C'était juste après Pâques 2004 et on approchait du vingt-quatrième anniversaire de Bela, qui tombait le 29 Avril. Marcello avait été envoyé en Allemagne pour travailler et devait y rester jusqu'au 30. Il était désolé de ne pas pouvoir être à la maison pour l'anniversaire de son garçon.
Il avait essayé de demander un congé, mais il semblait qu'il n'y avait rien à faire. Marcello, cependant, n'avait pas renoncé à essayer. Alors, quand il fut en Allemagne, il parla avec les techniciens avec lesquels il devait travailler et put obtenir, s'il avait réussi à terminer tout à temps, en restant dans les laboratoires un peu plus longtemps chaque jour, de rentrer chez lui pour la soirée du vingt-huit ou pour le vingt-neuf matin.
Logiquement Marcello fit de son mieux tout au long et ses collègues essayèrent de l'aider au maximum. Il n'avait rien dit à Bela, soit parce qu'il n'était pas sûr à cent pour cent de réussir, soit parce que s'il pouvait rentrer avant, il voulait lui faire une surprise.
Il fut chanceux. Il réussit à terminer tous les travaux le 28 au soir, donc il put prendre l'avion le 29 matin et rentrer à la maison. C'était un jeudi, donc Bela était au journal. Il alla acheter un gâteau avec vingt-quatre bougies, il le prépara avec une bouteille de vin mousseux et le cadeau et cacha le tout dans la pièce de repassage. Il ne gara pas la voiture dans le garage, de sorte que quand Bela y mettrait la sienne, il ne comprenne pas qu'il était revenu, mais il la laissa dans une ruelle à une paire de blocs de la copropriété.
Il savait que Bela devait rentrer chez eux à cinq heures, parce qu'il lui avait dit qu'il lui téléphonerait après cette heure pour lui faire ses vœux. Puis, il s'assura qu'à la maison il n'y eut aucun signe de son retour, et commença à l'attendre.
Quand il entendit l'ascenseur s'arrêter à leur étage et entendit le tintement des clés de Bela qui se préparait à ouvrir la porte d'entrée, il s'enferma dans la pièce à repasser et attendit. Il l'entendit entrer. Il attendit, prêt à allumer les bougies et chanter «Joyeux anniversaire»... quand il réalisa que Bela n'était pas seul.
Il reconnut la voix de l'autre : c'était Claudio, un ami de Bela et lui, un garçon de vingt-six ans, qui travaillait comme graphiste publicitaire. Tant mieux, il pensa, on célébrera à trois. Mais il cueillit les voix des deux et ce qu'ils disaient et s'arrêta en retenant son souffle.
"Non, Claudio, je te l'ai dit, je te l'ai expliqué, n'insiste pas..."
Il se rendit compte qu'ils étaient allés s'asseoir dans le salon. Ils parlaient tranquillement, en pensant être seuls, et à voix assez haute pour distinguer tout ce qu'ils disaient.
"Mais tu m'as dit que tu te sens attiré par moi, tu me disais que tu m'aimes. Et alors quoi ? Pourquoi tu continues à me dire non ?"
"Claudio, il n'y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Je suis amoureux de Marcello, je ne peux pas lui faire une chose de ce genre. Je ne peux pas, tu comprends ? Je ne peux pas et je ne le ferai pas."
"C'est seulement de la gratitude, ce n'est pas de l'amour. Tu es amoureux de moi."
"Non, Claudio, tu as tort. Tu te trompes complètement. Qu'en sais-tu de ce que je sens vraiment ? Ce n'est pas gratitude, ce que je ressens. Bien sûr, je lui dois de la gratitude aussi, mais c'est de l'amour. Je l'aime."
"Tu le dis et le répète seulement pour t'auto-convaincre..."
"Je n'ai pas besoin de me convaincre, mais seulement de te convaincre, lourdaud que tu es, rien d'autre !"
"Mais tu es aussi amoureux de moi. Et je suis amoureux de toi. Sois honnête, avoue-le."
"Oui, je l'avoue. Si je n'avais pas déjà donné tout de moi-même à Marcello, je serais heureux de me mettre avec toi. Mais je ne peux pas, je ne veux pas, je ne dois pas, et voilà. Si je n'étais pas amoureux de Marcello, je t'aurais dit oui. Mais il ne mérite pas cela et si j'avais à choisir entre lui et toi, je suis désolé pour toi, mais mon choix est un et un seul : Marcello !"
