Antoni Petrovic' avait envoyé une lettre à son père pour lui demander de lui permettre de prolonger son séjour à Londres : Cela lui pesait lourdement d'avoir à quitter Stephen. Mais la réponse arriva, dans laquelle le père non seulement rejetait sa demande, mais le prévenait de la décision du roi de lui attribuer le rôle d'ambassadeur adjoint à Vienne, pour le nommer ambassadeur dès que le comte Stojanovic' aurait présenté sa démission.
Antoni fut tenté de désobéir à son père, et donc aussi au roi, mais son fort sentiment de loyauté et son sens de l'honneur l'empêchaient de le faire. Par conséquent il attendit avec un chagrin croissant, l'approche de la fin de son séjour à Londres.
Stephen aussi était triste : pour la première fois où il était amoureux, il devait être séparé à jamais de l'homme qu'il aimait.
Quand le temps du départ d'Antoni arriva enfin, ils passèrent toute la nuit à faire l'amour, en essayant, avec très peu de succès, de ne pas montrer la douleur de leur séparation imminente.
Puis Stephen accompagna Antoni et Besnik par train à Douvres, où ils devaient prendre le ferry pour Calais.
"Tu m'écriras parfois, Anthony ?" Lui demanda-t-il pendant que le train filait vers la côte.
"Ne vaut-il pas mieux que je t'oublie ?" Lui demanda à voix basse le beau morgovien.
"Tu m'oublieras ?" Lui demanda alors Stephen, en le regardant dans les yeux.
"Non..."
"Alors, comment peux-tu me demander de t'oublier ? Tu m'écriras quelque fois ?" Insista-t-il, avec une expression de prière dans ses yeux et dans sa voix.
"Oui, je te le promets." Répondit finalement Anthony, après un bref silence.
"Merci à toi, j'ai passé la meilleure année de ma vie. Je me suis senti comme un roi pendant un an." murmura-t-il.
"C'est pareil pour moi. Le cœur me pleure de devoir te laisser, mais je ne peux vraiment rien faire d'autre. Bien que je ne puisse pas t'en expliquer la raison, crois-moi, c'est contre ma volonté que je doive maintenant me séparer de toi."
Besnik, debout hors du compartiment pour leur laisser l'intimité qu'ils désiraient avoir, savait combien son maître était affligé par cette séparation.
Lui, il avait eu plusieurs aventures agréables à Londres, mais il ne s'était lié à personne. Il avait averti son maître, quand il avait réalisé qu'il était en train de tomber amoureux du beau Londonien, mais celui-ci n'avait pas voulu... ou pu... ou su l'écouter.
Il était très attaché à son maître, et était vraiment désolé pour lui. Il aimait aussi le beau Londonien, qui avait une personnalité agréable, pleine d'humour et très gaie, tout en étant très beau. Il lui plaisait tellement qu'il avait commencé à se tourner vers lui ou parler de lui, en l'appelant «maître Walker».
Une dame, suivie d'un porteur avec deux grandes valises, vint pour ouvrir la porte du compartiment dans lequel étaient Antoni et Stephen. Besnik la bloqua rapidement.
"On ne peut pas entrer dans compartiment, madame, on ne peut pas !"
"Et pourquoi ? Il y a des places libres..." dit la dame hautainement. "Écarte-toi, laisse-moi passer."
"Ces messieurs ont de la fièvre qui attaque et fait beaucoup mal, donc moi-même sommes ici. Tous les cheveux tombent et puis..." dit à voix basse Besnik, en assumant un air très préoccupé.
"Une maladie infectieuse ? Et on les laisse circuler sur les transports publics ?" demanda la femme, alarmée et scandalisée.
"Pas circuler, eux assis, madame. Il suffit de ne pas aller trop près. Je sers ces seigneurs et la fièvre j'ai pas. Je marche toujours à pied et tâche de ne jamais les toucher. Par conséquent, je ici." Besnik inventa.
La femme hocha la tête au porteur et passa au-delà, l'expression ennuyée. Besnik la regarda s'en aller et fit un ricanement amusé. Puis il la vit parler à voix basse avec le contrôleur d'un ton troublé et vit que l'homme regardait souvent vers lui. La femme disparut dans une autre voiture et le contrôleur avec un froncement de sourcils approcha de Besnik.
"Qu'est-ce que c'est cette histoire que les deux messieurs qui voyagent dans le compartiment ont une maladie infectieuse ?" Demanda-t-il d'un ton bourru.
"Maladies infectieuses, monsieur ? Mais non..."
"Mais, la dame a dit que..."
"Mon anglais je parle très mauvais et peut-être que je n'explique pas bien. Je dis à cette dame... ne me souviens pas des mots exacts, mais certainement pas que mes hôtes avaient mauvaise maladie. Deux d'entre eux sains comme pissons !"
"Sains comme pissons ?"
"Oui, pissons qui nager dans la mer..."
"Ah, vous voulez dire les poissons !"
"Eh, que dis-je ? Pissons !"
Le contrôleur haussa les épaules et s'en alla.
Antoni frappa à la vitre pour attirer l'attention de Besnik et lui fit signe d'entrer. Le garçon fit glisser la porte de côté et passa la tête : "Oui, maître ?"
"Qu'est-ce que le contrôleur voulait ?" Demanda-t-il.
"Rien, il m'a simplement demandé si on avait déjà vérifié nos billets de voyage et je lui ai dit oui. Donc, il est allé plus loin." Dit Besnik, parlant parfaitement l'anglais, qu'il avait assimilé très rapidement.
"Pourquoi ne viens-tu pas t'asseoir ici avec nous ?" Lui demanda Stephen.
