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histore originale par Andrej Koymasky


LE BEAU GARÇON CHAPITRE 1 - UNE JOURNÉE NORMALE

Serafino pencha la tête en arrière et éclata d'un rire retentissant, ce qui agita ses beaux cheveux blonds. "Trop fort... trop fort !" s'exclama-t-il les larmes aux yeux, de rire. "Mais tu les trouves où, Valé ?"

"Non, c'est surtout sa façon de les raconter !" s'écria Stefano, plié de rire, presque au spasme.

"C'est surtout sa façon de raconter." dit aussi Alessio en se tapant les cuisses de rire. "Même celles que je connais me font mourir de rire quand c'est lui qui les raconte."

Valerio, d'un sérieux imperturbable, dit : "Et vous connaissez celle de la crise financière ?"

"Non, non, assez, s'il te plait. Non, vraiment, si tu continues je me pisse dessus..." le coupa Alessio.

Stefano but à la bouteille, lâcha un petit rot et passa la bouteille à Serafino. Valerio sortit son paquet de cigarettes.

"Eh, Valé, sur le paquet il est écrit que ça nuit grave à ton entourage !" lui dit Stefano.

"Oh, il y a aussi écrit que fumer pendant la grossesse fait du mal au bébé... mais pas un de mes clients ne m'a mis enceint !" répondit Valerio en allumant sa cigarette. "Et de toute façon..." ajouta-t-il, l'air sérieux, "mon bébé se redresse encore normalement."

"Fumer donne le cancer..." insista Stefano, toujours dans le jeu.

"Ah, c'est ça ! Alors ma mère devait fumer pendant que mon père la baisait : je suis du signe du cancer !" répondit Valerio, l'air toujours aussi sérieux, en exhalant une bouffée de fumée qu'il regarda se disperser dans l'air.

"Et moi je suis taureau, vous le saviez ?" dit Alessio.

"Sûr qu'on le sait, on a tous baisé avec toi." lui répondit Valerio, "Mais même toi tu n'es pas arrivé à me mettre enceint."

"Pas tous, non. Serafino résiste encore et toujours." dit Alessio en le regardant, l'air malicieux.

"Et pourquoi crois-tu qu'il irait avec toi : c'est le plus beau sur la place et il se choisit qui il veut..." dit Valerio.

"Ah oui, même si Sera aussi est plus actif que passif ?" dit Stefano.

"Arrête de m'appeler Sera. Ou Fino. C'est Serafino." protesta l'intéressé en feignant d'être fâché.

"Trop long." dit Alessio.

"Tu la lui as mesurée ? Bandant ou au repos ?" demanda Valerio en rigolant.

"Aucun de nous ne l'a encore vu à poil..." se plaignit Stefano.

Serafino sourit : "Je ne mélange pas les affaires et les amis, je ne vous l'avais pas dit ? Ceux qui veulent n'ont qu'à payer et je les satisferai."

"Tu es un sacré menteur. On sait tous que tu te fais Emiliano, et ne viens pas me dire que tu le fais payer, lui..." dit Alessio.

"Bon... j'avoue, j'ai un faible pour Emiliano."

"Pour son cul, tu veux dire..." l'accusa Valerio.

"Pour son petit cul en or, d'accord." avoua Serafino. "Il sait y faire. Et de toute façon, il me paie... en nature."

"Sera...fino, tu n'oublieras pas de demander à Forleo de me fait faire un casting ?" lui demanda Stefano.

"Je te l'ai pas promis ? Mais ne te fais pas d'illusions, même s'il veut bien te voir, il n'est pas dit que tu lui ailles. Pour les modèles, il a son genre pour les types qu'il aime prendre en photo."

"Je veux bien coucher avec lui, aucun problème." dit Stefano.

"Surtout pas. Au contraire, n'essaie même pas. Leandro n'a jamais mis dans son lit aucun de ses modèles."

"Mais il n'est pas pédé ?" demanda Alessio, un peu étonné.

"Bien sûr qu'il l'est, mais... à ma connaissance il n'a jamais baisé avec aucun de ses modèles."

"Il a un copain ? Son ami est jaloux ?" demanda Valerio.

"Non, il n'a personne. Pour Leandro tout le plaisir consiste à regarder et à prendre des photos. Ça suffit à l'exciter... Souvent, après, il s'enferme dans sa chambre et se soulage tout seul." expliqua Serafino en haussant les épaules.

