Profitant du fait que Paolo et Gino faisaient faire le " grand tour " aux deux garçons, Antonio et Arnaldo, tandis qu'ils faisaient la vaisselle avec l'aide de Stefano, avait parlé ensemble des deux garçons. Quand Elias et Itzhak, revenus à la salle s'assirent avec eux, et leur faisaient leurs compliments pour l'appartement, Arnaldo demanda. " Paolo vous a aussi montré les deux chambres d'hôtes, pas vrai ? "
" Oui, très belles aussi, surtout celle avec le papier peint à fines rayures bleu clair et gris, pas vrai, Elie ? "
" Oui, et de la fenêtre on peut avoir un aperçu du château. Et le mobilier ... Et les meubles... est-ce qu'ils sont dessinés par Alvar Aalto par hasard ? " demanda le garçon.
" Oui : bouleau naturel superposés et courbé. Portes laquées. L'autre chambre, cependant, est meublée avec du mobilier créé par Tobia Scarpa. Alors, vous aimez plus celle d'Aalto ... "
" Celle par Scarpa aussi est belle ... " dit Itzhak, " et elle est joyeuse. Mais celle par Aalto me semble plus ... essentielle, avec des lignes plus pures. Même si je ne suis pas un expert. "
" Très bien. Que diriez-vous alors, " dit le professeur Antonio Mastella avec un sourire, " de venir occuper cette pièce, et de poursuivre vos études sans avoir à chercher un emploi ? Arnaldo et moi, nous serions heureux de vous donner un coup de main, de vous payer les études, et aussi d'avoir deux neveux de plus. "
Elias et Itzhak les regardèrent avec étonnement, se regardèrent, puis les regardèrent encore, et Itzhak, ému, dit : " Nous ... professeur ... c'est trop, vous êtes trop gentils ... C'est juste trop ... "
" Mais non que ce n'est pas trop. L'argent ne nous manque pas, et je sais qu'il serait bien dépensé à vous faire étudier. Arnaldo et moi en avons discuté, nous sommes en mesure de vous donner aussi une mensualité pour vos frais : vêtements, disco ... est-ce que je sais, quelques petits voyages pendant les vacances, ce que vous voulez, de sorte que vous soyez financièrement indépendant. Ce ne serait vraiment pas un fardeau pour nous, absolument pas. Et de plus, avoir un peu de compagnie nous remboursera abondamment de ce que nous pouvons faire pour vous. Permettez-nous de devenir... votre famille. "
Arnaldo aussi insista : " Nous deux on gagne plus d'argent que nous pouvons dépenser. Je sais que ce sera un bon investissement l'utiliser afin que nous puissions vous donner un coup de main pour que vous obteniez vos diplômes triennaux, alors si vous voulez encore poursuivre deux ans au-delà, jusqu'à ce que vous soyez financièrement indépendants. Si vous êtes d'accord, mes garçons, nous deux vous en serions très reconnaissants. "
" Reconnaissants ? Vous à nous ? " demanda Elias. " Mais comment pouvons-nous jamais rembourser une telle générosité ? "
" En étudiant et en obtenant de bonnes notes, comme je sais que vous avez fait jusqu'à présent. Et ensuite réussir dans la vie et nous faire sentir fiers d'avoir contribué à vous aider à atteindre ce que vous êtes capables de faire et ce que vous voulez obtenir de la vie. " dit Arnaldo.
" Vous savez, mes chers garçons, " dit Antonio, " quand j'étais votre professeur, même si j'ai essayé de ne jamais faire des préférences, j'ai toujours eu un faible pour vous deux. Et quand vous êtes passés à la deuxième, je vous ai suivi pendant quelques années, dans vos études au lycée, jusqu'à ma retraite. Et de plus, si vous voulez bien, après tout c'est aussi un peu mon mérite : j'ai fait de mon mieux pour vous rapprocher, non ? Je vous avais perdu de vue, mais la vie voulait que nous nous retrouvions, et à un moment si difficile pour vous. Selon moi, ce n'est pas une coïncidence. Appelez ça destin, appelez-le bon Dieu, providence, ce que vous voulez, mais... Acceptez notre offre, s'il vous plaît. "
Les deux garçons étaient émus. Stefano, Paolo et Gino les poussèrent à accepter. Ainsi, au cours de la semaine suivante, ils ont quitté leurs maisons et se sont installés chez Arnaldo et Antonio. Aussi bien les grands-parents d'Itzhak, que les parents d'Elias ne s'y sont pas du tout opposés : ils ont simplement pris note de la décision des garçons.
