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histore originale par Andrej Koymasky


DEUX FOIS ETRANGERS CHAPITRE 3
REMUER LES EAUX STAGNANTES

Itzhak Segre était en cinquième, quand il a commencé à penser que, plus que probablement, il était différent des autres enfants. Il était chez Daniel son camarade de classe et voisin, pour faire leurs devoirs et jouer. Ou plutôt, jouer et faire les devoirs. À un moment, la mère de Daniel leur dit d'être sages, car elle devait sortir et faire du shopping.

Elle venait de sortir, et les deux garçons étaient seuls à la maison. Alors Daniel sortit, d'une cachette, un magazine porno et il le lui avait montré avec un rire bébête : il y avait des hommes et des femmes qui baisaient dans les positions les plus incroyables.

Daniel avait commenté la " beauté " des femmes et ce qu'il aimerait faire avec " celles-là " ... mais Itzhak réalisa que non seulement regarder la nudité de la femme le gênait un peu, mais que c'était plus excitant de regarder les hommes nus et qu'il aurait aimé faire des choses avec eux...

Afin de sonder l'ami, sans s'exposer, il demanda : " Dis, c'est vrai que deux hommes aussi font ces choses, entre eux ? "

Daniel a fait une grimace méprisante : " Oui, les pédés... mais ce sont des tordus dans la tête. Regarde... regarde cette nana qui la prend dans le cul ! " dit-il en riant, amusé, se frottant le pantalon visiblement gonflé.

Itzhak pensa que, en ne voyant que leurs culs, un homme et une femme ne sont pas si différents... Puis il se demanda si c'était mieux de la mettre ou de la prendre... et lui aussi eut une érection. Pensant que peut-être son compagnon en savait plus que lui, Itzhak lui demanda : " Pourquoi est-ce que les pédés aiment le faire ? Peut-être parce qu'entre un cul de mâle ou de femelle ça change pas ? "

" Ceux qui la mettent ou qui se la font sucer, veulent juste avoir du plaisir, et s'ils n'ont pas de femme, ils se contentent de le faire avec un homme, comme font les marins ou ceux qui sont derrière les barreaux... Mais ceux qui la sucent ou la prennent dans le cul ne sont que des malades, parce que ils font les femmes sans l'être, pas vrai ? "

" Ouais... " dit Itzhak pas convaincu, et il pensa qu'il était vraiment différent de Daniel, et des autres, parce qu'il aurait aimé essayer... même avec Daniel... si ce n'était que, vu ce que son ami avait dit, il ne l'aurait jamais prise dans le cul et s'il lui avait demandé de la lui mettre, Daniel aurait pensé qu'il était malade... mais Itzhak ne se sentait pas malade du tout...

Donc, ils continuèrent à regarder les photos, si Daniel regardait seulement les femmes, Itzhak, lui admirait uniquement les hommes... Après cette fois-là, Itzhak continua à réfléchir sur ce qu'il ressentait et pourquoi. Alors, il devait être homosexuel, il aimait les hommes et pas les femmes.

En écoutant ce qui se disait autour de lui, il comprit que l'opinion courante était que les gays (un mot qu'il aimait plus que pédés ou homosexuels ou d'autres que les enfants ou les adultes utilisaient) étaient tous des hommes adultes et que les garçons de son âge étaient tous hétéros, sauf s'ils avaient été " corrompus " par les grands... et si les gens pensaient à des garçons gays, ils les imaginaient tous se vendre sur les trottoirs. Il pensait que c'était pas vrai du tout : il n'avait pas été corrompu par un adulte ! Et même pas par quelqu'un de son âge : il avait simplement commencé à comprendre l'être, tout seul.

En quatrième année, il tomba amoureux d'un camarade de classe, un redoublant plus mûr et plus " masculin " que ses autres compagnons. Mais celui-ci dont le nom était Gianni, avait une girl-friend, une fille d'une autre quatrième, et il les avait vus s'embrasser... donc il avait compris qu'il n'avait aucune chance avec Gianni.