"Mais allez ! Avec toute cette chair fraîche à disposition... tout seul ? Mais alors, c'est un malade !" s'exclama Alessio.

Serafino lui demanda avec un petit sourire : "Et on ne serait pas tous un peu des malades, Alé ? Et pas que nous, les pédés, mais du pape à l'éboueur. On est tous des malades, dans la société, d'une façon ou de l'autre. Leandro... Leandro est un esthète. Je crois que c'est pour ça que ses photos ont du succès, parce qu'il y lâche toute sa libido."

"Mais il fait aussi des photos de groupe ? Des orgies ? Des baises ?" demanda Valerio.

"Non, jamais. Au plus de couples, mais jamais dans des poses porno. Que des photos d'art. Il ne veut même pas que ses modèles bandent, quand il prend ses photos. Si l'un de nous se met à bander, il se fâche et dit : va te branler aux toilettes et ne reviens que quand tu auras débandé..."

Les garçons rirent.

"Parfois, je me moque de lui. Il sourit et me laisse dire. Encore gamin, Leandro prenait des photos de ses copains nus et allait les vendre là où les gens vont tapiner. Il a commencé comme ça. Et ce qu'il gagnait il le dépensait en appareils photo, objectifs et agrandisseurs. Puis il a eu un coup de cul : un touriste américain qui lui avait acheté des photos était rédacteur en chef d'une revue pédé. Ça a été le début de sa carrière américaine... À présent il vend ses photos dans la moitié du Monde, à des privés et à des revues. Il a même fait une exposition à New York et une autre à San Francisco."

"C'est comme ça qu'il a eu sa villa à Fregene ? Ou elle lui vient de sa famille ?" demanda Stefano.

"Non, il se l'est achetée comme ça. Il est fils de paysans, il vient d'une famille pauvre."

"Et maintenant il est millionnaire..." dit Alessio.

"Bien moins qu'il ne le pourrait. C'est un homme généreux, il a aidé plein de garçons, dont moi. Maintenant, par exemple, il paie ses études à Emiliano, il lui paie l'inscription, les frais et les livres."

"Sans le baiser en échange ?" demanda Alessio, incrédule.

"Je t'ai dit qu'il ne baise pas ses modèles, il ne baise personne, pour ce que j'en sais."

"Putain, ce doit être un fou s'il a tant de quéquettes à poil à portée de main et qu'il n'en fait rien !" s'exclama Alessio.

"Chacun à sa façon." (NdT : en français dans le texte) dit Serafino en haussant les épaules.

"Qu'est-ce que tu baves ? Tu peux pas parler comme ta mère t'a appris ? C'est quoi, bordel, chaquinhasafasson ?" demanda Alessio.

"Chacun à sa façon" (NdT en italien dans le texte) expliqua Stefano. "C'était du français."

"Ah ?" dit Valerio. "Qui est français ?"

"La phrase, connard !" fit Serafino en rigolant.

Valerio éteignit sa cigarette, prit la bouteille et en but la dernière gorgée. Puis il proposa : "Eh, les mecs, ça vous dit de faire le jeu de la bouteille ?"

"Non, il faut que j'y aille." dit Serafino en se levant du sofa.

"Tu as un rencard ?" lui demanda Alessio.

"Oui, un client. Un qui paie bien. À plus, les mecs." fit-il et il sortit de l'appartement de ses amis.

Il était bien avec eux. Il les connaissait depuis trois ans. Enfin, il avait d'abord rencontré Alessio, qui était alors avec Valerio, et il était allé habiter avec eux. Stefano n'était venu vivre là que l'an dernier, peu après qu'il soit parti quand il avait enfin été en mesure de se payer un petit appart pour lui seul.

Il prit sa belle moto rouge, mit son casque et partit. Il s'inséra dans le trafic chaotique de l'heure de pointe. Il zigzaguait entre les autos qui avançaient presque au pas, il passa un feu au jaune et alla place Euclide. Il attacha à un lampadaire, avec une chaîne, son casque et sa moto et alla sonner au porche du bel hôtel particulier où il était attendu.

"Qui est-ce ?" grinça une voix dans l'interphone.

"Serafino."

"Ah, bien. Monte." répondit la voix et le porche s'ouvrit dans un ronflement.

