LE GARÇON VÉNITIEN CHAPITRE 5
Une découverte douloureuse

Toni continuait, honnêtement, la recherche d'un emploi, mais il semblait simplement qu'il n'y en ait pas. Par conséquent il continuait aussi à chercher des «messieurs» qui veuillent l'amener chez eux ou aux Fondamenta dell'Osmarin et le payer pour ses performances.

Il avait, pour ainsi dire, perfectionné sa méthode : puisqu'il faisait beau temps, il ôtait sa chemise restant torse nu, en la tenant suspendue à l'épaule avec un doigt, et il se promenait tranquillement, à un rythme lent, dans la Piazza ou dans le petit jardin, regardant d'un œil un peu dragueur, un peu timide et un peu effronté en même temps, tous ceux qu'il aimait, avec qui il irait volontiers.

Souvent, les messieurs le suivaient, puis, arrivés au premier coin isolé et discret, Toni leur faisait un léger signe de tête et un clignement de sourire et ainsi il trouvait le client pour ce jour-là. Il était allé avec beaucoup de «illustres» seigneurs, même avec des nobles et des étrangers. Ces derniers, et même les premiers, s'ils n'avaient pas de chambre , il les conduisait à la «Table Ronde» où il était à présent bien connu.

Ayant des relations sexuelles avec plusieurs personnes, et aussi grâce à son inventivité et son imagination, il trouvait de nouvelles façons de le faire qui, en plus de lui remplir les poches et de faire plaisir aux clients, lui donnaient du plaisir à lui aussi. Toni bientôt fut très sollicité, parce que se répandit la rumeur qu'il connaissait des trucs inimaginables pour divertir ses clients, et aussi parce que, contrairement à d'autres garçons, Toni ne le faisait pas juste pour l'argent, mais parce qu'il aimait le faire.

Cependant, ne voulant pas décevoir Zulian, il n'acceptait jamais plus d'un client par jour, et avec celui-là, aussi, jamais il n'atteignait plus d'un orgasme. Maintenant il gagnait ses cinq lires presque tous les jours et le soir, il en donnait deux, deux et demi à Piero. Il dût donc trouver une cachette pour les autres pièces qui s'empilaient. Il ne voulait pas tout dépenser, sinon quelques centimes pour quelque chose à manger ou à boire, mais il n'avait pas encore décidé comment il allait les utiliser.

Presque comme dans un rituel superstitieux, souvent il allait allumer une bougie dans l'église de Saint-Moïse, à remercier pour être en mesure de trouver de bons clients et prier pour en avoir toujours assez. Toni avait mis l'âme en paix sur le fait qu'il trahissait son Zulian avec ces «messieurs», en se disant que, après tout, c'était seulement du travail, bien que un travail très amusant et loin d'être fatigant, et n'avait donc rien à voir avec le sentiment qu'il éprouvait pour son doux cousin.

À la maison, personne n'avait jamais rien soupçonné sur la véritable nature du «travail» de Toni, même pas Zulian. D'abord parce qu'aucun des Boscolo ne fréquentait jamais la région de Piazza et de Castello, où il y avait les Fondamenta dell'Osmarin et aussi parce que Toni avait toujours été très prudent qu'il n'y ait personne qui le connaissait, quand il réussissait à accrocher un client.

Mais après quelques mois de cette double vie de Toni, Enrico, l'un des garçons qui se trouvaient dans la soirée dans le campiello qui était près de la maison où vivaient les Boscolo, et qui devait remettre quelque chose à Ca' de' Priuli, au-delà du rio San Provolo, vit Toni entrer dans la maison de la Table Ronde. Le garçon savait que ce qui se passait dans cette maison, parce qu'un peu plus d'un an avant il y avait été conduit par un homme : c'était son unique expérience, parce qu'il n'avait pas aimé le faire avec un homme. Mais Enrico comprit ce qu'allait y faire Toni.

Dans un premier temps, le garçon se dit que peut-être pour Toni aussi c'était la première fois : après tout il y avait été lui aussi. Pourtant, il l'avait vu arriver joyeux et bavard... pas honteux et silencieux comme quand il lui était arrivé... Puis il pensa que lorsque ils étaient au campiello, il n'avait jamais entendu Toni parler de «filles» et de «femelles» comme tous les autres garçons...

