Danut l'attendait à la sortie des arrivées, avec un grand sourire sur son visage. Il alla vers lui et voulut lui porter la valise.
"T'as fait un bon voyage, Marcello ?" lui demanda-t-il.
"Oui, excellent. Nous prenons un taxi ?"
"Non, le bus. Cela coûte moins cher et il nous emmène presque devant l'hôtel."
"Aucun problème pour prendre une chambre seule pour nous deux ?"
"Non, pas de problème. J'ai pris une chambre avec un lit double. Je ne t'avais pas demandé, mais je pense que c'est bien, non ?"
"Bien sûr, c'est bien. Ils ont reçu mon paiement ?"
"Je pense que oui. Avant de venir à l'aéroport, je suis allé vérifier que la chambre soit prête et ils ne m'ont dit rien, alors... Il n'est pas aussi luxueux que le Mariott, mais il est beau."
Arrivé à l'hôtel, Marcello laissa son passeport, il demanda s'ils avaient reçu le paiement, puis monta avec Danut. À peine dans la chambre, il sorti 300 dollars et les donna au garçon.
Il les prit et le regarda étonné : "Tu t'arrête dix jours ?"
"Non, je ne peux pas."
"Alors c'est trop..."
"Je ne crois pas. En fin de compte, tu restes toute la journée avec moi, non ? Tu m'avais demandé trop peu. Je pense donc que c'est plus juste ainsi."
"Cela fait un tas d'argent, ici en Roumanie..."
"C'est mieux ainsi." Dit Marcello. Puis il ouvrit la valise. Il lui donna le livre et les petits dictionnaires.
"C'est super ! Même les dictionnaires ?"
"Oui, parce que je ne l'ai pas trouvé en anglais." Dit Marcello. Puis il sortit l'anorak. "Et ceci est mon cadeau de Noël. Ça te plaît ?"
"Elle est belle. Putain, si elle est belle... Mais tu es fou à me faire tous ces cadeaux... Au fond je suis juste un garçon à acheter..."
"Non, tu es beaucoup plus."
"Merci. Et tu es bien plus qu'un client." dit Danut, l'enlaçant et l'embrassant longtemps en se poussant contre lui.
"Bon. Je suis content d'être plus qu'un client, pour toi."
"Non seulement pour les cadeaux. Tu es gentil et bon, même plus que généreux. Ceci sera un merveilleux Noël, pour moi, et j'espère qu'il le sera pour toi aussi."
"Oui, je pense vraiment que ce sera un beau Noël, Danut."
"As-tu faim ? Préfères-tu manger maintenant, ou avant on fait l'amour ?"
"Peut-être qu'avant je prends une douche, qu'en penses-tu ?"
"Nous pouvons faire l'amour sous la douche..." suggéra Danut avec un sourire tentateur, le tenant toujours entre ses bras.
"T'en as même plus envie que moi, Danut ?"
"Oui. Pourquoi, tu n'as pas envie ?"
"Tu ne le sens pas ? Oui que j'en ai envie, surtout si nous restons si collés. Viens, allons faire l'amour sous la douche..."
Ils se déshabillèrent, Danut sortit de la poche de son pantalon un paquet de préservatifs et entra dans la salle de bain pour ouvrir la douche. Il la régla, puis il l'appela : "Tu viens ? Allez, Marcello !"
Ils se savonnèrent l'un l'autre, lentement, se donnant des caresses épuisantes et des longs baisers. Ils se rincèrent, puis Danut s'accroupit devant Marcello et lui donna le plaisir de ses lèvres et de la langue. Après un certain temps, il lui glissa un préservatif, se retourna, posant ses mains contre la paroi.
"Encule moi, allez !" lui dit-il, en tournant la tête et lui souriant gaiement.
Marcello se pencha contre lui et le prit avec plaisir, sous le grondement de l'eau. Danut se poussait contre lui en tortillant légèrement ses hanches. Lorsque Marcello atteint l'orgasme et peu de temps après s'être désenfilé de lui, Danut se tourna, l'embrassa sur la bouche, puis dit : "C'est beau de le faire avec toi, Marcello !"
"Pour moi aussi, c'est beau de le faire avec toi, Danut."
Ils s'essuyèrent l'un l'autre, puis ils se rhabillèrent. Danut mit le nouveau duvet : "Je ressemble à un mannequin, ainsi. Je vais faire mourir d'envie tous les amis."
