Les parents de Pierfranco furent heureux d'accueillir les deux garçons dans leur maison pour la " confrontation " que le professeur avait décidé de mettre en route. Et, contrairement à ce qui avait été conseillé par le professeur, ils dirent à Pierfranco qu'il ferait mieux de participer à leurs réunions, sans d'essayer d'intervenir en faveur de l'un ou l'autre garçon, mais de les aider à se comprendre l'un l'autre, à s'écouter mutuellement.
Donc, Elias d'abord, et peu après Itzhak se présentèrent à la maison Redaelli et Pierfranco les emmena dans la bibliothèque, où ils s'assirent autour d'une table, les deux garçons se faisant face et Pierfranco entre eux. Chacun des garçons avait devant lui une pile de feuilles de papier blanc et un stylo ...
Elias, le plus extraverti des deux, attaqua d'entrée : " Pourquoi êtes-vous venu en Palestine et pour quelle raison vous nous l'avez enlevée ? "
" Parce que nous étions là avant vous. C'était notre terre. "
" Et avant que Moïse y vienne nous y étions ! Les Philistins n'étaient autres que des Palestiniens, non ? "
Pierfranco est intervenu : " Mais est-ce que ça nous sert à quelque chose regarder le passé ? Et quelle date devriez-vous choisir ? Laquelle serait la plus correcte ? Si je devais en choisir une, je prendrais l'an 100, après Jésus Christ. "
" Pourquoi ? " demanda Itzhak en fronçant les sourcils.
Pierfranco se mit à rire : " Parce que c'était le moment de la plus grande expansion de l'Empire romain : hormis l'Écosse, nous étions maîtres de beaucoup de régions, même de la Palestine. Non, c'est bête de regarder en arrière et dire que nous étions là en premier. Comme pour l'Istrie, qui est désormais partagée entre la Slovénie et la Croatie ; avant c'était à la Yougoslavie, avant ça elle était italienne, autrichienne encore avant, et plus loin dans le temps elle dépendait de Venise ... Mais à présent elle n'est plus italienne. Point à la ligne. C'est une réalité. C'est inutile et idiot de chercher à savoir qui a été le premier à la posséder. "
" Alors, de quoi devons-nous discuter ? Le professeur ne nous a pas donné ni série de questions ni de coupures de journaux. " a déclaré Elias.
" Ne pensez-vous pas que deux états distincts et souverains, Israël et la Palestine, pourraient vivre côte à côte dans la paix ? " demanda alors Pierfranco.
Elias se gratta la tête : " Pourquoi pas un seul pays où tout le monde, les chrétiens, les musulmans, les juifs et les Arabes, les Israéliens et les Palestiniens vivraient ensemble ? "
" Ouais, et donc la majorité, c'est à dire les Arabes musulmans, vont nous imposer à tous la loi du Coran. Ce serait moche à la fois pour toi et moi, non ? C'est idiot " . lança Itzhak avec un regard méchant vers son compagnon.
" Donc, nous aurions à vivre dans un état divisé en deux parties par votre décision et contrôlé par vous ! Belle liberté ! Vous nous dites : Vous êtes libres de vivre comme vous voulez. Merci beaucoup ! C'est toi qui es idiot, pas moi ! "
" Si vous arrêtiez peut-être de vous donner du " tu es un idiot " et pensiez plutôt à écouter les idées de l'autre... " osa Pierfranco avec un sourire.
" Écouter de la merde et en dire, mais oui, pourquoi pas ? Autant ne même pas parler. " dit Itzhak se sentant dans une humeur noire.