"Mais alors, pourquoi dis-tu que tu m'aimes aussi? Si tu m'aimais, je viendrais avant lui, non ?"
"Je t'ai dit que je t'aime, mais que j'aime Marcello, que j'aime mon homme. Et je l'aimait bien avant de t'avoir rencontré. Tu es un gentil et beau garçon, sympa et bon, attrayant et désirable, et tout ce que tu veux. Mais je me suis déjà donné à Marcello, donc je ne peux pas me donner à toi."
"Si tu en es amoureux, pour moi, il est bon que tu sois encore avec lui. Je ne te demande pas de le quitter."
"Si tu me demandais une chose pareille, je t'aurais déjà montré la porte, pour autant que je puisse bien te vouloir."
"Tu ne peux pas me faire ça..."
"Je suis désolé, Claudio. Je suis très désolé pour toi, crois-moi. Mais je ne peux rien faire d'autre. Si j'acceptais de me mettre avec toi, je n'aurais plus de respect pour moi-même, tu ne comprends pas ? Et toi aussi, si aujourd'hui je laisse Marcello pour toi, tu ne pourrais jamais être sûr qu'un jour je ne voudrais pas te quitter pour un autre. L'amour est une chose sérieuse, Claudio, il n'est pas une bagatelle."
"Je ne te demande pas de le quitter..." insista le jeune homme avec un ton de prière.
"Et je devrais rester avec lui et en même temps, en secret, me trouver avec toi ? Ou, devrais-je lui dire : écoute, je t'aime et je l'aime, donc toi et Claudio devez vous mettre d'accord et établir vos tours avec moi. Ne comprends-tu pas que c'est absurde ?"
"Mais tu m'aimes..."
"Oui, oui, mais je ne peux pas le laisser. J'aime Marcello, je suis son garçon, il est mon homme. Fin de la discussion. Il n'y a pas ni si, ni mais, ni cependant. Tu dois cesser d'insister, ou tu me contrains à rompre définitivement avec toi."
Marcello était pantois. D'une part, il était heureux pour la détermination de son Bela... mais de l'autre le garçon n'avait pas nié d'aimer Claudio. Il se demanda s'il ne devrait pas faire comme Gheorghe avait fait avec lui : laisser libre Bela de se mettre avec Claudio. Renoncer à lui... Mais si Bela avait préféré Claudio à lui, il aurait déjà fait son choix.
Il se sentait de plus en plus confus. Les deux continuaient à discuter.
"Écoute, Claudio, tâche de t'en faire une raison. Je t'ai laissé venir ici juste pour pouvoir parler tranquillement et clairement. Mais maintenant, s'il te plaît, va-t-en. À tout moment Marcello m'appelle de l'Allemagne, et je veux être seul quand il m'appelle. Penses-y et décide : soit tu acceptes que nous soyons juste amis, ou il est préférable que nous ne nous voyons plus."
"Tu m'avais promis que tu m'accompagnais à la maison..." dit Claudio.
"Oui, bien sûr, je vais t'emmener, j'ai laissé la voiture dans la rue pour cela. Je t'accompagne, puis je reviens ici tout de suite."
"Avant de partir... Tu ne me donnes pas un baiser ?"
"Non, Claudio. Il n'est pas prudent de mettre le feu près de l'appât. Je ne suis pas de marbre. Et toi non plus. Je n'ai pas l'intention d'avoir à regretter ce qui pourrait arriver, si on s'embrassait."
"Tu vois que toi aussi t'en as envie ?"
"Je ne l'ai jamais nié, Claudio. Mais maintenant ça suffit... ou tu vas rentrer à la maison à pied. Allez."
Marcello les entendit sortir. La tête lui tournait. Il se demanda ce qu'il devait faire. Puis il décida. Il apporta le gâteau, la bouteille de vin mousseux et le cadeau dans le salon, sortit et alla chercher sa voiture, et il la mit dans le garage. Puis retourna dans la maison et il s'assit sur le canapé, en attendant le retour de Bela. Ayant mis sa voiture dans le garage, son garçon comprendrait qu'il était de retour...