Ils allèrent dîner, puis se promener un peu. Ils causèrent, et Danut de temps en temps lui expliquait ce qu'il l'amenait à voir. Puis, ils revinrent à l'hôtel. Ils allèrent au lit et recommencèrent à faire l'amour avec calme et plaisir.
Les cinq jours s'envolèrent agréablement, et même trop vite. Quand ils furent à l'aéroport, avant que Marcello aille au-delà de la porte de contrôle des documents, Danut fouilla dans sa poche et lui remit un bracelet en cuir tressé.
"Je l'ai fait... il n'a pas beaucoup de valeur, mais ainsi tu te souviendras de moi."
"Il est très beau. T'es doué ! Mets-le sur mon poignet : je le porterai toujours."
"Même au travail ?"
"Bien sûr, toujours."
"Tu reviendras encore ?"
"Si tu me veux... peut-être que je peux revenir pour Pâques pour quelques jours."
"Et comment que je le veux ! Fais-moi savoir les dates exactes dès que tu peux. Il était bien l'hôtel ?"
"Très bien. Réserve-le de nouveau."
"Bon voyage, Marcello. Et je te remercie pour tout."
"Je te remercie. J'ai passé des jours merveilleux, avec toi."
Oui, il avait vraiment passé cinq beaux jours, et il serait heureux de revenir pour Pâques. Il s'était reposé, il avait joui de la compagnie du garçon, et pas seulement quand ils étaient dans le lit à faire l'amour.
Quand il vit Sammy, il lui parla de Danut.
"Mais comment, avec un tapin ? Si tu étais allé dans une discothèque, peut-être que tu aurais trouvé un garçon gratuit, non ?"
"Danut est plus qu'un tapin. C'est un cher garçon..."
"C'est un malin, je te le dis. Il a trouvé le riche touriste à plumer. C'en est un qui sait y faire."
"Je ne crois pas. Il semblait sincère. Et puis, quand on était en promenade ensemble, il ne m'a jamais demandé de lui acheter quelque chose, il n'a pas tiré profit de moi. Il essayait toujours de me faire épargner, de me faire pas dépenser trop d'argent."
"Peut-être qu'il attendait ainsi que tu lui files plus d'argent avant de partir."
"Il m'a fait un cadeau avant mon départ..."
"Oui, et il t'a demandé de revenir, car il est évident qu'il y gagne bien avec toi."
"Eh bien, de toute façon, je suis bien avec lui. Et avec tout ce que je gagne..."
"Si t'es content... Je ne me fierais jamais à un tapin."
À Marcello le cynisme de Sammy l'agaça un peu. Il pouvait avoir raison, mais pas sur Danut, il en était sûr. Quand il en parla aussi avec Gheorghe, l'homme donna raison à Marcello.
Marcello et le garçon roumain échangèrent encore quelques lettres, jusqu'à ce que vint le temps de planifier le voyage pour les vacances de Pâques. Marcello avait vu dans le précédent voyage, les tailles de vêtements de Danut, alors il lui acheta une paire de jeans Levi et trois beaux T-shirt, un bleu, un jaune et un rouge, comme les couleurs du drapeau roumain. Il lui acheta aussi des sous-vêtements signés Calvin Klein.
Encore une fois il donna à Danut 300 dollars, puis il lui donna les vêtements. Le garçon était heureux. Il voulut mettre tout de suite ce que lui avait amené Marcello.
"Regarde comme je suis beau, avec tes vêtements !" dit-il en se pavanant.
"Pour moi, tu es beau aussi sans..." lui dit Marcello espiègle.
Danut rit. Puis il fouilla dans son sac et en sortit une petite boîte en carton.
"Buona Pasqua !" lui dit-il en italien. Puis, en roumain, il ajouta : "Même si ici, l'église orthodoxe la célèbre à une autre date..."
Marcello ouvrit la petite boîte : il contenait une coquille d'œuf peinte avec des motifs géométriques de différentes couleurs, qui la couvraient complètement.
"Que c'est beau ! Tu as fait cela ?"
"Non, une vieille femme qui vit dans mon village. Elle vient de Moldova, cette décoration est de style moldave. Aimes-tu ? Elle est douée, non ?"
"C'est très beau. Merci, Danut."
Le lendemain, après avoir fait l'amour, Marcello lui demanda : "Danut... sans vouloir t'offenser, mais... pourquoi fais-tu ce travail ? Un garçon beau, bon, intelligent comme toi ?"
Danut eut un sourire voilé de tristesse : "Parce que je suis beau, je suis gay, et avec d'autres travaux je ne gagne pas assez."