Rongé par la curiosité, chaque fois qu'il devait livrer quelque chose dans le quartier de San Marco et de Castello, il faisait un petit détour pour passer en vue des Fondamenta de l'Osmarin ou de toute façon en vue de la maison. Et enfin, une dizaine de jours plus tard, il vit Toni quitter la maison... "Une fois, il peut aussi être juste par curiosité, mais deux... c'est un vice." Il se dit Enrico, amusé pour sa découverte.

Alors, il se mit à le dire aux camarades du campiello, quand il n'y avait ni Toni, ni l'un des cousins Boscolo. Comme d'autres fois quand les garçons faisaient entre eux ces commérages, quelques-uns y croyaient, d'autres pas. Cependant, même pas une semaine plus tard, un autre des garçons jura avoir vu Toni entrer dans cette maison avec un «monsieur». Alors ils ont commencé à faire des blagues au sujet de Toni... même en sa présence.

D'abord Toni, puisque Zulian semblait ne pas les saisir, fit semblant de rien, en espérant que ces bavardages sur son compte cessent.

Mais un soir, Enrico lui dit : "Bien sûr que t'as trouvé un emploi un peu spécial, hein, Toni ?"

"Eh bien, un boulot occasionnel..." dit le garçon avec un haussement d'épaules.

"Oui... occasionnel... maintenant une occasion avec un monsieur et demain avec un autre... Que fais-tu, tu te fais charger, ou tu charges ?" lui demanda Enrico, en riant.

"Mais ne dis pas la merde !" répondit Zulian en comprenant l'allusion. "Il travaille à la journée aux Zattere, n'est-ce pas vrai, Toni ?"

"Au Zattere ? Mais non, quelles Zattere ! Au Fondamenta de l'Osmarin... où il y a une maison où se retrouvent les seigneurs baise-culs avec des garçons cul-baisés !" dit Enrico.

"Oui justement, là... Moi aussi je l'ai vu entrer dans cette maison. Dis-nous que c'est pas vrai !" dit un autre rapidement.

"Mais non, quelle merde tu dis ? Je devais juste livrer un paquet..." se protégea Toni, en regardant préoccupé vers Zulian.

"Remettre ton paquet ou ton cul ?" se moqua de lui Enrico.

"Toi, tu es un gars qui utilise le cul aussi pour aller aux toilettes, Toni ? Un de ceux qui suivent la célèbre philosophie de baise dans le cul ?" demanda un autre, et ils ont tous ri.

"Eh, il y a aussi des gens qui se trompent de route !" fit remarquer un autre des garçons, riant.

"Mais assez, les gars, quel plaisir vous y trouverez à dire cette merde sur mon cousin ?" demanda Ferruccio.

Mais Toni remarqua que Zulian le regardait avec un froncement de sourcils, et se sentit mal à l'aise. Puis Zulian, sans rien dire, rentra chez lui.

"Vous m'avez cassé les boules, les gars !" s'écria Toni et il rentra rapidement chez lui pour faire face à son cousin.

Comme il grimpait les marches deux à deux, il se demandait ce qu'il pouvait dire à Zulian, comment le convaincre que ce n'était pas vrai du tout. Il avait le cerveau en ébullition, il se sentait agité. Quand il arriva dans le grenier, il fit une pause devant la porte fermée. De la fenêtre dans le fond de l'étroit couloir venait une faible lumière. Il prit une profonde inspiration, puis il poussa la porte et entra.

"Zulian ?" Il appela doucement, tâchant de distinguer sa silhouette sur le lit, car la lanterne n'était pas allumée.

"Que veux-tu ?" vint la réponse dans laquelle on sentait les larmes.

"Écoute, Zulian, t'as pas cru à..."

"À quoi ? À toi ? Nous avions juré, non ? Nous avions juré ! Je ne t'ai jamais mis une corne !"

"Mais, Zulian... pourquoi..." dit-il, sentant son estomac se serrer, en restant debout près de la porte.

