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histore originale par Andrej Koymasky


PAPA ET MAMAN CHAPITRE 2 - UN FILS DIFFICILE

"Ça suffit, pour la dernière fois !" lui cria sa mère.

Dario haussa les épaules et continua à lancer et à rattraper sa balle de tennis contre le mur du séjour.

"Je dois clore les comptes et tu me déranges ! Va dans ta chambre et laisse-moi travailler." lui dit Franca, énervée.

"J'ai faim. Quand est-ce qu'on mange ?" demanda-t-il, cessant toutefois de lancer la balle.

"Quand j'aurai fini avec les comptes !" lui répondit-elle, en reprenant son travail sur son ordinateur portable.

Dario alla dans sa chambre. Il alluma son ordinateur, contrôla ses mails, seulement quelques spams, aucun message. Il cliqua sur la fenêtre intitulée " download" et l'ordinateur lui demanda le mot de passe. Il tapa "MoDa58vAsY " et la fenêtre s'ouvrit. Bien que sa mère connaisse mieux que lui les ordinateurs, elle n'aurait jamais trouvé ce mot de passe composé de majuscules, de minuscules et de chiffres. Il y avait longuement réfléchi avant de le choisir. Il était facile à retenir mais difficile à trouver. Dario Mosconi né en 1985, était devenu MoDa et l'année de naissance à deux chiffres inversés en 58, puis il avait ajouté " vas-y" mais en alternant minuscules et majuscules...

Il ouvrit des fichiers, au hasard, et les regarda, caressant le début d'une érection entre ses jambes. Si on sait chercher sur internet, on peut gratuitement trouver de belles images. Et celles-là étaient décidément belles. Excitantes. Certaines, surtout, qui le faisaient rêver les yeux ouverts. En trouverait-il jamais un aussi beau, avec lequel faire ces choses ?

Il avait mis l'ordinateur sur le bureau de sorte que l'écran à cristaux liquides soit le dos à la porte, comme ça, si sa mère arrivait, il avait le temps de faire disparaître de l'écran les images compromettantes. Comment réagirait-elle si elle découvrait certaines de ses tendances ? Ils n'avaient jamais abordé les questions de sexualité, avec sa mère. S'il avait eu un père, ou un grand frère... qui sait ?

Son père les avait quittés quatre ans avant, avec une... une vache ! Que trouvait-il, se demandait Dario, à cette femme si vulgaire, encore plus peinturlurée qu'un tableau de Picasso, si... si... décolletée et débordante ? Merde, sa mère n'était-elle pas mille fois mieux que celle-là ? Celle-là faisait plus putain que dame.

Dario n'avait pas très envie de voir son père, pas tellement à cause de lui, mais de l'autre qui était toujours là, avec son sourire mielleux et lui cassait les couilles avec son air hypocrite. Il préférait mille fois sa mère, bien que dernièrement il se soit un peu brouillé avec elle. Non, pas vraiment brouillé... Disons que c'étaient des frictions... Il avait l'impression que tout ce qu'il faisait l'énervait.

"Selon moi, ma mère a besoin d'un homme..." se dit Dario.

Dans le magasin travaillaient aussi deux vendeurs, mais aucun des deux ne plaisait à Dario et, évidemment, pas non plus à sa mère. En fait, c'étaient d'excellents vendeurs, mais ne lui faisaient manifestement aucun effet.

L'un, Giovanni, quarante ans, était marié, grassouillet et avec un air de " je sais tout" qui énervait Dario. Cependant c'était un bon vendeur. Si par exemple un client entrait pour acheter une locomotive, il sortait avec un train complet, ou au moins trois autres wagons...

L'autre, Luca, avait vingt-quatre ans, l'air un peu ours et lorsque il était seul avec Dario, il lui sortait toujours des blagues connes sur les filles que, à l'en croire, il se faisait toutes, une nouvelle chaque fois. Mais Dario pensait que ce n'étaient que des histoires.

Une fois, Luca lui avait demandé s'il avait déjà baisé, ou mieux "culbuté" comme il disait, une fille. Dario lui avait répondu oui, même si ce n'était pas vrai. Il n'allait quand même pas lui dire qu'il avait culbuté un garçon !

Dario ferma son fichier secret. Ce n'était pas le moment de se laisser aller à certaines fantaisies. D'un instant à l'autre sa mère allait l'appeler pour le dîner... Il l'espérait.

