LES TROIS BOUDDHAS CHAPITRE 3
UNE SITUATION INTENABLE

Kobayashi Shinji et Ohmori Goroh... Kiyoshi se sentait amoureux des deux hommes, si différents et pourtant également fascinants. Les nuits qu'il passait dans la résidence universitaire étaient à présent bien rares et il alternait entre la maison de Shinji et la villa de Goroh.

Même leur façon de faire l'amour était différente et pourtant si belle, enrichissante et passionnante. Les deux hommes l'aimaient et chacun lui donnait beaucoup, bien que de façon si différente, non pas opposée, mais complémentaire.

Shinji faisait de lui une personne raffinée et sensible, instruite dans les arts traditionnels qui lui plaisaient tant. Il lui faisait découvrir les vertus cachées les plus humbles, les choses simples et lui enseignait à jouir de la beauté de la vie. Goroh en faisait un futur médecin vraiment bien préparé, le présentait dans la bonne société, lui préparait une position sociale telle que ses parents, petits commerçants ne lui auraient jamais obtenue. Il en faisait un homme du monde.

Il remboursait cette dette en donnant aux deux hommes la seule chose qu'il pouvait leur offrir, sa beauté, son amour, sa tendresse et sa... fidélité. De fait, il leur était fidèle, même s'il les fréquentait en secret l'un et l'autre. Il aurait fait n'importe quoi pour les rendre heureux...

Mais, progressivement, cela lui posait de plus en plus de problèmes. Tout son temps, son énergie étaient répartis entre les études et les rencontres avec Shinji ou avec Goroh.

Les mois passaient et Kiyoshi se sentait toujours plus heureux mais aussi de plus en plus écartelé. Lorsqu'il était avec Shinji, il sentait qu'il aurait dû lui appartenir totalement... Mais quand il était avec Goroh, il aurait voulu n'appartenir qu'à lui.

Aucun des deux hommes ne suspectait le moins du monde l'existence de l'autre, chacun était heureux, satisfait, reconnaissant au garçon qui leur donnait tant d'amour, tant de douceur. Tous deux étaient sûrs d'avoir enfin trouvé le parfait compagnon de leur vie.

Une nuit, Shinji, après lui avoir longuement et tendrement fait l'amour, lui dit, "Je n'ai jamais été si heureux, Kiyoshi, que depuis que je suis avec toi. Mais moi, suis-je vraiment capable de te rendre heureux ?"

"Oui, Shinji, bien sûr. Pour moi, tu es vraiment la meilleure chose qui pouvait arriver dans ma vie."

"Mais à part te faire l'amour, est-ce que je te donne tout ce dont tu as besoin ? Est-ce que je réponds à tes désirs, à tes rêves ?"

"D'une façon extraordinaire, Shinji. Grâce à toi, je sens que je progresse chaque jour. Mon esprit et mon corps découvrent chaque jour avec plaisir des horizons nouveaux. Je t'aime, Shinji !"

"Je t'aime aussi, mon doux Kiyoshi."

"Je voudrais..."

"Quoi donc, mon amour ?"

"Prends-moi une nouvelle fois, s'il te plaît..."

Shinji sourit et accéda volontiers à la pressante demande de son ami. Il l'embrassa et ils se remirent à se caresser et à s'embrasser et quand l'homme se sentit prêt, le membre de nouveau érigé et dur, il s'unit au tendre garçon, le pénétra et commença à lui donner du plaisir et à en prendre par de lents et tendres allers et retours. Kiyoshi était aux anges, il se donnait avec une vraie passion, s'agitait pour donner à son Shinji autant de plaisir qu'il recevait de lui. Après presque deux ans, ils connaissaient si bien le corps de l'autre et leurs unions étaient toujours plus belles et agréables.

Les clochettes tintinnabulaient dans le vent, et par la véranda ouverte sur le jardin entrait une douce brise qui caressait leurs corps étroitement enlacés dans la danse de l'amour.

Kiyoshi arriva progressivement à l'orgasme en se disant que Shinji était son vrai amant, celui qu'il lui fallait et qu'il se devait de ne pas revoir Goroh...