"S'ils m'avaient accusé moi... je l'aurais crié pour toute Venise que c'est pas vrai. Que faisais-tu aux Fondation de l'Osmarin ? Qu'y avait-il à charger et décharger, là ? Tu n'as jamais dit qu'on t'envoyait livrer des colis. T'as toujours dit que tu étais un porteur au Zattere... "

"Mais il est arrivé... le patron m'a demandé de..."

"Combien de fois, hein ? Pourquoi tu te fous de moi, hein ?"

"Mais tu... pourquoi tu crois plus à eux qu'à moi ?"

"Ils t'ont vu, non ? Pourquoi tu nies ?"

"Parce que ce n'est pas vrai... je... je..."

"Tu, quoi ? Si ce n'est pas vrai, allons-y dans cette maison et demandons combien de... paquets tu leur a délivré ! Mais... s'ils me disent que là... que là on n'y va que pour faire... je vais te tuer !"

"Zulian, je..."

"Tu, quoi ? Ils ne l'ont jamais dit pour moi, non ? Ils ne peuvent pas, parce que je n'ai jamais fait ces choses. Pourquoi ils devraient inventer une telle chose de toi ? Pourquoi tu te fous encore de moi ? Combien de fois tu y es allé, hein? Avec combien tu l'as fait, hein ? Que nous soyons des pédales je ne m'en soucie pas, je serai même heureux si c'était pour rester avec toi, mais que tu fasses le putain... que pendant la journée, tu vas baiser avec des étrangers, puis la nuit tu le fais avec moi... Et puis tu venais me dire : tu sais que j'ai pensé qu'on peut le faire d'une façon plus amusante ? Pensé, oui !"

"Mais je... Je t'aime, Zulian..."

"Ah, je te remercie beaucoup. Pense un peu si tu ne m'aimais pas ! Nous avions juré, oui ou non ? Et toi, tous les jours... tous les jours tu es entré dans cette maison, non ?"

"Mais non, pas tous les jours..." dit Toni, et il mordit sa langue : il l'avait enfin admis. À ce moment-là, il réalisa qu'il serait inutile de nier. "C'est juste... Je ne pouvais pas trouver du travail et... et alors..."

"Alors, tu as trouvé un bon petit travail, n'est-ce pas ? Et moi, que j'étais heureux qu'il y avait plus d'un an que nous étions amoureux, que tu étais mon marco et moi le tien ! Tu es un traître, tu es un infidèle, tu es plus noir que le diable, plus sale qu'un Sarrasin ! Tu n'es pas le fils d'oncle Polo, mais de Judas! Tu es un traître né, tu es... tu es... tu es une merde !"

"Zulian..." Toni gémit, appuyé contre le chambranle, désolé, tremblant pour la fureur qu'il sentait dans les paroles de son cousin.

"Si tu me voulais du bien, t'en auras parlé avec moi, et peut-être qu'à nous deux on aurait trouvé une autre solution, non ? Lorsque je recevais un bon pourboire d'un de ces messieurs que je transportais dans une gondole, je te la donnais, non ? Et que crois-tu, qu'aucun de ces messieurs n'a pas essayé avec moi ? Mais je ne me suis jamais laisser toucher... pour toi ! Quel connard je suis, hein ? Pour toi ! Va-t-en, Va-t-en, je ne te veux plus ici. Va-t-en !" dit-il d'une voix basse et pleine de douleur.

"Mais, Zulian... non, allez... écoute..."

"Vas-t-en, je t'ai dit ! Va dormir dans la chambre de Zanotto, qui n'est pas là. Je ne veux pas plus de toi ici. Tu ne dois jamais plus me toucher, traître !"

"Zulian... écoute..." répéta Toni du fond du cœur.

"Je ne veux pas t'écouter ! Je ne veux plus entendre quoi que ce soit de toi ! Je ne veux plus me faire encore prendre par toi ! Va-t-en ! Je ne dirai rien à mon père, ou il t'écorcherait vivant. Et espère seulement que Ferruccio ne lui dira rien. Va-t-en !" gémit le garçon.

"Je suis désolé, Zulian... vraiment..."