Cependant, il avait toujours tout fait pour être près de lui, il le regardait en secret (surtout entre les jambes où parfois on pouvait voir une belle bosse), il se " faisait beau " pour lui, même s'il savait qu'il n'y gagnerait pas grand-chose. Gianni disait que Itzhak était son meilleur ami, parfois aussi il passait un bras autour de ses épaules quand ils parlaient de sport avec d'autres. Itzhak n'était pas tellement intéressé par le football, mais puisque Gianni était un fan du Milan AC, Itzhak avait tout appris sur cette équipe et il était devenu, apparemment, un grand fan, afin de gagner l'amitié de Gianni.

Cela avait été un demi succès, il n'avait obtenu que l'amitié de son copain, un sentiment de camaraderie, de sympathie... rien de plus. Itzhak s'en contentait, comme il se contentait de rêver de faire avec lui, en secret, des choses interdites. Il était de plus en plus sûr, convaincu d'être gay, et ça ne le dérangeait pas, ne le gênait pas du tout, mais il se demandait s'il pourrait jamais trouver un jour un mec qui était comme lui, pour en tomber amoureux...

Puis l'année scolaire se termina, Gianni alla étudier dans un institut technique et Itzhak au lycée et ils s'étaient perdus de vue. L'année précédente, les grands-parents, voisins d'à côté, avaient déménagé et à leur place était venue vivre une famille de quatre personnes : le père, la mère, le fils d'un an de plus que Itzhak nommé Graziano, et une fille de deux ans plus jeune que lui.

Il n'était pas aussi beau que Gianni, ce Graziano, mais il était sympa et bientôt les deux garçons étaient devenus amis. Quand il avait fini ses devoirs, Itzhak allait souvent à la maison de Graziano pour jouer avec lui car il avait plusieurs beaux jeux. Il aimait peu les jeux de combat armé, par contre ceux de sport, il les aimait assez, surtout un de lutte dans lequel les protagonistes étaient des lutteurs qui portaient des shorts et avec des graphiques 3D qui étaient remarquablement réalistes. Puis il aimait vraiment ceux d'aventure, mais Graziano les aimait beaucoup moins.

Par sens de la justice, les deux garçons jouaient tantôt à l'un tantôt à l'autre, en alternance. Graziano avait un bon caractère, Itzhak aimait passer son temps libre avec lui. Il était un an en avance, donc il était en troisième du lycée scientifique, donc dans une autre école que celle d'Itzhak qui était en quatrième année, ce qui correspond à la première dans les autres écoles.

La sœur de Graziano fréquentait une école de ballet, donc le matin elle avait des leçons de culture générale, et l'après-midi des cours de danse. Les parents de Graziano étaient : lui ingénieur de l'aviation et elle dentiste pour les enfants. Donc, quand ils se rencontraient pour jouer, les deux garçons étaient toujours seuls à la maison.

Itzhak était en quatrième au lycée et Graziano en troisième scientifique et ils se connaissaient depuis un an, quand une fois ils ont commencé à se quereller, en blaguant, à cause du jeu qu'ils faisaient sur l'ordinateur.

En riant, Graziano a commencé à le chatouiller et Itzhak a essayé de l'arrêter. Les deux ont continué de dire en riant : " J'ai raison " et " Ce n'est pas vrai, c'est moi qui ai raison... " de plus en plus fort, en essayant dans le même temps de chatouiller l'autre et de l'immobiliser, lorsque les deux sont tombés de leur tabouret sur le tapis.

Graziano était au-dessus de lui et lui dit : " Cesse de crier comme un putois "

" Je crie autant que je veux... " dit Itzhak en riant.

" Mais maintenant tu vas arrêter ! " répondit l'autre, avec des yeux rieurs.

" Essaye de m'arrêter ! " rétorqua Itzhak.