Mais deux jours plus tard, Goroh l'attendait à la sortie des cours et l'invita à venir chez lui. Kiyoshi hésita un instant, sans même que son professeur s'en aperçoive. En fait, il l'entraîna par le bras jusqu'à sa décapotable. Pendant tout le court trajet jusqu'à Arashiyama, le garçon se répéta qu'il devait dire à Goroh qu'il devait le quitter.

En arrivant à la belle maison, Goroh le guida directement jusqu'à sa chambre où il l'embrassa avec une passion dévorante. "Tu m'as beaucoup manqué, Kiyoshi." dit-il en commençant à lui déboutonner la chemise.

Kiyoshi le laissa faire, terriblement excité en se disant qu'il pourrait le lui dire plus tard... Goroh se déshabilla en hâte et l'enlaça avant de l'embrasser avec fièvre tout en se laissant descendre sur le lit avec lui.

"Tu m'as tellement manqué ! Tu m'as ensorcelé, mon garçon, je ne peux plus me passer de toi !"

La passion de cet homme important le déconcertait, le captivait. Goroh voulait le prendre avec autant d'avidité qu'il voulait être pris. Goroh se prépara puis il posa les jambes du garçon sur ses épaules et le pénétra d'un seul coup avec un enthousiasme viril.

"Oh oui..." gémit le garçon, rempli par cette lance virile.

"Tu es à moi !"

"Oui..."

Goroh se mit à le marteler avec passion en le caressant. Il souriait, savourant pleinement leur union. Kiyoshi aussi était débordé par le plaisir que l'homme lui procurait.

"Tu es beau, Kiyo... Tu es à moi... Je t'aime..."

"Oui..." murmura le garçon ému qui secouait la tête sous l'intensité du plaisir.

Les deux amants arrivèrent simultanément à l'orgasme, parmi les gémissements rauques d'un plaisir tellement puissant qu'il les faisait vibrer comme les branches d'un arbre sous les soudaines rafales d'une mousson d'été.

Quand ils se furent détendus, Goroh l'embrassa de nouveau et lui dit, "J'ai préparé un bain, suis-moi."

Ils pénétrèrent dans la grande salle de bain aux murs et au sol de précieux bois clair qui semblait briller comme de l'or sous le soleil qui entait par de hautes fenêtres. Ils se lavèrent mutuellement, soigneusement, avec de longs et exténuants massages. Puis ils se rincèrent et descendirent enfin dans le bassin de bois où coulait une chute d'eau chaude, fumante, et ils se couchèrent dans les bras l'un de l'autre.

"C'est trop bon de faire l'amour avec toi, Kiyoshi. Je t'aime ! Et toi ?"

"Oui..."

"Tu auras bientôt ton diplôme. J'ai une bonne nouvelle pour toi. J'ai déjà joué mes cartes. Dès que tu auras passé tes examens, tu seras affecté à l'hôpital universitaire, tu seras mon assistant. Es-tu content ?"

"Oui, très content. Merci !"

"Ce n'est même pas du favoritisme, tu es le meilleur de cette année. Et je veux que tu sois à mes côtés, non seulement comme un amant, mais aussi comme assistant. Je te ferai faire une grande carrière."

"Merci."

"Tu le mérites... Si je devais choisir... Je ne sais pas si je renoncerais à toi comme amant pour t'avoir comme assistant ou je te garderais comme amant mais non comme assistant. Heureusement, je ne suis pas obligé de faire ce choix, et je peux te garder des deux façons."

Pendant qu'ils sortaient de l'eau, ragaillardis, et qu'ils se séchaient mutuellement, Kiyoshi lui dit, "Reconduis-moi là, s'il te plaît. Prends-moi de nouveau !"

Les yeux de l'homme brillèrent et il sourit. De retour dans la chambre, l'homme le prit une deuxième fois avec un désir renouvelé, une virilité passionnée. Il se pencha sur lui et l'embrassa profondément. Goroh se vida en lui avec une série de très fortes poussées, faisant trembler le lit et le corps du garçon.