"Ah ouais ? Si tu étais vraiment désolé tu ne l'aurais pas fait, sale porc de merde ! Va-t-en, j'ai dit !"

Toni quitta la pièce, la tête basse, sortit sur la terrasse sur le toit, et entra dans la chambre vide de Zanotto et sauta sur le lit, sans même se déshabiller.

Zulian, une fois seul, fondit en larmes, se sentant totalement détruit, furieux, déçu, blessé.

"Dégoutant pervers, sale fils de Judas ! Que t'attrape un double cancer ! Que te vienne la chaudepisse !" Il sanglotait, furieusement griffant les draps. Il se calma lentement, encore secoué de temps à autre par un sanglot. "Dégoûtant sale pervers dégueu..." murmura-t-il.

Lorsque Ferruccio rentra chez lui et était sur le point d'entrer dans la chambre où ses deux petits frères étaient déjà endormis, il entendit la voix de Zulian. Intrigué, il s'approcha à sa porte, et il écouta. Pendant un certain temps, il n'entendit pas quoi que ce soit, mais puis il entendit son frère murmurer.

"Salaud, salaud, salaud..."

Il était un peu surpris de ne pas entendre la voix de Toni. Il attendit un moment, puis vint encore seulement la voix de Zulian.

"Je te hais, je te hais, salaud dégueu..."

Alors il poussa la porte et appela doucement : "Zulian ?" et il regarda vers le lit. Les yeux s'habituèrent à l'obscurité et il distingua qu'il n'y avait que son frère.

"Que veux-tu, Ferruccio ?"

"Et Toni ?" il demanda.

"Je l'ai renvoyé. Il dort dans le lit de Zanotto."

"Mais pourquoi ? Je ne crois pas à ce qu'ils disaient au campiello..."

"Et moi oui... Il m'a dit qu'il est vrai !"

"Sainte Vierge ! Tu blagues ?" Ferruccio demanda en écarquillant les yeux.

"Ce serait une blague de merde ! Non, je ne blague pas."

"Vraiment il t'a dit que... c'est une pédale ?"

"Il est allé dans cette maison pour le faire avec des messieurs pour de l'argent !"

"Mais... dieu saint... si notre père le sait..."

"Je ne lui dis pas, mais je ne le veux pas plus ici dans la chambre avec moi."

"Eh bien... je ne le lui dis pas, mais... mais je ne pensais vraiment pas que Toni est une pédale... Pour de l'argent qu'il l'a fait? Saint Dieu, quelle histoire ! Dieu si notre père le sait..."

"Va dormir, allez. Laisse-moi seul, maintenant."

"Mais oui... bonne nuit, Zulian... bon dieu quelle histoire..." dit le garçon et il quitta la chambre.

Il était sur le point d'entrer dans sa chambre quand il changea d'avis. Au lieu de cela, il alla sur le toit et entra dans la chambre de Zanotto.

"Toni?" appela-t-il.

"Que veux-tu ?" demanda son cousin dans l'obscurité, d'une voix étrange.

"Mais pourquoi as-tu fait ça ?"

"Je ne pouvais pas trouver du travail..." se plaignit Toni.

"D'accord, mais... Ici, à la maison tu mangeais, non ? Peut-être un petit quelque chose on l'aurait trouvé, non ? Et puis... je ne le croyais pas... Pourquoi t'as dit à Zulian que c'était vrai ? Tu sais qu'il est mal... tu sais qu'il t'aimait comme un frère, comme l'un d'entre nous, non ? Si tu nous disais que ce n'était pas vrai nous te croirions toi, pas du tout les autres..."

"Il voulait aller avec moi à la maison pour demander... et il le savait de toute façon, et ça aurait été même pire que si je lui disais... Et maintenant Zulian me déteste... Et peut-être toi aussi..."

"Non, Toni, pas moi, mais... bien sûr... Mais comment es-tu devenu une pédale ?"

"Et qu'est-ce que j'en sais... j'en sais rien."

"Mais... tu aimes ?" lui demanda Ferruccio.

"Eh bien... oui..." murmura Toni.

"Mais... à... à te faire enculer ou à baiser toi ?"