Graziano alors l'embrassa avec force. Itzhak cessa de rire, et se sentit bouleversé, excité, il le regarda avec des yeux profonds, graves et cessa de se débattre. Graziano s'écarta un peu et lui dit d'une voix faible, maintenant sérieux lui aussi, sans perdre contact de son ami et avec incertitude : " Tu vois que j'ai réussi à te faire arrêter ? "

Itzhak eut la sensation que l'autre était excité : entre les jambes de Graziano, qui, avec les siennes emprisonnait celles de son ami, quelque chose de dur et chaud, poussait maintenant sur la braguette d'Itzhak...

Itzhak ferma les yeux et dans un murmure, dit, " Fais-le encore... "

Graziano alors l'embrassa pour la deuxième fois, mais cette fois doucement en jouant avec les lèvres et la langue de son ami et la lutte était devenue un câlin. " Tu aimes ? " demanda-t-il.

" Oui... J'aime... Encore... "

Pendant qu'ils s'embrassaient pour la troisième fois, leurs mains se mirent à explorer le corps de l'autre, glissèrent sous les vêtements de leur ami et l'excitation était devenue plus forte, le désir était maintenant palpable dans la pièce où le silence n'était troublé que par leurs respirations profondes et parfois par des sons qui provenaient de l'ordinateur.

Peu à peu, ils se dépouillèrent mutuellement de leurs vêtements, de plus en plus excités. Itzhak sentit sa tête et son corps en feu.

" Viens sur mon lit. " proposa Graziano, le visage rougi d'excitation.

" Oui... "

" Que veux-tu faire ? "

" Je ne sais pas... c'est la première fois... " répondit-il alors qu'ils se couchaient côte à côte, sur le lit en s'étreignant à nouveau. " Que veux-tu faire ? " demanda-t-il à son tour.

" Tout ce que... "

" Alors... apprends-moi à faire... tout. "

Graziano sourit et l'embrassa de nouveau, un peu à la fois il l'amena à explorer les plaisirs que deux garçons peuvent donner et recevoir avec un ami. Àpartir de ce jour, ils ont ignoré ou presque les jeux informatiques et vidéos et ont eu des relations sexuelles jusqu'à essayer " tout " comme Graziano avait dit la première fois.

Avec un peu de déception, cependant, Itzhak découvrit que Graziano avait également une copine, il aimait autant les garçons que les filles.

" Je ne suis attiré que par les garçons, au contraire. " dit Itzhak.

" Eh bien... on n'est pas tous pareils. " répondit son ami.

" Mais penses-tu que c'est vrai que nous les gays sommes des malades ? "

" Mais non, c'est juste des conneries. Les gays et les bisexuels ne sont pas plus malades que les hétéros. Il y en a qui sont sains et d'autres qui sont malades. Ceux, par exemple, qui ont relations sexuelles avec des enfants, qu'ils soient de leur sexe ou du sexe opposé, ils sont malades dans la tête. Et je pense que aussi ceux qui ont des rapports sexuels sado-masochistes, qu'ils soient des couples gay ou hétéros. "

" Comment puis-je savoir que tu as raison et pas ceux qui disent que nous, les homosexuels, sommes des malades ? " demanda Itzhak encore un peu incertain. " Ce n'est pas que je m'en soucie beaucoup. Après tout, si j'avais eu la polio, je l'aurais supporté et aurais essayé de vivre bien tout de même. Mais je voudrais comprendre. "

Graziano le conduisit à l'ordinateur et commença à surfer sur Internet pour lui faire lire quelques pages sur l'homosexualité dans les portails qui ne sont pas conçus par des gays, mais par des scientifiques, qui commentaient les déclarations de l'étude des organisations internationales de sexologie.

" Tu vois, ce n'est ni une maladie, ni une dégénérescence, ou quelque chose comme ça. Tout le monde est né comme il est né, un peu comme être né noir, blond ou rouge ou jaune ou blanc. Tu es gay, je suis bisexuel, d'autres sont hétérosexuels, car il n'y a pas deux personnes qui se ressemblent dans le monde. Mais nous sommes tous en bonne santé. "

" Il y a peu ou beaucoup des gens gays comme moi ? " demanda alors Itzhak.

