CONTES DE PROVINCE | CHAPITRE 13 L'INTERNET EST UTILE |
Elvin Childers, pour le travail, devait naviguer sur Internet : en fait, son chef de bureau l'avait chargé d'effectuer une recherche sur les systèmes d'isolation thermique des bâtiments. Il avait donc inséré les mots-clés dans le moteur de recherche, et attendu les réponses. En quelques secondes, il eut le premier écran. En lisant les brèves descriptions, il commença à cliquer sur les adresses qui semblaient intéressantes, il jetait un coup d'œil rapide au contenu et s'il lui semblait utile, il en mettait la page entre les favoris, se réservant de les consulter plus tard. Comme il devait terminer son travail en peu de temps, il décida de ne pas sortir pour le déjeuner, comme les collègues, mais de manger ce qu'il avait amené, en continuant à explorer le réseau. Cependant, laissé seul dans le bureau, il se laissa tenter... Il tapota un nouveau mot-clé dans la fenêtre de Google, cliqua sur «go» et attendit, un peu excité... Arriva le nouvel écran...
Il cliqua sur le quatrième lien: «Tales of a Young Gay Man»... Il parut le nouvel écran. Les symboles gay habituels, le drapeau arc-en-ciel, les deux symboles masculins enlacés, le «Warning : ceci est un site gay, si vous n'êtes pas majeur dans votre État, ou pas intéressés à des contenus explicitement gay...» et cetera. Il cliqua tout de suite sur le mot «Enter» et apparut l'index du site. Il cliqua sur «À propos de moi». Il nota avec une légère déception qu'il n'y avait pas de photographie. Il lut ... «Je suis âgé de vingt ans, je vis dans une petite ville dans une province rurale profonde, où malheureusement, même si quelque chose est en train de changer lentement, il est toujours dangereux de faire le «coming out»...» Il aurait pu écrire ces mots ... «Quand j'ai réalisé être gay, à quatorze ans, presque quinze, au début, j'en fus littéralement effrayé...» Parlez-m'en à ce sujet, pensa Elvin avec un sourire. «Malgré les pressions sociales et de mon église, j'ai pu, cependant, m'accepter, il y a environ trois ans...» À dix-neuf ans... Il y avait mis moins, il s'était «résigné» à être gai quand il avait dix-sept ans, c'est à dire près de huit ans avant... C'était arrivé au cours d'un voyage à Jackson, Tennessee, pour un match inter-état de son équipe de baseball de l'école. Ils étaient hôtes de l'équipe locale, logés dans le collège estudiantin. Ils avaient perdu le match pour un minimum de points, et ils étaient tous déprimés et mécontents. L'entraîneur était presque furieux, il les accusait de ne pas s'être assez engagés. Pour ne pas subir l'atmosphère tendue de son équipe et les reproches de l'entraîneur, il avait décidé de sortir. Il erra sans but. Il se trouva près de l'Anderson Creek. Il le suivit jusqu'à s'enfoncer dans un petit parc. Il vit la construction des toilettes : il avait besoin de se vider, donc il y entra. Il était bien entretenu, propre. Il se ferma dans un box, il baissa son pantalon et s'assit sur la tasse. Pendant qu'il se vidait, il regarda autour... inscriptions, graffiti, plusieurs à sujet sexuel, certains même à sujet gay. Il sourit. Il se nettoya, et était sur le point de se rhabiller, quand il remarqua un cornet de papier, sur le mur à sa gauche, qui fermait un trou moins grand d'un tiers de pouce. Hésitant, combattu, finalement il se décida d'enlever ce grumeau de papier et se pencha pour appliquer l'œil au trou... La première chose qu'il vit fut la partie centrale d'un corps, le pantalon baissé, le tricot soulevé... une main qui masturbait lentement un beau membre viril, incirconcis... Il se sentit le sang affluer à la tête et son membre commença à se durcir. De la peau, de la main, de la touffe épaisse des poils pubiens, il imagina que c'était un jeune homme... Il essaya de voir son visage, mais n'y réussissait pas... Sa main, presque