Il repensa à la première fois qu'il avait baisé...


Il s'était aperçu, vers treize ans, que les femmes ne lui disaient vraiment rien, du moins sur le plan sexuel. Les garçons, par contre... Putain, ils l'excitaient tellement ! Surtout ceux un peu plus grands que lui, déjà bien développés. Il s'était rendu compte qu'il était gay de la tête aux pieds, mais cette découverte ne l'avait pas traumatisé. Il savait qu'il existait des gens comme ça, on en parlait à la télé, dans les journaux, c'était connu.

Et il savait aussi qu'ils étaient méprisés, condamnés, rejetés par certains, et respectés, acceptés par d'autres. Les uns disaient que c'était une maladie, un vice, et les autres que c'était naturel, normal. Il avait compris, en fait, qu'il ne devait pas en faire un problème, mais qu'il valait mieux ne pas le crier aux quatre vents. Dario se sentait pleinement "normal". Un gay normal.

L'école n'était pas très tolérante, ni de la part des copains, ni de celle des professeurs, au contraire... Et même sa mère, parfois, sortait une blague sinon méchante au moins désagréable sur les gays. Après la sortie d'un client, elle avait commenté, en secouant la tête, "En voilà bien une tapette, pauvre gars. Il me fait de la peine..."

Et bien, il ne voulait pas "faire de la peine" à sa mère. Alors il faisait en sorte qu'elle ne se doute de rien. Mais, à la puberté, le désir sexuel en Dario sembla augmenter exponentiellement, jour après jour. Il se masturbait jusqu'à trois fois par jour, les yeux fermés, rêvant de coucher avec un beau garçon. C'était devenu une vraie obsession, surtout quand, en explorant le web, il avait découvert certaines photos, certains récits plus qu'explicites, qui ne faisaient qu'attiser le feu de ses désirs, même s'il n'en avait pas besoin.

Et enfin, à quatorze ans et demi, c'est-à-dire sept mois plus tôt, il avait eu sa grande occasion. Une fin d'après-midi il était parti seul au cinéma voir "Hammam" de Ferzan Ozpetek, un film sorti depuis peu, parce qu'il avait lu dans le journal qui c'était une histoire gay, et qu'il n'était pas interdit aux mineurs.

Lorsqu'il s'était assis, il avait vu près de lui un garçon d'environ dix-huit, dix-neuf ans. Il lui lança un coup d'œil et pensa qu'il n'était pas mal, puis se tourna pour regarder l'écran. Mais le garçon avait commencé à lui faire du pied et, comme il ne réagissait pas, il lui avait mis une main sur une cuisse. Dario s'était vite senti en feu ! Il ne savait que faire, mais cette main-là lui plaisait beaucoup... Lorsqu'il la sentit glisser, lentement... oh si lentement... trop... vers le haut... et finalement se poser sur sa braguette, Dario avait déjà une forte érection et tremblait presque d'émotion.

Son voisin, après l'avoir un peu palpé, se pencha vers lui et demanda, dans un murmure, "Tu aimes ?"

"Oui..."

"Comment tu t'appelles ?"

"Da... David." répondit-il, sans même savoir pourquoi il ne lui disait pas la vérité.

"Tu as quel âge ?" lui demanda l'autre, toujours à voix basse, toujours penché vers de lui.

"Tu me donnes combien ?"

"Seize ans ?"

"Ouais..." admit-il en pensant que s'il savait qu'il n'en avait que quatorze et demi, il risquait d'abandonner.

"Tu voudrais... venir chez moi... pour t'amuser ?"

"Où ?"

"J'habite près de la gare... Tu viens ? J'ai ma moto... Il n'y a personne à la maison, ils rentrent tard."

"Que... qu'est-ce que tu veux faire ?"

"Qu'est-ce que tu as envie de faire ?" lui avait demandé le garçon, en continuant à le palper entre les jambes.

"Je... je sais pas... j'ai encore jamais..."

"Mais tu as envie d'essayer ? Avec moi ?"

"Oui."

"Viens, alors..."

Et ainsi, Dario n'avait jamais su comment finissait "Hammam". Mais il avait enfin fait sa première expérience sexuelle.