" Il semble que vous êtes environ dix pour cent, et un autre dix pour cent hétéros et que tous les autres sont comme moi. "

" Quatre-vingt pour cent de bisexuels ? Je ne peux pas le croire ! "

" Je ne veux pas dire qu'ils le font vraiment avec les hommes et les femmes, mais ils pourraient le faire. Mais comme dans notre société les hétérosexuels sont les seuls comme il faut, qu'ils sont les seuls corrects, beaucoup de bisexuels ne le font qu'avec les femmes. D'autres se marient, ont des enfants, mais peut-être qu'ils ont aussi un ami en secret et que personne ne soupçonne qu'ils sont bisexuels. Qui sait, peut-être que même mon père, qui semble hétéro de la tête aux pieds, pourrait être un bisexuel comme moi. "

" Si nous les gays sommes dix pour cent, dans ma classe il devrait y avoir au moins un autre comme moi... " dit Itzhak pensivement.

" Probablement. Ou peut-être es-tu le seul gay dans ta classe mais dans une autre classe il y en a trois, quatre... Si tout le monde pouvait être comme il est à la lumière du soleil, ce serait tellement plus facile. Mes parents sont heureux quand je sors avec ma petite amie, mais pour eux ce serait un coup si ils savaient ce que je fais avec toi. " dit Graziano en riant.

" Mais si tu avais à choisir, tu la choisirais elle et pas moi, pas vrai ? " demanda Itzhak.

" Oui, bien sûr. Grâce à elle, je n'aurais aucun problème à fonder une famille, quand il sera temps. Mais avec toi, ce serait un trop grand problème. Même si aujourd'hui ce n'est pas aussi difficile que par le passé, pour les gays c'est encore très compliqué de vivre ensemble. "

" Ce n'est pas juste. "

" Bien sûr, ce n'est pas juste. Mais si nous enseignons à nos enfants ce qui est juste, les choses vont changer... "

" Tu peux l'apprendre aux tiens, pas moi, je n'aurai pas d'enfants. De ce point de vue les filles, ne m'intéressent pas. Mais si tu avais un fils gay ? "

" Je l'aimerais comme un fils hétérosexuel ou bisexuel et l'aiderait à avoir une vie heureuse, heureuse avec son petit ami. "

" Tu connais d'autres mecs gays comme moi ? "

" Oui, Itzhak, j'en connais trois ou quatre. Veux-tu les connaître, les rencontrer ? "

" Je ne sais pas. Peut-être. "

Mais ce ne fut pas par l'intermédiaire de Graziano que Itzhak rencontra le premier mec gay comme lui. Trois fois par semaine Itzhak allait à la piscine pour nager. Un jour, il était dans la douche et était seul avec un autre gars, un garçon de vingt-deux ans, qu'il avait déjà vu. Ils se regardèrent longtemps, pendant qu'ils se lavaient, et bientôt tous les deux eurent une érection bien visible. L'autre, appelé Italo, vint à son côté et prit son membre dans la main, en souriant. Itzhak rougit, mais non seulement il ne recula pas, mais lui aussi prit le membre dur et droit de l'autre.

" T'aimes les garçons, toi ? " demanda Italo.

" Oui... " admit Itzhak.

" Moi aussi, et je t'aime beaucoup... "

Ils sont devenus amis. Ils se retrouvaient à la piscine puis allaient à la maison d'Italo et faisaient l'amour. Italo était mécanicien dans une usine de motos, il vivait avec son frère car leur famille était encore dans leur province natale. Le frère d'Italo savait pour lui et ne faisait pas d'histoires quand il montait avec Itzhak dans sa chambre pour réapparaître plus tard, satisfaits et heureux tous les deux.

Italo l'a aussi invité à aller avec lui dans des clubs gays. Itzhak n'eut aucune difficulté à convaincre ses grands-parents de le laisser aller danser, sans dire où il allait réellement... Là, Italo l'avait présenté à certains de ses amis, et Itzhak eut des nouvelles expériences. Il aimait beaucoup les clubs. Il aimait danser avec d'autres garçons. Et puis là, il pouvait rencontrer de nouvelles personnes.