En attendant l'ascenseur, il entendit le porche se refermer dans un bruit ouaté. Il arrangea des doigts ses beaux cheveux blonds et il ouvrit son blouson en cuir. Pendant que l'ascenseur montait, il se regarda dans le miroir de la cabine, il se fit un clin d'œil et se sourit. Oui, il était beau garçon, il devait l'admettre.

À la porte de l'appartement se trouvait le domestique philippin. "Viens, le consul t'attend." lui dit-il.

"Mais je ne suis pas en retard ?" demanda Serafino en regardant sa montre.

"Non. Mais le consul commence à attendre bien une demi-heure avant." lui répondit le domestique en le conduisant à travers les couloirs jusqu'à la bibliothèque.

Quand il fut introduit, le consul portait une robe de chambre damassée gris perle, il était debout devant la fenêtre et regardait dehors. Il se retourna et regarda Serafino avec un petit sourire : "Ah, tu es là." dit-il simplement, tandis que le philippin refermait derrière lui.

C'était la cinquième fois qu'il venait chez lui et à chaque fois le consul portait une robe de chambre différente. Serafino se demandait combien il en avait. L'homme vint devant lui et lui mit une main entre les jambes, il palpa doucement et lui sourit. C'était une espèce de rituel qu'il répétait à chaque fois. Bientôt le philippin reviendrait apporter un plateau avec le thé et les gâteaux.

Le consul le prit par la main et l'emmena à la chaise au dossier haut, derrière le bureau, il s'assit et l'attira à lui, le faisant asseoir sur ses genoux. Serafino enleva son blouson en cuir et le posa sur le dossier. Le consul le caressa de nouveau entre les jambes, sur la braguette de son pantalon en cuir souple.

"Tu es plus beau qu'un ange... ton nom te va bien." dit le consul d'un ton rêveur, avec son drôle d'accent étranger, il était content et il souriait, comme à chaque fois.

Serafino sourit en réponse, mécaniquement, et il lui glissa une main sous la robe de chambre pour caresser sa poitrine un peu velue à travers la chemise en soie blanche. Il sentit un téton sous ses doigts et le frotta doucement entre le pouce et l'index.

L'homme lâcha un petit soupir : "Mais tu es un petit diable.." murmura-t-il, satisfait.

Le philippin revint avec le plateau, le posa sur le bureau et, aussi silencieux qu'il était arrivé, il partit, après avoir jeté un coup d'œil éloquent à Serafino.

"Rizal aimerait te mettre dans son lit..." dit le consul en ricanant.

"Tu as déjà baisé avec lui ?" lui demanda Serafino.

"Oui, mais seulement au début. Il n'est pas mon genre."

"Alors, pourquoi tu le gardes ?"

"Parce qu'il est fidèle, et que c'est un très bon domestique. Et puis il est gay, lui aussi, alors il n'y a pas de problème quand... quand un garçon vient ici."

"Et Rizal, il ramène des garçons dans son lit ?"

"Pas ici. Il sait que je ne veux pas d'étrangers." dit le consul.

Il prit un gâteau et l'approcha des lèvres de Serafino. Il aimait le lui mettre en bouche, il y trouvait un subtil plaisir érotique. En partie parce que Serafino lui léchait les doigts... C'était un jeu qu'ils faisaient à chaque fois. Une main du consul se mit à fouiller sa braguette qu'elle ouvrait lentement. Quand il lui donna la bouchée suivante, il fouillait des doigts dans la braguette ouverte, il les enfila sous le minuscule slip et s'empara du sexe qui commença à durcir. Le consul sourit, satisfait.

Quand il le sentit en forme, il chuchota, excité : "Fais-moi goûter ton beau biscuit, Serafino."

Le beau garçon se leva, le consul se pencha vers lui, et se mit à lui donner du plaisir avec les lèvres, la langue, la bouche. Serafino lui prit la tête entre ses mains et commença à bouger le bassin d'avant en arrière, et le consul gémissait, heureux.

Peu après, le consul se leva, prit Serafino par le bras et l'emmena dans sa chambre. Ils se déshabillèrent en hâte. Le consul lui tendit un préservatif et se mit à quatre pattes sur le lit, Serafino mit la capote, s'installa à genoux derrière lui, le saisit par la taille et, lentement, le pénétra en se poussant tout en lui. Puis il commença à marteler dans un long, fort et lent va-et-vient, tandis que le consul se masturbait rapidement.