Arrivé dans la chambre de Renzo, il avait donné ce nom-là, ils s'étaient déshabillés presque tout de suite, s'étaient couchés sur le lit et avaient commencé à se caresser, à se toucher partout. Dario faisait juste ce que Renzo lui faisait. Après de brefs préliminaires, Renzo se pencha sur son sexe et commença à le lécher, à le sucer. Rapidement, Dario se retourna et l'imita.

Au début, il était un peu hésitant à prendre en bouche ce membre dur et palpitant... mais si l'autre le lui faisait... Il sentit une odeur de propre... et un goût... indéfinissable, mais pas du tout désagréable. Ils continuèrent un moment ce soixante-neuf, et Dario y prenait goût. Mais Renzo se détacha chez lui, et ils recommencèrent à ce caresser, à se frotter l'un contre l'autre. Puis Renzo sortit quelques préservatifs et un tube de gel...

"Tu veux me la mettre dans le cul ?" lui avait demandé Dario, un peu inquiet, un peu désireux d'essayer.

"Oui... D'abord toi, et puis tu me le feras. D'accord ?"

"Oui, peut-être, mais... je ne l'ai jamais pris là et..."

"Je vais bien te préparer, je ne te ferai pas mal et tu verras que ça va te plaire..."

"Je sais pas... la tienne est... grosse..."

"Pas tellement plus que la tienne. Allez... Tu vas voir, ce que je vais te faire va te plaire..."

"Mais si ça fait mal... tu arrêtes."

"D'accord."

"Tu promets !"

"Promis."

Renzo l'avait fait s'étendre sur le ventre, écarter les jambes et l'avait longuement préparé et lorsqu'il s'était enfin étendu sur lui et s'était décidé à le pénétrer, il n'avait pas poussé trop fort... Au début, Dario avait éprouvé un peu de gêne, mais pas vraiment une douleur, et l'avait supportée. Et quand Renzo avait commencé à bouger en lui, il avait éprouvé un plaisir subtil mais croissant. Il aimait le sentir s'agiter sur lui, sentir sa respiration toujours plus profonde, plus vite... et enfin il le sentit se tendre, s'agiter en lui, et jouir avec un long gémissement.

Puis ils échangèrent les rôles et Dario put plonger en lui et ça lui plut beaucoup, encore plus que de la prendre. Au début il ne savait pas bien faire et deux ou trois fois il avait glissé à l'extérieur, mais ensuite, plus doucement il avait trouvé le bon rythme... Il se sentait exalté, grisé, plein d'énergie et de plaisir et il jouit par surprise, bien avant qu'il ne le veuille, en poussant un bas et long " noooon..." de déception de n'avoir pas su se retenir.

Et tout avait été fini. Ils s'étaient rhabillés, Renzo l'avait raccompagné en voiture jusque chez lui.

"Tu me donnes ton numéro de téléphone ?"

"Non... j'ai pas envie."

"Tu n'as pas aimé ?"

"Si... mais... j'ai pas envie."

Renzo avait un peu insisté, puis ils s'étaient salués et il était parti. Quand la voiture avait été hors de vue, Dario avait tourné l'angle et était rentré chez lui. Il ressentait une étrange sensation entre les fesses, mais malgré tout, il était satisfait. Sa mère regardait la télé.

"On se met bientôt à table." lui dit-elle. "Où étais-tu ?"

"Parti faire un tour." avait-il répondu évasivement et il était allé dans la salle de bain. Il sentait le besoin de se laver en espérant ainsi atténuer la légère sensation de gêne qu'il éprouvait au niveau du sphincter.

Pendant qu'il se lavait, assis sur le bidet, il essaya d'y entrer un doigt... et il eut une nouvelle érection. Il se masturba, jouit de nouveau dans le bidet, puis il se sécha et remit de l'ordre dans ses vêtements. Il retourna dans sa chambre, alluma l'ordinateur et regarda les photos de couples occupés à faire l'amour. Quelques-uns étaient étendus l'un sur l'autre, à plat ventre, dans la même position dans laquelle il l'avait fait avec ce Renzo. Mais d'autres étaient à quatre pattes, sur le dos, debout, et dans mille autres positions... Il pensa qu'il aimerait bien les essayer toutes...

Sa mère l'avait appelé pour le dîner. Il avait éteint l'ordinateur et était allé à la cuisine.