Mais ces histoires étaient de courte durée, en raison de la difficulté d'avoir un endroit pour le faire, et aussi parce que lui et les autres n'étaient attirés que physiquement, sans rien de plus. Dans certains clubs, il y avait des arrières salles sombres ou de coins où on pouvait faire un petit quelque chose, si on savait passer outre l'embarras de le faire tandis que d'autres le faisaient juste à coté... mais Itzhak nota que de nombreux homosexuels avaient peur. Pas lui, si ce n'est un peu du sida. Mais il prenait soin de toujours utiliser un préservatif, mais ceux que les autres avaient avec eux. Il n'avait pas le courage d'aller en acheter à la pharmacie. Il était timide, il avait honte de demander cela...

Si l'autre n'avait pas de préservatif cependant, il ne faisait rien. Graziano l'avait déjà mis en garde la première fois qu'ils avaient eu du sexe. Àprésent il ne le faisait plus très souvent avec Graziano. Parfois il aimait surfer sur Internet pour visiter des sites gays. Graziano était plus intéressé par les sites pour les bisexuels, avec mâles et femelles, mais lui n'était intéressé que par ceux qui montraient seulement des hommes.

Il demanda à Graziano comment faire pour acheter des préservatifs, parce qu'il avait honte : " J'ai vu qu'il y a des machines distributrices, mais elles sont toujours en panne, et une fois un appareil m'a volé l'argent sans me donner quoi que ce soit... "

" Tu ne dois pas avoir honte, les hétérosexuels aussi utilisent les capotes, et pas seulement les homosexuels. Les hétéros pour deux raisons, la première pour ne pas mettre enceinte leur nana et la seconde pour ne pas attraper le sida par elle. "

" Les femmes aussi ont le sida ? " demanda Itzhak avec étonnement.

" Pourquoi pas. Supposons que je l'aie et que je fasse l'amour avec l'un ou l'une à qui je passe le sida, et après, elle ou lui va avec un autre mec ou une autre fille... et nous sommes tous infectés, même les filles. "

" Ce n'est donc pas vrai que le sida est une maladie réservée aux gays. " dit Itzhak.

" Non, et on ne l'attrape pas que par des relations sexuelles, mais aussi comme les drogués en partageant des aiguilles, et même comme les infirmières à cause du sang infecté d'une personne malade, si elles ne sont pas prudentes. Pense que même une religieuse qui travaillait comme infirmière, a cassé un jour un tube de sang infecté et a attrapé le SIDA. C'était dans les journaux... et la pauvre, elle n'a même pas été infectée en échange d'une belle baise ! Une vraie malchance, pas vrai ? "

L'idée que dans sa classe, si la moyenne était respectée, il devait y avoir un autre mec gay comme lui (il n'avait même pas envisagé l'idée que cela pourrait être une fille...) a commencé à lui faire regarder ses compagnons avec un autre œil, avec une attention accrue.

Itzhak essaya de les diviser en trois groupes, les gays, les bisexuels et les hétérosexuels... mais plus il les étudiait, plus il lui semblait que tout le monde était dans le groupe des hétéros. Peut-être Uberto Demichele était-il bisexuel, il avait en fait une approche assez " physique " envers soit ses compagnons soit ses compagnes. Mais peut-être que c'était seulement parce que Uberto était un an plus jeune qu'eux : en fait, il était un an en avance dans leurs études.

D'autre part, comment peut-on savoir qui pourrait être gay, si tout le monde, y compris lui-même, faisait de son mieux pour ne pas le laisser paraître, pour le cacher ? Giuliano Sorgona pourrait peut-être être bisexuel, il était toujours avec les filles, mais il avait un aspect tendre et doux. Mais non, il n'est sûrement pas gay, en fait, il avait une petite amie depuis deux ans et avec ses camarades il était plus " tombeur de femmes " que les autres...

Itzhak avait toujours aimé les garçons grands, forts, virils. Et aussi joyeux, enjoués. Il pensait aussi à l'amour car il savait qu'il était important dans la vie, mais il se disait qu'il était trop tôt pour y penser sérieusement. Pour le moment, il était content des brèves aventures qu'il pouvait avoir avec un mec dans une discothèque.