"Si c'est assez pour les autres..." dit Marcello.
"Mais j'ai une mère malade, et un frère de quatorze ans, et je veux qu'il étudie... pour qu'il puisse trouver un boulot décent, quand il sera grand. Avec un salaire normal, je ne réussirais pas à les entretenir."
"Et... ton père ?"
"Il est parti, quand j'avais dix-sept ans, quand maman est tombée malade et ne pouvait plus lui faire la servante. Il a pris une jeune fille et il est parti." dit amèrement le garçon.
Marcello se sentit mal à l'aise. Il réalisa qu'il n'aurait pas du lui poser cette question. Mais il était trop tard. Il pensait qu'il aurait du lui présenter ses excuses, mais en essayant de remédier à une gaffe, il est facile d'empirer les choses. Par conséquent, il resta silencieux.
Danut interpréta mal ce silence : il pensait que Marcello ne le croyait pas, et il resta aussi mal à l'aise. Il essaya de ne pas le montrer, de toute façon.
De son ton enjoué habituel, il dit : "Maintenant, nous allons visiter une petite église qu'on dit être la plus ancienne dans cette région. Elle est un peu hors de la ville, il y a un bus qui nous emmène assez près. Ensuite, nous allons dîner là-bas au village, puis on revient à l'hôtel. D'accord ?"
"Tu es le guide, Danut. Où tu veux, ça va."
"Les touristes n'y vont jamais, seuls quelques studieux de l'ancienne architecture. Mais elle me semble très belle. Tu verras..."
Le soir, de retour à l'hôtel, ils firent l'amour comme toujours, avec plaisir mutuel. Marcello pensait que le garçon avait oublié sa gaffe. Pour lui faire comprendre qu'il ne voulait pas le juger, il fit l'amour avec lui avec plus de tendresse que d'habitude.
Le lendemain matin, c'était dimanche, après le petit déjeuner, Danut l'amena dans une ruelle derrière l'hôtel. Il sortit une clé et ouvrit le cadenas qui fermait la chaîne d'une vieille et grosse motocyclette.
"C'est à toi ?" lui demanda Marcello.
Le garçon lui répondit en riant : "Si elle n'était pas à moi, j'en aurais volé une plus belle, non ? Allez, monte, que nous fassions un petit voyage."
"Où me-conduis-tu ?"
"Quelque part." répondit le garçon avec un air mystérieux.
Ils sont partis. Marcello se tenait à la taille du garçon. Ils quittèrent la ville et allèrent vers le nord. La motocyclette vibrait et faisait beaucoup de bruit. Cependant Danut conduisait avec maitrise et prudence. Marcello calcula qu'ils avaient parcouru une cinquantaine de kilomètres, quand le garçon tourna dans une rue latérale de terre battue et après un peu plus d'un kilomètres, s'arrêta au milieu d'un petit village.
"Viens." lui dit-il. Il passa entre deux des maisons de la petite place et s'arrêta devant une maisonnette misérable. Il poussa la porte. "Entre."
C'était une pièce très pauvre, mais propre. Au centre, assis à la table, il y avait un garçonnet avec des livres et des cahiers devant, qui mordillait un stylo. Dans un coin, un lit avec une femme couchée dessus : la femme semblait vieille... Le garçon se retourna et fit un sourire lumineux.
"Hey ! T'avais dit que tu ne pouvais pas venir..."
"Qui est-ce, Bela ?" demanda la femme du lit.
"C'est Danut... avec un monsieur, maman."
"Comment vas-tu, maman ?" demanda Danut approchant du lit et caressant une joue à la femme.
"Comme d'habitude. Qui est avec toi ?" demanda-elle à voix basse.
"Un monsieur italien. Je travaille pour lui, ces jours-ci."
"Mais tu parles italien ?" demanda la femme.
"Non, maman, mais il parle roumain. Il s'appelle Marcel."
"Pourquoi l'as-tu amené ici ? Tu veux me faire avoir honte ?" lui demanda la femme à voix basse, sur un ton de reproche.
Marcello était resté debout entre la porte et la table, complètement abasourdi. Il regarda le garçonnet, qui étudiait avec une expression sérieuse. Danut retourna vers Marcello, et tira une chaise de la table.
"Assieds-toi, Marcello. Bientôt nous partirons." dit-il. Il lui mit devant une assiette avec une tranche de pain et une petite tasse avec du sel. "Mange, tu es le bienvenu dans ma maison."
Marcello hocha la tête, et mangea la tranche de pain, lentement, en y saupoudrant dessus une petite pincée de sel.