" Serais-tu heureux, toi, Itzhak, si on était venu à ta maison, et on t'avait viré pour y vivre à ta place ? Puis, quand nous, nous avons bâti une autre maison, vous êtes venus avec des missiles et vous les avez jetés sur notre maison nous laissant tous presque nus, et heureusement qu'aucun d'entre nous n'était dans la maison. Vous gardez la Palestine sous contrôle et vous ne nous laissez pas y vivre. Nous ne pouvons même pas aller au Mont du Temple à Jérusalem, ou à la basilique de la Résurrection. Et un Palestinien ne peut même pas étudier s'il en a envie aux universités techniques qui ne sont que pour vous, les Israéliens Juifs, et ne sont même pas accessibles aux Israéliens d'origine arabe, et encore moins pour nous les Palestiniens. Vous contrôlez la Palestine comme si c'était une colonie ! Et nous avons dû renoncer aux meilleures terres et les donner à vos paysans. Et ... "
" Nous contrôlons la Palestine et les Palestiniens et les Israéliens arabes aussi ? Oui, bien sûr, parce que nous sommes fatigués de sauter en l'air à cause de vos bombes quand on prend le bus ou qu'on va au cinéma ou au supermarché ou dans un club, ou un restaurant. Des kamikazes qui tuent notre peuple et des gens qu'il ne connaissent même pas, juste parce qu'ils pensent que ce ne sont que de sales Juifs qui n'ont même pas le droit de vivre ! "
" Ma famille et moi nous n'avons jamais tué personne ! " déclara Elias.
" Et alors ? Alors, qui a envoyé le meurtrier qui a fait exploser la voiture avec mon père, ma mère et mes deux petits frères dedans ? Reis n'avait même pas un an, mais il était déjà un sale Juif ? Qui a envoyé ce meurtrier, hein ? Votre chef, Yasser Arafat, que vous avez élu, que vous avez choisi, ou les groupes terroristes auxquels votre Arafat passe sous la table de l'argent pour acheter des bombes et nous massacrer ? Et donc toi aussi tu as tué les miens, toi aussi, ou ton père qui a voté pour cet Arafat et tous ceux qui le soutiennent. " s'écria Itzhak, le visage rouge-sang, essayant de repousser ses larmes.
Pendant de longues minutes, il y eut un grand silence dans la bibliothèque.
Itzhak résuma : " J'aurais souhaité qu'on nous ait pris notre maison, qu'on jette une bombe dessus, mais d'avoir toujours ma famille en vie ! Tu ne comprends pas ça ? "
Pierfranco et Elias étaient terriblement secoués : ils savaient qu'Itzhak vivait avec ses grands-parents, mais il n'avait jamais parlé de sa famille, et de la raison pour laquelle il vivait avec eux.
" Oui, les vôtres sont en train de tuer les nôtres et nous de vous tuer... C'est vraiment un bel endroit, là où nous sommes nés, et que m'importe qui a commencé et pourquoi ! On ne verra jamais, jamais la fin de tout ça, il y a trop de haine, trop de morts entre toi et moi, Elias. " ajouta Itzhak, encore tremblant d'émotion.
" Entre toi et moi, Itzhak, il y a seulement deux choses. Les terroristes Arabes et les envahisseurs israéliens qui vous oppriment, et chaque groupe rend plus fort et plus féroce l'autre groupe. Sans eux, peut-être que des gens comme toi et moi serions en mesure de vivre en paix. Après tout, Itzhak, ne pourrais-je être né dans une famille juive comme toi ou que tu sois le fils de Palestiniens comme moi ? Papa dit que la haine n'engendre que de la haine, et que les vrais héros sont ceux qui préfèrent être tués que de tuer. Je comprends que, peut-être, si j'étais à ta place, je n'aimerais pas les Palestiniens qui ont tué mes parents, toute ma famille, mais je ne haïrais pas tous les Palestiniens. Jamais je ne prendrais une bombe pour tuer n'importe quel Palestinien si j'étais à ta place, ou pour tuer tous les Juifs, parce que je suis un palestinien... Je ne sais pas si tu peux me croire, mais je suis tellement désolé de ce qui t'est arrivé par les mains de mon peuple. "
" Même si je te crois, mes proches ne peuvent pas revenir de leur tombe. " dit Itzhak en se tordant les mains. " Peut-être que ce n'est pas toi, et peut-être même pas ton père, mais pour moi, maintenant les Palestiniens ne sont que mes ennemis. Parce qu'ils veulent nous détruire tous, et effacer l'Etat d'Israël de la surface de la terre. "
" Je ne veux pas détruire Israël, je voudrais juste détruire leur occupation des territoires qui nous restent. " a déclaré Elias. " T'as raison, vous les Juifs avez peur quand vous allez au restaurant, à la discothèque, au supermarché ... La quasi-totalité d'entre nous Palestiniens n'avons même pas un restaurant, une discothèque, un supermarché où aller. Mais, tu vois, Hébron était une ville Arabe. Puis vinrent quatre cents Juifs israéliens et ils se sont installés dans le centre d'Hébron, une ville palestinienne, en virant les habitants arabes, en prenant leurs maisons ... Qu'est-ce que vous diriez, vous, si quatre cents Palestiniens arrivaient dans le centre de Tel Aviv, renvoyaient les Juifs qui y vivent, prenaient leurs maisons et contrôlaient toute la ville ? Vous laisseriez faire ou vous décideriez de prendre les armes pour défendre votre ville ? " demanda Elias presque dans un murmure.
