Tomas s'apprêtait à sortir du bâtiment des bureaux de l'usine quand il remarqua une lumière allumée au fond du couloir.
"On voit bien que ce n'est pas eux qui paient l'électricité !" bougonna-t-il en allant l'éteindre.
Arrivé devant le bureau de la comptabilité, il ouvrit la porte pour éteindre quand il vit qu'il y avait quelqu'un : c'était Flavio Marzi, le chef comptable italien.
"Monsieur Marzi, encore ici ?" demanda-t-il, un peu surpris.
"Oh, monsieur Walsh... je dois faire la clôture avant demain, alors..."
"Mais... et les autres ?"
"Je les ai renvoyés chez eux. Je peux m'en sortir seul... je ne peux pas leur demander de rester... pour rien. Et puis c'est ma responsabilité." répondit le jeune homme avec un sourire timide.
"Vous travaillez trop... mais je vous en suis reconnaissant, depuis que je vous ai embauché tout est parfait en comptabilité."
"Merci, c'est trop aimable."
"Bien, mais n'exagérez pas avec le travail : si vous tombiez malade je serais dans le pétrin, sans vous !" lui dit Tomas, puis il le salua et sortit. "Il faudra lui donner une bonne augmentation, il la mérite largement..." se dit-il en descendant à sa voiture.
Au début il avait un peu hésité à embaucher cet italien, peut-être un peu par chauvinisme, mais non seulement son CV était excellent, mais son entretien avec lui avait été bien plus satisfaisant qu'avec les autres candidats. Maintenant il était très content de l'avoir embauché.
Il prit son porte-clés et le regarda en souriant, puis il monta en voiture et démarra. Il l'avait eu en cadeau trois ans avant, pour son demi-siècle, un cadeau de pas grand chose, mais c'était son préféré parmi tous ceux qu'il avait reçus. D'un côté il y avait un "50" dans un cercle de feuille de lauriers en bas-relief et de l'autre, dans un petit ange, trois minuscules lettres gravées : "mob".
Il s'arrêta au feu rouge et, en attendant le vert, il regarda sa montre : il arriverait à la maison juste pour le dîner, comme il avait promis à sa femme. Il regarda le siège du passager, comme pour s'assurer de n'avoir pas oublié l'assortiment de chocolats pour Aine. Il était sorti exprès à l'heure du déjeuner. Il sourit en pensant que sa femme, quand elle verrait la boîte, lui demanderait sans doute : "Mais que fête-t-on, aujourd'hui ?"... Mais il savait qu'elle serait contente.
Une fois chez lui, il entra avec un vibrant : "Salut, Aine !"
"Salut, trésor. Ça a été à l'usine, aujourd'hui ?"
"Oui. Tiens, c'est pour toi..." dit-il quand ils se rencontrèrent, en lui tendant la boîte de chocolats.
"Oh ! merci. Mais que fête-t-on, aujourd'hui ?"
Tomas sourit : "Nous-mêmes. Comme tous les jours." dit-il en enlevant sa veste et en dénouant sa cravate.
Aine le prit dans ses bras et ils échangèrent un tendre baiser : "Viens, c'est prêt. Ah, Sean a appelé."
"Qu'est-ce qu'il raconte ? Comment va-t-il ?" demanda-t-il en passant à table.
"Ils ont trouvé une maison, finalement. Ils emménagent le week-end prochain. Il dit que... dès qu'ils seront installés, ils veilleront à nous faire grands-parents." conclut-elle avec un sourire heureux.
"Parfait. Ah, j'ai dans ce sac la maquette du nouveau catalogue. Ça te dit de le regarder, après, et me dire ce que tu en penses ?"
"Bien sûr, volontiers. Tu ne peux vraiment pas venir à Dublin, samedi et dimanche ? Tu sais que ma mère t'adore, elle serait contente de te voir."
"Je ne peux pas, désolé. Pourquoi ne la convaincs-tu pas de venir ici, lundi, avec toi ? Elle pourrait passer la semaine avec nous..."
"Tu connais maman... comment la convaincre de laisser ses chats ?"