Seulement Barnabas, après qu'Elias soit parti avec ses affaires, dit à sa famille : " Êtes-vous heureux, maintenant que vous l'avez mis en condition de quitter la famille ? Quelle belle famille, la nôtre ! Eh bien, je ne vais pas vous déranger plus longtemps, dès que je trouve un trou dans lequel vivre, moi aussi je m'en vais. Si vous n'avez pas été en mesure d'accepter Elias, je me demande dans quelle mesure vous m'acceptez vraiment moi aussi. Il suffira que vous trouviez quelque chose en moi que vous n'appréciez pas, et je serai rejeté par toute la famille. "
Le père et la mère n'avaient pas répondu quoi que ce soit. Franciscus par contre avait répondu : " Qu'est que ça, t'es gay toi aussi, par hasard ? "
" Non, je suis désolé pour toi, Franciscus. Je suis né hétérosexuel, mais par pur hasard, pas grâce à moi, ni à toi, ou à notre père, ou à notre mère ni à nos sœurs. Il semble que la seule chose importante dans cette famille soit avec qui on va au lit : la seule valeur, la seule chose qui compte. Que Elias soit bon, le plus intelligent entre nous tous, honnête, gentil, toujours prêt à donner un coup de main à tous en dépit d'être le plus jeune, ce ne sont que des ordures, pour vous. Ça me fait rire et pleurer en même temps la farce que Dieu vous a faite, juste à vous qui croyez être la famille modèle, parfaite. Oh, vous êtes tous de bons chrétiens, hein ? Merci beaucoup, mais vous êtes trop parfaits à mon goût. Je vous sens étriqués, comme une paire de pantalons en coton bon marché ! "
Après quelques semaines, Barnabas aussi quitta la famille pour aller vivre seul.
Arnaldo avait fait deux doubles des clés de la maison, qu'il donna aux garçons quand ils sont arrivés avec leurs effets, " Voilà, tenez, afin que vous puissiez aller et venir librement, quand vous voulez. La seule chose que je demande, c'est de savoir quand vous n'êtes pas là pour le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner, pour me régler quand je cuisine. Ou appelez-nous au dernier moment, si vous décidez de manger à l'extérieur, de sorte que nous ne vous attendions pas. Sinon, n'hésitez pas à vous sentir complètement libres, c'est chez vous, ici. "
" Et n'ayez pas peur de faire du bruit dans votre chambre : ici les murs sont très épais, on n'entend rien, à moins que vous tiriez avec un bazooka ! " ajouta Antonio.
" Professeur, nous avons ... " commença à dire Elias.
" Arrêtez, les gars. Vous êtes désormais devenus partie de la famille, alors malheur à vous si vous ne nous tutoyez pas. " dit Antonio.
" Antonio, Arnaldo, vous êtes deux oncles merveilleux. " s'écria Elias.
" Pourvu que vous ne me donniez pas de la vieille tante. " rit Arnaldo. " Je suis d'accord que, j'aurai bientôt 66 ans, mais ... il est vrai aussi que j'aime beaucoup cuisiner, mais je ne me sens pas vieux, ou une tante. Oncle oui, et je tiens à avoir deux neveux beaux et aussi intelligents que vous. "
" Stefano nous a dit que vous êtes ensemble depuis quarante ans... Pourriez-vous nous dire comment vous vous êtes rencontrés, comment vous êtes mis ensemble ? " demanda Itzhak.
Un peu Antonio, un peu Arnaldo, en alternant, ont raconté leur histoire aux deux garçons.
Ils s'étaient rencontrés en 1964, lorsque Arnaldo avait vingt-cinq ans et Antonio vingt. Les deux savaient depuis longtemps être gay et ils s'étaient acceptés comme tels, même si, en particulier pour Arnaldo, l'acceptation de sa sexualité avait été longue et difficile. En ces temps-là il n'y avait pas des organisations gays ou des établissements, ou des magazines pour les homosexuels, et tout devait être fait en secret. Les lieux de rencontres n'étaient que les parcs la nuit, qui étaient parfois dangereux, ou les toilettes publiques, qui étaient toujours mornes.
