Alceo et Arturo étaient de plus en plus heureux d'être ensemble. Puisque l'appartement qui était sur le restaurant avait été libéré, et qu'il avait l'entrée sur l'arrière du bâtiment, Arturo l'acheta. Il fit construire un escalier intérieur pour accéder au restaurant sans avoir à aller dans la rue, et il déménagea. De cette façon, une fois le restaurant fermé, Arturo pouvait monter chez son homme et ils pouvaient dormir ensemble toute la nuit, sans que personne ne pût s'en apercevoir ; en fait, la petite pièce à l'arrière avec le lit restait officiellement la chambre du garçon.
En février, ils fêtèrent le vingtième anniversaire d'Arturo, et pour cette occasion Alceo lui offrit une élégante montre de poche «Philippe Patek» en or avec sur la boîtier les initiales de leurs noms, les lettres «AA», entrelacées, travaillées en repoussé et ciselées.
Puis Arturo, pour le trente-troisième anniversaire d'Alceo tombant en avril, lui donna une bague en or avec deux gemmes côte à côte, un rubis qui était la pierre zodiacale d'Alceo et un lapis-lazuli qui était celle d'Arturo. Les deux étaient ensemble heureux, de plus en plus.
Vers la fin du mois de mai, un matin, alors qu'Arturo tournait pour faire les commandes de provisions pour le restaurant, il entendit son nom appelé. Il se tourna vers la voix et vit un jeune homme vêtu avec une élégance raffinée aller à sa rencontre et quand celui-ci, lui arriva juste à côté et lui sourit, il le reconnut.
"Señor Manolo Gómez Riva !" le garçon s'exclama, "Pourquoi êtes vous à Buenos Aires ? Je vous croyais au Mexique..."
"Arturo, je suis vraiment heureux de t'avoir rencontré ! Je te trouve bien... Plus beau que jamais ! J'ai réussi à convaincre mon père de me laisser revenir fréquenter l'université ici en Argentine... Vraiment j'espérais te retrouver, même si je ne savais pas comment faire. Tu habites par ici ?"
"Pas vraiment, je suis juste là pour faire des courses. Et vous ?"
"Oui, j'ai un appartement ici près. Pourquoi ne viens-tu pas le voir ? Tu sais... je n'ai jamais cessé de penser à ton cul doux, et ça me plairait de le baiser à nouveau. Allez, viens, rien qu'a te voir il m'est devenu dur..." le beau jeune homme dit avec un sourire lascif.
"Non, Señor Manolo, je ne peux pas... Je dois finir mes tours et retourner au travail..." lui dit Arturo, un peu gêné.
"Alors, quand? Quand es-tu libre? Je meurs d'envie de le pousser tout dans ton beau petit cul, comme nous avions l'habitude de faire un temps. Ce soir, peut-être ? Après le travail ?"
"Non, je regrette, mais je ne peux vraiment pas..."
"Quand t'as du temps libre ?" le jeune persista, le regardant avec une convoitise évidente. "Vraiment, je meurs d'envie de t'enculer à nouveau, sais tu ? Peut-être que tu pourrais même t'arrêter dormir avec moi de temps à autre..."
"Il n'est pas une question de temps libre, señor... C'est que je ne suis plus libre, je suis maintenant lié à une autre personne..."
"Tu ne te seras pas marié, non ?" Manolo demanda un peu surpris. "Mais même si tu l'es, qu'importe ? Il te plaisait de te le faire mettre, non ? Il te plaisait comme je te montais, tu ne peux pas le nier, tu te le faisais mettre dans ton cul chaque fois que je voulais te le mettre. Et de toute façon moi aussi j'ai toujours aimé te baiser... Allez, quand on peut se voir pour nous amuser encore ensemble ?"
"Non, ce n'est pas possible, je suis amoureux, je n'ai aucune intention de le trahir..."
"Le ? D'un homme, donc, pas une femme ! Il me semblait étrange, un maricon comme toi, que tu te mettes avec une femme. Mais quel est le point que tu en es amoureux ? Comment un homme peut-il s'éprendre d'un homme ? Tu aimes comme il te baise, oui, je le comprends. Mais vous n'êtes pas marié, non ? Ça n'a même pas de sens de parler de le trahir, si tu te laisses baiser par moi, non ? C'est quoi, il te baise mieux de comme je te baisais, par hasard ?"
