme peu à peu retrouva sa sérénité. Cela fit plaisir à Gheorghe, mais il continuait à être désespérément amoureux de Marcello.

Ils se voyaient souvent, heureux de passer des heures ensemble. Marcello continua à se confier à lui, à lui demander conseil, à se défouler. Mais Gheorghe faisait en sorte d'éviter qu'entre eux il y eût encore des relations sexuelles, même s'il en sentait fortement le désir.

Une fois seulement Gheorghe se sentit profondément blessé par une phrase que Marcello lui dit.

"Ce sont les garçons jeunes qui te plaisent à toi, Gheorghe. Je suis un homme maintenant, tu te serais fatigué de moi... Tu aurais cherché un homme plus jeune."

"Non, ce n'est pas cela..."dit Gheorghe, surpris par cette phrase.

"Mais oui, allez !" insista Marcello.

Georghe se demanda si Marcello le connaissait si peu pour vraiment croire que cela changerait quelque chose entre eux juste parce qu'il n'était plus un garçon. Non, il serait resté avec Marcello même quand il aurait vieilli. Il aurait beaucoup aimé pouvoir vieillir avec son garçon.

Il était donc sur le point de se rebeller contre cette phrase, pour la lui reprocher, en lui disant qu'il était injuste de dire quelque chose de si... Mais ensuite, il se dit que peut-être Marcello avait besoin de croire en ce qu'il avait dit, pour ne pas trop se reprocher d'avoir détruit leur relation, et donc il resta silencieux.

Leur amitié était néanmoins restée forte et belle, Marcello aimait Gheorghe et continuait à s'ouvrir à lui et lui demander conseil pour toutes choses. Il lui parlait aussi des garçons qu'il connaissait, avec qui il essayait d'avoir une relation ou de qui il se séparait... Il n'avait pas de secret avec Gheorghe.

Une fois il lui demanda s'il était encore amoureux de lui.

Gheorghe lui répondit : "Oui, je suis toujours amoureux de toi, mais je suis résigné au fait que notre relation n'existe plus."

"Tu te sens toujours mal ?"

"Non, Marcello. Non, je ne me sens pas mal. Je suis serein." Répondit Gheorghe, honnêtement.

"Mais tu ne t'es pas fait un autre gars."

"Je n'en ai pas eu l'occasion. Pour se mettre ensemble, il faut être deux à le vouloir. Et puis, à mon âge, il est progressivement plus difficile de trouver un garçon avec qui baiser, et il est encore plus difficile de trouver celui qui veuille vous aimer. Et je ne voudrais pas me mettre avec un mec qui veut me ressentir comme un père... Je veux un garçon avec qui me sentir égal, que je ressens au pair."

"Mais tu crois encore en l'amour ?" Marcello lui demanda.

"Bien sûr que j'y crois, si je ne le croyais pas je cesserais d'être en vie. Je me suis simplement résigné à être seul, sur le plan affectif. Plus je deviens âgé, plus je suis résigné à ne plus trouver un amant. Résigné, cependant, ne signifie pas que dans un coin de mon cœur ne reste vivante la flamme de l'espoir..."

Marcello avait eu quelques brefs rapports, mais aucun ne fut couronné de succès, aucun ne dura longtemps, car après tout, Marcello, ne croyant pas en l'amour, ne faisait pas assez pour faire vraiment fleurir ses relations, pour les faire durer.

Il jouissait de toutes les relations tant qu'elles duraient, jusqu'à ce que tantôt lui, tantôt l'autre, préférât rompre.


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