de son propre gré, descendit en bas entre ses jambes et il commença à se masturber... Puis, l'autre se pencha et Elvin avec un sursaut en vit le visage, il reconnut un des garçons de l'équipe adverse. Comme s'il s'était brûlé, il s'éloigna du trou, sans le perdre de vue... et immédiatement il y vit un œil... l'autre le regardait... Au début, il paniqua et se leva, pour se rhabiller... mais alors il pensa que si l'autre le regardait... évidemment... il était intéressé aux mâles... et il se sentit encore plus excité, et ainsi, au lieu de se recouvrir, se tourna vers le trou en recommençant à se masturber. Il se sentait la tête en feu... Puis il vit que l'œil disparaissait... Il se secoua, se rhabilla en hâte, tira l'eau et sortit rapidement du box... entrant presque en collision avec l'autre. Il le regarda avec un air égaré. "Hé..." dit l'autre avec un sourire, "celle-ci est en effet une bien bonne surprise !" "Hein ? Quoi ?" Elvin bégaya presque. "Qu'en dirais-tu de faire un saut chez moi... afin que nous puissions faire connaissance un peu mieux, hein ?" "Je... tu... Chez toi ?" "Oui, il n'y a personne à la maison, et... tu es mon type. Ça ne te va pas ?" "Quoi ?" demanda Elvin, qui avait très bien compris ce que l'autre lui proposait, mais qui avait été pris au dépourvu. "Mon nom est Red, et toi ?" "Elvin..." "Tu viens, alors ?" Elvin déglutit, puis fit un léger signe d'assentiment avec la tête. Red le prit par le bras, gentiment, et le mena dehors : "Ma maison est à deux pas... Tu as le temps, non ?" "Oui, deux ou trois heures..." "Super. On va bien les dépenser. Qu'est-ce que tu aimes faire ?" "Je ne... ne sais pas..." "C'est à dire ? Que veux-tu dire ?" "Que je... je ne l'ai jamais fait..." "Mais... tu es gay, toi aussi, non ?" "Je pense que oui... Mais je ne l'ai jamais fait..." répéta Elvin. L'autre rigola : "Moi, au contraire... depuis mes treize ans... cinq ans d'expérience... Tu verras que nous allons nous amuser." "Mais toi ... tu es gay?" "De la tête aux pieds. Je n'ai jamais touché une fille de ma vie." "Mais... ce n'est pas... mal ?" "Mal ? Sérieusement ? On est comme on est, comme il se doit, non ?" "Et c'est... bon ?" Elvin demanda, sa tête presque engourdie par la pression des événements : c'était la première fois que quelqu'un admettait, si simplement et presque fièrement, d'être gay. "Bon ? Je ne sais pas, je sais que ça me plaît. Surtout quand je peux être avec quelqu'un que j'aime bien comme toi. Faire du sexe est beau, de toute façon. Tu verras." "Chez nous... tout le monde en parle mal. Tout le monde dit que c'est mal, que c'est une maladie laide... un péché..." "À part que si c'était une maladie ça ne pourrait pas être un péché, non ? Celui qui a l'asthme est un pécheur ? Et de toute façon, ce n'est pas du tout une maladie..." "Mais comment est-ce que l'on devient gay ?" lui demanda Elvin, qui commençait à se détendre de l'attitude tranquille de l'autre. "On ne devient pas gay ! On naît gay. L'un met plus de temps à le comprendre, l'autre moins... Être gay est aussi naturel que d'être hétéro ou bisexuel. Mais d'où tu viens toi, pour ne pas savoir ces choses ?" "De Benton..." "Oui, ceci je le sais... Vous avez bien combattu, nous avons gagné d'un cheveu..." dit Red changeant tout à coup de sujet. "L'entraîneur est furax avec nous..." "Et ça lui passera. Je t'avais remarqué, tu sais ? Et tu m'as plu tout de suite, mais vraiment je ne croyais pas avoir la chance de... pouvoir t'emmener chez moi. Aujourd'hui c'est mon jour doublement chanceux." Ils étaient arrivés à la maison de Red, une petite maison de famille de deux étages. Le garçon le fit entrer et le conduisit au premier étage. "Deux heures suffisent... si nous ne gaspillons pas notre temps." dit-il en le poussant dans sa chambre et il ferma soigneusement la porte. "Nous