En plus du nouveau serveur, ils avaient également pris un aide-cuisinier, Marcello, un garçon italien de vingt-cinq ans qui avait travaillé pendant quatre ans comme aide-cuisinier sur un transatlantique.
Un jour, pendant qu'ils travaillaient en cuisine, Marcello demanda à Arturo : "Mais dis-moi, ces deux, Juan et Esteban sont des pédales ?"
"Pourquoi ?" lui demanda Arturo en étudiant son expression.
"Eh bien... eh bien... j'ai eu cette impression..." dit Marcello incertain.
"Ils sont de bons amis et partagent une chambre." dit Arturo avec indifférence, en continuant à l'observer. "Pourquoi ? L'un d'eux t'a peut-être fait... quelque proposition ?"
"Non, non, non ! C'est juste que quand ils croient que personne ne les voit... ils ressemblent à deux tourtereaux, un couple."
"Et même s'ils l'étaient ? Nous sommes intéressés seulement qu'ils travaillent sérieusement et bien, le reste ne nous intéresse pas. Ce sont seulement leurs oignons."
"Oui, bien sûr... Mais tout le monde ne pense pas comme toi et ton père... Souvent, quand on découvre qu'un est une pédale, au moins il perd son travail... Sur le navire c'était différent, même si on le savait de quelqu'un, on faisait semblant de rien..."
"C'est tout aussi bien." Dit Arturo. "Si tu étais aussi, par hasard... une pédale, comme tu dis, ça ne nous intéresse guère."
"Sur le navire... il m'est arrivé de... quelqu'un me faisait des propositions."
"Eh bien, toi t'es un beau garçon, et parfois, entre matelots, on sait ce qui se passe."
"Oui, c'est vrai. Mais j'aime les filles."
"Et comment tu faisais à bord ? Tu restais à sec pour la totalité du voyage ? Pour plus d'un mois ?" lui demanda Arturo.
"Eh bien... parfois... quand un du personnel du transatlantique ou un des voyageurs essayait avec moi... et s'il était jeune et mignon... je me laissais aller." Admit Marcello.
"Ah, eh bien, je comprends, c'est logique, ça n'est pas facile d'être tant de mois et ne rien faire, ou de se défouler avec sa main... Et comme c'était ? Cela te plaisait... de te laisser aller ?"
"Je dois dire que, avec certains... ce n'était pas mal. Et je ne dis pas seulement physiquement, mais aussi comme caractère, car en plus d'aimer ce que l'on faisait, certains avaient un meilleur caractère que celui de beaucoup de filles. Un peu comme Esteban et même Juan, les deux ont un bon caractère. Ça me met dans l'embarras une pédale qui fait la femme. Pour moi, si je le fais avec un homme, j'aime que ce soit un mâle, de même que si je le fais avec une femme, ça me plaît qu'elle soit féminine."
"Et maintenant? Avec qui tu le fais ?" lui demanda Arturo avec un sourire amusé.
"Avec personne. Au moins pour le moment. Le propriétaire de la maison d'hôtes où je dors a deux enfants de dix-sept ans, jumeaux, mais différents, un est garçon et l'autre fille, Carlos et Carla... Voilà, dans un sens, je voudrais pouvoir le faire avec les deux..." dit Marcello en rigolant.
Un peu plus d'un an depuis qu'Arturo avait eu ce dialogue dans lequel Marcello s'était un peu ouvert à lui, celui-ci dit un jour : "Dans trois mois, je me marie..."
"Ah, bien. Félicitations!" lui dit Arturo.
"Oui, merci. Je me marie avec Carla... la fille du propriétaire de la maison d'hôtes..."
"La jumelle ?" demanda Arturo, en se rappelant la conversation.
"Oui, c'est elle. Et je reste vivre avec eux, dans la maison d'hôtes... Sans plus payer pour la chambre, bien sûr."
"Et... t'as déjà fait quelque chose avec Carla ?"
Marcello rigola : "Oui, même un peu plus que quelque chose... Mais la mère ne le sait pas, bien sûr, ou elle m'arracherait les yeux."
Alors, Arturo lui demanda, en le regardant avec un sourire malicieux : "Et... avec Carlos ?"
Marcello rougit et ne dit rien.
"Et qui est mieux ?" Lui demanda Arturo avec un sourire, qui de cette rougeur avait eu la réponse.
"Les deux..." Marcello admit un peu gêné. "Je ne saurais pas vraiment lequel des deux préférer..."
"Tu le fais en secret l'un de l'autre ?" demanda alors Arturo, intrigué par ce ménage à trois.
"Non, ils le savent que je le fais avec eux deux... Et quand je le fais avec un, l'autre nous protège pour que la mère ne s'aperçoive de rien."
"Et même après le mariage..." demanda alors Arturo.
"Oui, nous sommes d'accord tous les trois. D'autant plus que sa mère, après que nous nous serons mariés, laisse l'entreprise aux enfants et retourne vivre à Santa Rosa, où elle a de la famille. Ainsi, nous n'aurons pas besoin de prendre tant de précautions."