" Hébron est la première ville des Juifs dans leur voyage vers la Terre Promise, où nous, les Juifs avons vécu sans interruption depuis l'époque d'Abraham, pendant des milliers d'années. " dit Itzhak en retrouvant progressivement le calme.
" Oui, bien sûr, je ne vois pas pourquoi les juifs ne devraient pas avoir le droit de vivre à Hébron. Mais sans en chasser les Arabes, et sans avoir tous les droits politiques et civils ; mais moi, en tant que chrétien arabe, et mon voisin à Bethléem, qui est un Arabe musulman, n'avons pas le droit d'aller librement à Jérusalem qui est une ville sacrée pour nous les chrétiens et pour les musulmans, et nous ne sommes pas libres, même dans notre maison, même sur notre terre. "
Pierfranco, après le moment d'intense émotion qui les avait secoués, a suggéré : " Pourquoi ne pas commencer à écrire sur une demi-page ce que vous venez de dire, les injustices que vous voyez, et puis vous échanger les papiers, et sur l'autre moitié chacun donne son point de vue sur le même problème ? Le professeur voulait que vous fassiez cela, non ? Pour nous les Italiens, cela peut être très utile de connaître les deux points de vue, par des jeunes qui le vivent directement, plutôt que par les journaux. Et vous devriez tout écrire, même comment ta famille a perdu deux fois sa maison, Elias, et la façon dont ta famille a été détruite par des terroristes, Itzhak. "
Les deux étudiants étrangers hochèrent la tête et commencèrent à écrire. Pierfranco poussa un soupir de soulagement : dès cet instant des portes avaient été ouvertes entre les deux garçons. Les trois se sont retrouvés à d'autres moments, ont confronté leurs écrits, ils ont précisé leurs pensées, même en acceptant certains suggestions de Pierfranco.
Quand il recopia proprement pour son devoir le fruit de leur confrontation, Itzhak a écrit : " Je ne voulais pas faire cette tâche, je me demandais, comment je pouvais rester assis à la même table que mon ennemi, comment je pouvais travailler avec lui. J'étais terriblement tendu. J'étais aussi en colère contre mes grands-parents car ils m'avaient dit que je devais le faire. Elias et moi nous sommes immédiatement affrontés. Mais nous avons appris à nous connaître, et maintenant je n'ai aucun problème avec lui. J'ai été capable d'ouvrir mon cœur. "
Elias, de son côté, a écrit : " Je n'avais jamais rencontré, ou connu vraiment un Juif israélien avant aujourd'hui, même si j'ai trouvé Itzhak dans ma classe, j'ai été assez énervé d'avoir un Israélien dans ma classe (qui, honnêtement, est également sa classe ! ) Normalement, les Arabes et les Juifs ne vont pas main dans la main, mais soit ils se tirent dessus, soit ils s'évitent. Mais maintenant, j'ai découvert qu'ils sont comme nous, ils ont la même humanité et les mêmes douleurs que nous, et que nous partageons de nombreuses valeurs. J'ai découvert que Itzhak et moi sommes beaucoup plus semblables que je le pensais. Merci, professeur Mastella. "
Ils ne devinrent pas amis tout de suite mais, pour commencer, ils demandèrent au professeur s'ils pouvaient changer de place pour s'asseoir à deux tables voisines comme un signe concret qu'ils voulaient la paix, qu'ils voulaient se réconcilier. Le professeur accepta très volontiers, et quand ils ont changé de place, la plupart des compagnons éclatèrent en applaudissements et hourras !
Ils ne sont pas devenus des amis du jour au lendemain, mais maintenant ils se parlaient. Et ils ne savaient pas qu'ils étaient fort semblables en réalité, et même plus que ce qu'Elias avait écrit dans sa conclusion.