voilà. Déshabillons-nous, allez." En bref, ils furent nus. Red le tira avec lui sur le lit, ils se couchèrent et il tressa ses jambes avec celles d'Elvin, tout en lui caressant son corps et en le regardant. Elvin tout d'abord le laissa faire, ensuite il se mit à caresser timidement le beau corps de l'autre. "Tu sais que tu es vraiment génial ? Tu me plais beaucoup." dit Red. "Toi aussi..." murmura Elvin, encore étonné d'être nu sur un lit avec un grand beau garçon tout nu. L'autre se retourna sur le lit et commença à donner du plaisir à Elvin avec la bouche. Celui-ci hésita brièvement, puis prit entre ses mains les génitaux turgescents de Red et commença timidement à les essayer avec ses lèvres, la pointe de sa langue, en imitant inconsciemment ce que l'autre lui faisait... Il était presque étonné d'éprouver un fort plaisir et aucun sentiment de dégoût comme il avait d'abord craint. Allongé sur le côté, unis dans un beau soixante-neuf, ils se consacrèrent l'un à l'autre pendant plusieurs minutes. Puis Red se retourna de nouveau, il lui alla dessus avec son corps et l'embrassa profondément, avec ardeur et passion. "Tout bien, jusqu'ici ?" il lui demanda en se détachant un peu et le regardant dans les yeux avec un sourire satisfait. "Beaucoup plus que ce que je pensai ..." répondit Elvin presque dans un murmure. Red se détacha à nouveau de lui, prit de la table de chevet des sachets de préservatifs lubrifiés : "Tu vas d'abord me le mettre à moi... et après tu me donnes ton beau petit cul, d'accord ?" "À toi, ça te plaît ?" "Bien sûr." "Mais... plus le mettre, ou plus te le faire mettre ?" "Les deux, indifféremment. Tu verras que ça te plaira à toi aussi bien... Tu me donnes ton beau petit cul ?" "Je ne sais pas... ça me fera mal ?" demanda un peu timidement Elvin, en essayant le membre dur du garçon. "Tu n'es pas... trop grand pour moi ?" "Non, je suis... moyen. Tout comme toi, non ? Je ne peux plus attendre de sentir ton beau pieu en moi..." "Mais tu... tu y es habitué... Les premières fois ça ne t'a pas fait mal ?" "Pas du tout, peut-être parce que je l'ai fait avec un ami qui avait treize ans comme moi... Même nous deux nous avons presque le même âge... tu verras que tout ira bien... que ça te plaira..." Lorsqu'Elvin se plongea en Red, il sentit un plaisir si intense qu'il lui vint l'envie d'hululer... Guidé par le camarade, il trouva le bon rythme et il le chevaucha pendant plusieurs minutes, pensant que s'il avait su que c'était si beau, il aurait essayé de le faire bien avant... mais avec qui, à Benton ? Les mains de Red lui titillaient les zones les plus sensibles du corps, le conduisant à une excitation toujours plus intense. Et enfin, émettant à chaque poussée un gémissement fort, long et modulé, il déchargea dans les profondeurs ardentes de l'autre. Il se détacha et tomba presque assis sur les draps, haletant. Il réalisa qu'il était complètement recouvert d'un voile de sueur. "Wow !" Il s'écria doucement. "Cela t'a plu ?" "Fantastique !" lui dit Elvin, répondant au sourire de l'autre. "Et à toi ? Je ne sais pas le faire... bien, n'est ce pas ?" "Au contraire. Tu es naturel, tu l'as fait exactement comme j'aime." "Maintenant... je dois me mettre dessous à mon tour ?" "J'aimerais, mais seulement si tu veux." "Je voudrais, oui... bien que j'ai un peu peur..." Mais Red fut patient, attentif, gentil... et Elvin trouva qu'il lui donnait du plaisir aussi à être pénétré, mais peut-être pas aussi fort que celui qu'il avait essayé à pénétrer. Après cette première fois, Elvin ne réussit pas à avoir d'autres rencontres érotiques pendant plus d'un an. Jusqu'à ce que, avec beaucoup de prudence et de patience, il réussit à emmener au lit le garçon des journaux, Fred Vasquez, un garçon de deux ans plus jeune, né à Benton, mais de père d'origine mexicaine. Les rencontres avec Fred