Un jour, au début du mois d'Avril, quand ils étaient en troisième, le professeur Mastella est venu en classe avec une série de coupures de journaux. Puisqu'il n'avait pas vu de rapprochement entre ses étudiants Itzhak et Elias, entre l'Israélien et le Palestinien, il avait décidé d'essayer de forcer un peu le destin, même au risque que, " enfin ", les deux garçons se disputent.

" Maintenant ça fait cinquante ans que le conflit israélo-palestinien se poursuit et ne semble pas être en mesure de trouver une solution pacifique avec la plus grande souffrance des deux côtés. J'ai ici 50 coupures de journaux, quelques-unes un peu plus pro-palestiniennes, des autres un peu plus pro-israéliennes, d'autres qui cherchent à être impartiaux et neutres, ou qui prétendent l'être. Maintenant je vais donner à chacun de vous trois coupures de journaux, vous devez les lire, puis en discuter par paires, les analyser et tirer vos propres conclusions. "

Il observa les réactions des garçons, et comme il l'imaginait, beaucoup d'eux regardaient l'expression d'Itzhak et Elias. L'Israélien rougit et ses yeux regardaient dans le vide. Le Palestinien s'agitait inconfortablement dans sa chaise, essayant de sourire aux camarades qui le regardaient...

" Vous pouvez former des paires comme vous le souhaitez, à une exception près... " a annoncé le professeur, et après une pause pour l'effet, il a poursuivi : " Elias et Itzhak travailleront ensemble, mais je ne leur donnerai pas de coupures de journal. Chacun donnera un aperçu de l'histoire du conflit qui divise leurs peuples et ils écriront les raisons de leur propre communauté, comme les torts de l'autre, avec un accord sur le projet de texte : mais aucun d'entre eux ne doit tâcher de convaincre l'autre, mais seulement respecter le point de vue de son camarade en y ajoutant à côté son propre point de vue. "

Maintenant, la classe grondait, même si ce n'est qu'un ensemble de murmures et de chaises déplacées. Itzhak avait le visage plus rouge qu'auparavant et regardait le professeur avec des yeux étincelants, comme pour dire qu'il était déçu, qu'il ne s'attendait pas à une telle " trahison " de sa part. Elias était nerveux, ouvrait et fermait son livre, mettait en ordre les objets qu'il avait sur le banc, passait ses mains sur son pantalon, s'agitait sur sa chaise encore plus qu'avant et ne regardait plus personne.

Itzhak puis leva la main, en demandant à parler.

" Oui, Itzhak ? "

Le garçon se leva. " Je ne veux pas faire quelque chose avec celui-là. " dit-il, la voix indignée, tremblant.

" Celui-là ? Qui est-ce ? Il n'a pas un prénom et un nom de famille ? " demanda le professeur d'un ton calme mais ferme.

" Vous savez bien qui je veux dire... "

" Non, le pronom singulier masculin démonstratif 'celui' n'exclut que les filles de la classe, mais inclut tous vos compagnons. S'il vous plaît soyez plus explicite. "

Presque en colère, Itzhak siffla : " Avec Bargouti Elias. "

" En italien, c'est seulement dans les listes que l'on met le nom de famille d'abord, puis le prénom. J'ai décidé, cependant, que vous et Elias Bargouti devez faire ce travail ensemble, parce que seulement vous deux pouvez nous dire ce que les journaux ne nous racontent pas et nous expliquer vos raisons et votre point de vue. Je ne vais pas annuler la présente décision, à moins que toi ou Elias me donniez de très bonnes raisons, et bien motivées, pour me faire changer d'avis. "

" Les Palestiniens détestent les Juifs. " dit Itzhak.

" Et les Juifs nous méprisent et nous volent tout ! " dit soudain la voix de Elias du fond de la classe, tandis que le garçon se levait aussi.