"De toute façon, señor Manolo, je n'ai plus aucun désir de le faire avec vous. Je suis très bien avec mon homme, je n'ai pas besoin de quelqu'un d'autre. Il y a beaucoup d'autres garçons, señor ; cherchez-vous-en un autre."
"Mais c'est toi que je veux, Arturo. Tu es beau, tu as un beau petit cul, Cela te plaît de te le faire mettre... J'ai eu d'autres garçons, mais personne ne se laissait monter aussi bien que toi, je l'avoue. Je te veux, Arturo, et je t'aurai ! " Manolo insista avec les yeux de plus en plus pleins de luxure. "Allez, tu sais que je sais bien foutre, non ? Qu'est-ce que ce gars-là a de mieux que moi ? Ne me fais pas mettre en colère, ou bien..."
"Je suis son petit ami, tout simplement. N'insistez pas, c'est inutile. Je dois y aller maintenant. Bonne journée, señor Manolo."
"Mais non, allez, attend..." dit l'autre, mais Arturo s'éloigna rapidement, ne supportant plus de l'écouter.
Le garçon termina ses courses et oublia cette rencontre qui, après tout, ne l'avait pas affecté beaucoup, et l'avait légèrement dérangé. Manolo faisait désormais partie d'un passé qui ne l'intéressait pas, ne le concernait plus.
Mais malheureusement, Manolo était loin d'être indifférent au refus du garçon. Il était en colère contre lui car il n'avait pas voulu céder à sa demande, il décida donc de le lui faire payer. Pas vu, il suivit Arturo, il le guetta, jusqu'à comprendre non seulement où il travaillait et vivait, mais aussi, avec certitude, qui était l'homme pour qui le garçon l'avait refusé, car ils vivaient ensemble et que Arturo ne sortait jamais pour rencontrer un autre homme.
Il prépara soigneusement sa vengeance. Il savait qu'il ne servirait à rien de dénoncer le couple aux autorités civiles sans avoir la preuve de leur relation sexuelle, quelque chose qui ne serait pas facile à obtenir. En outre, pour les dénoncer, il lui faudrait se présenter en personne, ce qu'il ne voulait pas faire.
Mais il y avait une autre autorité qui pourrait intervenir efficacement, il le savait très bien. Donc, il prépara une lettre détaillée, mais anonyme, écrite sur papier de bonne qualité et en écriture élégante pour donner plus d'importance à la lettre, dans laquelle il dénonçait les deux amants secrets, puis l'envoya au curé de l'église dans la paroisse duquel se trouvait la petite maison avec le restaurant et l'appartement des deux amants. Et il attendit, en anticipant sa vengeance.
Le prêtre lu la lettre, en fut horrifié, sans se poser pas le moins la question de savoir si l'accusation était fondée ou non, ou pourquoi la lettre était anonyme. Il décida qu'il ne pouvait pas ignorer un «péché si odieux». Il se mit donc tout de suite au travail, animé de zèle sacré, et prépara un sermon enflammé pour le dimanche suivant, dans lequel il stigmatisait l'horrible crime moral dont deux de ses paroissiens étaient en train de se souiller...
Ainsi le dimanche le prêtre monta en chaire, et il ne se contenta pas de prêcher contre le péché de Sodome, en soulignant et en répétant que le Seigneur avait puni la ville la détruisant par le feu, mais il proclama haut et fort le nom des deux pécheurs et leur adresse, tonitruant et affirmant que tout bon paroissien refuserait de laisser continuer à vivre dans la paroisse des tels dépravés, une menace pour leurs enfants, un danger pour la société, une honte pour la civilisation...
Le résultat des mots enflammés et violents du prêtre fut que, après la messe, à la suggestion du sacristain opportunément instruit par le curé, un fleuve en crue de gens se déversa dans la rue. En bref, hommes et femmes, tous avec leurs habits du dimanche, joignirent et se pressèrent devant le restaurant, qui était encore fermé et dans lequel Alceo avec Arturo, le cuisinier et les deux serveurs préparaient pour l'ouverture du dîner.
Au début, ce furent des cris menaçants et insultants, qui troublèrent les cinq à l'intérieur du restaurant et en effet, quand ils comprirent ce que la foule criait dans la rue, cela provoqua une dispute entre les deux serveurs et Italo, le cuisinier, d'une part, et Alceo et Arturo de l'autre.
Puis il commença à voler quelque pierre et bientôt les vitrines du restaurant se brisèrent et tombèrent en morceaux. Italo et les deux garçons à ce stade sortirent à la hâte de la porte arrière précipitamment, en s'éloignant en catimini, pas vus par la foule.