Ce qui est curieux, c'est que les deux ont commencé à se regarder l'un l'autre, même sous un profil esthétique et sexuel et tous deux ont admis, dans le secret de leurs pensées, que l'autre était un garçon vraiment sympa, et qu'il aurait également été intéressant à essayer des choses avec l'autre, si par hasard il était gay lui aussi ...
Les grands-parents d'Itzhak, avaient des sentiments mêlés au sujet du changement qui s'était produit pour leur petit-fils. D'une part, ils ont compris que c'était une bonne chose que le garçon ait " normalisé " son attitude avec le copain palestinien, mais de l'autre ils ne pouvaient oublier et pardonner le meurtre de leurs proches à cause d'un terroriste palestinien. Rationnellement ils ont bien compris qu'on ne peut pas mettre tout et tous dans le même sac, de l'autre, instinctivement, ils ne pouvaient pas accepter la présence, l'amitié, avec des gens faisant partie d'un peuple qui était leur ennemi mortel.
Les parents d'Elias, au contraire, étaient satisfaits de l'évolution des choses. " Il y a de bons Israéliens et des mauvais, et des Palestiniens bons et mauvais. Si les hommes de bonne volonté des deux côtés s'unissaient, peut-être seraient-ils capables de ramener la paix dans notre pays. " dit le père d'Elias, un soir à dîner, à ses enfants.
Le plus heureux de tous était professeur Mastella : avant de devoir quitter ces gars-là, quand ils passeront à l'école supérieure, il avait réussi à débloquer la situation beaucoup mieux que ce qu'il avait espéré. Voir les deux étudiants étrangers se mêler aux autres et rire des mêmes choses, les voir même seulement se passer une gomme ou un morceau de papier, se dire salut quand ils entraient dans la salle de classe, ou au revoir en sortant, c'était une grande réussite. Il s'agissait aussi d'un bel exemple pour tous les autres étudiants. C'était le point culminant de sa belle carrière en tant que professeur.
Elias, pour les vacances et comme récompense pour avoir à nouveau gagné la bourse d'études, a obtenu la permission de sa famille pour aller à un camp d'été organisé par la paroisse. Les franciscains lui ont prêté un matelas pneumatique, un sac de couchage, des boîtes à lunch et un sac à dos. Pour la tente, les organisateurs lui ont dit de ne pas s'inquiéter, de nombreux participants vont camper avec une tente de deux personnes : ils lui trouveront une place dans la tente de l'un d'eux.
La joyeuse bande, vingt-six garçons (âgés de 14 à 17 ans) et cinq responsables adultes (20 - 40 ans), ont pris un car qui les conduisit dans les contreforts des Alpes, au site du camp. Ils ont d'abord installé les tentes.
Elias s'est demandé avec qui, parmi ses compagnons, les responsables avaient prévu de le mettre et il espérait avoir la chance que ce soit un chouette type et peut-être un mec gay comme lui : cas auquel ils pourraient aussi avoir du plaisir pendant la nuit ...
Il a eu de la chance à propos de la sympathie de son compagnon de tente, qui, par ailleurs, ayant participé à d'autres camps, était un expert et lui a expliqué beaucoup de choses intéressantes. Mais malheureusement, le gars a toujours parlé de " ses filles " (oui, au pluriel) et a également sorti quelques plaisanteries grossières sur les " pédés " ...
Il y avait aussi l'un des chefs, un jeune homme de vingt-quatre ans, qui semblait particulièrement s'intéresser à lui, mais Elias a attendu en vain qu'il fasse le premier pas, ainsi rien ne s'était passé et il rentra chez lui heureux pour les nombreuses et belles activités, mais avec les mains vides à l'égard de ses espoirs secrets.
Itzhak au contraire dut aller avec ses grands-parents, pour les vacances pendant quarante jours, dans une ferme dans les contreforts de la vallée, gérée par une coopérative de Juifs et dont les clients étaient en grande majorité de religion juive. Il ne pouvait pas dire qu'il s'ennuyait, la région était très belle et il put faire des longues promenades, aider les gestionnaires à soigner les animaux de la ferme ou aider à quelques petits travaux agricoles, il apprit à monter à cheval, et par les chaudes journées, il allait se baigner dans une rivière voisine.