"Mais tu ne peux pas lui dire de les emmener ? Après tout il fait beau et ils peuvent rester au jardin..."
"Non, maman aurait toujours peur qu'ils s'échappent... Et puis tu sais, à son âge, même si elle est encore en forme, on ne bouge pas volontiers de chez soi. Elle n'est plus la globe-trotter d'avant, depuis la mort de papa."
Ils passèrent le repas à discuter agréablement. Puis, pendant que Miss Gallagher, la gouvernante, débarrassait, ils passèrent au salon pour regarder un peu la télé, assis à moitié enlacés sur le divan, comme toujours, à commenter à voix basse l'émission qu'ils regardaient.
C'était un débat sur les changements, en bien ou en mal, d'un rapport de couple quand naît un enfant... et Aine se demandait pourquoi eux n'en avaient pas eu. Elle avait servi de mère aux deux enfants de Tomas qui, à leur mariage, n'avaient que quatre et six ans... mais elle aurait aimé avoir un enfant à eux.
Aine avait pensé consulter pour comprendre quel était le problème, mais Tomas n'avait pas voulu : "S'il vient des enfants, j'en serai heureux, mais sinon, tout ira bien aussi."
"Mais si tu as eu deux enfants, ça veut dire que le problème est chez moi..." insista Aine, se sentant un peu coupable.
"Ce n'est pas dit. Je pourrais être devenu stérile, peut-être quand j'ai eu ces fortes fièvres... Ou simplement c'est parfois le hasard qui fait qu'il ne naisse pas d'enfant : il arrive parfois que deux personnes fertiles n'arrivent pas à avoir d'enfants ensemble. Ne t'en fais pas, mon amour."
En douceur, Tomas avait fait s'estomper le léger sens de culpabilité qu'elle avait éprouvé : oui, c'était vraiment un homme exceptionnel, très gentil et doux, bien que fort. Ces dix-huit ans de mariage avaient été très beaux pour Aine... Sean et Deidre l'appelaient "maman" et la traitaient comme telle, ce qui avait en grande partie apaisé son désir de maternité.
Une des choses qui lui plaisait chez Tomas était sa façon de faire l'amour, il s'arrangeait toujours pour arriver à l'orgasme seulement après qu'elle-même l'ait atteint... pour autant qu'Aine en sache, c'était assez rare chez un mari. Oui, il était aussi très beau de faire l'amour avec Tomas. Elle se sentait vraiment aimée, respectée et aimée.
À cette pensée, Aine sentit une grande tendresse pour son mari, et en même temps, son désir se réveilla aussi. Elle commença à le caresser doucement, de façon de plus en plus intime. Tomas sourit et lui rendit ses caresses. Ils regardèrent le journal du soir puis éteignirent la télé, allèrent dans leur chambre et commencèrent à faire l'amour. Malgré leurs dix-huit ans de mariage, ils continuaient à faire l'amour assez souvent, et avec plaisir.
Le matin suivant, quand le réveil sonna, Aine ouvrit les yeux. Elle regarda Tomas qui dormait encore et elle sourit : même s'il avait cinquante trois ans, il était encore bel homme... Elle le réveilla doucement, en le caressant.
"Bonjour..." dit Tomas en souriant, la voix encore pâteuse de sommeil. "Il est déjà l'heure ?"
"Oui, dormeur."
"Tu fais quoi, aujourd'hui ?"
"Je vais au cercle des femmes catholiques."
"Vous préparez les lots pour la loterie de Pâque ?" demanda Tomas en sortant du lit et en s'étirant.
Aine admira son beau corps athlétique et nu : "Oui, bien sûr, comme chaque année. Comment penses-tu contribuer, cette année ?"
"Comme d'habitude, si ça vous va : trois bons d'achats sur nos meubles, un de cinq cents, un de mille et un de mille cinq cents euros."
"Oui, bien, elles te sont toujours très reconnaissantes. Elles disent toutes que tu es généreux..."
"C'est simplement un devoir. Quand les affaires vont bien, il faut redistribuer la richesse, d'abord par de bons salaires aux employés, puis aussi d'autres façons, comme ceci."
"Je ne crois pas que tant de monde pense comme toi. Mes amies m'envient d'avoir un mari comme toi."