Au moment où Kiyoshi arrivait à un deuxième orgasme brutal, il se dit que Goroh était vraiment son amour, l'homme qu'il lui fallait, et qu'il devait se séparer de Shinji.

Mais il ne pouvait pas se décider, il les aimait trop tous les deux... Il pensa que peut-être le temps lui indiquerait lequel choisir... et il laissa sa double vie continuer, alternant les douces rencontres avec Shinji et celles plus passionnées avec Goroh, les promenades dans les bois avec le premier et les sorties en voilier avec le second, les controverses artistiques avec l'un, les échanges sur les sciences médicales avec l'autre.

L'année scolaire se termina et, en mars, Kiyoshi obtint son diplôme avec un excellent mémoire préparé sous la houlette de Goroh, qui lui valut les félicitations du jury et une publication aux frais de l'Université.

En l'honneur de son élève-amant, Goroh donna une grande fête dans sa maison.

Shinji aussi voulut fêter le diplôme de Kiyoshi et lui donna une de ses plus précieuses et belles calligraphies, avec un waka composé expressément pour lui et l'emmena traverser de nuit le lac Biwa sur une barque. Là, sous le baldaquin fermé d'un rideau aux larges bandes bleues et blanches, bercé par les vagues et le léger roulis de bateau, il lui fit l'amour tandis que les deux bateliers ramaient en silence.

Quand, après avoir atteint le sommet du plaisir, ils se séparèrent, Shinji lui dit d'un air rêveur, "C'est tellement agréable de faire l'amour avec toi, mon doux Kiyoshi..."

"Pour moi aussi..."

Revenus à la rive, ils reprirent le chemin du retour et Shinji lui demanda, "À présent que tu as fini tes études, tu vas devoir quitter la résidence universitaire. Sais-tu où tu vas aller vivre ?"

"Non, pas encore."

"Pourquoi ne viendrais-tu pas enfin vivre avec moi ? Cela fait deux longues années que nous sommes amants... Ne serais-tu pas heureux de partager avec moi ma maison et pas seulement mon lit ?"

"Ce serait bien, Shinji. Très bien, mais..."

"Je ne veux pas te forcer à faire quelque chose que tu ne désires pas, mais j'en serais vraiment heureux..."

"Moi aussi... Même si tu me prends un peu au dépourvu... Me laisses-tu un peu de temps pour décider ?"

"Bien sûr, mon amour, aussi longtemps que tu le désireras. Sache seulement que je serais vraiment ravi que tu acceptes ma proposition."

"Tu es très gentil, Shinji, et ta proposition m'honore. Je te dirai ma décision... dès que je serai prêt à franchir ce pas." murmura Kiyoshi en frissonnant.

"Tu trembles, mon amour ?"

"Il fait un peu froid..." mentit le garçon pour s'excuser.

"Ferme ton anorak." lui conseilla l'homme en continuant sa route prudente dans la nuit au volant de la petite voiture.

Kiyoshi pensa que ce serait très agréable de vivre avec Shinji. Il imagina la vie quotidienne avec le poète et ce que son imagination projetait sous ses paupières closes était très doux. Une vie baignée d'art, une vie qui serait en soit une expression artistique.

Le lendemain, il se trouvait dans sa chambre. Il l'avait encore à disposition pour quelques jours, puis il devrait quitter la résidence universitaire. Il se mit à emballer ses livres, ces quelques affaires, décidant ce qu'il devait emmener avec lui et quoi jeter. Il lui restait quelques jours pour décider...

II entendit frapper à sa porte et alla l'ouvrir. Il se trouva face à Goroh qui le regardait avec un large sourire. C'était la première fois qu'il venait jusqu'à sa chambre. Kiyoshi le regarda entrer avec étonnement. Goroh alla s'asseoir sur le lit étroit.

"Je vois que tu prépares ton déménagement."

"Je ne l'ai plus que pour quelques jours..."

"C'est de cela que je suis venu te parler. J'ai appelé mon ami architecte pour qu'il fasse quelques aménagements dans ma maison. Tu vas venir habiter chez moi. Tu auras tes quartiers, même si, évidemment, tu passeras toutes les nuits dans ma chambre. Si ce n'est pas prêt à temps, tu pourras t'installer dans une des chambres d'ami. Est-ce que ça te va ?"