La seule exception était certains " bons tours " , à savoir des groupes d'homosexuels, des personnes habituellement riches qui s'étaient peu à peu découvertes et qui se rencontraient dans la maison d'un ou d'un autre pour bavarder, danser, s'amuser. Entrer dans ces cercles secrets, cependant, était loin d'être facile, le plus souvent on venait à en faire partie par cooptation.
Le père d'Arnaldo avait une pharmacie dans le centre ville et Arnaldo, s'était récemment diplômé en pharmacie, et travaillait là-bas. Un jour, Antonio était entré dans la pharmacie pour acheter quelque chose. Ils s'étaient vus, leurs yeux s'étaient rencontrés, ce fut un déclic et les deux s'étaient tout de suite sentis fortement attiré par l'autre. C'était le classique coup de foudre.
Donc, Antonio avait commencé à revenir à la pharmacie, plus ou moins tous les deux jours, une fois pour acheter des patchs, une autre un bon dentifrice, l'autre une boîte d'aspirine, puis une bouteille d'alcool désinfectant... et ainsi de suite, et à chaque fois il dévorait Arnaldo des yeux, Arnaldo aussi se sentait de plus en plus attiré par Antonio. Ils n'avaient échangé que des phrases de circonstance, se vouvoyaient : bonjour, la commande, le coût, merci, au revoir... c'était tout.
Cela a duré pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce que Arnaldo soit presque certain de la raison de toutes ces visites avec l'excuse d'acheter à chaque fois quelque chose, tout compte fait pas essentielle.
Un jour, alors qu'Arnaldo allait quitter la pharmacie pour prendre une pause et prendre un café dans le bar à côté, il vit arriver Antonio. Il l'attendit et quand il se fut approché, il dit, en le tutoyant pour la première fois directement : " T'es l'un de nos clients les plus fidèles... Je vais prendre un café, je peux t'en offrir un aussi ? "
Antonio accepta. Ils se sont assis à une petite table, puis Arnaldo dit : " Je parie que tu es en train d'organiser, chez toi, une filiale de la pharmacie de mon père... " et Antonio rougit. Cela a confirmé à Arnaldo qu'il avait deviné juste, la raison des trop fréquents petits achats de l'autre. Puis il demanda : " Tu vis seul ou tu es dans ta famille ? "
" Non, ma famille est à Ivrea, j'étudie ici à l'université, donc j'ai loué un loft dans la Via Principe Amedeo. "
" Avec un autre étudiant ? "
" Non, seul. C'est petit... "
" Et c'est pleine de médicaments, je parie. " dit Arnaldo avec un sourire. Puis il dit : " Ce soir, après que mon père ferme la pharmacie, si t'es d'accord j'achète deux pizzas et deux bières et je viens les manger avec toi dans ton loft ? J'aimerais mieux te connaître. "
Antonio rougit de nouveau, mais dit oui et lui écrivit l'adresse sur une serviette en papier. Ils se donnèrent rendez-vous à huit heures. Arnaldo arriva avec deux pizzas, mais ils les mangèrent beaucoup plus tard et froides, parce que, après les avoir posées sur la table, il prit Antonio dans ses bras et l'embrassa... et bientôt ils furent sur le lit de l'étudiant à faire l'amour.
Au début, il n'y avait que de l'agréable sexe entre les deux, qui dès l'adolescence avaient déjà eu plusieurs expériences gays, mais Arnaldo allait de plus en plus souvent dans le loft d'Antonio, et parfois il y passait toute la nuit. Ainsi ils se connurent mieux et peu à peu ils tombèrent amoureux l'un de l'autre.
Pendant ce temps, Antonio avait obtenu son diplôme en littérature et commençait à recevoir les premières suppléances d'enseignement dans des lycées. Arnaldo avait ouvert une nouvelle pharmacie dans la banlieue, qu'il gérait par lui même, tandis que son père restait à gérer la vieille et glorieuse pharmacie familiale, qui datait de l'époque de l'arrière grand-père.