"Et ils ne sont pas jaloux l'un de l'autre, tes deux jumeaux ?"
"Non, pas du tout."
"Mais alors, après le mariage, tu te mettras à travailler avec eux dans la maison d'hôtes et tu nous laisseras ?"
"Non, eux deux suffisent, et ça me plaît de travailler ici. En fait, je pensais que si c'est possible, pour le dîner de mariage, je serais ravi de réserver le restaurant et le faire ici, si cela vous convient."
"Je vais en parler à papa, mais je crois qu'il n'y aura pas de problème."
Ainsi vint le jour où Marcello se maria et, après la cérémonie à l'église, ils allèrent tous pour le dîner de mariage au restaurant d'Alceo et Arturo, qui l'avaient décoré pour l'occasion avec une profusion de bouquets de roses... deux blanches et une rouge.
Marcello comprit cette allusion subtile et, amusé, en demanda confirmation à Alceo.
L'homme sourit : "Oui, tout à fait, t'as bien compris : nous voulions célébrer ainsi pour les trois... Ils sont beaux tes deux... conjoints... Bien que, en réalité, t'as pu épouser seulement elle."
"Carlos m'a servi de témoin... de cette manière il était à l'autel avec nous. Eh bien, bien sûr, il ne figure pas sur le registre en tant que mari, mais seulement en tant que témoin."
"Cependant, je dois vous faire nos félicitations et nos compliments. Ils sont tous deux très mignons." Lui dit Alceo. "En effet, vous êtes très mignons et tendres, tous les trois..."
Après le déjeuner, tandis que Arturo avec Alceo, Feng avec Juan et Esteban nettoyaient le restaurant et mettaient tout en ordre, Juan dit à son garçon, mais assez fort pour que les autres entendent : "Nous n'aurons jamais un déjeuner de mariage..."
Esteban répondit : "Eh bien, puisque nous ne pouvons pas célébrer la cérémonie de mariage, nous ne pouvons même pas faire le déjeuner non plus, non ?"
"Mais après tout ça ne va pas. Un mariage, en plus du sens que deux vont se promettre l'amour et le soutien mutuel, c'est une belle fête, un bel événement, et même le dîner de mariage fait partie de celui-ci, c'est la fête avec tous les parents et les amis. Nous, par contre, on doit vivre tout en secret." dit Juan.
"Pablo et moi," dit Feng, "on ne doit pas vivre dans le secret, au moins à la maison avec ses parents, même si nous non plus n'avons jamais pu célébrer notre union. Je comprends parfaitement ce qu'il ressent et ce que cela signifie pour Juan."
Alors, Arturo lança une proposition : "Pourquoi ne ferions-nous pas une fête entre nous, en invitant les amis qui sont comme nous, où chaque couple se promet amour, fidélité et soutien mutuel devant les amis et après on fait un bon déjeuner ensemble ?"
Feng intervint : "Je suis sûr que ça ferait plaisir à mon Pablo. Même nous deux on en avait parlé il y a longtemps, en disant que c'était dommage que deux gars qui s'aiment, ne peuvent pas se marier. Cela me semble une excellente idée..."
Esteban objecta : "Oui, mais ce ne serait pas un vrai mariage, il n'aurait aucune valeur juridique..."
"Il aurait une valeur pour nous, de toute façon." Répondit Juan. "En fin de compte, même le mariage de l'église n'a de valeur que pour ceux qui y croient, et que, dans la mairie n'a de valeur que parce que la société a décidé de lui donner une valeur. Voilà, je veux dire, aucune cérémonie n'a une valeur en soi, mais il en acquiert lorsque une société, un groupe, lui donne de la valeur. Je voudrais le faire, Esteban, même si c'est seulement en privé et devant nos amis."
Et ainsi peu à peu, le restaurant «El cochero» de Plaza Vista Alegre à Bahía Blanca, devint célèbre, grâce à la publicité discrète que Basílio lui fit dans le milieu secret des homosexuels, comme l'endroit où l'on pouvait célébrer un «mariage».
À ces occasions, tout le restaurant était loué et on y pouvait entrer seulement en présentant une carte d'invitation, de manière à s'assurer de ne pas avoir des étrangers au milieu d'eux. Commencèrent à arriver des demandes, pour ce qui était maintenant connu comme le «mariage du Cochero», aussi de Buenos Aires.
Le seul couple qui n'avait jamais célébré le «mariage du Cochero» était celui d'Alceo et Arturo.
Donc, une nuit, alors qu'ils étaient au lit, Alceo demanda à son garçon : "Arturo, aimerais-tu qu'on fasse une fête de mariage pour nous, dans notre restaurant ?"
"Non, je n'en ressens pas le besoin du tout. À moi il me suffit d'avoir ton nom de famille, vivre avec toi et avoir ton amour. Mais, si tu le désires, nous pouvons également faire une fête pour nous..."
"Non, pour moi, c'est comme pour toi ; je voulais juste être sûr que tu ne le désirais pas, et peut-être que tu ne me disais rien."