Le consul commença à murmurer quelque chose en norvégien, sa langue. Serafino n'avait aucune idée de ce qu'il disait, mais ça lui était égal. Il ne pensait qu'à faire son travail de façon professionnelle, à satisfaire cet homme pour qu'il le rappelle.

Il lui prit les tétons entre les doigts et les titilla avec art. Le consul lâcha un petit couinement et agita doucement le bassin pour mieux jouir de ce "biscuit" qui fourrageait en lui. Serafino savait qu'il devait se contrôler pour faire durer cette chevauchée jusqu'au moment où le consul atteindrait le sommet du plaisir. Alors seulement pourrait-il se laisser aller, lui aussi.

Quand enfin ils arrivèrent à l'orgasme, presque ensemble, ils restèrent immobiles à attendre que le sexe du garçon, en retrouvant à sa taille au repos, se dégage de son chaud réceptacle. Ils sortirent du lit et allèrent prendre une douche, ensemble, dans la grande cabine en verre, et ils se lavèrent l'un l'autre.

Pendant qu'ils se séchaient, le consul lui demanda : "Jeudi prochain, même heure ?"

"Oui, bien sûr."

Ils retournèrent dans la chambre et se rhabillèrent. Le consul lui donna une enveloppe fermée que Serafino mit en poche. Puis il sonna. Rizal apparut, impassible et, en silence, il conduisit Serafino à la porte.

"Le consul m'a dit que tu aimerais baiser avec moi." lui dit-il avec un sourire amical.

Le philippin le regarda, hocha la tête et dit : "Mais je ne peux pas te donner autant d'argent que monsieur."

"Dommage. Mais tu es actif ou passif ?"

"Avec un beau garçon comme toi, je fais n'importe quoi."

"Bon, salut..." dit Serafino et il sortit.

Dans l'ascenseur, il ouvrit l'enveloppe : il y avait la somme habituelle, en billets de cinquante euros, neufs comme toujours. Il les mit dans son portefeuille, sortit, reprit sa moto et rentra chez lui.

Il trouva dans la boîte aux lettres la facture d'électricité et de gaz. Il vérifia : à peu près comme d'habitude. Il monta à son appart. Il se déshabilla et passa la tenue de gym qu'il portait chez lui. Puis il mit une machine en route et fit le ménage.

Il n'avait jamais emmené aucun client chez lui, et très peu d'amis. Il ressentait comme une jalousie inconsciente pour son espace privé. Il ne voulait le partager avec personne. Même pas pour quelques heures.

Il nettoyait le séjour quand son portable sonna. Il alla le prendre et reconnut le numéro.

"Salut, Leandro." dit-il.

"Salut beau gosse. Tu viens demain pour les photos ?"

"Bien sûr. Il y aura qui ?"

"Ettore, Emiliano et Ugo. À neuf heures, d'accord ?"

"OK. Pour toute la journée ?"

"Oui, jusqu'à après le dîner. Je veux aussi prendre quelques poses de nuit, au studio et au jardin. Seul et avec les autres. J'ai une idée..."

"Quelle idée ?"

"J'y travaille. À demain."

"À demain."

Il finit de faire le séjour puis il étendit le linge propre. Il n'avait pas envie de se préparer à dîner, alors il passa des tongs, mit en poche les clés de chez lui et son portefeuille et il descendit. Dans l'escalier il rencontra la voisine du rez-de-chaussée et ils échangèrent un sourire et un geste de salut.

C'était une belle fille, Simona, pas de doutes. Belle et sympa. Elle faisait philo à la Sapienza. Parfois son copain venait la voir, un beau mec de vingt-cinq ans qui s'appelait Carlo, commissionnaire à Montecitorio. Il les entendait baiser... son lit grinçait en rythme... longtemps... Parfois il les entendait aussi gémir de plaisir. Ces apparts avaient des murs en papier.

Il lui était arrivé de se masturber en les entendant baiser. Il se demandait comment ça aurait été de baiser avec Carlo... Il aurait aimé le voir nu. Au moins une fois. Peut-être que s'il faisait un trou dans le mur... il sourit à cette idée : jamais il n'aurait fait ça, bien sûr. Ce n'était qu'un phantasme innocent. Il pouvait être plein de défauts, mais il n'avait jamais été voyeur.