Les deux décidèrent qu'ils voulaient vivre ensemble et donc cherchèrent un appartement. Le père d'Arnaldo imagina probablement ce qui se passait entre les deux, mais il n'a jamais rien dit. Quand il lui arrivait de parler d'Antonio le père d'Arnaldo l'appelait " ton colocataire " ...
Puis Antonio avaient obtenu des contrats permanents et avait également commencé à publier ses livres, donc avec une remarquable bonification de ses revenus et, plus tard, quand enfin il avait été reçu aux concours pour la chaire, il devint professeur titulaire.
Arnaldo avait ouvert une troisième pharmacie, il gagnait beaucoup d'argent et donc ils décidèrent de chercher un appartement plus grand. Après beaucoup de recherche, ils avaient trouvé et décidé d'acheter celui dans lequel ils vivaient encore : il était en très mauvais état, composé de trois grandes salles, dont deux étaient presque en ruines, et seule celle qui était à présent la salle de séjour était dans un état décent, habitable.
Ils l'avaient payé très peu cher, d'autant plus qu'il était en plein centre ville, en raison des conditions épouvantables dans lesquelles celui-ci avait été réduit. Dans ces années-là, tout le centre-ville était tellement dégradé que personne ne voulait aller y vivre, de sorte que les prix étaient très bas, contrairement à maintenant, car depuis on a fait de grands travaux de restauration et la valeur des appartements est devenu très, très élevée.
Dans un premier temps ils ont vécu là-bas, dans le salon, auquel ils ne refirent que la porte et les fenêtres. Un peu à la fois, dès qu'ils avaient assez d'argent (parce qu'aucun d'eux n'aimait à emprunter), ils ont commencé à restructurer les autres parties, en faisant deux étages dans la grande salle à gauche, c'était autrefois un entrepôt qui avait un plafond haut de six mètres, et ils avaient construit la terrasse au-dessus de la cuisine en en baissant le plafond.
Ils avaient trouvé, pour l'entrée, chez un antiquaire, le bel escalier en bois de 1700, qui venait d'un couvent démoli et finalement ils ont pu restaurer le salon et ses fresques murales, puis petit à petit ils ont acheté différents meubles chez les antiquaires de la Via Maria Vittoria, quand ils en trouvaient un qui leur convenait.
Puis, quand la sœur cadette de Arnaldo et son mari avaient découvert que Stefano, leur plus jeune fils, qui avait alors dix-huit ans, était gay, et que la tragédie grecque avait éclaté dans la famille, Arnaldo et Antonio avaient pris le garçon chez eux. Après avoir fait son service militaire, il leur avait demandé s'il pouvait ramener Paolo à la maison...
" Et vous savez le reste de l'histoire, je pense. " conclut Arnaldo.
" Et pendant quarante ans... vous ne vous êtes jamais disputés ? Est-ce que tout va bien, toujours ? " demanda Itzhak.
" Pas de vraie bagarre, jamais. Nous avons eu quelques discussions, quelques moments de tension, nous avons dû apprendre à nous adapter l'un à l'autre. Mais, voyez-vous, mes garçons, si on s'aime vraiment, on essaye de comprendre les raisons de l'autre plutôt que de lui faire accepter nos raisons. Ce n'est pas comme ça, Arnaldo ? " dit Antonio.
" Oui, bien sûr. Quand nous réalisons qu'il y a un problème entre nous, au lieu de nous demander : Que diable a fait l'autre ? on se pose la question : qu'est-ce que j'ai fait pour créer ce problème ? Ensuite, nous demandons de l'aide à l'autre pour comprendre et le résoudre. Et ça a toujours fonctionné. Antonio et moi, avons pu construire notre vie ensemble, en harmonie, brique par brique, parfois avec difficulté. Et nous continuons à la construire jour après jour. "
" J'aimerais bien, si dans quarante ans, Elias et moi on pouvait dire la même chose à quelqu'un. "
" Vous n'avez jamais désiré faire l'amour à un autre, pendant toutes ces années ? " leur a demandé Itzhak.