"Les deux..."

"Mais... vraiment tu n'aimes pas les filles ?"

"Pas du tout..."

"Dieu, si notre père le sait..."

"Tu lui dis ?" Toni demanda, inquiet.

"Non... pas moi... et même Zulian ne lui dit pas."

"Tu as parlé avec lui ?"

"Oui..."

"Je parie qu'il me déteste..."

"Je le crains que oui..." confirma doucement Ferruccio.

"Pas moi... Je suis désolé... que Zulian soit mal par ma faute. Il ne veut pas parler avec moi."

"Eh bien... ça va lui passer..."

"Je crains que non. Je crains vraiment que non. Je ferais peut-être mieux à m'en aller."

"Et où veux-tu aller ? Ici est maintenant ta maison. Il suffit que mon père, ma mère ne le sachent pas... et nous ne le leur dirons jamais."

Le lendemain Zulian était bizarre, ne regardait pas Toni, ne parlait pas avec lui, était sombre. Sa mère lui demanda ce qu'il avait, mais il dit qu'il n'avait rien et sortit précipitamment en disant qu'il devait aller travailler.

Dans les jours suivants Zulian semblait peu à peu retrouver son humeur habituelle, mais il ne parlait toujours pas à Toni, il l'évitait, ne le regardait même pas. Ferruccio, qui était le seul qui savait quel était le problème, tâchait de faire en sorte que ses parents ne s'aperçoivent pas que quelque chose n'allait pas. Mais aucun des trois, après le dîner, n'était plus allé au campiello avec les autres gars.

Un après-midi au travail, le patron dit à Zulian qu'il pouvait rentrer chez lui s'il le voulait, parce qu'il n'y avait pas de clients, mais de se montrer de bonne heure le lendemain matin.

Zulian ne voulait pas rentrer à la maison. Alors lui vint une idée : il voulait aller voir où était cette maison de la «Table Ronde» aux Fondamenta de l'Osmarin. D'un pas rapide il y alla. Arrivé près de la Ca' de' Priuli, il regarda autour en se demandant comment reconnaître la maison qu'il cherchait. Il n'avait pas le courage de demander. Il alla s'asseoir sur les marches de l'un des ponts qui enjambait le Rio di San Provolo et commença à observer qui entrait et sortait des maisons de l'endroit.

Et finalement il repéra quelle était la maison : ils y entraient ou en sortaient toujours des messieurs distingués avec des garçons du peuple, certains un peu joyeux et bavard, d'autres plus furtifs, presque honteux. Il se demandait combien de fois Toni y était entré et une grande colère lui vint, ainsi qu'une envie de pleurer.

Il espérait... mais craignait en même temps, de voir entrer ou sortir Toni avec un client, alors il se leva et s'enfuit, marchant aussi vite qu'il le pouvait, le cœur battant.

Mais quelques jours plus tard, il était là à regarder, à espionner. S'il voyait Toni, qu'aurait il fait ? Que dirait-il ? Il ne savait pas. Il l'aurait regardé sans rien dire mais aurait craché sur le sol en signe de mépris ? Il lui aurait crié "pédale !" ou quelque chose de pareil ? Il aurait fait l'indifférent et lui aurait fait un sourire de supériorité ?

Il ne savait pas.

Jusqu'au jour où il sortit de cette porte un gars seul, puis une femme, qu'il avait vu plusieurs fois ouvrir la porte aux les hommes, qui vint vers lui. Il pensa qu'elle allait à l'épicerie ou quelque chose de semblable. Mais elle s'arrêta devant lui.

"Hey, joli garçon... il y a un des messieurs de mes clients qui a remarqué que tu viens ici depuis un certain temps et qui voudrait savoir si pour cinq lires tu viendrais lui tenir compagnie..."

"Moi ?" Zulian demanda, ses yeux s'écarquillant.

"Oui, toi. Alors, que dois-je lui dire ?"

"Pour cinq lires ?"

"Oh, es-tu sourd ? Alors ?" demanda-t-elle avec impatience.