"Tu as fait quoi, pendant ton tour ? Où es-tu allé ? Avec qui ?" lui avait demandé la mère pendant qu'elle remplissait son assiette.

"Mais quoi, t'es de la police ?" avait répondu le garçon, grincheux, en se mettant à manger...

Et curieusement, la question en était restée là...

Après cette première fois, deux mois avaient passé avant que ne se présente une autre occasion. Un mec de vingt-cinq ans l'avait dragué, dans une salle de jeu, pendant qu'il jouait au flipper. Celui là l'avait pris par derrière, mais ne l'avait pas laissé la lui mettre. Il l'avait fait jouir dans sa bouche, et ça n'avait pas été si mal. Puis il lui avait expliqué que dans cette salle de jeu il y avait souvent des garçons qui voulaient... et il lui avait même expliqué comme il faisait pour draguer les garçons.

Et ainsi, Dario, en mettant à profit ce qu'il avait appris, réussit à trouver deux autres garçons, un de dix-sept ans et un de quinze. Avec le premier ils le firent debout, dans la cave de sa maison. Ils s'étaient un peu sucés, chacun son tour, accroupis devant l'autre, et puis ils s'étaient pris mutuellement. Pas mal du tout, il avait bien aimé.

Avec le deuxième, qui s'appelait Marco et était un peu plus grand que lui, ils étaient allés dans sa maison et ils avaient baisé sur le lit, sur le dos, enfin. Marco et lui s'étaient même embrassés. Fort ! Et Marco n'aimait que se faire prendre, une chose qui n'avait sûrement pas déplu à Dario. Et puis ils s'étaient revus à quelques reprises, la dernière étant quelques jours auparavant.


Sa mère l'appela enfin pour dîner. Il était temps ! Ces souvenirs lui avaient procuré une érection, mais avant d'aller dans la cuisine il l'avait redressée de sorte qu'elle ne se remarque pas.

"Qu'est-ce qu'il y a pour dîner, aujourd'hui ? demanda-t-il, en s'asseyant.

"Un rôti aux haricots verts."

"Surgelés, je parie." commenta Dario, en faisant une grimace.

"Et alors ? Je les mange bien, tu les peux manger aussi." lui répondit la mère, en lui mettant sa part dans son assiette.

"Non, je ne veux pas de haricots."

"Tu dois manger des légumes ! Ne fais pas d'histoires."

"J'ai dit que j'en veux pas !"

"Il n'y a rien d'autre."

Dario se leva et alla fouiller dans le frigo. Il prit le plateau de fromage. Sa mère le regarda et secoua la tête, mais ne dit rien.

"Je ne sais vraiment pas ce que je vais faire de toi, Dario !" commenta la mère.

"Tu sais, je voulais faire des études artistiques et tu m'as fait inscrire en lettres, je voulais un VTT, et tu me fais faire du tennis. Pourquoi je dois toujours faire uniquement ce que tu veux ?"

"J'ai plutôt l'impression que c'est toi qui fais toujours et uniquement ce que tu veux !"

"Je pense que tu devrais te remarier. Il te manque un homme !" lui dit son fils avec presque un air de défi.

"Quoi ? Mais tu ne voudrais pas t'occuper de tes oignons ?"

"Mais quoi, Maman ! Depuis que Papa s'est tiré avec cette vache, tu es devenue plus acide qu'un citron. Tu n'étais pas comme ça, avant."

"Tu n'étais pas non plus si... si... si impoli et mal élevé. Je ne sais vraiment pas ce qui te prend. Je ne te supporte plus. De toute façon, tant que c'est moi qui paye ce que tu manges, tu fais ce que je te dis."

"Et l'école aussi m'emmerde, pourtant je ne réussis pas si mal, non ? Mais merde..."

"Et ne dis pas de gros mots !"

"... mais merde..." répéta Dario imperturbable, "... ce que je fais ne te va jamais ! Et puis... les lettres ça ne me plaît pas, le tennis ne me plaît pas et les haricots surgelés de ce soir ne me plaisent pas !"

"Ça suffit, s'il te plaît. Je suis fatiguée. Fa-ti-guée ! Toute la journée au magasin, debout, à me battre avec les comptes, avec les clients, avec les vendeurs, avec les taxes ... tu crois que la vie est facile ?"