"Ça ne te dérange pas que je vienne habiter chez toi ?"

"Cela fait plus d'un an que nous sommes amants. Je n'ai jamais aimé personne comme je t'aime. Et maintenant, je te connais assez pour savoir que tu seras aussi bien avec moi que moi avec toi. Et nous pourrons vivre notre vie sans soucis. Et puis ce sera plus simple, puisque nous allons travailler ensemble, de vivre ensemble."

"Oui, bien sûr, c'est vrai... mais..."

"Qu'est-ce qui te trouble ?"

"Rien, mais tu me prends un peu par surprise... Peux-tu me laisser un peu de temps pour décider ?"

"Pourquoi donc ? Je t'ai dit que non seulement tu ne me dérangeais pas, mais que tu me ferais plaisir. Tu ne veux pas me rendre heureux ?"

"Oui, bien sûr, mais..."

"Pas de 'mais'. Tu m'aimes, je t'aime, quoi de plus ? Je suis si excité à l'idée que tu seras enfin tous les soirs avec moi ! Faire l'amour avec toi et une des plus belles choses dans ma vie, vraiment."

Goroh se leva, ferma la porte à double tour, dégagea le lit et commença à se déshabiller. "Viens-là, mon bien-aimé. Je brûle de désir pour toi..." lui dit-il.

Kiyoshi fut immédiatement excité et regarda avec des yeux pleins de désir le corps du bel homme qui s'était dénudé pour lui et il retira ses propres vêtements, presque en hâte.

"Approche-toi, Kiyo." dit l'homme d'une voix rauque de désir.

Le garçon s'agenouilla devant lui et commença à lui donner du plaisir avec les lèvres et la langue. Goroh lui caressait les cheveux avec un sourire de contentement. Très vite, il le souleva, le plaça à quatre pattes sur le lit et s'agenouilla entre ses jambes puis il l'attrapa par les hanches et le pénétra d'une unique poussée. Kiyoshi gémit de plaisir et se poussa en arrière contre le bassin de cet homme puissant pour mieux sentir, plus profondément, le beau pieu de son amant.

"Je t'aime, Kiyo !"

"Moi aussi, Goroh..."

"Tu aimes faire l'amour avec moi ?"

"Oui, énormément."

Le médecin, en sentant l'orgasme approcher, se mit à le marteler, jusqu'à ce qu'il tire le bassin du garçon contre son aine et se vide en lui. Juste après, le garçon trembla sous la puissance des jets qui fusaient sur la couverture.

Le professeur se releva du lit, jeta le préservatif dans la corbeille à papier, et se rhabilla, une expression comblée sur le visage. Kiyoshi aussi se rhabilla en silence, avec un sentiment de béatitude, de ravissement.

"Je dois partir. Appelle-moi quand tu auras tout préparé, que j'envoie un coursier prendre tes affaires pour les transporter chez moi. À bientôt !"

Quand l'homme fut sorti, Kiyoshi prit une serviette, l'humidifia et nettoya soigneusement le lit. Puis il s'assit sur le bord et se prit la tête entre les mains, les coudes sur les genoux, et eut un sanglot, un gémissement répété, "Que faire ? Que faire ? Que faire ?"

Il se sentait complètement perdu. Il devait obligatoirement prendre une décision, mais il ne pouvait pas le faire. Il aimait les deux hommes d'un amour égal, tous deux l'aimaient, d'une façon différente mais également belle et tous deux le voulaient.

Il n'aurait pas dû s'impliquer ainsi avec les deux. Mais comment en sortir à présent ?

"Que faire ? Que faire ? Que faire ?" répétait-il, inconsolable.

Il se leva et se remit à ranger ses affaires. Un dépliant apparut dans sa main, avec sur la couverture un des trésors de la nation, le temple du Nageire-do sur le Mont Mitoku près de Tottori-ken.

Il en tourna les pages, en lut quelques passages. Sans cesser la lecture, il s'assit sur le bord du lit, concentré.


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