continuèrent durant deux ans, jusqu'à ce que celui-ci lui dise qu'il était amoureux d'un autre garçon, et donc il ne pouvait plus le faire avec lui. Mais ils restèrent amis, et Elvin connut le garçon de Fred, un garçon de sang mixte, fils d'un Irlandais et d'une Chickasaw, pas vraiment beau, mais très sensuel et doux, qui travaillait dans l'imprimerie du journal local... Ce fut grâce à Fred, quelques mois plus tard, qu'Elvin rencontra David Toney, originaire du Mississippi, qui depuis trois ans s'était établi à Benton. David avait deux ans de plus qu'Elvin et travaillait dans la même typographie que Fred à l'ordinateur pour les compositions typographiques. La relation avec David ne dura qu'un peu plus d'un an, parce que David était trop passif au lit... Ainsi Elvin était nouvellement seul, et bien qu'il ait un grand désir de trouver un nouveau partenaire, il avait été incapable d'en trouver un, ni ses amis l'aidèrent en lui soumettant un possible... «candidat». Et maintenant, il explorait l'internet, à la recherche d'un «milieu amical» au moins sur le plan virtuel. Il continua à explorer le site qu'il venait de trouver. Il lui plaisait. Il y avait aussi de belles photos, très érotiques et pas pornographiques, puis des réflexions, des récits d'expériences... et il estima que ce garçon avait une vie et des problèmes très semblables aux siens. Il se signait Beau Goodman... presque certainement un pseudonyme, et bien que parfois il décrivait l'endroit où il vivait, les descriptions pourraient s'adapter à toute petite ville de la province agricole profonde... Il écrivit plusieurs lignes dans le livre d'or, en disant combien il avait apprécié son site et combien lui aussi vivait dans une telle réalité, fermé, bigote, hypocrite et puritaine. Il signa avec un pseudonyme, lui aussi : Oscar Wilder, et il mit son e-mail personnel et secret, OW1975@hotmail.com. Son ordinateur à la maison était beaucoup plus lent que celui au travail, mais pour l'e-mail il était assez bien. Il marqua l'URL du site qu'il venait de découvrir, et se remit à travailler. Au soir, quand, après avoir dîné et lavé la vaisselle, il s'assit à son ordinateur personnel et l'alluma, dès qu'il se connecta à Internet il vit qu'il y avait l'icône du courrier clignotante. Il se demanda qui pouvait lui avoir écrit : peut-être son cousin de Salt Lake... ou son frère de Tampa... mais il vit que le message arrivait sur son compte hotmail. Il l'ouvrit. «Hey, Oscar, Merci d'avoir écrit sur mon guest book. Je suis heureux que mon site te plaise. Peut-être que j'ai plus de chance que toi, parce que là où je vis, en dépit de tout, nous avons pu former un club (secret) entre GLTB et str8, de rencontre et de soutien mutuel. Nous sommes un peu plus de trois cents membres. Maintenant, on est en train de programmer un «coming out» de groupe, mais seulement ceux qui se sentent de le faire et qui risquent moins, donc nous allons garder notre club secret, mais on pense de fonder une association publique, quelque chose comme un group pour les «droits de l'homme» avec l'accent sur le respect de la sexualité dite «différente». Sur la base de l'expérience des groupes similaires dans les petites villes comme la nôtre, peut-être nous réussirons... Cependant tenter ne nuit pas. Je suis très heureux de lire ce que tu as écrit, et si tu le souhaites, tu peux m'écrire tranquillement. Je ne te promets pas de te répondre si vite, mais tu peux être sûr que je vais te répondre. Comme tu le lis sur mon site, je suis âgé de 22 ans. Quelle âge as tu ? Cela n'a pas beaucoup d'importance, mais ça me plaît d'en savoir un peu plus sur mes correspondants. Salut et à bientôt, je l'espère Beau» Elvin était heureux que Beau lui eût répondu. Ainsi, à son tour, il lui envoya immédiatement un nouveau message. «Je te remercie pour ta réponse rapide qui