" Il me semble qu'il y a des Palestiniens et des Juifs qui combattent ensemble en harmonie et entente mutuelle, pour mettre fin à cette guerre et vivre en paix. Ils sont une minorité, malheureusement, mais ils existent. Donc, votre généralisation est totalement inacceptable. Toi, Elias, tu ressens de la haine pour Itzhak ? "

" Je m'en fous... rien ne m'intéresse en lui, pour moi c'est comme s'il n'existait pas. " déclara Elias.

" Mais ressens-tu de la haine pour lui ? " a insisté le professeur.

" Non... je ne savais même rien de lui avant de venir à cette école. Mais c'est un Juif et un Israélien. "

" Et dis-moi, Itzhak, as-tu jamais ressenti du mépris pour Elias, ou tu lui as volé quelque chose ? "

" Moi ? Je ne suis pas un voleur, je n'ai jamais rien volé a personne, je ne le ferais même pas aux Palestiniens. "

" Et tu méprises Elias parce qu'il est Palestinien ? "

" Je ne sais rien de lui et je ne m'en soucie pas. Je l'ignore, je n'ai pas de mépris. Dans les études il est bon... "

" Et même plus que toi ! " dit Elias fièrement.

" Et même plus que moi, oui. Et alors ? " répondit Itzhak se tournant vers lui pour le regarder avec défiance.

" Et alors, rien ; je voulais juste clarifier les choses. "

Le professeur Mastella, sans le montrer, jubilait : depuis plus d'un an et demi c'était la première fois que les deux garçons se parlaient directement.

" Être bon à l'école, comme vous l'êtes tous les deux sans le moindre doute, c'est très bien, mais ça ne suffit pas pour être dignes d'être appelés des hommes. Un vrai homme, c'est d'abord celui qui sait comment vivre avec d'autres hommes. "

Une des filles a levé la main et, après avoir reçu la parole, elle dit : " Même avec des voleurs et des assassins ? "

" Même, dans le sens où un voleur ou un meurtrier doit être puni, mais après avoir été reconnu coupable hors de tout doute ; il doit être aussi entendu, doit être capable de se défendre. Quiconque interdit aux autres l'occasion de se faire entendre et de se défendre, n'est pas un homme. Quoi qu'il en soit, l'exercice que j'ai donné aujourd'hui n'est pas de juger, mais d'écouter, de comprendre, d'apprendre. Et le travail d'Itzhak et d'Elias, ensemble, nous aidera à comprendre. Il est donc crucial. "

Pierfranco Redaelli leva la main : " Professeur, mes deux compagnons ne pourraient-ils pas faire ce travail chacun de leur côté sans être obligés de le faire ensemble ? "

" Ce ne serait pas la même chose, parce chacun va exposer son cas sur les points qui semblent importants pour lui, sans dire comment il voit les points qui paraissent importants à l'autre. Il n'y aurait pas de comparaison, pas d'échange d'idées, mais rien qu'un dialogue de sourds. Seulement en se confrontant sur les points et les arguments, tout le monde va tirer de leur exposé quelque chose d'utile, valable et peut-être même complet. Ils doivent donc travailler ensemble. "

" Mais ce travail, nous avons à le faire en classe ou à la maison ? " demanda une autre fille.

" Tout le travail préparatoire vous allez le faire à la maison. En classe, nous allons faire seulement le travail final. Je ferai des copies du texte préparé par Elias et Itzhak et j'en donnerai une à chacun de vous. Le cours suivant, nous aurons une discussion en classe, où je serai seulement le modérateur, basée sur ce que vous lirez dans les coupures de journaux que je vous donne, ainsi que dans le texte préparé par Itzhak et Elias. Vous pourrez poser des questions de clarification. Lorsque la discussion sera terminée, au cours suivant, je vous donnerai un devoir en classe dans lequel chacun de vous écrira ses propres conclusions. "

Itzhak regarda le professeur triomphalement : " Mes grands-parents ne laisseront jamais un palestinien entrer chez eux ! "

" Pas plus que mes parents ne recevraient un Israélien chez nous ! " a répondu Elias tout de suite.

" Donc, nous ne pouvons pas travailler ensemble. " conclut Itzhak.