Il y avait des enfants qui étaient trop petits pour lui, ou de jeunes couples mariés et des personnes âgées, mais personne de plus ou moins de son âge. Il eut l'impression que l'un des hôtes lui faisait la cour, mais il a tout fait pour le décourager : il ne l'aimait pas, il était trop vieux (il avait environ cinquante ans) et poilu aussi, en plus d'avoir une panse plus qu'évidente. Il était également trop " mielleux " ...
Il s'était résigné à se branler (il avait une chambre seule, heureusement, très petite, mais tranquille) en fantasmant qu'il pourrait être avec un de ses amis ou de ses camarades de classe. L'image d'Elias, qu'il avait vu nu quand ils allaient prendre une douche après les cours d'éducation physique, et dont le beau corps l'attirait beaucoup, s'insinuait souvent dans ses fantasmes érotiques ...
Mais le dixième jour du séjour à la ferme, un après-midi qu'il était allé faire l'une de ses longues promenades d'exploration tout seul, il fit une rencontre intéressante. Il s'était arrêté à l'ombre d'un chêne pour reprendre son souffle quand il vit arriver un garçon de plus ou moins son âge, habillé comme lui en jeans et t-shirt, mais il avait des jeans lavés à la pierre ponce et son T-shirt, au lieu d'être blanc, était rouge vif avec, au centre de la poitrine, dans un cercle avec les couleurs de l'arc-en-ciel en bandes horizontales, une colombe blanche.
Le garçon s'arrêta devant lui et avec un sourire demanda : " Fatigué ? "
" Un peu, je suis venu presque en courant. " dit Itzhak en souriant à son tour et en pensant que c'était un gars très sympa, attrayant.
" Tu sais quelle heure il est ? " demanda le garçon.
Itzhak avant de répondre regarda le poignet du garçon et vit qu'il n'avait pas de montre, mais un bracelet aux couleurs de l'arc-en-ciel.
" Il est trois heures quarante-sept. T'es un pacifiste avec cet arc-en-ciel... un peu partout ? "
" Oui, je suis pacifiste, mais c'est l'arc-en-ciel gay. L'arc-en-ciel de la fierté gay, comme on dit en Amérique. Je l'ai acheté à San Francisco ... " répondit l'autre, continuant à sourire.
Itzhak le regarda avec étonnement. Le garçon, en voyant son expression, lui demanda: " T'as des problèmes avec les gays, par hasard ? "
" Non ... pas du tout ... c'est que je ne m'y attendais pas que tu le dises haut et fort. "
" Et pourquoi pas ? Tu m'as demandé si je suis un pacifiste en raison de l'arc-en-ciel et je t'ai répondu. Où est le problème ? "
" Non, non, pas de problème ... C'est parce que je suis gay aussi. "
" Merde, c'est vraiment trop cool ! Je pensais justement que j'aimerais faire un tour avec quelqu'un comme toi ! Puis-je m'asseoir avec toi ? "
" Bien sûr ... "
Le garçon lui tendit la main : " Mon nom est Gip, qui signifie Gianpaolo. Et toi ? "
" Itzhak. "
" T'es pas italien ? "
" Pour moitié, et pour l'autre moitié je suis israélien. "
Cette fois, c'était Gip qui avait l'air surpris.
" Autrement dit, t'as des problèmes avec les Juifs, par hasard ? " demanda Itzhak.