Tomas sourit et alla à la salle de bain, se laver. Aine entendit que la gouvernante préparait le petit déjeuner à la cuisine, puis elle entendit aussi l'aspirateur que la bonne passait à l'étage inférieur.
"Hier soir tu n'as pas regardé la maquette du catalogue, Aine..." lui dit son mari en s'habillant.
"J'avais plus intéressant à faire..." dit-elle en souriant. "Tu peux me le laisser ? Je le regarderai avant de sortir."
"Oui, d'accord. Tu rentres à la maison à midi, ou bien tu déjeunes avec les dames de charité ?"
"Tu sais que je n'aime pas que tu dises dames de charité... Oui, je déjeune avec mes amies."
Tomas rit : "Tu ne sais pas encore que j'aime te taquiner et voir comment tu prends la mouche ?"
Aine le prit dans ses bras et lui donna un baiser.
"Voilà, juste ce qu'il fallait... Que nous faisions au moins la paix avec un baiser..." lui dit Tomas.
Après le petit déjeuner, Tomas partit à l'usine. Il appela aussitôt la responsable des ressources humaines et lui dit vouloir augmenter le chef comptable. Puis il examina le courrier que son secrétaire avait posé sur son bureau. Il expédia les choses les plus urgentes et alla au bureau des projets.
"Stanley, les projets dont vous m'avez parlés sont déjà prêts ?" demanda-t-il au chef de service.
"Oui, monsieur Walsh. Voilà, regardez : nous avons développé l'ébauche de Brian en tenant compte de vos observations."
"Il a l'air doué ce garçon, si jeune qu'il soit." dit Tomas en se mettant à examiner les plans. "Oui, voici vraiment une belle ligne pour les chambres de garçons et d'adolescents... ce sera sans doute un succès quand on les présentera au salon du meuble. Bien. À ce stade faites-moi faire l'étude de prix, pour qu'on puisse au plus tôt préparer la nouvelle ligne de production. Et faites mes compliments à Brian. Non, je vais plutôt les lui faire en personne. Où est-il ?"
"Il n'est pas au bureau aujourd'hui, il m'a demandé trois jours de congés pour aller au mariage d'un cousin... même qu'il devait être témoin, je me suis permis de les lui accorder." dit Stanley un peu incertain en regardant Tomas.
"Vous avez bien fait. À son retour avertissez-moi et rappelez-moi de lui faire mes compliments."
"Je n'y manquerai pas, monsieur Walsh. Merci."
"Merci à vous. À vous deux vous faites vraiment le travail de quatre."
Tomas descendit à la menuiserie, mit le masque pour ne pas respirer la sciure, les vapeurs de colle et de solvants et alla saluer les ouvriers. Ayant une excellente mémoire, il les appelait tous par leur nom et il alternait les questions sur l'évolution du travail et les éventuels problèmes avec des questions plus personnelles. La quasi totalité de ses employés l'estimaient et l'appréciaient pour sa façon de se comporter, pour son intérêt.
Tomas était un homme qui s'était fait tout seul. Son père avait une menuiserie dans la banlieue de Cork. Il y avait travaillé depuis son adolescence, il avait appris à fond le métier depuis la base et, en s'engageant avec détermination et intelligence, il avait transformé la petite menuiserie de son père en l'actuelle florissante entreprise d'ameublement, qui comptait à présent soixante douze salariés, entre les ouvriers et les employés et qui était en lente mais continue expansion. Il avait aussi su s'entourer d'excellents collaborateurs.
Après sa tournée, il revint à son bureau. Il prit le téléphone et composa un numéro. Personne ne répondit, il regarda sa montre et se dit qu'il était trop tôt, bien sûr qu'il n'était pas encore chez lui. Alors il appela Robert, son secrétaire, et s'occupa du courrier avec lui.
Avant qu'il ne reparte, Tomas lui demanda avec un sourire : "Comment va votre Steve ?"
"Un peu mieux, merci, il devrait se remettre vite."
"Bien, je m'en réjouis. Vous irez le voir pendant la pause de midi ?"
"Oui, certainement."