Pendant ce temps Danut alla près de la table aux épaules de son frère : "Qu'est-ce que tu étudies ?"
"Mathématiques. Il y a un problème que je ne peux pas comprendre..."
"Malheureusement, Bela, n'ai jamais été très fort en mathématiques. Essaye de me le lire, nous allons voir si nous comprenons un peu plus que toi..."
Le garçon lit le problème. Marcello le comprit et se souvint quand il allait à l'école à cet âge, et il se dit que le monde est partout le même, sous tout ciel... ou au moins les problèmes de mathématiques.
"Je suis désolé, Bela, je n'y ai rien compris..." dit tristement Danut, caressant les cheveux de son frère avec une tendresse qui émut Marcello.
"Je peux essayer de l'aider ?" demanda Marcello.
"Vous connaissez aussi le calcul, vous ?" demanda le garçonnet un peu surpris. "Même dans votre pays on donne ces problèmes stupides ?"
"Il semble que oui." Répondit Marcello. Il alla autour de la table, et, penché sur lui, il commença à expliquer le problème au garçon.
"Oui !" dit le garçon, rayonnant, "Maintenant, je comprends ! Je vous remercie, monsieur."
"Pourquoi tu ne m'appelles pas Marcello, au lieu de monsieur ? Je suis un ami de Danut, non ?"
"Un ami ? Vous n'êtes pas son... maître ? Il ne travaille pas pour vous ?"
"Non, pas son maître, même si... il travaille pour moi. Je suis un ami..."
"Tu es chanceux, Danut, de travailler pour Marcello qui est un ami. C'est pour ça qu'il te paie si bien ?"
"Oui, pour cela." Répondit Danut presque à voix basse. "Eh bien, maintenant nous devons aller... Prends garde, Bela, de bien étudier et de soigner maman."
"Avant de partir, Danut, peux-tu aller remplir la cruche d'eau, s'il te plaît ?"
"Oui, bien sûr. Tu viens, Marcello ?"
Marcello le suivit. Derrière la maison il y avait un trou dans le sol, avec des parois recouvertes d'argile aplatie, à moitié plein d'eau. Danut y plongea la jarre et l'eau gargouillant la remplit.
"N'avez vous pas l'aqueduc ?"
"Non, il n'y en a pas encore ici. Les voisins ont un puits, mais nous on ne peut que recueillir l'eau de pluie..."
"Mais... vous la buvez ?"
"Tant qu'il y en a, après ébullition. Quand c'est fini, nous allons au puits le plus proche et en échange de quelque chose à manger, on nous permet d'en prendre. Leur eau est meilleure que la nôtre."
Marcello ne pouvait pas croire à ses oreilles, à ses yeux.
Danut retourna à la maison, posa la jarre d'eau, salua sa mère, son frère, puis il sortit de nouveau.
Alors qu'ils revenaient vers la moto, Danut lui dit : "T'as vu, je ne t'avais pas dit de mensonge..."
"Oh, Danut, pardonne-moi. Je n'avais aucune raison de ne pas te croire..."
"Oui, tu aurais eu une bonne raison de ne pas me croire. Je sais que beaucoup d'entre nous pleurent la pauvreté et le malheur pour soutirer un peu plus d'argent des clients. Si tu ne m'avais pas demandé pourquoi je fais ce métier, je ne t'en aurais pas parlé."
"Pardonne-moi, Danut, pardonne-moi..." murmura Marcello.
Le garçon sourit : "Je n'ai rien à te pardonner, tu n'es pas mauvais, et tu es généreux, je ne voulais pas que tu puisses penser que je suis un menteur. Pour moi, c'était important..."
"Mais quel âge a-t-elle ta mère ?"
"Quarante-trois. Elle semble en avoir soixante-dix, pas vrai ? Le médecin dit qu'elle devrait prendre certains médicaments, mais ils coûtent trop... donc... je peux seulement acheter le minimum pour qu'elle puisse vivre."
"Et tu m'as dit que c'était trop l'argent que je t'ai donné ?" Marcello demanda d'un ton de doux reproche.
"Qu'importe ? Je ne veux pas t'exploiter. J'ai une dignité, moi aussi. Tu pourrais trouver un autre garçon pour trente dollars par jour... Je te suis reconnaissant que tu m'en donnes de plus. Et pas par pitié, mais par générosité. Par conséquent, je les ai appréciés même plus."