Gip se mit à rire : " Non, non, pas du tout, mais tu n'as pas un visage de Juif. "
" Pourquoi, quel visage ont les Juifs ? "
" Mah ... le nez retroussé, par exemple. Comme les Sémites, non ? "
" Ah, mais physiquement nous sommes un peuple très mélangé, entre nous il y a des visages de toutes sortes. "
" Alors, tu es dans la vallée à la ferme, celle gérée par les Juifs. "
" Oui, je suis là en vacances avec mes grands-parents. Tu la connais ? "
" Nous la connaissons tous ici dans la vallée. "
" T'es d'ici, toi ? "
" Un enfant du pays. Mais maintenant je vis à Milan. Je reviens ici seulement pour les vacances. "
" Tu travailles ou étudies ? "
" Je travaille. Je suis ingénieur du son pour un groupe de rock, donc je voyage beaucoup. Et toi, que fais-tu ? "
" L'an prochain, je serai en première au lycée. "
" Wow ! Un génie, alors ! " dit Gip, puis il demanda : " Et ça te dirait, Itzhak, de faire un tour avec moi ? "
" Un tour, où ça ? "
" Non, c'est une façon de parler. Je voulais savoir si tu voulais baiser avec moi. J'aimerais ça. "
" Oui ... mais où ? Dans les buissons ? "
" Pourquoi pas ? On pourrait, oui, mais j'ai un meilleur endroit, une cabane abandonnée, presque en ruines, où vivaient autrefois mes grands-parents. Je sais comment y entrer... Elle est à quelques pas d'ici. On y va ? "
" Oui ... "
" T'es un top ou un bottom, ou les deux ? "
Cette fois-ci, Itzhak savait ce que l'autre voulait connaître : " Les deux. Et toi ? "
" Moi aussi. " Il se leva et marcha. " T'as un petit ami ? "
" Je n'en ai pas, et toi ? "
" J'en ai un, à Milan. Pour préciser, je suis son " petit " ami, car il a six ans de plus que moi. Je ne suis pas très fidèle, j'aime parfois varier le menu. Il le sait et ne s'en soucie pas. "
" Alors, vous n'êtes pas amoureux. " dit Itzhak.
" Non, même si nous sommes très bien ensemble. Si j'étais amoureux, jamais je ne lui ferais porter des cornes ! Non, nous sommes juste de bons amis. Mon homme est le batteur du groupe de rock, et c'est lui qui m'a fait avoir le travail. "
" Alors, ils sont tous gays ? "
" Non, seulement Luca, mon homme. Les autres ont tous une nana. Ils savent pour nous deux et c'est très bien. Lorsque nous sommes en tournée, nous prenons toujours une chambre ensemble, lui et moi. Parfois, les autres sont un peu jaloux, parce qu'ils ne peuvent amener leurs femmes que très rarement. Alors, ils trouvent des nanas parmi les fans et ils se consolent. Oh, et voilà, c'est la cabane de mes grands-parents. Viens. La clé est dans ce trou dans le mur, mais si quelqu'un y met sa main et ne sait pas où chercher, il ne peut pas la trouver. Attends une minute ... "
Gip introduisit dans le trou la moitié de son bras, il l'a bougé un peu et en a tiré une grande clef en fer. Ils firent le tour de la cabane et il fouilla dans la serrure d'une petite porte en bois massif, qu'il a rapidement ouverte avec un craquement bruyant. Ils sont allés à l'intérieur et Gip ferma la porte en la bloquant de l'intérieur. Ils étaient dans une pièce qui avait été autrefois une cuisine. Au fond il y avait un escalier en pierre qui menait au premier étage. Ils le montèrent, et se trouvèrent dans une pièce avec le toit ouvert, et passant par une porte sans battant ils entrèrent dans une salle presque intacte.
Dans cette pièce il y avait un vieux matelas posé sur le sol avec au-dessus une paire de couvertures de l'armée repliées. Gip s'assit sur la paillasse. " Nous y voilà. Déshabillons-nous et on peut baiser ici. "
" Tu amènes souvent quelqu'un ici ? "
" Quand je viens pour les vacances, si je peux trouver quelques amis avec qui s'amuser. Il y a deux mecs au pays, même si l'un est marié et a un fils. Il a dû se marier l'an dernier, même s'il n'avait que vingt-et-un ans, parce qu'il avait mis enceinte la fille d'un voisin. Tu sais, il est l'un de ceux qui aiment tremper leur biscuit dans le lait et dans le chocolat. " (N.D.T. se dit des bisexuels par métaphore).
" Et l'autre mec ? " demanda Itzhak comme il se déshabillait et admirait le corps de l'inattendu compagnon.
" L'autre ? Gay de la tête aux pieds comme moi. Mais il n'a pas eu la vie facile, il est difficile d'être gay dans une petite ville de moyenne montagne. Je lui dis toujours de descendre à Turin ou à Milan. Allez, viens ici, ... " dit-il en s'allongeant sur le matelas, mettant à côté de lui quelques pochettes de préservatifs, puis il tendit les bras dans un geste d'invitation. " Tu sais que je te trouve incroyablement sexy ? Dès que je t'ai vu, j'ai pensé que j'allais essayer avec toi. Et nu je t'aime tellement plus qu'avec tes vêtements. "
Itzhak rit, satisfait : " Toi aussi, t'as l'air beaucoup mieux nu ... Merde, quelle envie, ça fait un siècle que je ne l'ai pas fait... "
Gip l'attira à lui et leurs lèvres se rencontrèrent, chacun suça légèrement les lèvres de l'autre et ils jouèrent avec le bout de la langue, jusqu'à ce que Gip l'embrasse à fond, en lui caressant les fesses et le cou, et leurs membres se battaient en un duel espiègle.