"Trouve un homme, Maman, écoute-moi. Épouse-le, vivez ensemble, va te promener, va au théâtre, au cinéma, en vacances, au lit, au restaurant... Mais trouve un homme avant d'être trop vieille ! Et recommence à baiser !"

"Vas-tu t'occuper de ton cul ?"

"Et ne dis pas de gros mots !" la singea Dario, en riant.

"Ah, mais tu ferais perdre patience à un saint !"

Ils mangèrent un instant en silence, puis Dario la regarda, un petit sourire sur les lèvres.

"Qu'as-tu à me regarder comme ça ?"

"Rien, Maman. Je pensais seulement que... il suffirait qu'il ne me gonfle pas et que tu sois bien avec lui... On a tous les deux besoin d'un homme à la maison." dit-il, puis il pensa que lui aussi en aurait besoin, et lui aussi pour baiser, et il étouffa un petit rire.

"Ton père te manque ?" lui demanda Franca, d'un ton radouci.

"Non. C'est-à-dire... pas mon père... Je préfère être avec toi. Et certainement pas avec celle avec laquelle il s'est mis. Mais... Je ne suis qu'un gamin, je ne peux pas te fournir ce que... le soutien... et encore moins... ce qu'une femme jeune et belle... Il faut juste qu'il soit moins con que mon abruti de père... que ce soit comme quand j'étais petit... Tu étais bien, avec lui, non ? Avant que..."

"Oui, on était bien. Et puis... il a changé... Peut-être que c'est ma faute, peut-être..."

"Mais quoi, ta faute ! C'est lui qui... Et puis, se mettre avec une fille qui ne t'arrive pas à la cheville . Aussi décorée qu'un mur mexicain ! Et tellement fausse. Et puis, si c'était une jeunette mais pour ainsi dire... elle a ton âge ! Alors pourquoi pas toi ?"

"Je ne sais pas, Dario. Je ne sais pas..." répondit la mère d'une voix fatiguée.

"Ça... ne fonctionnait plus entre vous au... au lit ?" demanda le garçon en hésitant.

Sa mère le regarda un peu étonnée, ensuite lui dit, "Dario, tu ne crois pas que... Et puis... tu n'es plus un gamin et... non, ça ne fonctionnait plus. Un peu de sa faute... un peu de la mienne... va savoir. Non, c'était pire de jour en jour..."

"Pour toi ou pour lui ?"

"Pour... pour moi. Mais, tu vois... ton père, simplement... ne... ne la..."

"Il n'aurait pas pu prendre du viagra ? Et puis comment il fait, avec l'autre ?

"Assez, parlons d'autre chose, s'il te plaît. " coupa sa mère.

"Mais toi... tu aimais le faire ?"

"Vas-tu arrêter ?" cria presque sa mère. "Je suis ta mère, quand même ! Tu crois que c'est des discussions à avoir ? Et puis... oui, oui, j'aimais ça, tu es content ? je suis une femme normale, bon dieu ! Mais les derniers temps... pour lui... je n'étais que la femme de ménage."

"Évidemment mon père ne voulait pas d'une femme normale, mais d'une putain comme celle qu'il s'est trouvée !" dit Dario à voix basse.

"Tu crois que je n'ai pas... Je m'étais même acheté de la lingerie plus... plus sexy et..."

Dario sentit que la mère était au bord de se mettre à pleurer, il sentait les larmes dans sa voix. Et il ne voulait pas la voir pleurer, il ne pouvait pas le supporter. Il se repentit d'avoir insisté dans cette voie.

"Tu me donnes un peu de haricots, Maman ?" lui demanda-t-il à voix basse.

Franca le regarda, secoua la tête, et murmura, " Je ne te comprends vraiment pas, Dario. Mais je t'aime bien. Tu n'as pas besoin, si tu n'en veux pas..."

"Tu as bien dit que les légumes sont bons pour la santé, non ? Alors c'est pas pire qu'un médicament..." lui dit le garçon en lui faisant un sourire.

"Si tu veux... si tu ne veux plus faire de tennis... Peut-être... mais pas le VTT, quand même..."

"Et pourquoi pas le VTT ?"

"Il y a trop de trafic en ville et... et puis... Mais si tu as envie de faire un autre sport..."

"Bon, alors... qu'est-ce que tu dirais de la natation ?"