"Portez-lui tous mes vœux, alors. " dit-il en souriant.
Ces deux-là étaient ensemble depuis six ans. Tomas l'avait découvert par hasard, parce qu'un jour, alors que Robert était aux toilettes, contrairement à d'habitude il avait répondu au téléphone par un "oui ?" laconique et Steve l'avait salué d'un vibrant "Salut, mon amour !"
"Excusez-moi, mais... qui est à l'appareil ?" demanda Tomas.
Quand Steve comprit son erreur, il avait raccroché après un : "Pardon, j'ai fait un faux numéro..." mais Tomas avait vu sur le petit écran que l'appel venait de chez Robert et il avait deviné ce qu'il en était. Il avait souri et haussé les épaules et il n'y avait plus pensé.
Plus tard Robert reçut un autre appel de Steve, qui lui expliqua ce qui s'était passé, alors son secrétaire vint lui en parler, très gêné. Tomas lui avait dit qu'il n'avait absolument pas à s'en faire. Par la suite, peu à peu, Robert avait commencé à s'ouvrir à lui et il lui avait même parlé un peu de Steve et lui.
Les gens semblaient éprouver l'impulsion presque irrépressible de se confier à lui... Peut-être parce que Tomas savait écouter, peut-être parce qu'il ne jugeait personne, peut-être à cause de sa gentillesse informelle et de son humanité.
Il examinait quelques revues d'ameublement quand, soudain, Tomas sentit une douleur aiguë au côté, au milieu de la poitrine, derrière le sternum. Il avait du mal à respirer, alors il se leva péniblement, alla à la fenêtre et l'ouvrit. Il eut des sueurs froides, puis la douleur parut s'atténuer et se diffuser tout autour, vers la gorge, les bras et l'estomac.
Il s'appuya à deux mains à la rambarde, se pencha un peu dehors et s'efforça de respirer à fond, plusieurs fois. Peu à peu il se sentit mieux. Il s'essuya le front avec un mouchoir et retourna s'asseoir à son bureau, en laissant la fenêtre ouverte.
"Bah... ça doit être une chute de tension soudaine..." se dit-il. "Il faut que j'aille faire un check-up."
Il s'abandonna contre le dossier, puis, sentant que c'était passé, il se remit à son courrier et oublia ce petit incident déplaisant.
Sa montre vibra : il la regarda et sourit. Il resserra sa cravate, mit sa veste et descendit prendre son auto pour aller déjeuner à son petit restaurant habituel sur la rivière Lee, comme il le faisait depuis d'innombrables années.
Après la longue pause déjeuner, en roulant vers l'usine de meubles, il se sentait très bien, détendu et heureux, comme s'il avait rajeuni de dix ans. Il salua d'un geste et d'un sourire l'employé chargé de l'entrée du parking intérieur, sortit de voiture et monta à son bureau.
L'après-midi passa aussi et Tomas rentra chez lui. Comme toujours il salua d'un vibrant "Salut, Aine !"
Et comme toujours sa femme répondit, en venant à sa rencontre avec un sourire : "Salut, trésor. Ça a été à l'usine, aujourd'hui ?"
"Oui. Le service projets a terminé la ligne de chambres pour ados. Je suis sûr que ce sera un succès. Ce Brian est un vrai artiste, encore meilleur que Stanley. Tu as eu le temps de regarder la maquette du nouveau catalogue ?"
"Bien sûr, je te l'avais promis. C'est beau... et même parfait, je dirais. Tu as bien fait de faire appel à un designer, cette fois."
"Oui... tu sais, c'est Brian Quinn qui l'a dessiné, le même qui a proposé la nouvelle ligne de chambres. Il n'a que vingt-trois ans, mais il a un vrai talent. Il a étudié le design à Londres, puis il s'est spécialisé à Milan, avec une bourse d'études."
"Ce garçon orphelin de Belfast ? Celui pour qui tu m'as demandé de trouver une chambre, n'est-ce pas ?"
"Oui, Aine. Ses parents ont été tués quand il était petit, dans un attentat, son oncle et tante l'ont pris chez eux et lui ont payé ses études. Pour aller étudier à Londres, après il a été serveur dans un night club... Enfin, une fois diplômé, il a gagné une bourse d'études à Milan."