m'a donné beaucoup de plaisir. Heureux toi qui as un groupe de soutien, un endroit pour trouver d'autres comme nous ! Ici il n'y a rien comme ça, malheureusement, et chacun de nous doit vivre dans le «placard», que cela lui plaise ou non ! Pour moi cela va assez bien, parce que maintenant je vis seul, et au moins chez moi, je peux faire ce qu'il me plaît, avoir des belles affiches d'hommes nus, des magazines gay et DVD etc, sans problèmes. Mais je me sens un peu seul, je n'ai pas de petit ami, en ce moment, personne à aimer, par qui être aimé. Et c'est quoi la vie sans amour ? Je n'ai que trois amis gays... eh bien, c'est mieux que rien. Avec deux d'entre eux j'ai même eu une histoire. Parfois, ils viennent passer la soirée avec moi, alors on bavarde, on regarde un petit film... As-tu un petit ami ? Je pense que oui, puisque tu as la chance de faire partie de ce club avec 300 personnes, mais pas tous gays, à ce que tu me dis. Bien sûr, cependant, en pensant à la situation de la ville dans laquelle je vis, qui ne devrait pas être très différent de la tienne comme mentalité, tu as beaucoup de courage pour faire le «coming-out» comme tu le dis. Eh bien, peut-être que nous devrions avoir le même courage... mais que pouvons nous faire, moi et mes trois amis ? Si seulement nous étions plus, peut-être... Je me demande parfois si ceci n'est pas seulement des excuses, notre seule crainte... L'année dernière, ils ont battu un homme gay qui avait essayé avec un garçon... il était marié, sa femme a divorcé, et il a perdu son emploi... et il a dû s'en aller d'ici pour ne pas continuer à subir. Il est très triste. J'aurais voulu lui donner ma solidarité, bien que je ne le connaisse que de vue, mais je n'en ai pas eu le courage... Je suis un lâche ? Eh bien, bonsoir et merci Oscar» Ils ont commencé à s'écrire, trois ou quatre fois par semaine. Pour Elvin c'était un plaisir. Peu à peu, ils commencèrent à s'ouvrir de plus en plus l'un avec l'autre, à raconter plus de choses sur soi-même, leurs pensées, leurs désirs, leurs rêves, leurs valeurs, même s'ils continuaient à utiliser leurs pseudonymes. Un jour Beau lui écrivit qu'il allait passer quatre jours au cours d'un long week-end, à Cincinnati, lors d'une réunion des associations gays dans les États. Elvin lui demanda s'il était encore temps de s'y inscrire : ils pourraient ainsi se rencontrer enfin, se connaître... Beau lui a dit qu'il n'y avait pas de problème et lui donna l'adresse des organisateurs et l'adresse e-mail pour son enregistrement. Elvin se précipita pour s'inscrire et il se prépara pour la rencontre imminente. Il n'en pouvait plus d'attendre pour connaître Beau, vers lequel il sentait une admiration croissante et qu'il commençait à considérer comme un ami. Arrivé à Cincinnati, il se fit emmener en taxi au centre des congrès où la rencontre devait avoir lieu. Des drapeaux de la fierté gay ornaient la façade du bâtiment et Elvin pensa qu'ils étaient vraiment beaux, puis qu'ils étaient symbole de liberté. Il se présenta à la réception et il remit le formulaire d'acceptation de son inscription et de réservation d'une chambre dans un hôtel à proximité. Ils lui demandèrent si sur la plaquette à se mettre sur la poitrine il voulait son pseudonyme ou son vrai nom. "Eh bien... mettez-y les deux. Vous pouvez ?" "Oui, pas de problème." dit le gars de la réception. Il écrivit les noms sur la plaquette et la lui tendit avec le volumineux dossier contenant le programme des événements, le plan du centre de congrès, une carte de Cincinnati, des autocollants et d'autres matériaux. Elvin regardait autour presque étourdi, en pensant que les centaines de personnes qui erraient dans le hall devaient être tous ou la plupart gays ou «gay friendly». Ils lui semblaient tous beau, aussi ceux qui étaient, objectivement, laids ! Il s'adressa