Il se demanda le mieux à faire : attendre que Bela lui parle de Claudio ou affronter la discussion. Il ne savait pas même ce qu'il aurait été plus juste de faire. Il aurait voulu appeler Gheorghe pour lui demander conseil, mais à tout moment Bela pouvait rentrer. Il savait que Claudio ne vivait pas très loin.
Peu après, en fait, il entendit Bela revenir. Le garçon ouvrit la porte et appela d'une voix joyeuse : "Marcello ! Tu es de retour ! Où es-tu !?"
"Je suis ici, mon amour..."
Bela se précipita dans le salon et le serra : "Voilà un beau cadeau d'anniversaire ! Oh, mon amour, quelle merveilleuse surprise !" dit-il, et il l'embrassa.
Marcello gentiment se dégagea de l'étreinte : "Maintenant, j'allume les bougies, alors tu dois les éteindre toutes en un seul souffle, et entre-temps, exprimer un vœu en toi."
Lorsque Bela les eut éteintes toutes, Marcello fit sauter le bouchon du vin mousseux et lui chanta la chanson de vœux. Puis il lui remit le paquet avec le cadeau, il remplit deux verres de vin et coupa deux tranches de gâteau.
Bela ouvrit le paquet. Marcello, en Allemagne, avait acheté le dernier modèle de vidéophone.
"Fichtre, quel bijou !" s'écria Bela en le regardant. "Alors, quand nous sommes loin, nous pouvons pas seulement nous appeler mais aussi nous voir !"
"Eh bien, alors tu dois m'en donner un pour mon anniversaire..." dit Marcello en souriant.
"Bien sûr que je te l'achète ! De toute façon il ne manque pas plus d'un mois à ton anniversaire..." dit-il, et il l'embrassa à nouveau.
Ils mangèrent le gâteau et firent un toast avec le vin mousseux.
Puis, Marcello lui dit : "Si tu viens maintenant par là, je te donne le vrai cadeau..."
Bela était radieux : "J'attendais que tu me le dises..."
Ils allèrent dans leur chambre, et firent l'amour. Marcello avait presque oublié la conversation qu'il avait entendu, il était tellement pris par la joie de pouvoir s'unir à nouveau avec son garçon.
Quand, satisfaits au moins pour le moment, ils s'étendirent enlacés, Bela le caressa et il lui dit : "Marcello, je dois te parler. En ces jours où tu n'étais pas là, quelque chose est arrivé..."
"Quoi ?" demanda l'homme, en imaginant que son Bela voulait lui parler de Claudio. Il n'avait pas tort.
"Tu sais que j'ai toujours eu une forte amitié avec Claudio, non ?"
"Oui, bien sûr, c'est un cher garçon."
"Mais à un certain moment, nous avons réalisé que notre amitié était en train de devenir quelque chose d'autre..."
"Vous êtes amoureux." Marcello tranquillement.
"Oui, nous avons réalisé que nous nous sentons à la fois attraction et aussi de l'amour l'un pour l'autre. Mais je lui ai dit que je suis désolé pour lui, et que soit on reste juste des amis soit je devais lui demander de ne plus jamais se faire voir. Voila, je voulais que tu le saches. Tu dois tout savoir de moi."
"Merci."
"Merci, mon amour ? Et de quoi ? D'avoir fait la seule chose juste à faire ?"
"Mais tu m'as dit que tu es amoureux de lui et lui de toi."
"Oui, honnêtement, c'est ainsi. Mais je t'aime, et je t'ai choisi avant lui, donc il n'y a rien à faire."
"Mais si tu n'étais pas avec moi, tu aurais accepté son amour..."
"Oui, mais alors ? Si j'étais un oiseau je volerais, mais je ne suis pas un oiseau. Ça n'a pas de sens de raisonner avec les «si»."
"Il ne te pèse pas, ton choix ?"
"Non il ne me pèse pas ! Je suis trop bien avec toi. Comment peut-il me peser ?"
"Eh bien, mon amour, avant de continuer à parler, moi aussi je dois te dire une chose. J'ai entendu toute la conversation que tu as eue avec Claudio, parce que j'étais rentré avant que tu rentres, et j'étais caché dans la pièce de repassage pour te faire une surprise."