" Non, pas vraiment. C'est pas vrai, Arnaldo ? C'est à dire, laissez-moi vous expliquer mieux : parfois il nous arrive de penser que quelqu'un est particulièrement attrayant, c'est naturel, et même d'être excité à cause de la proximité ou en regardant un beau mec. Après tout nous avons des yeux, et nous sommes faits de chair et de sang. Mais on ne s'est jamais mis dans une position d'avoir à se contrôler ou de céder au désir. Ce n'est pas tellement un sens abstrait du devoir, mais par respect pour l'autre, comme pour nous-mêmes. "
" Dans un sens, rappelant qu'aucune comparaison n'est jamais parfaite, est un peu comme quand on s'est rendu compte qu'il y a le sida. Vous n'êtes pas complètement inconscients, vous ne vous engagez pas à avoir des relations sexuelles avec un autre sans une véritable protection, pour ne pas prendre le risque d'infection, non ? De même, quand vous êtes vraiment amoureux, vous n'acceptez pas d'avoir une relation avec un autre, pour éviter le risque de compromettre votre relation et tomber amoureux d'un autre. " Arnaldo dit. " Je ne sais pas si j'ai été en mesure d'expliquer clairement... "
" Je ne l'avais jamais vu de cette façon, mais je pense que c'est une comparaison efficace. Qui dit : je ne serai pas si malchanceux d'attraper le SIDA, si pour une seule fois je n'utilise pas un préservatif, peut vraiment être infecté. Alors, qui dit : pas de risque de ruiner ma relation avec mon partenaire juste pour mettre une corne, pourrait vraiment la gâcher. " dit Itzhak.
" Exactement. " Les deux hommes hochèrent la tête.
" D'ailleurs, vous le voyez, chaque être humain a tendance à présenter aux autres le meilleur de lui-même, et cacher ses défauts. C'est naturel, c'est humain, et c'est aussi facile si vous ne voyez l'autre que de temps en temps. Mais quand vous vivez ensemble, ça devient impossible; les côtés moins agréables du caractère, de la personnalité et des petites habitudes quotidiennes viennent à la lumière. " dit Antonio. " Ensuite, il est facile de voir dans un autre, que vous ne voyez que de temps en temps, une personne plus agréable, un partenaire qui serait juste parfait... et être tenté de quitter son compagnon pour être avec quelqu'un qui a l'air mieux... "
" Et puis se rendre compte, " poursuivit Arnaldo, " que oui, peut-être le nouveau compagnon est meilleur pour quelque chose, mais il est pire pour d'autres; que aussi le nouveau partenaire a ses défauts, si ce n'est même pas pire. Et ça exigerait un nouvel effort d'adaptation à moins de changer d'un partenaire après l'autre. "
" Aucun de nous n'est parfait. La meilleure chose est donc de ne pas courir après des chimères et de rester avec son partenaire, s'il y a l'amour, et l'accepter avec tous ses défauts et essayer de s'adapter l'un à l'autre, et de construire un quelque chose de stable ensemble. " conclut Antonio.
Quand ils passèrent la première nuit dans leur nouvelle maison, et après s'être dénudés et enlacés sur le lit, se caressant et s'embrassant tendrement, en construisant lentement le plaisir mutuel, à un moment donné Itzhak dit : " Nous avons eu beaucoup de chance, pas vrai, mon amour, de retrouver Antonio et de faire connaissance avec Arnaldo. "
" Oui, mais la réelle, vraie chance pour moi, avant, a été de te rencontrer. "
" Quand nous nous sommes rencontrés, nous étions deux fois étrangers, en tant qu'étrangers en Italie, et étrangers car on est Palestinien l'un et Israélien l'autre. Et avec quel soin nous nous sommes évités l'un l'autre... tu te souviens ? Mais maintenant, nous sommes tous les deux citoyens italiens, nous sommes unis par l'amour. C'est pas cool ça ? "
Elias dit : " Et même si nous avons dû laisser nos familles, nous en avons trouvé une qui nous accepte, nous soutient et nous aime. "
" Elias, à ton avis, Antonio et Arnaldo font encore l'amour ? "
" Je pense que oui, ils ne sont pas si vieux. Cependant, il est clair qu'ils s'aiment vraiment, et ça c'est la chose la plus importante. "
" Alors... " dit Itzhak avec un sourire malicieux, " pour toi c'est assez que je t'aime, même si nous ne faisons pas à l'amour ? "
Elias grimpa sur lui et le serra dans ses bras et ses jambes, " Hé, jeune homme, pas de trucs ! Ne savez-vous que je suis pas du genre à se contenter de mots, je veux des actes ! Vous feriez mieux, maintenant, de vous mettre au boulot, ou dans le cas contraire... "
" Dans le cas contraire ? Que veux-tu, divorcer ? "
" Non, sinon je me mettrai au boulot et alors je veux voir... Ne sais-tu pas, Itzhak, que je suis irrésistibles, moi ? "
" Oui, je sais ... " murmura en le caressant plus intimement.