Ils retournèrent à Bucarest. Marcello était pensif. Il avait été très impressionné par la pauvreté de la famille de Danut. Mais aussi par le sourire heureux avec lequel son petit frère l'avait accueilli.
"Danut..."
"Oui ?"
"Merci de m'avoir emmené chez toi. Tu as bien fait. Je, Danut... J'étais sur le point de te proposer de venir en Italie, où je pourrais te trouver un emploi, mais je comprends maintenant que tu ne peux pas partir..."
"Je ne peux pas, et je ne veux pas. Ils ont besoin de moi au delà de mon argent."
"Oui, bien sûr. Alors... je peux te demander une faveur ?"
"Dis-moi, et si je peux..."
"Si tu veux, tu peux. Tant que tu comprends que c'est une faveur que tu me fais, que je te demande..."
"Dis-moi..."
"Je veux que tu acceptes... mon aide. Je t'enverrai, ou je vais t'apporter de l'argent, de sorte que tu puisses faire étudier ton frère et faire traiter ta mère... Je ne sais pas s'ils te suffiront, mais je pensais à... deux cents dollars américains chaque mois. Si tu ouvres un compte en banque, chaque mois je vais te faire envoyer deux cents dollars américains de ma banque..."
"Pourquoi ?"
"Parce que je les ai, je peux le faire, et je veux t'aider. Une fois, quand j'avais ton âge, un homme m'a aidé. Il me semble juste que, pour le remercier, je t'aide maintenant. Si ce n'est pas suffisant, je peux t'en envoyer plus. Je ne te demande rien en retour. Si tu veux, tu peux vivre la vie dont tu as envie. Je ne suis pas en train de t'acheter..." dit-il et il se souvint quand Gheorghe lui avait dit exactement les mêmes mots. "Tu es libre de faire la vie que tu veux. Je veux juste que tu ne sois pas obligé à faire ça. Cela doit être ton choix. Et si tu veux que je vienne te trouver, je viendrai, sinon, tu recevras également deux cents dollars par mois, et même plus si nécessaire."
Danut le regarda ahuri.
"Tu te rends compte... tu es en train de m'offrir un tas d'argent... pour venir ici de temps en temps, pendant quelques jours..."
"Non, je te l'ai dit, cela n'a rien à voir. Je te l'ai dit, si tu veux je ne viens plus, l'argent, avec ce que nous faisons au lit, n'a rien à voir."
"Mais qui es-tu ? L'ange du bon Dieu ?" demanda Danut, sans ironie, complètement abasourdi.
"Tu es l'ange du bon Dieu, pour ta famille. Pas moi. C'est juste un peu d'argent, ce que je t'offre. Et j'en gagne assez, je peux t'en donner sans problème. Tu acceptes ? S'il te plaît..."
"Et tu as le culot de me demander s'il te plaît... Bon Dieu, Marcello, tu ne réalises pas ce que tu fais pour moi, en m'offrant tout cet argent ?"
"Je ne veux pas t'offenser, Danut... Crois-moi..."
"M'offenser ? Tu es en train de me convaincre qu'au monde il ya un peu de bonté... il y en a beaucoup plus que je ne pensais. M'offenser, Marcello ? Si nous n'étions pas dans la rue, je t'étreindrais et t'embrasserais... J'embrasserais la terre où tu marches. Avec tout cet argent, je peux revenir à mon village, cultiver des légumes, élever quelques poulets, faire continuer à étudier mon frère, faire avoir à ma mère de meilleurs soins... Oh, Marcello... C'est vraiment une Pâques de résurrection, pour moi ! "
"Donc tu es d'accord ?" demanda Marcello avec un sourire d'espoir.
"Oui..."
"Merci, Danut."
Le garçon impulsivement le serra entre ses bras et murmura : "Je ne peux même pas t'embrasser, fou ! C'est moi de devoir te dire merci, et pas toi à moi. Et un merci c'est trop peu..." Puis il le laissa.
Ils se regardèrent émus. Danut ensuite prit sa main et l'amena à l'hôtel. Ils montèrent à leur chambre. Danut le serra de nouveau et cette fois, il l'embrassa longtemps. Puis il lui dit : "Que dalle que je ne te veux plus ici ! Chaque fois que tu veux venir, écris-moi à la maison. L'autre adresse n'est plus nécessaire. Je réserverai une chambre ici pour nous deux. Et je sais très bien que tu ne m'as pas acheté ! Je ne te dis pas de venir pour gagner ton argent. Ne pense même pas à cela. Tu le sais que j'adore faire l'amour avec toi, non ?"