de nouveau au type de la réception : "Puis-je vous demander si Beau Goodman es déjà arrivé ?" "Pseudonyme ou vrai nom ?" "Pseudo..." Le garçon tapa le nom sur le clavier et vérifia l'écran : "Oui, il est arrivé il y a deux heures... Je ne sais pas où il est maintenant, peut-être autour pour le centre des congrès, ou à s'installer à l'hôtel." "Pouvez-vous me dire à quel hôtel il est logé ?" "Le vôtre. Chambre 112, deux étages plus bas que vôtre chambre." "Merci." Il alla tout de suite à l'hôtel, prit possession de la chambre et essaya d'appeler le poste 112. Le téléphone sonna longtemps, mais personne ne répondit. Elvin alors décida de revenir au centre de congrès : dans environs deux heures il y aurait la cérémonie d'ouverture. Il entra dans le hall et vit deux ou trois personnes avec un dossier égal au sien. Il se demanda si un d'entre eux pourrait être Beau, et approcha du groupe, quand il entendit appeler son nom. "Elvin Childers !" Il se retourna et resta la bouche ouverte. L'autre vint à côté de lui et il le salua avec hésitation : "Bob Doyle...", puis il remarqua que Bob aussi avait en main le même dossier. "Toi aussi ici pour le congrès ?" Les deux ne se connaissaient que de vue, dans le passé ils avaient échangé quelques mots. Comme ils se serraient la main, Bob se mit à rire et Elvin le regarda un peu confus, se demandant le pourquoi de cet éclat de rire. "Alors... c'est toi Oscar Wilder ! Je suis Beau Goodman !" Elvin le regarda avec étonnement, puis il regarda la plaquette, mais il n'y avait écrit que «Bob Doyle»... "Beau... Bob..." dit Elvin confus, puis il s'ouvrit dans un large sourire et, sur une impulsion, il le serra contre lui. "Le monde est vraiment petit..." "Et dire que nous avons échangé des e-mail... de quelques pâtés de maisons. J'étais curieux de te rencontrer, et maintenant... Je ne pensais pas que tu étais gay ! Et penser que plus d'une fois, en te voyant, je pensais que J'aurais aimé... essayer avec toi ! Mais tu étais toujours si réservé... Ce n'est pas qu'on se connaissait beaucoup. " "Mais... et donc... à Benton il y a un club... avec plus de trois cents gay ?" "Pas tous, mais en enlevant les amis hétéros, les lesbiennes et les bisexuels, nous sommes une centaine de gays authentiques..." Ils se mirent à bavarder en grande conversation, en s'acheminant vers le centre de congrès, en se racontant plein de choses en peu de temps. Elvin découvrit que la mère de Bob, veuve, avec le frère marié et la sœur, faisaient également partie du club. Ils savaient pour Bob, et non seulement ils l'avaient pleinement accepté, mais ils étaient à son côté. "Ma mère, mon frère et sa femme, et ma sœur, quand je ferai mon coming-out public, ils vont être à côté de moi." dit fièrement Bob. "Mon père... Je crois qu'au minimum refuserait de me parler... sinon pire. Je ne sais pas si j'aurais le courage de faire mon coming-out... public ni privé..." "Selon moi, chacun doit faire ses propres choix en fonction de sa propre situation... et de sa force, de son courage." "Ouais... tu es en train de me donner du... lâche..." "Non ! Pas du tout. Je crois que faire un coming-out est utile, voire nécessaire, pour l'évolution des attitudes des gens, mais je crois aussi que ce n'est pas un... Devoir. Et de toute façon, ce n'est pas à moi de juger." "La plupart des associés du club sont prêts à faire le coming-out ? Tant gay que pas gay ?" "Environ un tiers, pour commencer. Nous avons décidé, cependant, de ne pas mettre d'étiquettes... pour ne pas dire qui de nous a telle sexualité ou telle autre. Sans se cacher, mais sans en faire étalage, donc tout le monde va se demander, va essayer de comprendre... et on verra qu'il n'y a aucun moyen, qu'il n'y a pas de différences. Nous ne pensons pas faire une Gay Pride, au moins pas pour l'instant. Nous en avons discuté longuement