En fait, la natation n'intéressait pas vraiment Dario, mais il avait pensé que ça lui donnerait la possibilité de voir beaucoup de garçons presque nus et ça lui plaisait bien.

"Oui, pourquoi pas ? Il y a une piscine municipale à trois arrêts de bus d'ici. Si ça t'intéresse, pourquoi tu ne vas pas voir et tu ne demandes pas le prix et les horaires ? Pourvu que ça ne gêne pas l'école..."

"Eh, peut-être demain ou après-demain, j'irai me renseigner après le déjeuner..." dit-il, content d'avoir réussi à changer de sujet.

D'habitude, l'après-midi, après avoir déjeuné avec sa mère, quand elle retournait au magasin, Dario allait étudier dans sa chambre. Mais avant, il allumait l'ordinateur, ouvrait un fichier de beaux mâles nus, ou des mangas, et essayait de les reproduire, en dessinant avec les pastels coloriés. Parfois il reproduisait les nus à l'identique, mais parfois il les "habillait". Il dessinait même des scènes de couple, érotiques, rarement pornographiques. Il cachait ensuite ses dessins dans une pochette qu'il cachait sous le plateau de son bureau.

Il avait en effet découvert que le plateau était fait d'un plaquage évidé, et, en travaillant quand sa mère n'était pas là, il l'avait démonté et était arrivé à en enlever le placage inférieur qu'il avait porté dans une menuiserie pour le couper en trois parties, puis il les avait remontées de sorte que le centre soit en face du tiroir central, articulé et bloqué par un loquet.

En enlevant complètement le tiroir et en déplaçant un petit loquet, la partie centrale s'ouvrait et, à droite et à gauche, il y avait deux recoins dans lesquels cacher soit la pochette, soit d'autres choses pas trop volumineuses. Un système simple et ingénieux. En trois jours de travail il l'avait mis au point.

Il avait acheté une boîte de 120 pastels très fins. Il lui avait fallu un moment pour amasser les deux cents euros nécessaires, mais il avait réussi. Et surtout, c'était un magasin d'articles de dessin qui vendait au détail, de sorte qu'il pouvait remplacer ceux qu'il consommait le plus vite, sans avoir à engager une grosse dépense.

Ses dessins, au début, n'étaient ni proportionnés ni bien colorés, mais graduellement, en s'entraînant presque chaque jour, il commença à obtenir des résultats appréciables. Lorsque la table avait commencé à être un peu encombrée, il avait commencé à détruire les moins beaux, les déchirant en tout petits morceaux qu'ils faisait disparaître dans les toilettes. Il développait un style et une technique à mi-chemin du manga et du style figuratif.

Il dessinait une ou deux heures, puis il mettait tout de côté et habituellement, il se masturbait en regardant les belles photos qu'il collectionnait, et enfin, satisfait, il se mettait à étudier. Souvent sa mère, lorsqu'elle fermait le magasin et rentrait à la maison, le trouvait encore penché sur ses livres.

Plus tard, il avait même commencé à dessiner, outre les figures humaines, des arrière-plans, des paysages, des ambiances de façon à rendre plus intéressants les beaux garçons qu'il dessinait. En plus, il avait aussi commencé à créer des sujets qui ne reproduisaient pas les photos et les projets dont il s'inspirait. Indéniablement, il pouvait l'admettre sans fausse modestie, il avait un bon coup de main. Parfois il trouvait plus érotiques ses projets que les originaux dont il s'inspirait.

Dario alla s'informer à la piscine municipale et... il se rinça l'œil ! Merde ! À quatre-vingt pour cent, c'étaient des garçons à l'aspect mortel ! Inutile dire que ce spectacle lui avait valu une immédiate érection, qu'heureusement les vêtements cachaient... Oui, c'était une excellente idée que de se consacrer à la natation, et qui ne coûtait pas cher, et... et peut-être que parmi toute cette belle faune, il pourrait même trouver quelques occasions !

Il rentra, content et excité et, sans attendre que sa mère ne revienne, il passa au magasin pour lui donner les nouvelles et lui dire qu'il avait décidé de s'inscrire au cours de natation. La mère ouvrit la caisse et il lui donna l'argent nécessaire pour l'inscription et pour payer les cours.

Pendant que sa mère était dans l'arrière-boutique, Luca, le jeune vendeur, lui demanda, " Mais c'est un cours mixte ou uniquement masculin ?"