Enfin, quelqu'un versa à l'intérieur, par les vitrines brisées, un bidon d'essence et jeta une allumette et soudain éclata un incendie. Alceo et Arturo essayèrent d'éteindre les flammes, mais vu qu'ils ne réussissaient pas à les contenir, ils eurent juste le temps de monter pour attraper quelques affaires de valeur, leurs documents, puis sortirent par l'escalier qui donnait sur la rue du derrière et fuirent à leur tour.
Arturo était incroyablement choqué, pâle comme un chiffon et il tremblait violemment. Alceo, quoique aussi agité, était plus en contrôle de soi-même. Il conduisit son amant dans les rues et les ruelles en s'éloignant à la hâte et regardant souvent derrière pour s'assurer que personne ne les poursuivait. En attendant, il se demandait où ils pouvaient se réfugier, et il se souvint de son vieil ami Ramiro López. Heureusement, il était à la maison. Quand ils arrivèrent chez lui, bouleversés, il les laissa entrer tout de suite et Alceo lui expliqua ce qui était arrivé.
"Mais comme savaient-ils de vous deux ? Ils vous ont vu, d'une façon ou d'une autre ? Ou c'est un des serveurs qui vous a dénoncés ?" Ramiro demanda.
"Non, aucun d'eux n'a pu nous voir, nous avons toujours été très prudents, discrets. Et puis notre personnel était plus surpris que nous par cette agression, et il était évident qu'aucun des trois n'avait jamais rien soupçonné de nous. Le fait est que maintenant tout est brûlé, et que ceux-là étaient les gens de notre quartier, criant des insultes et des menaces de mort, de sorte que nous ne pouvons pas y aller, maintenant..."
"Pendant un certain temps, vous pouvez rester avec moi... Mais il faut trouver une solution. Le fait est que, malheureusement, vous ne pouvez même pas poursuivre en justice vos agresseurs, parce qu'il y aurait une enquête et vous auriez de sérieux ennuis avec la loi, vous le savez, à cause de votre relation."
"Je pensais nous en aller, quitter Buenos Aires... Nous avons quelques économies à la banque, nous pouvons tout retirer et essayer de recommencer ailleurs..." dit Alceo essayant de ne pas trahir sa prostration.
"Oui, peut-être que c'est la meilleure solution. J'ai quelques bons amis en Uruguay, à Montevideo. Si vous voulez, je peux vous donner leur adresse, et peut-être qu'ils peuvent vous donner un coup de main, au moins au début."
"Ce sont des gens dignes de confiance? Ils sont... comme nous ?" demanda Alceo.
"Oui, ils sont comme nous et sont des gens très bien. Je suis sûr qu'ils vont faire ce qu'ils peuvent pour vous aider."
Ramiro fut très gentil avec les deux. Il leur offrit de manger à la maison avec lui et, plus tard dans la soirée, il alla dormir sur le canapé dans le salon pour laisser son lit aux deux amants.
Quand ils étaient au lit, Alceo enlaça étroitement Arturo, qui s'accroupit contre lui.
"Pourquoi sont-ils si mauvais avec nous ? Qu'avons nous jamais fait de mal, à ces gens qui ne nous connaissent même pas ?" le garçon demanda doucement, et ton plaintif.
"Parce que nous sommes différents, mon amour... Mais je me demande qui aurait pu passer le mot... qui peut les avoir réunis pour nous attaquer... Tout cela me semble si étrange, si incroyable..."
À ce moment Arturo se souvint de Manolo, et il raconta la rencontre qu'il avait eue avec le jeune homme. "Ce doit être lui... ce ne peut pas être un autre, je le sens... il a voulu se venger de toi et de moi, parce que je lui ai dit non, je lui ai dit que je ne voulais plus rien savoir de lui parce que j'ai déjà mon l'homme... Mais je ne lui ai pas dit qui tu es ni où je vivais..."
"Cela pourrait être lui, mais comment ? Il pourrait t'avoir suivi... Cependant, nous n'avons aucune preuve que ce soit ce Manolo. Tu l'as vu, par hasard, parmi les gens qui ont attaqué notre restaurant ?"
"Non... mais ils étaient tellement nombreux... il aurait aussi pu être là. Dieu, j'ai eu tellement peur, Alceo ! Ceux-là voulaient nous tuer..."