Un doigt de Gip taquina le trou entre les fesses. Itzhak se leva un peu et le regarda en souriant, excité : " Est-ce que tu veux la mettre en premier ? "
" Mhmh ! " dit l'autre, " mais pas tout de suite. Avant, on va s'amuser un peu. T'es pas pressé, non ? Nous pouvons tranquillement en profiter ... "
" Oui, bien sûr. "
Ils s'embrassèrent encore, et roulèrent sur le matelas jusqu'à ce que Gip soit sur lui.
" Tu veux pas faire un beau 69 avant de passer à des choses plus sérieuses ? " , demanda Gip.
" Oui, bien sûr. Tu en as eu beaucoup, des gars ? "
" Eh bien, oui ... J'ai commencé quand j'avais douze ans ... et toi ? "
" Un peu. Je n'ai commencé qu'il y a deux ans. Mais à douze ans, tu giclais déjà ? "
" Oui. La première fois que je l'ai fait c'est avec le mec que je t'ai dit qui a dû se marier. Il avait quatorze ans. Il m'a appris à baiser. "
Ils firent l'amour lentement, assez longtemps, jusqu'à ce que les deux aient été satisfaits. Et après ils restèrent enlacés à s'embrasser et bavarder. Itzhak aimait cette intimité après avoir atteint l'orgasme. Gip était beau, avait un esprit vif et un sourire contagieux.
Après cette première fois ils se rencontrèrent assez souvent. Gip parfois allait l'appeler à la ferme.
La grand-mère a demandé à Itzhak : " Comment as-tu connu ce type ? "
" Pendant une promenade. On s'est rencontrés et on a commencé à parler. Il est sympa ... "
" C'est un touriste ? "
" Non, il est d'ici, grand-mère, mais il est en vacances, car il travaille à Milan. Mais sa famille vit toujours en bas au pays. Il est ingénieur du son. "
" Qu'est-ce qu'un ingénieur du son ? Ceux qui font du bruit dans les théâtres pour imiter la tempête, ou ... "
" Non, ça c'est un bruiteur. L'ingénieur du son est celui qui contrôle les micros pour avoir un bon son, quand on fait de la musique. "
" Il vit seul à Milan ? Si jeune ? Quel âge a-t-il ? "
" Dix-huit ans. Il est déjà majeur. "
" Eh bien, à mon avis c'est une erreur de vous faire majeurs dès vos dix-huit ans. Nous, nous le devenions à vingt-et-un. "
" Grand-mère, les temps changent. Les enfants d'aujourd'hui sont matures plus tôt ... "
" Juste parce que vous avez un portable ? Ou le permis de conduire ? Ou encore parce que vous regardez la télévision ? Toi, cependant, à dix-huit ans, tu devras choisir entre être un citoyen israélien ou italien. As-tu déjà pensé à ça ? "
" Je crois que je vais choisir d'être italien, comme l'était Papa, comme vous l'êtes, quoi. Maintenant, ma vie est ici, non ? Je fais mes études ici, et j'y ai des amis. Et si je dois faire mon service militaire, je préfère le faire ici en Italie, pas en Israël. "
" Oh, voilà ton ami ingénieur du son. Pourquoi ne l'invites-tu pas à l'occasion pour le déjeuner ou le dîner ? Je n'ai qu'à prévenir Rachel à temps que nous avons un invité ... "
" Merci, grand-mère, je vais lui demander. Salut, Gip. Allons-nous nous promener ? " demanda Itzhak gaiement.
" Vous permettez, madame, que j'enlève votre petit-fils ? " demanda Gip à sa grand-mère.