"Oh mon Dieu... Comment tu t'es senti, mon amour, à écouter... tout ?"
"Un peu troublé, au début, mais aussi serein, puis, content pour ton assurance. Cependant, j'y ai pensé. Je me demandais si ce ne serait pas plus logique que tu te mettes avec lui... vous avez presque le même âge, vous vous aimez bien, vous vous sentez attirés l'un par l'autre... Je t'avais dit quand tu m'as demandé de devenir mon garçon, que tu devais te sentir libre, non ?"
"Mais je me sens complètement libre. Tellement libre de pouvoir dire non à Claudio et dire oui à toi."
"Nous nous sommes également dit qu'il était important pour toi de rester mon garçon et moi ton homme..."
"Oui, mais comme j'ai dit à Claudio, juste l'idée que vous deux devriez à tour de rôle être avec moi, ça me semble si ridicule, si absurde... Et puis, que faisons-nous ? Je devrais faire le bigame ?"
"Comme les musulmans..." rit Marcello. Puis il ajouta, pensif : "Et pourtant, il semble qu'ils y réussissent..."
"Et alors, quoi ? Nous devrions faire l'amour tous les trois ensemble ? À part que notre lit deviendrait un peu trop bondé..."
"Il y a aussi des gens qui aiment le faire à trois..."
"Tu veux le faire ? Veux-tu que je dise à Claudio que nous pouvons faire un trio?"
"Non, ce n'est pas ce que je veux... mais aussi ce que je ne veux pas. Je veux juste que tu sois heureux."
"Écoute, Marcello, il y a seulement quatre solutions. Une est de faire tous les trois l'amour ensemble. La deuxième est que je continue à être avec toi. La troisième est que j'aille vivre avec Claudio. La dernière est que je ne sois ni avec toi ni avec Claudio. Je n'en vois pas d'autres. Maintenant, j'élimine la dernière immédiatement et à cent pour cent. Des trois autres, celle que je choisis est de rester avec toi."
"Mais tu n'élimines pas les deux autres. Si tu avais à choisir entre les deux autres, que choisirais-tu ?"
Bela le regarda pensivement, puis dit : "Si je devais choisir entre les deux autres, je choisirais de faire un trio... au moins je ne devrais pas t'abandonner. Mais être seul avec toi reste mon premier choix."
"Je vois..."
"Et toi? Si je te posais la même question, quel choix ferais-tu ?"
"Ton même choix. D'abord, je voudrais être seul avec toi. En deuxième faire l'amour à trois. En troisième choix que tu sois avec Claudio, au moins tu aurais toujours quelqu'un qui t'aime et à aimer. En dernier rester seul."
"Eh bien, donc, comme tu vois, nous sommes tout à fait d'accord. J'ai donné à Claudio la bonne réponse, non ?"
"Oui, mon amour. Je veux juste que pour toi ce soit clair, cependant, que je respecterai toujours tes choix."
"Oh, mais ça, je le savais déjà. Danut me l'avait déjà dit que tu es fait ainsi. Quand tu lui as offert de lui envoyer de l'argent, tu ne lui as pas demandé d'arrêter de faire la vie : tu lui as dit que tout ce que tu voulais était qu'il soit libre de faire ses propres choix. Je pense que c'est juste à ce moment que Danut a commencé à tomber amoureux de toi. Même s'il ne pouvait pas dire exactement quand il a commencé à tomber amoureux. Tu le respectais, et tu ne le jugeais pas. "
"Danut est toujours dans ton cœur..."
"Bien sûr, comme dans le tien."
"Oui... il est ici avec nous."
"Par conséquent, nous sommes déjà trois. Il n'y avait pas de place pour Claudio : Cà ferait trop de monde, à quatre, sur ce lit." Dit Bela en plaisantant. "J'espère qu'il comprendra. J'ai essayé de le lui expliquer. Je sais qu'il n'est pas toujours facile à comprendre."
"Parce qu'il est amoureux, peut-être."
"S'il est vraiment amoureux, il comprendra... et nous pouvons rester amis. Gheorghe aussi, au fond, bien qu'il dise non, il est toujours amoureux de toi. Mais juste parce qu'il t'aime, il a non seulement respecté tes choix mais... il t'a forcé à les suivre. Et juste parce qu'il t'aime, il est maintenant heureux pour ton bonheur, pour le nôtre."