Il entra chez le traiteur, salua d'un sourire Anna, la fille du propriétaire, elle était, comme toujours, à la caisse. Et comme toujours, elle le déshabilla du regard.

"Serafino ! Ça fait des lustres qu'on ne t'a pas vu." dit-elle pour l'accueillir avec son accent un peu chantant.

"Oh, le travail..." répondit-il.

"Oh, tu sais, je me demandais ce que tu fais, comme travail !" dit-elle sans cesser de le regarder avec un intérêt mal caché.

"Moi-même je n'ai pas encore bien compris..." répondit-il en riant. "Un peu comme... human resources manager..."

"Comme quoi?"

"Chargé des ressources humaines..."

"Et ça veut dire quoi?"

"Et bien... tu vois... le type qui, quand quelqu'un a besoin d'un service, fait en sorte de le lui faire avoir..."

"Ah. Mais au moins ça paie bien ?"

"Quand on se débrouille bien... oui." répondit-il en lui faisant un signe d'au-revoir et il entra dans la salle.

Il y vit Eugenio, le frère d'Anna, un garçon de son âge, pas beau, mais aux profonds yeux marron, dont un très agréable sourire illuminait toujours le visage.

"Salut, Genio. Je me mets où ?"

"Là, ça te va ?" répondit le garçon en lui tendant le menu.

Serafino s'assit, jeta un coup d'œil au menu et le lui rendit : "Commande pour moi, je n'ai pas envie de choisir. Un hors d'œuvre, un plat, un fruit, un café et un quart de vin. Comment vont les études ?"

"Elles vont... Après-demain j'ai mon exam de géographie linguistique."

"Tu es prêt ?"

"Pas trop. Mais si j'ai au moins vingt sur trente, je remercie le ciel et je rentre à la maison tranquille." répondit Eugenio avec une grimace de bouffon.

"Je ne sais pas comment tu arrives à faire des études et à travailler."

"Oh, moi non plus !" répondit-il joyeusement et il alla passer la commande à la cuisine, à sa mère.

En mangeant, Serafino regardait les autres clients du traiteur, en partie des gens du quartier, comme lui, en partie des touristes. Il reconnut un habitué et ils échangèrent un geste de salut. Puis il vit entrer deux japonais, ou chinois, il n'aurait pas su dire. À leur âge, on aurait dit un père et son fils, l'un avait quarante-cinq ans et l'autre dans les vingt. Ou peut-être étaient-ils plus âgés, les orientaux font souvent moins que leur âge.

Il les observait, intrigué. Le plus jeune était trop obséquieux pour être le fils de l'autre, se dit-il. Peut-être était-ce son secrétaire... ou son amant ? se demanda-t-il, amusé. Il continua à les regarder du coin de l'œil. Le jeune parlait assez bien italien, il traduisit le menu à l'autre et commanda pour eux deux.

Quand Eugenio lui apporta son fruit, il lui demanda : "Ces deux là, ils sont chinois ou japonais ?"

"Japonais. Le vieux travaille au centre culturel."

"Et l'autre, c'est son fils ou son secrétaire ?"

Eugenio fit non de la tête, se pencha et dit à voix basse : "Non, d'après-moi, il est... entretenu. J'en suis presque sûr."

"Ah. Bon, tant mieux pour eux... Mais qu'est-ce qui te fait penser ça ?"

"Je les repère tout de suite, moi, les pédés. Et ils en sont, crois-moi."

"Et il y en a d'autres... ici ?" lui demanda Serafino, amusé.

"Pas ce soir, aucun autre. Ces japonais viennent tous les mercredis et vendredis, depuis quelques mois. Je n'y mettrai pas ma main au feu, mais j'en suis presque sûr..."

"Soit. Tant mieux pour eux." répéta Serafino en haussant les épaules.

"Oui, tant qu'ils n'essaient pas avec moi, pas de problèmes."

"Il y en a qui ont essayé avec moi..." dit Serafino en guettant sa réaction.

"Bien sûr, beau mec comme tu es, tu m'étonnes qu'il y ait des femmes et des hommes à baver devant toi... Même Anna bave devant toi..." lui dit Eugenio en riant.

"Mais arrête !" s'exclama Serafino en feignant la surprise. "Anna a bien un copain, non ?"