" Oui, il est toujours si heureux de vous voir. Mais attention de ne pas faire des choses dangereuses. "
" Bien sûr, nous sommes toujours prudents, madame, nous prenons toutes les précautions nécessaires lorsque nous faisons un tour ensemble ! "
Itzhak comprit le double sens de sa phrase et eut un petit rire. Gip le regarda sans sourciller : " Tu sais toi-même que j'ai toujours pris les précautions nécessaires pour éviter des risques, et que je veux que toi aussi tu les prennes. "
" Oui, oui. C'est vrai. Allons ... "
Dès qu'ils furent seuls, Gip rit lui aussi : " Qu'est-ce que ta grand-mère dirait si elle savait que les précautions, nous, on les glisse sur nos bites ? "
" Je pense qu'elle aurait une crise cardiaque. Les gens ne pensent certainement pas que leur fils, leur petit-fils, le fils d'un ami, un camarade de classe... ou un ami rencontré par hasard dans les bois puisse être un mec gay. "
" Si mon père savait jamais que je suis gay, je suis sûr qu'il me chasserait à coups de pied dans le cul et à coups de sangle jusqu'en Sicile. Moi, pour qu'il ne se doute de rien, je lui ai dit qu'à Milan j'avais une petite amie. Je lui ai même montré la photo ... "
" La photo de qui ? "
" D'une fan dix-huit ans qui l'avait envoyée à mon homme, et derrière elle a écrit : Je t'aime à la folie. Luca voulait la jeter, mais je l'ai prise et je l'ai mise dans mon portefeuille ! "
" Pour la montrer à ton père ? "
" Non, juste pour m'amuser ... mais ça tombait bien. Ce n'est qu'un subterfuge pour mes parents. Je lui ai donné le nom de Gaia. " dit-il en riant : " C'est en effet Gay du type A ! "
" Ma grand-mère m'a dit de t'inviter à un déjeuner ou un dîner un de ces jours. "
" Eh bien, pourquoi pas ? Après tout, si je viens au lit avec toi, je peux aussi venir à ta table, non ? Mais si je viens à la table et qu'ils voient une tache sur ma braguette, peut-être que tes grands-parents en seraient choqués ! " conclut-il dans un éclat de rire.
" Idiot ! Est-il possible que tu ne puisses jamais être sérieux ? " demanda en riant Itzhak.
" Comment puis-je être sérieux si je suis gay ? Tu ne sais pas que gay veut dire heureux ? Gay et heureux, c'est ce que je suis. Mais dis-moi, et tes parents ? Ils travaillent, ne prennent pas des vacances ? "
" Mes parents ... un terroriste suicide, un Arabe, les a tués ... avec mon petit frère et ma petite sœur. "
Gip s'arrêta : " Oh merde, je suis désolé, je n'ai pas ... Mon Dieu, je ne savais pas ... Je suis désolé, Itzhak " .
" Ce n'est pas de ta faute ... " dit Itzhak avec un sourire triste.
" Mon Dieu ... quelle horreur. On l'entend à la télé, et on ne pense pas que... Mon Dieu, je suis vraiment désolé, Itzhak " .
" Je te remercie. Ces choses-là, on peut pas les oublier, même près de huit ans après. J'ai été sauvé parce que j'étais à l'école. Je détestais les Arabes, les Palestiniens ... "
" Oh, merde, je te comprends ! "
" Maintenant, je ne déteste plus les Palestiniens, mais rien que les terroristes palestiniens, ce qui n'est pas la même chose. J'ai un camarade de classe palestinien ... "
" Et tu ne lui as pas cassé la figure ? "
" Non, il n'avait rien à voir avec ça. Les Nazis ont tué des millions de Juifs, mais je n'ai pas de haine contre tous les Allemands. Il m'a fallu un certain temps pour le comprendre ... "
" Itzhak ... je ... après que tu m'as dit ... Je ne sais pas si, aujourd'hui ... Je me sens mal pour aller dans la cabane. C'est pas mieux si nous ne faisons que nous promener aujourd'hui ? "
" Comme tu veux, Gip .... J'ai dû apprendre à vivre avec ce qui m'est arrivé. Et puis, tu sais, j'ai réalisé quelque chose d'autre : que la haine ne fait que me blesser, donc c'est une mauvaise chose. J'apprends à ne pas haïr. Même si ce n'est pas toujours facile. "
" Tu es un juste, comme on dit à Milan, Itzhak. Je t'aimais bien, avant, mais maintenant, je t'admire. Tu es grand, Itzhak ! " dit-il, en le serrant très fort entre ses bras.