Il l'attira vers lui, leurs langues jouèrent à cache-cache, et Itzhak peu de temps après s'offrit à son amant, qui accepta l'offre avec un plaisir reconnaissant, appréciant le large sourire qui fleurissait sur le visage de son beau garçon, pendant qu'il plongeait en lui.
" Tu es vraiment irrésistible, mon bien-aimé ! " murmura Itzhak heureux, tandis que l'autre commençait à bouger en lui.
" Mon dieu, que je t'aime, Itzhak ! " murmura Elias se sentant incroyablement ému.
Ils ont échangé les rôles, ils ont fait l'amour pendant une longue période, avec une calme urgence, avec une vigoureuse douceur, jouissant de l'autre, se donnant à l'autre, vainqueurs et vaincus dans le même temps, savourant le mystère de l'amour que seulement leurs corps savaient exprimer au delà de ce que les mots peuvent le faire.
Ils connurent Vadim, le garçon roumain qui venait faire le nettoyage dans la maison. Un peu à la fois, grâce à celui-ci et à leurs " oncles " , ils arrivèrent à connaître son histoire et ce que Arnaldo et Antonio avaient fait pour Vadim.
Vadim Ducaru est devenu orphelin quand il avait douze ans et avait été ramené à la maison par un oncle au second degré, le cousin de sa mère, qui avait un autre fils de deux ans de plus que lui. Grâce à ce cousin, Vadim compris qu'il était gay : il avait quatorze ans et l'autre seize, chaque fois qu'ils étaient seuls à la maison, ils faisaient l'amour en secret. En Roumanie, l'homosexualité était illégale et sévèrement punie.
Vadim, tout petit déjà, avait été un bon joueur de water-polo, et il était devenu membre de l'équipe nationale roumaine de water-polo. Quand il eut dix-huit, il avait découvert que l'un de ses co-équipiers, Corneliu était gay comme lui et les deux garçons étaient tombé amoureux. Ils ont pu vivre leur histoire d'amour pendant trois ans, en secret, quoique à travers de nombreuses difficultés.
En 2002, ils étaient venus en Italie pour un match amical avec l'équipe nationale italienne. Ils avaient décidé de ne pas retourner en Roumanie avec l'équipe, mais de rester en Italie. Mais le jour du départ, quand il s'agit de disparaître et se cacher, Corneliu sentit qu'il ne pouvait pas saisir cette chance et il était rentré avec l'équipe, en quittant ainsi Vadim.
Ce dernier resta en Italie, déçu, presque sans argent en poche, mais décidé de ne pas rentrer en Roumanie. Il avait vingt et un ans. En auto-stop, il avait réussi à quitter Rome, voyageant vers le nord. L'une des étapes avait été avec un homme qui parlait un peu de roumain, car il se rendait souvent en Roumanie pour son travail. L'homme réalisa que Vadim était un immigrant illégal. Il l'avait accueilli chez lui à Florence, et dès la première nuit, il avait encaissé ses créances, en lui disant de se laisser baiser ou sinon il le dénoncerait à la police.
Vadim s'était rendu : il ne voulait pas être renvoyé en Roumanie, et après tout, l'homme lui donnait un abri et de la nourriture, et avoir des rapports sexuels avec lui, après tout ce n'était qu'un acte physique. Mais alors, l'homme commença à ramener chez lui ses " amis " , par lesquels il devait également se laisser baiser, jusqu'au jour où il a découvert que, en réalité, le gars se faisait payer par les hommes pour les laisser utiliser le garçon.
Donc, il s'était enfui de cette maison : s'il devait se laisser baiser par des inconnus, qu'ils le payent lui, mais pas que le " bon Samaritain " y gagne ! Alors il entra dans la prostitution masculine. Il changea da ville en allant plus loin au nord et commença à battre le pavé, allant vivre avec d'autres garçons qui se prostituaient, des immigrés irréguliers comme lui.