"Nous on s'est toujours tout dit, non ? En tout cas, merci d'y avoir pensé. Non, pour ce que je ressens, nous deux on célèbre notre mariage chaque fois que nous faisons l'amour. Penses-y, ça fait maintenant près de dix ans que nous vivons ensemble !"
"Oui, et ce sont les meilleures années de ma vie, mon amour !" dit Alceo avec un sourire chaleureux.
"Et nous en aurons encore tant d'autres, je le jure !" Lui dit Arturo, en l'enlaçant serré et en l'embrassant.
"Combien nous en avons passées ensemble, toi et moi !" Lui dit Alceo caressant tout le corps nu. "Nous espérons pouvoir vivre tranquilles dans l'avenir, comme dans ces derniers temps."
"Tant que nous serons ensemble, nous surmonterons tout et dans l'ensemble nous avons été chanceux. Chaque fois que nous avions un problème, nous avons aussi trouvé de bons amis prêts à nous aider."
"Oui, c'est vrai. Cependant, la plus grande chance fut de nous rencontrer. Penses y, Arturo, nous sommes à la fois à peu près du même pays, nous avons émigré tous les deux, bien que dans des années différentes, et on s'est rencontré presque dans l'autre partie du monde..."
"L'Italie te manque ?"
"Non... maintenant j'ai tout ici... et spécialement je t'ai toi. Et puis, je n'aime pas ce qui se passe en Italie, avec ce Mussolini et ses adeptes, bien que bon nombre des immigrants italiens semblent l'admirer, l'apprécier, parce qu'ils disent qu'il veut rendre grand le nom de notre pays."
"De toute façon, nous sommes maintenant des citoyens argentins. Pour nous, ce n'est pas comme pour les autres immigrants qui ont encore leurs racines en Italie, ou dans leur pays d'origine, et qui espèrent toujours pouvoir rentrer à la maison quand ils auront fait de l'argent... Nôtre maison est ici maintenant." déclara Arturo.
Alceo le tira à lui et le garçon lui sourit tendrement. Ils s'embrassèrent. Arturo le tira sur lui et lui encercla la taille avec ses jambes, afin de frotter son petit cul contre l'érection glorieuse de son homme.
"Tu me veux ?" demanda le garçon avec un sourire alléchant.
"Oui, bien sûr... et toi, me veux-tu ?"
"Après... prends-moi maintenant !"
"Mais combien tu me veux ?"
"Beaucoup, et plus que beaucoup... Seulement quand tu es en moi et moi en toi je me sens complet. Allez, prends-moi..."
Alceo replia les jambes en écartant ses genoux pour entourer le derrière de son bien-aimé et glissa sur les draps jusqu'à faire appuyer son membre dur et frémissant sur le trou du garçon.
"Allez..." Arturo l'invoqua avec un sourire invitant, les yeux brillants de désir, en remuant légèrement le bassin.
Alceo fit passer les bras à côté et au-dessus du garçon si bien que ses mains se posèrent sur ses épaules et l'attira à soi comme il poussait son corps vers l'avant. Il sentit le trou du garçon se dilater progressivement, à sa poussée virile et tendre, pour l'accueillir. Comme il commença à glisser lentement en lui, le visage d'Arturo se colora d'une béatitude intense.
"Dieu, que tu es beau !" murmura Alceo, en continuant à se pousser en lui.
"Toi aussi tu deviens plus beau, quand nous nous unissons... et j'aime tellement te sentir à l'intérieur de moi..."
"Je t'aime !"
"Moi aussi, Alceo, je t'aime !"
Quand il lui fut complètement à l'intérieur, l'homme se pencha sur son petit ami et l'embrassa profondément dans sa bouche. Arturo laissa échapper un long gémissement de plaisir et s'agita légèrement au-dessous, encerclant son dos avec ses bras et le tirant contre soi.
Quand leurs lèvres se détachèrent, le garçon lui dit, sa voix chaude et pleine de désir : "Allez..."
Alceo alors commença à se déplacer à l'intérieur de lui avec les mouvements calmes et longs d'un va-et-vient, mais avec une passion grandissante.
"Oh, mon amour... que je suis heureux !" murmura le garçon.
L'homme hocha la tête, non seulement pour lui dire qu'il voyait et entendait que son petit ami était heureux, mais aussi pour lui dire combien il l'était lui aussi. Pendant qu'il le prenait, il savourait le moment où était son amant à le prendre. Il ne pouvait pas dire ce qui lui aurait donné plus de plaisir, si c'était prendre ou être pris. Ou plutôt, comme ils se le disaient parfois en repensant à leurs agapes passionnés, se donner ou accepter le don de son bien-aimé...
S'immerger en lui était à la fois se donner à lui et le prendre, et être pénétré par Arturo était à la fois l'accueillir et le faire sien !
Arturo et Alceo étaient profondément conscients de ça, c'était la différence entre tout acte sexuel fait seulement pour le plaisir ou le même acte accompli par amour. Cela, tous ceux qui s'aiment vraiment les uns les autres le savent : prendre et donner deviennent la même chose.