"Je pense vraiment que oui. Heureusement il y avait la porte de derrière, dans l'autre rue, et personne n'a pensé à aller là aussi, ou ils nous auraient tués, ils nous auraient fait brûler vifs... ce qui exclut que ce soient Italo ou les serveurs à avoir passé le mot, ou ils leur auraient également signalé la porte arrière... Un de ceux qui criaient le plus, il me semble l'avoir reconnu : je crois que c'est le sacristain de notre église paroissiale... "
"Ils venaient de l'église... quelques unes des femmes avaient le chapelet à la main... Je l'avais remarqué... elles l'agitaient comme une arme... Et c'était juste l'heure de la fin de la messe..." dit Arturo pensif.
"Mais alors, si ç'a été le prêtre... Mais que pouvait-il savoir sur nous ?" Alceo demanda plus à soi-même qu'à son garçon.
"Peut-être que Manolo est allé parler au prêtre et nous a dénoncé à lui..." suggéra Arturo.
"Bah... il est inutile de nous casser la tête, nous n'avons aucun élément. Tout est arrivé si soudainement, sans aucun avertissement, sans aucun indice qu'il pût se produire quelque chose de si horrible..."
Le jour suivant, ils allèrent retirer toutes leurs économies à la banque, puis ils allèrent se renseigner sur les heures de départ des navires reliant Buenos Aires à Montevideo. En cinq heures, ils pouvaient faire le voyage. Ils achetèrent les billets, puis allèrent saluer Ramiro.
Celui-ci leur montra le journal : il y avait un article sur l'incendie du restaurant et de l'article il résultait que le curé, informé par une lettre envoyée par un «informateur honnête» avait fait un sermon «passionné» contre l'homosexualité, vice néfaste, en invoquant le feu de Sodome sur les deux pécheurs... Alors les paroissiens, à juste titre indignés, avaient mis le feu à ce repaire de tous les vices... Alceo et Arturo comprirent donc que c'était vraiment Manolo qui avait envoyé cette lettre au curé.
Les deux, pratiquement sans bagages, accompagnés par Ramiro, passèrent le contrôle des passeports, et s'embarquèrent sur le navire qui quittait Buenos Aires à deux heures de l'après-midi. La traversée du Rio de la Plata fut sans histoire. Ils débarquèrent à Montevideo à sept heures du soir et cherchèrent une chambre dans un petit hôtel non loin du port.
Le lendemain, après avoir ouvert un compte bancaire et y avoir déposé par prudence presque tout l'argent qu'ils avaient avec eux, avec les lettres d'introduction que Ramiro avait écrites pour eux, ils ont commencé à chercher les gens que celui-ci leur avait signalés.
Ils furent tous gentils avec eux, mais plus que les autres un homme âgé, Cornelio Delgado Rodríguez, qui leur offrit l'hospitalité dans son appartement spacieux et élégant en Carrasco, à mi-chemin entre le parc et la plage.
Après avoir écouté leur histoire, Cornelio leur dit : "Ce n'est pas que le milieu, ici à Montevideo, soit bien meilleur qu'à Buenos Aires, pour ceux comme nous. Seulement en gardant nos inclinations bien cachés et avec beaucoup de prudence on réussit à survivre. Il n'y a même pas un an, un garçon que je connaissais a été retrouvé tué à coups de bâton... il était allé au parc la nuit pour chercher compagnie, le pauvre gars. Un groupe de «garçons bien» a voulu lui donner une leçon... Ils furent dénoncés par deux témoins oculaires... et ont été acquittés parce que... ils avaient été importunés et provoqués par le jeune homme dégénéré qui voulait avoir un rapport charnel avec eux..."
"Mais nous n'avons jamais fait de scandale, même les hommes qui travaillent pour nous n'ont jamais rien soupçonné de notre relation..." protesta Alceo.
"Je ne le mets pas en doute. Mais ça ne suffit pas. Il pourrait y avoir une solution, cependant, surtout parce qu'ici on ne vous connaît pas encore. Si vous, Alceo, reconnaissez d'être le père naturel du garçon, vous seriez légalement père et fils, donc personne ne trouverait étrange que vous viviez ensemble, qu'il y ait une certaine affection explicite entre vous..."
"Non, il ne voulait plus rien avoir à faire avec moi, quand il soupçonnait que je pouvais être son fils..." intervint Arturo, avec un ton léger de tendre reproche vers son homme.