" Ce n'est vraiment pas possible. " a confirmé Elias.

" Je vois qu'au moins sur un point vous deux êtes tout à fait d'accord. Et je suis sûr que si vous cessez de parler de la façon qui a été la vôtre aujourd'hui, vous pouvez trouver d'autres points en commun. Quoi qu'il en soit, si le problème est de savoir où vous rencontrer pour travailler ensemble... vous pouvez venir travailler chez moi. Je vous donnerai une pièce, rien que pour vous deux, et à condition de ne pas y casser quelque chose, vous pourrez également vous battre en toute tranquillité. "

Pierfranco Redaelli a demandé de nouveau la parole : " Je suis sûr que mes parents n'auraient rien contre, s'ils viennent tous les deux chez moi... "

" Très bien. Vous voyez, vous avez deux choix... "

" Il faut voir si mes parents me laissent aller là où il y a lui aussi... " a dit Elias, incertain.

" Aussi bien que mes grands-parents. " ajouta Itzhak rapidement.

" Ils vous laissent bien venir ici, non ? " dit le professeur. " Cependant, je vais appeler vos familles et si elles s'opposent, on trouvera une autre solution... comme vous faire faire une heure supplémentaire le lundi, mercredi et vendredi, lorsque les classes terminent à midi au lieu de treize heures. "

Dès que l'enseignant eut terminé la leçon, il a immédiatement téléphoné aux grands-parents d'Itzhak. Il a eu une longue conversation avec eux dans laquelle il a expliqué le sens de son initiative, et finalement il a obtenu leur autorisation de faire travailler dans ce projet Itzhak avec Elias, soit chez le professeur, soit chez un camarade soit dans la salle de classe, comme il le déciderait.

" Nous, monsieur le professeur, en dépit de tout ce que nous avons souffert à la fois en tant que peuple et en tant que famille, ou peut-être à cause de tout cela, nous ne pouvons que désirer la paix. Sachez que ce que vous proposez va faire saigner le cœur de notre petit-fils, mais si, comme vous le pensez, ça peut aider à guérir ses blessures... nous ne pouvons que prier le Tout-Puissant pour que ce soit une expérience utile à notre Itzhak. " a conclu son grand-père. " Même si... nous craignons que cela n'arrivera pas. "

" Moi, au contraire, je suis optimiste, Monsieur Segre. Je suis convaincu que quatre-vingt pour cent de l'hostilité et de l'incompréhension viennent de l'égoïsme et de ne pas être capable d'écouter les arguments des autres. Merci quand même pour votre autorisation, en dépit de vos compréhensibles doutes. "

Il appela le père de d'Elias plus tard, sachant que l'homme était au travail à ce moment-là.

" Monsieur ", dit le père d'Elias, " nous avons dû quitter la Palestine parce que nous sommes des hommes de paix, parce que nous voulions que nos enfants ne grandissent pas dans une atmosphère de haine, en dépit de ce que les Israéliens ont fait. Si ce que vous voulez faire peut aider notre Elias à devenir vraiment un homme de paix, je ne peux que vous être reconnaissant. "

" Alors, vous m'autorisez à le faire ? "

" Oui, bien sûr, avec mes meilleurs vœux que vous puissiez réussir. Si je peux me permettre de donner un conseil, si les parents de Pierfranco sont d'accord, je pense qu'il serait bon que les deux garçons se rencontrent à leur maison. Ainsi ils ne seront pas une nuisance pour vous ; Elias connaît déjà bien les Radaelli, et les deux garçons seraient dans une ambiance plus familière et intime que dans une salle de classe vide, dans laquelle il peut leur sembler qu'ils sont en punition. "

" Je vous remercie de votre suggestion, monsieur Bargouti, et je vous remercie de votre collaboration. Croyez-moi, si j'ai décidé de remuer les eaux calmes, presque mortes, entre les deux garçons, c'est seulement pour leur propre bien. "

" J'en suis convaincu et je vous remercie, monsieur le professeur. Que Dieu vous aide. "


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