Zulian se sentit étourdi. Puis il sentit comme chaud, puis froid, puis chaud à nouveau. D'une voix étrange, presque étouffé, il dit: "D'accord, je viens..." et il la suivit dans la maison, tremblant comme une feuille.

La femme l'emmena dans une salle où il y avait vraiment une grande table ronde. Autour, contre les murs, il y avait des chaises et des sommiers et des canapés et sur quelques uns il y avait des couples, tous composés d'un "seigneur" et d'un garçon comme lui, en train de parler, rire et plaisanter... et de se toucher d'une façon intime !

Le seul homme qui était là dedans tout seul lui fit signe de se rapprocher, en lui souriant. Zulian s'arrêta timidement à la porte, mais la femme le poussa à l'intérieur, et l'homme vint à sa rencontre.

"Salut, beau gondolier..." dit l'homme avec un sourire et un accent étranger, "Quel est ton nom ?"

"Zu... Zu... Zulian... monsieur."

"Zulian. Et quel âge as-tu ?"

"Se... se... seize et demi, monsieur."

"Viens, asseyons-nous là-bas." Puis il dit à la femme : "Apportez-nous deux tasses de café et quelques bonnes pâtes, Marta."

"Tout de suite, monsieur !" dit la femme et elle disparut par une autre porte.

Zulian pensa que de la femme avait le même nom que sa mère. L'homme s'assit sur un fauteuil et fit asseoir Zulian sur ses genoux.

"Sais tu que tu es très beau, Zulian ?"

"Mh."

"Il y a un moment que je te vois et je t'aime beaucoup. Je suis heureux que tu aies accepté de venir avec moi."

"Ah."

L'homme caressait sa cuisse. Zulian était tendu et tremblant.

"Marta m'a dit que tu n'es jamais venu ici..."

"Non, jamais."

"Mais... ça te va si après... si nous allons à l'étage et... et si nous nous amusons, non ?"

"Mh." Zulian dit, hochant à peine la tête.

La main de l'homme le caressait maintenant entre ses jambes, sur la braguette. Zulian rougit et regarda autour anxieusement : personne ne les regardait. L'un des «messieurs» embrassait son petit ami... avec la langue dans sa bouche ! L'un des garçons avait sa main à l'intérieur de la braguette de son «monsieur» et remuait en ricanant... Deux autres étaient juste assis à proximité et chuchotaient avec des fous rires, mais sans se toucher... Mais personne ne les regardait.

Zulian se sentait confus, mais peu à peu, pour ce qu'il voyait et la main chaude qui le caressait entre ses jambes, il commença à s'exciter. Quand Marta revint avec un plateau, il rougit encore. La femme posa le plateau sur une petite table à côté du fauteuil et s'en alla, sans rien dire.

L'homme dit à Zulian de se servir des pâtes, de boire le café. Un homme entra dans la salle puis dit doucement au couple qui s'embrassait : "La chambre numéro trois est prête..." et le couple se leva et partit, suivi par le gars.

"Quand une autre chambre sera prête, nous allons monter nous aussi..." dit l'homme.

"Ah." dit Zulian. "Et... les autres ?"

"Ils l'ont déjà fait..." dit l'homme avec un petit rire. "Et toi... qu'aimes tu faire, Zulian ?"

"Je ne... je ne sais pas..." dit-il avec hésitation.

"Ce ne sera pas ta première fois, non ?" demanda l'homme avec incrédulité.

"Av... avec un mons... monsieur... oui...", répondit-il en rougissant à nouveau.

"Et avec qui l'as-tu fait, alors, avec tes petits amis ?"

"Av... avec mon ma... mon ma... marco."

"Marco ? Qui est ce Marco ?"

"Non... non, ma... ma... Marco. Av... avec... mon... amour... amoureux..."

"Et que faisiez vous, hein ? Qu'est que toi et ton amoureux faisiez ?" demanda l'homme avec un sourire malicieux.

"Le cho... les choses... un peu... un peu de... tou... tout..."

"Bon. Et alors nous aussi, nous deux aussi ferons un peu de tout, nous nous amuserons, tu verras."

"Oui..."

Et quand un gars vint et leur a dit que la chambre numéro un était prête, ils montèrent... et ils firent un peu de tout.


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