"Et comment se fait-il qu'il soit venu travailler pour toi, Tomas ?" demanda sa femme pendant qu'ils passaient à table.
"Il avait vu notre production au Salon International du Meuble de Milan et elle lui a plu... Alors il m'a envoyé certains de ses dessins avec son CV en me demandant si j'étais intéressé à l'employer. Et il a été une très bonne recrue."
"Ce que j'aime chez toi, Tomas, c'est que tu sais toujours tout sur tes employés. Ils ne sont pas que des numéros pour toi, ils sont... plutôt un peu comme des membres de ta famille."
"Tu me traites de paternaliste ?" lui demanda-t-il avec un léger sourire. "Et puis, tu n'aimes que ça, chez moi ?"
"Mais non, tu le sais bien. Je veux dire que non seulement tu me plais comme mari, mais tu me plais aussi comme... chef d'entreprise, j'aime ta façon de diriger ton usine, et aussi que tu me racontes ce qui t'arrive, ce que tu fais à l'usine."
"Mais dis-moi, comment ça a été pour toi aujourd'hui, avec tes dames de charité ?"
"Tomas ! Tu sais que je n'aime pas que tu les appelles comme ça !" protesta Aine en feignant la colère.
Ils se regardèrent et éclatèrent de rire, ils aimaient, parfois, se provoquer tous les deux.
"Bah, mais alors, comment ça s'est passé ?"
"Bien, très bien. Cette année la loterie sera encore plus riche que les précédentes."
"Et à quoi sont destinés les fonds, cette fois ?"
"On continuera bien sûr notre soutien aux deux écoles techniques à Madagascar et aux Philippines où sont tous nos missionnaires. Puis, tout ce que nous récolterons en plus, à partir de cette année, nous l'investirons dans la banque Grameen au Bangladesh pour le micro crédit."
"Parfait, parfait. Ce sont vraiment des actions pour la paix dans le monde, plus que de mettre un drapeau couleur de l'arc-en-ciel à la fenêtre ou faire des défilés. Ce n'est qu'en aidant les plus pauvres au monde à se construire une vie qu'on obtiendra justice et paix. Des actions comme ça, il en faut, plus que des mots..."
"Oui, Tomas. Et pourtant, face à la misère du monde, on se sent si souvent impuissant, inepte. Il y a tant de choses qu'il serait bien de faire, mais malheureusement personne ne peut les faire toutes."
"Mais si chacun ne faisait que le peu qu'il est en mesure de faire... Malheureusement il y a encore trop d'égoïsme dans ce monde. Et c'est pour cela que nous devons essayer d'en faire de plus en plus."
"Et nous rendre compte que le peu que nous arrivons à faire n'est jamais suffisant." ajouta Aine.
"Parfois... je me demande si moi j'en fais assez pour toi..." dit alors Tomas.
Aine le regarda, surprise : "Pourquoi ? Je... je suis très bien avec toi. Il ne me manque rien... surtout pas ton affection dont tu ne m'as jamais fait manquer."
"Jamais... tout du long de ces dix-huit ans ?"
"Oh, Tomas ! Tu es le meilleur mari du monde ! Du moins... tu l'es pour moi, et c'est ce qui compte, non ? Pourquoi as-tu des doutes aussi stupides ?"
"Non... comme ça... je me le demande parfois, c'est tout. Tu es une femme très bien, une femme splendide et tu as aussi été une vraie mère pour mes enfants. Alors... je me demande si je suis capable de te donner tout ce dont tu as besoin et que tu mérites..."
Aine se leva de sa chaise, fit se déplacer Tomas, s'assit sur ses genoux et le prit dans ses bras.
"Moi... je t'aime, Aine..." murmura Tomas.
"Oui, je sais. Et moi aussi je t'aime..."
Miss Gallagher, entrée pour débarrasser, les regarda avec un sourire plein de tendresse, bien que "vieille fille", elle avait pour ses employeurs de l'admiration, du respect et de l'affection. Ce n'est pas par hasard qu'elle travaillait pour eux depuis des années.