"Quel rapport... tu n'as pas de copine, toi ?"

"Non. Je ne veux pas de chaîne au pied. Je suis bien comme ça. Ni copine ni... copain !"

Eugenio rit et il partit.

Serafino se dit qu'il aurait aimé essayer avec le jeune japonais, il était mignon, il n'avait jamais couché avec un asiatique. Pas plus qu'avec un noir, à dire vrai.

Après avoir fini de manger, il alla payer, échangea quelques blagues avec Anna, puis rentra chez lui. Il mit la télé, il y avait "L'île des célébrités". Il ne s'intéressait pas trop à cette émission, mais il y avait Walter Nudo... un très beau mec dont le nom est tout un programme. Trente-trois ans, un corps à faire envie, décidément érotique. Serafino espérait qu'il gagnerait.

Après l'émission il zappa un peu. Il n'y avait rien d'intéressant. Il éteignit la télé, sortit du cagibi ses agrès et fit quelques exercices, comme tous les jours, pour se garder en forme. C'était important qu'il prenne soin de son corps, c'était son précieux instrument de travail.

Quand il arrêta il transpirait un peu. Il se déshabilla et alla prendre une douche, sans se savonner, juste pour enlever la transpiration. Il se sécha en se tamponnant la peau, sans frotter, de façon à la laisser un peu humide : Leandro lui avait expliqué que c'était mieux de faire comme ça.

Et Leandro s'y connaissait, aucun doute. Il prenait toujours soin de "ses" garçons, il leur dispensait des conseils qui allaient du régime aux soins du corps, de la santé ("jamais de sexe sans capote, les garçons, on ne plaisante pas avec le sida !") à la culture ("et allez parfois voir un musée, les garçons, Rome en est bourrée !"). Il était un peu comme un père ou un oncle pour tous, en un sens.

Il se glissa sous les draps et éteignit. Qui plus, qui moins, ils étaient tous affectionnés à Leandro Forleo. Une fois un des garçons l'avait volé... les autres étaient allés le chercher, l'avaient trouvé, l'avaient roué de coups et lui avaient ordonné de ne plus se montrer. Puis ils avaient rapporté le larcin à Leandro qui n'avait même pas voulu porter plainte.

La première fois qu'il avait rencontré Leandro, ou plutôt quand Leandro l'avait remarqué lui revint en mémoire. Serafino venait d'avoir dix-huit ans. C'était un soir, tard et il tapinait au parc de Montesacro, peu avant un autre tapin était parti en voiture avec un client, alors il était resté seul.

Leandro était arrivé avec sa Panda 1000 blanche et s'était arrêté près de lui. Serafino s'était penché pour le regarder : il se dit que le type n'était pas mal... mais qu'il en aurait préféré un plus jeune.

"Salut. Comment tu t'appelles ?" lui avait demandé l'homme.

"Par mon nom." avait répondu Serafino.

Leandro avait ri : "Tu es très beau. Écoute, je suis photographe et j'aimerais que tu poses pour moi."

"Nu sur un lit, je parie." lui avait répondu Serafino, ironique.

"Peut-être bien. Voici ma carte de visite. Ça te dit de venir chez moi demain matin ?"

Serafino avait pris la carte : "À Fregene ?"

"Oui, bien sûr. Il y a un bus..."

"J'ai une moto. Demain matin ? À quelle heure ?"

"Si tu viens vers midi, tu déjeuneras avec moi."

"Tu ne me demandes pas ce que je fais et combien je veux ?"

"On parlera de prix demain. Et ce que tu fais, je m'en fiche, je ne veux que prendre des photos, pas baiser."

"Tiens donc !" s'était exclamé Serafino.

"Tu es vraiment beau, je fais des photos d'art. Des nus artistiques."

"Pornos ?"

"Non, des nus artistiques. Comme celles-ci..." et il lui tendit un fascicule.

Serafino l'avait feuilleté : c'étaient vraiment de très belles photos, en noir et blanc et en couleurs. "Elles sont toutes de toi ?"

"Oui, évidemment. Alors, tu viendras ?"

Il y était allé. Et effectivement il n'avait fait que des photos... Et il payait bien. Il avait rencontré là d'autres garçons qui faisaient le modèle. Tous gays, comme lui, certains aussi tapins. Tous assez beaux. Et il avait découvert que Leandro n'en mettait aucun dans son lit.


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