"Ce qui me préoccupe, que je regrette pour Gheorghe, est que, après que lui et moi on se soit quittés, il n'a pas eu une relation sérieuse, un amour."
"Mais il est serein, et il sait qu'il reste important pour toi, que tu continues à lui vouloir toujours du bien. Une personne qui sait aimer, n'est jamais seule. Ceux qui ne pensent qu'à eux-mêmes, sont vraiment seuls."
"Toi, ces choses, ces pensées, tu devrais les écrire."
"Qui sait, peut-être le ferai-je un jour. En faisant le journaliste, je suis en train de mûrir. D'une part parce que, pour écrire à propos de quelque chose, je dois la comprendre vraiment. D'autre part, parce qu'en devant écrire de façon claire et agréable, je dois aussi apprendre à m'exprimer. Il est donc possible qu'un jour je devienne écrivain."
"Ça te plairait ?"
"Oui, cela me plairait."
"Et qu'aimerais-tu écrire ?"
"Peut-être sur Danut, toi et moi... Peut-être en changeant les noms, les lieux, parce que j'aurais une certaine pudeur à me mettre en place. Un écrivain ne doit jamais écrire de banalités, il y en a déjà trop dans la vie. Il faut écrire sur des choses importantes. Et pour moi, les choses les plus importantes sont toi, Danut, et moi aussi."
"Ne sens-tu pas un petit creux dans l'estomac, Bela ?"
"Oui, un peu. J'avais pensé que, après avoir reçu ton coup de téléphone, j'aurais voulu fêter mon anniversaire tout seul dans un petit restaurant. Qu'en dirais-tu d'y aller ensemble ?"
"Oui, j'aime l'idée. Où tu pensais aller ?"
"Il y a un petit restaurant dont on parlait au journal. C'est une sorte de club ésotérique, si je comprends bien, au premier étage d'une maison ancienne dans le centre ville. Ils donnent à manger seulement des choses simples, à l'ancienne, authentiques. Je suis intrigué, donc je pensais y aller."
"As-tu l'adresse ?"
"Oui, bien sûr, je l'ai marquée sur mon répertoire. Nous prenons ta voiture ou la mienne ?"
"La mienne : aujourd'hui c'est ton anniversaire, tu as le droit d'avoir la voiture avec le chauffeur, non ?"dit l'homme gaiement.
Ils se sont habillés de façon informelle, sportive et sont sortis. Le restaurant s'appelait «L'œuf» et était dans un vieux bâtiment du début 1800. C'était comme un grand appartement au premier étage, où, à part la porte d'entrée, ils avaient enlevées toutes les portes intérieures. Les murs étaient nus, et les pièces étaient meublées avec des tables basses de style indien ou arabe, et il y avait une profusion de coussins sur le plancher, de différentes couleurs. Les planchers étaient en bois.
Une légère odeur d'encens indien imprégnait l'air, et la seule illumination était fournie par une myriade de bougies placées ici et là sans un ordre apparent. Tout le personnel était habillé d'une manière curieuse, dans un style composite qui rappelait un peu les fils des fleurs, un peu les tsiganes, un peu l'Inde, un peu les années 30... Ils avaient tous un air casanier, simple.
Ils allèrent s'asseoir à une des petites tables libres, dans une des chambres intérieures. Une fille arriva.
"Vous voulez manger ?"
"Oui, merci."
"Que voulez-vous ?"
"Aujourd'hui c'est son anniversaire. Tout ce que la maison offre de bon, ira bien. Je vous laisse le soin de décider."
"D'accord. Quel âge a-t-il?"
"Vingt-quatre."
"Et toi ?"
"Moi, quarante-six, dans environ un mois."
"2-4-6. Une belle combinaison." dit la jeune fille avec un sourire et les laissa avec un léger bruissement de ses longues jupes.
Bela remarqua que la jeune fille était pieds nus.
"Qu'en dis-tu, Marcello ?"
"Jusqu'à présent, c'est intéressant... presque fascinant. Je n'aurais jamais imaginé qu'il y avait un tel lieu, en ville."