Il mena cette vie pendant deux ans, jusqu'à ce qu'un soir, il rencontre Stefano qui l'a amené à sa maison. Stefano était différent des autres clients. Ils se sont rencontrés à quelques reprises. En plus de baiser les deux ont parlé et Stefano, quand il a entendu l'histoire Vadim, en a eu pitié. Alors un jour, il s'est entretenu avec son oncle et lui a demandé s'il pouvait aider le garçon. Arnaldo et Antonio, qui avaient un aide domestique Philippin dont ils n'étaient pas du tout contents, et qu'ils avaient déjà décidé de renvoyer, ont voulu rencontrer Vadim et en ont eu une très bonne impression. Donc en l'embauchant, ils lui firent obtenir un permis de séjour.
Après un an et demi de travail pour les oncles, et vivant chez eux, un jour Vadim avait rencontré au supermarché, où il s'était rendu pour les fournitures pour la maison, un garçon de trois ans de plus que lui, qui était garçon dans un restaurant. Ils s'étaient regardé d'une façon plutôt éloquente, et avaient fait un peu de conversation. L'autre l'avait invité chez lui et ils avaient fait l'amour. Ils se plaisaient, ils se rencontrèrent de plus en plus souvent, et devinrent amants, de sorte que Vadim, tout en continuant à travailler pour ses oncles, était allé vivre avec Tony, le garçon.
Vadim était un beau garçon, doux, joyeux, discret. Il était très dévoué, s'il avait bavardé dix minutes avec les garçons il arrêtait de travailler dix minutes plus tard. Il arrivait à la maison, au travail, le matin, vers dix heures, et restait jusqu'à seize heures, tous les jours sauf le dimanche.
Itzhak et Elias avaient continué à fréquenter le collège, et passaient les examens avec des très bonnes notes, et quand ils ont dû soumettre la thèse de leur baccalauréat, ils ont demandé et ils ont obtenu de la faire ensemble, en faisant une comparaison entre la poésie homoérotique des auteurs arabes et juifs du moyen-âge avec celle des anciens Grecs.
Puis ils se sont inscrits au diplôme d'études supérieures de deux ans.
Tous deux auraient aimé devenir chercheurs à la faculté, mais cela n'aurait pas assuré qu'ils gagnent assez pour subvenir à leurs besoins, ils auraient eu des emplois précaires et sous-payés pendant de nombreuses années. Ils pensèrent que ce serait mieux de trouver un emploi, peut-être moins gratifiant, mais en toute sécurité, tels que l'enseignement, ou travailler pour une maison d'édition, ou autre chose.
Après en avoir discuté entre eux, ils décidèrent qu'il était sage de demander l'avis de leurs oncles adoptifs, alors ils en parlèrent longuement avec Antonio et Arnaldo.
Les deux dirent aux jeunes hommes : " Vous êtes tous les deux très intelligents, capables, avec plein de bonne volonté. Il serait dommage d'abandonner la recherche et la carrière universitaire seulement pour un problème économique. Si ça ne vous pèse pas trop de rester avec nous et de nous permettre de continuer à vous aider, nous serions très heureux que vous vous consacriez à ce que vous voulez le plus. "
" Vous avez déjà tant fait pour nous, et il nous semble injuste de continuer à profiter de votre générosité et de votre affection. Même si, honnêtement, la tentation d'accepter est forte, c'est vrai, Elie ? " dit Itzhak.
" Je ne pense pas que vous profitez de nous, mes garçons. En tout cas pas de notre affection, car vous nous en donnez au moins autant que nous vous la donnons. " a dit Antonio : " Et puis... la nôtre est peut-être un peu une forme d'égoïsme... jusqu'à ce que vous n'ayez plus besoin de nous, nous vous avons ici avec nous. C'est très agréable de vous avoir dans maison : votre fraîcheur et votre jeunesse nous aide à vieillir plus lentement, plus doucement. "
Les deux vieux et deux jeunes hommes se rejoignirent dans une étreinte d'affection, sentant dans leur cœur qu'ils étaient une seule, belle famille, plus forte et plus vraie que celle purement génétique, qui après avoir donné leur la vie avait été si avare d'acceptation et d'affection...