"Uniquement masculin, pourquoi ?" avait demandé Dario.

"Non, rien... c'est un péché, alors." lui avait dit le garçon, en lui faisant un clin d'œil.

"Et qui te dit que je ne préfère pas les hommes ?" lui avait répondu Dario avec un air de défi.

"C'est ça !" avait ri Luca, " Si vraiment les hommes te plaisaient, tu ne viendrais pas me le dire à moi !"

"Pourquoi ? Tu les aimes ?" lui répondit Dario avec une grimace amusé.

"Ohé, regarde ce qui me plaît à moi !" répondit Luca en faisant avec ses deux mains la marque de la moule.

"Aussi grande ?" lui avait demandé Dario en riant.

"Ça suffit, vous deux..." les avait interrompus Giovanni.

À cet instant un client était entré et Luca était allé le servir. Dario était passé à l'arrière, où sa mère, sur une échelle, contrôlait les réserves du magasin.

"Je rentre à la maison, Maman. Tu as besoin que j'achète quelque chose pour dîner ?"

"Non, j'ai déjà fait les courses, merci. Tu as beaucoup de devoirs à faire ?"

"Non, pas grand-chose. Je dois seulement réviser la littérature."

"Alors pourquoi ne vas-tu pas d'abord chez le coiffeur te faire couper les cheveux ?"

"J'ai pas envie. Ils ne sont pas encore longs. Tu sais que tu as vraiment de belles jambes, Maman ?"

"Hein ? Eh, mais qu'est-ce que tu regardes ! Rentre à la maison, allez !" lui dit la mère d'un ton sévère, mais ses yeux riaient.

Dario remonta chez lui, alla vite allumer l'ordinateur et se mit à chercher de nouvelles photos de beaux mâles nus sur le web. Ceux qu'il trouvait ne lui plaisaient pas, les uns trop musclés, les autres trop poilus. Il avait découvert que, en mettant dans le moteur de recherche le mot " twinks" apparaissaient habituellement des photos comme il aimait. Il avait trouvé, sur le dictionnaire anglais, que le terme " twink" était traduit avec "adolescent attirant". En réalité ils semblaient avoir, presque tous, environ vingt ans. De toute façon ils étaient, en majorité, plutôt attirants.

Après en avoir téléchargé certaines plutôt belles et sexy, il sortit l'attirail pour dessiner et ébaucha une esquisse sur une feuille de papier Canson épais au grain moyen. Il avait décidé, en s'inspirant vaguement d'une des dernières photos, de dessiner une scène médiévale, avec un troubadour qui joue du luth pendant qu'à la fenêtre un jeune noble le regarde en souriant et lui tend une fleur...

Il se mit à dessiner à légers traits de crayons, en cherchant de donner de l'équilibre à sa composition, puis il se mit à développer les deux figures masculines. Il travaillait avec des mouvements sûrs. Il avait appris qu'il ne devait jamais effacer ou le dessin s'en ressentirait. Il sentait qu'il devait encore améliorer sa technique, mais était aussi conscient des progrès qu'il accomplissait.

Sa mère l'avait inscrit dans des études classiques parce qu'elle voulait qu'il entame une licence en médecine, mais lui aurait préféré le dessin artistique. Il voulait devenir artiste. Et il y arriverait, il était déterminé ! Quoi qu'il en soit, quand il serait majeur, il ferait ce qu'il voudrait. Même au prix de devoir trouver un travail pour vivre, si sa mère tentait de lui mettre des bâtons dans les roues.

Dario aimait bien sa mère, mais parfois il ne la supportait vraiment pas. Oui, il était de plus en plus sûr qu'elle aurait dû se remarier, qu'un homme lui manquait. L'idée d'avoir un beau-père ne l'attirait pas plus qu'elle ne l'effrayait. Si c'était un homme correct, ils pourraient cohabiter sans problèmes, autrement... Et bien, après tout ça ne serait pas son père, donc il ne pourrait pas lui casser les pieds plus que ça.

"Si il me respecte, je le respecte mais s'il me les casse, je le lui fais payer." dit-il à haute voix dans l'appartement vide.