"Mais maintenant, il sait qu'il ne l'est pas. Donc, ce serait juste un problème de façade qui vous permettra de résoudre de nombreux problèmes." Objecta Cornelio. "Ou, peut-être plus simplement, Alceo pourrait t'adopter... D'autant plus que maintenant vous êtes tous les deux citoyens argentins..."
"Mais nous devrions revenir en Argentine, pour faire l'adoption légale..." répondit pensivement Alcéo.
"Pas nécessairement. Je suis sûr que vous pouvez le faire par l'intermédiaire de l'ambassade d'Argentine à Montevideo. Vous pouvez toujours aller vous renseigner et voir s'il y a des difficultés..." suggéra Cornelio.
Donc, les deux amants allèrent se renseigner auprès de l'ambassade. Ici, ils apprirent que, puisque maintenant Arturo était un adulte et Alceo n'était pas marié ni n'avait eu d'autres enfants, il était possible de le faire sans présenter de difficultés particulières. Avec l'aide d'un employé consulaire, ils firent tous les documents et les papiers nécessaires et attendirent le résultat de leur application.
Pendant ce temps, Cornelio leur avait offert en location une boutique vide qu'il possédait, pour qu'ils y ouvrent un «Café Italien». Les deux acceptèrent avec gratitude. Ils achetèrent le matériel nécessaire, ils firent meubler de manière élégante la pièce, qui était au dos du Casino Hôtel Carrasco, en y tirant aussi une petite pièce pour vivre, et au bout de quelques mois, ils purent inaugurer leur café. En bref, ils avaient assez de clients de la haute société et ils commencèrent à gagner assez pour pouvoir vivre plus que dignement.
De temps en temps, ils allaient à l'ambassade pour voir si la demande d'adoption avait été accueillie, et enfin, un jour ils obtinrent les documents désirés très ardemment, par lesquels Arturo Michelotti pouvait changer le nom de tous ses papiers et s'appeler Arturo Nogarol Michelotti... Le garçon était rayonnant de bonheur.
"Maintenant, personne ne peut nous soupçonner, même si nous vivons ensemble, depuis que je peux prouver que je suis ton fils. Il n'est même pas écrit sur les documents que tu m'as adopté... Lis ici : Arturo Nogarol Michelotti, né le 15 Février 1910 à Cordenons, Italie, citoyen argentin depuis le 18 Décembre, 1916, fils d'Alceo Nogarol né à Porcia, Italie, le 2 Avril 1897, son père, et Evelina Michelotti née à Porcia, Italie, le 21 Janvier 1896, sa mère..."
"Espérons, maintenant, de réussir à vivre en paix. Cela me fait un peu étrange d'avoir comme amant... mon fils !"
"Oh, non ! Tu ne vas pas recommencer à nouveau, maintenant ! Nous le savons bien que tu ne peux pas être mon père, non ? Tu ne l'est que sur les papiers... juste pour pouvoir enfin vivre tranquilles..." dit le garçon alarmé.
Alceo rit : "Non, reste tranquille... Je n'ai plus aucun problème de faire l'amour avec toi, au contraire... Parfois je pense au jour où tu es venu me demander de travailler, et j'allais te renvoyer... j'ai risqué gros... j'ai failli te perdre, ou plutôt, ne pas te trouver..."
"Mais est-ce que tu es vraiment content de moi, Alceo ?"
"Comment peux-tu en douter ? Je suis heureux d'être avec toi... Je croyais que c'était clair. Quel est le problème ?"
"Je ne sais pas... J'ai l'impression parfois que tu ne reçois pas de moi tout ce que tu peux souhaiter... Par exemple, à toi il plairait peut-être que parfois je te le mette à toi, mais à moi tout simplement ça ne me va pas... Je ne l'ai jamais fait..."
"Eh bien ... oui, c'est vrai, ça me plairait. Mais ça va très bien aussi ainsi. Si à toi cela ne vas pas... nous n'y pouvons rien faire, non ?" dit Alceo avec un sourire tendre, caressant sa joue dans un geste rassurant.
Mais en réalité cette situation pesait un peu à Alceo, même s'il essayait de se duper que non. Il aimait prendre Arturo, vraiment beaucoup, surtout pour la joie et le plaisir avec lequel le garçon se donnait à lui. Il croyait pouvoir se passer de se laisser prendre à son tour ; il se disait que cela allait bien ainsi ; son amour pour le garçon lui faisait sous-estimer et ne pas donner d'espace à ses souhaits et le poussait à répondre le mieux possible aux désirs de son petit ami, se souciant seulement de le rendre heureux.