et nous sommes arrivés à cette décision. Nous allons voir si c'est la bonne..." Ils se sont assis voisins, dans l'auditorium, et par la suite pendant le dîner social. Puis à la nuit, après un spectacle, ils retournèrent à l'hôtel. Ils parlèrent un peu plus, ils se souhaitèrent bonne nuit et chacun retourna à sa chambre. Mais dans la tête d'Elvin résonnait la phrase de Bob : "je pensais que j'aurais aimé essayer avec toi !" et il se dit qu'il aimerait essayer avec Bob : il lui avait semblé un garçon très intelligent, ainsi que beau et désirable. Il se dit que le lendemain, il ferait comprendre à Bob son désir... Il s'endormit avec une agréable érection... Le lendemain, Elvin sembla ne jamais trouver le bon moment pour lui faire sa proposition. La journée passa, intéressante pour les activités, agréable pour la proximité de Bob. Au soir, Bob lui proposa : "Cela te va ce soir, d'aller dîner quelque part ? Toi et moi seuls ?" "Bien sûr, plus que volontiers..." dit Elvin se sentant légèrement excité. Donc, finalement, pendant le dîner Elvin lui dit : "Tu m'as dit que tu n'as pas de petit ami..." "Ouais, comme toi : libre comme l'air." "Et que tu... t'as fait quelque... réflexion sur moi..." "Encore une fois exact, et surtout maintenant que je commence à mieux te connaître..." "Qu'en dis-tu si..." "Avec plaisir..." "Ce soir..." "Dans ta chambre ou dans la mienne ?" demanda Bob avec un léger sourire gentil. "Tant qu'on est les deux ensemble... Tu me plais..." "Toi aussi..." Ce fut une nuit de feu, où ils se donnèrent l'un à l'autre avec un fort plaisir. Il était quatre heures du matin quand finalement ils tombèrent endormis, les membres enlacés, repus et heureux. Ils décidèrent de se mettre ensemble. Bob le présenta à sa famille. Et quand, quatre mois après, il y eut la fondation de l'association pour les droits de l'homme, et la manifestation du premier «coming-out» à Benton, Elvin défila avec Bob et toute la famille Boyle. Le père l'affronta le long de la Broadway. "Que fais-tu avec ces dégénérés, Elvin !" rugit l'homme. "Une manifestation pacifique pour les droits de l'homme..." "Pour les droits des sodomites ?" cria le père, le visage rouge. "Aussi, pourquoi pas ? Pour mes droits, papa. Pour le droit d'aimer ceux qui m'aiment, sans problèmes !" "Le droit de foutre, tu veux dire." "Aussi ; tout comme tu baises maman, non ?" Le père fit le geste de lui donner une gifle, mais la mère de Bob intervint rapidement et l'arrêta avec les deux mains et bloqua le bras de l'homme, ce qui prouva qu'elle avait une force insoupçonnée: "Mister Childers, agissez comme une personne civile. Si vous n'êtes pas capable de comprendre, pas capable d'aimer votre fils comme il est, ce n'est pas en le giflant que vous arriverez à résoudre les problèmes que vous avez, monsieur Childers!" "Les problèmes que je..." tonna l'homme, mais il abaissa son bras. "Les problèmes c'est mon fils qui les a, s'il baise avec un homme!" "Je suis désolée de vous contredire. Les problèmes c'est vous qui les avez, puisque vous croyez vivre encore au temps des ainsi dites sorcières de Salem. Nous sommes en train d'entrer dans le nouveau millénaire, ne l'avez pas encore réalisé, vous ? Vous ne savez raisonner ni avec votre cœur ni avec votre tête. Si tout votre problème est avec qui on baise... allez vous faire foutre ! Ceci est une manifestation autorisée, votre fils est un adulte, vous n'avez pas le droit de nous empêcher de la faire. Alors foutez-nous la paix... ou je vais vous dénoncer pour menaces et pour perturbations de la paix publique... et quelque autre chose si ça me vient à l'esprit ! Allons, les garçons !" Elle dit, prit le bras d'Elvin d'un côté, de son Bob de l'autre, et avec tous les autres elle continua, en souriant, dans la manifestation.
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