"Merci, Danut..."
"Et ça suffit avec tes merci !" se mit à rire le garçon, joyeux et ému.
"Eh bien, tu sais, en Italie on dit que le loup perd son poil mais pas ses vices..." plaisanta Marcello.
"Lupul îsi schimbã pãrul, dar nãravul ba. Le loup peut perdre ses dents, mais jamais sa nature... Nous disons ainsi. Tu es le loup le plus extraordinaire et désirable de ce monde, Marcello."
"Penses-tu que deux cents dollars par mois suffiront?"
"Je pense que oui. Moi, jusqu'à maintenant, avant que je te rencontre, je pouvais rassembler moins d'une centaine par mois..."
"S'ils ne suffisent pas, pour soigner ta mère, tu me promets que tu me le fais savoir ?"
"Si je peux travailler à la maison, cultiver quelque chose et élever quelques animaux, je peux gagner un peu d'argent... donc je pense qu'il n'y aura pas de problème pour soigner ma mère. Cependant, si nécessaire, je te le ferai savoir, d'accord. Et maintenant, s'il te plaît, ne me dis pas merci encore une fois !" dit Danut gaiement, et il l'embrassa à nouveau.
Peu après, ils étaient sur le lit à faire l'amour avec une tendresse que Marcello n'avait jamais éprouvée avant.
"C'est un beau gosse, ton frère. Tu l'aimes bien, non ?" lui demanda Marcello lors d'une pause.
"Oui, je lui veux beaucoup de bien, je l'ai élevé, dans un certain sens, avant même que mon père nous quitte. Il est très bon et aussi très intelligent. D'ailleurs, dans la langue roumaine, Bela vient du mot qui signifie intelligent. Si je peux retourner vivre dans ma maison, Bela aura aussi plus de temps pour étudier, parce que je peux prendre soin de maman et de la maison."
"Mais qu'est ce qu'a ta mère ?"
"Je ne sais pas. Si je comprends bien ce que dit le médecin, c'est comme si, à un certain moment son corps, au lieu de continuer à croître comme il le fait pour nous tous, a commencé à se détruire lentement. Il semble qu'il n'y a aucun médicament pour la guérir, même si j'étais plus riche que la reine d'Angleterre. On ne peut que ralentir la maladie, rien d'autre."
"C'est très triste..."
"Oui. Heureusement maman a bon caractère. Je ne l'ai jamais entendue se plaindre une fois. Pas même quand mon père l'a abandonnée..."
"Ce doit être une femme remarquable, pour avoir fait deux enfants comme toi et Bela."
"Oui, malgré un père comme nous avons eu. Peut-être qu'il n'était pas mauvais, c'était juste un lâche... Heureusement, il semble que nous avons pris de ma mère."
Les deux derniers jours que Marcello put passer à Bucarest furent très beaux. Danut semblait vraiment né de nouveau : si avant il était toujours de bonne humeur, il était maintenant radieux.
Le jour vint où Marcello dut partir. À l'aéroport, ils s'enlacèrent étroitement. Ils étaient tous deux très émus.
"Tu me promets que les vacances d'été tu viens les passer avec moi ? Au moins une partie ?"
"Oui, bien sûr. Et je pensais, pourquoi au lieu de Bucarest tu ne trouves pas un hôtel à Ploiesti ? C'est beaucoup plus près de chez toi, non ?"
"Oui, bien sûr, et là une belle chambre coûte même moins qu'à Bucarest."
"Dès que tu ouvres un compte, envoie-moi toutes les données afin que je puisse t'envoyer l'argent. D'accord?"
"Si je peux, je l'ouvre à Ploiesti. Sinon, à Bucarest. Je peux y aller une fois par mois en motocyclette, éventuellement."
"Assure-toi que ce soit une banque qui a des contacts avec une banque italienne, c'est plus facile et plus rapide d'envoyer de l'argent et ça coûte moins cher."
"Oui, d'accord. Fais un bon voyage, Marcello... Écris-moi... si tu m'envoies une belle carte avec quelques beaux timbres, je peux les donner à Bela, il peut ainsi les porter à l'école..."
"Je les envoie directement à Bela, alors. Maintenant, il sait qui je suis, non ?"
"C'est une excellente idée. Il en sera très heureux..."
Ils durent se quitter. Marcello embarqua. Pendant tout le voyage il ne fit que penser à Danut et à sa famille, à sa maison misérable. Il était content que Danut l'y ait emmené. Oui, et il était également très heureux que le garçon ait accepté son aide.