Mais un soir, après la fermeture de leur café, alors qu'ils étaient invités à la maison de Cornelio pour sa fête d'anniversaire, ainsi que plusieurs autres amis homosexuels de l'homme âgé, à un moment donné Fabián, l'un des autres invités, un jeune homme d'environ trente-cinq ans, réussit à s'écarter avec Alceo, le prit entre ses bras et l'embrassa, en lui faisant sentir à travers les tissus sa forte érection contre les fesses, et murmura : "Je veux vraiment le mettre dans ton joli cul, depuis la première fois où je t'ai vu..."
Alceo se sentit profondément troublé, il n'avait jamais touché, ni n'avait jamais été touché, si intimement par un autre homme, depuis qu'il était avec Arturo. Il se sentit immédiatement le corps en flammes, il sentit une forte attraction vers Fabián, qui était beau et avait un érotisme magnétique, presque animal, mais il se sentit surtout submergé par le désir irrésistible du jeune homme de le prendre...
Presque comme si c'était un rêve et pas un fait réel, Alceo sentit l'autre ouvrir son pantalon, le baisser à ses hanches et le dur pal de chair lui fouiller entre ses fesses. Il le voulait, le voulait en lui, il en avait besoin... Fabián lui lubrifia l'anus avec de la salive, en le massant avec un mélange de force et de délicatesse et le désir flamba dans le corps d'Alceo.
Quand l'autre força son chemin dans le canal chaud, Alceo poussa en arrière et l'accueillit, sentant une bouffée de forte chaleur lui envelopper tout le corps frémissant d'excitation. Il le sentit lui glisser à l'intérieur, le remplir, lui donner un plaisir tellement fort que non seulement lui donna une instantanée et forte érection, mais il s'est également senti très proche de l'orgasme. Il haletait et vibrait avec force. Fabián, quand il fut totalement immergé en lui, s'arrêta et, lui caressant la poitrine et le ventre, attendit qu'Alceo se calme un peu. Puis il commença à bouger en lui avec des oscillations lentes et longues du bassin, d'avant en arrière, et il continua ainsi jusqu'à l'amener à l'orgasme et presque tout de suite après à se décharger en lui.
"Tu m'as plu... nous deux nous avons encore à nous voir..." dit Fabián avec allégresse, tout en refixant ses vêtements.
Alceo se composa également et tout à coup se sentit comme vidé ; alors seulement il réalisa qu'il avait trahi Arturo, ce qui lui fit se sentir malade. "Non... On ne peut pas. Je n'aurais pas dû même cette fois-ci. Je suis avec Arturo, je n'aurais pas dû lui faire ça..." murmura-t-il, le ton abattu, honteux.
Fabián ricana : "Eh allons, vous n'êtes pas marié, non ? Et même si vous l'étiez... dans combien de couples de mari et femme, lui il a une maîtresse d'une part et peut-être elle aussi d'une autre a son sigisbée secret par qui se faire baiser... D'ailleurs, même moi je suis avec Julio, non ? Un simple échange de couples de temps en temps ne peut qu'être bon pour une relation. Julio maintenant est presque certainement en train d'essayer avec ton bel Arturo..."
Alceo sentit presque le désir que, comme il avait succombé à Fabián, Arturo eut succombé à Julio : ce serait le faire sentir moins coupable. Mais presque aussitôt, il était certain qu'Arturo ne l'avait pas trahi... et il sentit aussi la honte de ce petit espoir. Et même si Arturo s'était montré faible comme lui, cela n'aurait pas excusé sa faiblesse.
Quand les deux se réunirent avec les autres, bien qu'Alceo tentât de ne rien donner à voir, Arturo remarqua que quelque chose troublait son homme.
"Qu'as-tu, Alceo ?" demanda-t-il à voix basse, en lui faisant un doux sourire.
"Rien... Je veux dire... Je te le dirai quand nous serons à la maison." répondit le jeune homme, en espérant ne pas avoir rougi, et cela non pas tant pour Arturo, que pour les autres.
Le garçon hocha la tête et lui sourit à nouveau. Pour le meilleur ou pour le pire Alceo tout en continuant à se ronger de l'intérieur pour le tort qu'il avait fait à son petit ami, fut en mesure de se comporter avec les autres d'une manière presque complètement normale. Il évitait seulement de rencontrer le regard de Fabián et du garçon de ce dernier, Julio.
Enfin, la fête prit fin et tous les invités retournèrent, chacun, dans leur propre maison.