Après une demi-heure la jeune fille revint, avec deux hommes portant des plateaux. Ceux-ci disposèrent les différents plats sur la table basse et deux cruches et s'en allèrent. C'était un assortiment de plats simples, de nourriture traditionnelle, des plats pauvres mais avec la nourriture disposée de manière agréable, élégante, dans laquelle les formes et les couleurs avaient été combinées savamment.
"Ici, c'est de l'eau de source, et ici notre boisson énergétique, à base de plantes." Expliqua la jeune fille indiquant chacune des deux cruches. "Bon appétit, les gars."
"Je ne suis plus un garçon..." souligna Marcello avec un sourire.
"Je n'en serais pas si sûre..." dit la jeune fille.
Elle s'assit à côté de la table, de manière à faire face à eux.
Elle les regarda pendant quelques secondes, puis elle dit : "Oui, vous êtes deux garçons et vous vous aimez l'un l'autre. Vous êtes un beau couple, vous êtes fait l'un pour l'autre. Lui, qui n'a pas encore parlé, vient de loin, et est venu ici exprès pour toi. Et vous deux n'êtes pas seuls, il y a quelqu'un d'autre avec vous..."
Marcello la regarda avec étonnement, puis lui dit : "Si vous vouliez nous impressionner, vous y avez pleinement réussie."
"Non, pourquoi devrais-je vouloir vous impressionner ? Je ne dis que ce que je vois." Dit la jeune fille avec simplicité.
"Avant vous nous avez dit que 2-4-6 est une belle combinaison. Qu'est-ce que cela signifie ?" Bela demanda.
"Tout ce que je dis. Vous ne connaissez pas la numérologie ? Eh bien, je ne peux pas l'expliquer en quelques minutes et vous êtes venus ici pour manger... pour sa fête. Je sens que vous êtes curieux, mais..."
"Oui, c'est vrai." Acquiesça Marcello en hochant la tête.
"Vous deux, ou mieux, les trois d'entre vous, ne serez jamais séparés, quoi qu'il arrive. Il est entre vous deux, pas pour vous séparer, mais pour vous tenir ensemble. Un grand amour vous unit, tous les trois. Vous voulez me dire quel est votre prénom. Seuls les prénoms suffisent. Je m'appelle Miriam."
"Il est Bela, je suis Marcello."
"Bela... oui... tu deviendras écrivain, mais pas tout de suite. Tu réussiras. Marcello, cependant, tu changeras d'emploi... maintenant tu fais quelque chose que je ne comprends pas, quelque chose qui a à voir avec le vide... mais quand Bela deviendra un écrivain, tu seras... son agent, pour ainsi dire. Et vous continuerez à vous aimer, et d'être un beau couple. Mais maintenant ça suffit, je ne suis pas une voyante. Plus que ça, je ne le vois pas."
Quand la jeune fille les laissa, Bela demanda : "Mais comment a-t-elle fait ? Comment peut-elle savoir que je voudrais vraiment être un écrivain ? Que nous nous aimons, elle peut l'avoir lu dans nos yeux, mais... et que ton travail a à faire avec le vide..."
"Je ne sais pas, mon amour. Il y a tellement de choses que nous ne sommes pas encore en mesure de comprendre. Je crois que nous avons en nous certains pouvoirs... non, pouvoirs ce n'est pas le bon mot... nous avons en nous certains talents que nous ignorons avoir, et que donc souvent nous ne parvenons pas à développer, à contrôler."
"Et elle, comment elle a réussi ?"
"Qui sait ? Peut-être comme un homme aveugle développe une ouïe, un toucher et un odorat beaucoup plus aigu que ce que nous avons. Peut-être pour une sorte de compensation pour quelque chose qu'on a perdu. Peut-être à cause d'un traumatisme, d'une grande douleur... même si elle semblait très sereine."
"La chose importante est qu'elle a dit que nous nous aimerons toujours. Et que, comme nous l'avons dit avant de venir ici, nous sommes trois, pas seulement deux. En fait, il n'était pas nécessaire qu'elle nous le dise, nous savions déjà ces choses. Quoi qu'il en soit cela fait plaisir de les entendre confirmer."
"Oui, mon amour. J'ai été très impressionné quand elle a dit que Danut est ici avec nous, ou plutôt, entre nous, pas pour nous diviser mais pour nous unir."
"Et tous les trois nous sommes unis par un seul grand amour."