Quand son père avait quitté la maison, Dario s'était demandé au début si c'était sa faute. La séparation de ses parents l'avait fait souffrir. La mère s'en était rendu compte et l'avait conduit chez un psychologue, un client du magasin. Au total, il avait fait un bon travail, et était arrivé à le convaincre qu'il n'y était vraiment pour rien. C'était exclusivement un problème entre adultes, entre son père et sa mère.

"Ils disent que nous, les adolescents, sommes difficiles, mais merde, que les adultes sont compliqués !" s'exclama Dario à haute voix.

Quand il était seul dans la maison, il aimait de temps en temps dire à haute voix ce qu'il pensait. Il lui semblait donner plus de poids à ses pensées. Il ébaucha la figure des deux personnages. Le dessin prenait forme, peu à peu. Les détails les plus difficiles étaient les mains... Parfois il essayait de les dessiner en regardant sa main gauche dans différentes positions. Pour les détails de la figure, il s'entraînait à dessiner en se regardant dans le miroir, le pli des yeux, des lèvres, de la forme du nez, surtout la partie des narines...

Il regarda l'horloge. Il était préférable qu'il range tout. Sa mère reviendrait dans peu de temps. Puis il reprit le livre de l'Eneide et se mit à repasser sa leçon.

Il avait près de lui son compagnon Euryale,
Le plus beau des Énéades qui ait revêtu l'armure troyenne ;
ses joues encore vierges du fer portaient le duvet de la première jeunesse.
Ils s'aimaient et ne faisaient qu'un ;
Ils couraient ensemble aux combats ;
Et maintenant encore ils montaient tous deux la garde à la même porte.

Dario s'arrêta et remonta quelques lignes en arrière, " Ils s'aimaient et ne faisaient qu'un..." Merde, Nisus et Euryale étaient gays ? Un seul amour... ils ne parlaient pas d'amitié ! Et Euryale devait avoir à peu près son âge, d'après la description. "Le plus beau des Énéades, ses joues encore vierges du fer portaient le duvet de la première jeunesse" un beau mec, en fait. Et quelques lignes plus bas..."pénétré lui aussi par un grand amour..." Dario lut tout le texte d'un trait, la littérature ancienne ne lui avait jamais semblé si intéressante !

"À ne pas croire !" cria-t-il à un certain moment, en refermant le livre avec rage et en se levant. "Ça n'aurait pas pu se finir bien, non ? C'est toujours comme ça, si deux garçons tombent amoureux, ils doivent évidement finir mal ! Morts, tués tous les deux ! Quelle merde, ça pouvait pas finir bien, avec un : et ils vécurent ensemble, heureux et contents ?" Puis il s'assit de nouveau et cria encore, "Maudit Virgile !"

Il n'avait pas entendu sa mère entrer, mais Franca ayant entendu la dernière exclamation de colère de son fils, était venue jusqu'à la porte de sa chambre.

"Qui est ce Virgile ? Et que t'a-t-il fait ?" demanda-t-elle.

Dario sursauta, la regarda, et répondit, "Virgile, celui qui a écrit l'Enéide. Il ne pouvait pas l'écrire autrement ? Et surtout en écrire moins ?" demanda-t-il, encore énervé.

La mère sourit, "Alors ce n'est pas la peine de le maudire, à présent, il est mort, non ? Je l'ai aussi étudiée, l'Enéide... mais je ne me rappelle plus de rien..."

"Ça prouve bien que c'est du temps perdu, de nous faire étudier ces conneries débiles ! Je voulais faire des trucs artistique, pas cette merde de classique !"

"Les artistes meurent de faim, et ensuite ce sont les héritiers qui s'enrichissent avec leurs œuvres. Regarde Ligabue, par exemple."

"Pas tous. Regarde Picasso, par exemple !"

"Moi, je n'aime pas Picasso."

"Et moi je n'aime pas Virgile. Et puis dis-moi à quoi servent le grec et latin ? L'histoire de l'art, ça peut aller..."

"Je vais préparer le dîner..."

"Oui... trois tranches de latin avec du grec en garniture..." lui dit-il d'un ton sarcastique.

"Idiot !" lui dit-elle affectueusement en partant se changer, puis à la cuisine.

"Et moi, quand j'aurai fini celui du troubadour, je ferai le dessin d'Euryale et de Nisus qui font l'amour..." se dit-il à lui-même, à voix basse, en se représentant la scène...


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