"Non, Maître Walker, je vous remercie. J'adore regarder l'Angleterre qui défile par la fenêtre. Et puis, je ne suis pas fatigué." dit-il avec un sourire et se retira, fermant soigneusement la porte.
Le train arriva à Douvres. Ils descendirent avec leurs bagages et Stephen les accompagna à l'embarcadère pour prendre le bac. "Nous avons encore près de quarante-cinq minutes... j'attends ici avec vous." dit-il.
"Asseyons-nous. Je suis désolé, Besnik, veux tu aller nous chercher quelque chose à boire ?" Dit Antoni.
"Deux bières ?" Demanda le garçon.
"Non, trois : une pour toi aussi."
"Pour moi, je peux prendre un verre de cidre, maître ?"
"Bien sûr, tout ce que tu veux."
Après un moment, le garçon revint avec les boissons. Il était sur le point de s'éloigner, mais Stephen lui fit signe de s'asseoir avec eux.
"Besnik, je dois te demander une faveur."
"Oui, maître Walker ?"
"Veille sur maître Peterson, s'il te plaît... comme je le ferais si je le pouvais."
"Tout comme vous le feriez... peut-être qu'il vaut mieux pas." dit le garçon avec un petit sourire malicieux. "Mais bien sûr, je veillerai sur lui, n'en doutez pas."
Stephen se mit à rire : "D'accord. L'important est que tu veilles sur lui."
Quand vint le moment de monter à bord, les deux hommes se saluèrent d'abord presque formellement, se donnant la main... mais ils se retrouvèrent alors dans les bras l'un de l'autre, s'étreignant avec vigueur, comme s'ils ne voulaient pas laisser l'autre s'en aller ou se quitter. Mais finalement ils durent se séparer.
Stephen resta sur le quai jusqu'à ce que le bac fût loin et Antoni resta jusqu'à la dernière minute penché sur le parapet du pont du navire, agitant son chapeau.
Enfin Stephen alla prendre le train pour s'en retourner à Londres.
Les hommes du Secret Service morgovien étaient arrivés à Londres environ un mois avant le départ d'Antoni. Ils commencèrent immédiatement les recherches soit sur les documents attestant les paiements effectués par le prince Konrad pour entretenir son fils Tomasz, soit sur les données de la vie de celui-ci.
Ils découvrirent comment Tomasz Walker avait épousé et était allé vivre et travailler à Poole, Dorset. Ici, en plus de deux filles, en 1851 il avait eu un fils, Valentin Walker. Ils pensaient que, en ayant maintenant cinquante ans, ils avaient trouvé l'héritier ! Mais à Poole, il semblait que parmi les rares Walker y résidant, personne n'était apparenté avec Tomasz, et il n'y avait aucun Valentin.
Ils étaient déjà en train de penser avoir perdu ses traces, jusqu'à ce qu'ils aillent parler au prêtre de l'église d'All Saints, dans le cimetière de laquelle était enterré Tomasz Walker.
"Oui... Je me souviens de son fils... il a été baptisé ici... Venez, il est sûrement enregistré dans le livre des baptêmes..." dit le vieux prêtre.
Il les conduisit dans le bureau, chercha le volume de 1851 et le consulta : "Voilà, Valentin Walker. Oui, oui, il y a une note... Transféré à Londres en Avril 1870... Ca ne dit pas grand-chose. Je suis désolé. Vous me dites que c'est une question d'héritage ?"
"Oui, révérend. Nous espérons le trouver..."
"Oui, oui... Un gros héritage ? Si vous le trouvez dites lui que ce fut grâce à moi."
"Rien d'important, mais... Ce qui lui est dû, c'est juste que cela lui soit donné..." dit l'agent morgovien.
Ayant remercié et salué le prêtre, ils sont retournés à Londres et ont trouvé les documents attestant qu'il y avait pris résidence en 1871. Puis ils ont découvert qu'il s'était marié et avait un fils nommé Stephen, né en 1877, et une fille, et ils ont découvert que Valentin était mort. Cependant ils ont trouvé l'adresse où la veuve vivait avec ses deux enfants.
"Très bien, ce Stephen est vivant et il a vingt-quatre ans ! Parfait !" dit le chef du groupe d'agents. "Nous devons transmettre l'information immédiatement au pays et demander des instructions. En attendant, nous devons le suivre, voir qui il est, comment il vit, ce qu'il fait, afin d'envoyer d'autres informations au pays..."
Par le télégraphe rapide Siemens de l'ambassade, ils envoyèrent un message crypté avec les résultats de leurs recherches et la demande urgente d'instructions. Puis l'un d'eux, qui parlait parfaitement l'anglais, alla à l'atelier de vannerie Walker pour demander si Stephen était là.
"Je suis désolé, il est sorti Londres. Il est allé à Douvres pour accompagner un ami qui devait passer sur le continent, mais il devrait revenir dans la soirée..." dit sa mère. "Qui m'avez-vous dit que vous étiez ?"
"Je suis un responsable de la santé centrale. Nous vérifions toutes les personnes qui ont été en contact avec une personne ayant contracté une maladie infectieuse et..." Dit-il, en racontant l'excuse qu'ils avaient préparée.
"Oh mon Dieu !" s'exclama la mère inquiète. "Mais il me semble que... Stephen se porte bien, il n'a rien... Il m'avait un air un peu abattu dernièrement, c'est vrai, mais... Bon Dieu, est-ce grave ?"
"S'il était infecté réellement, prise à temps la maladie est aisément traitable, ne vous inquiétez pas, madame... Il y a une assez longue incubation, il pourrait ne pas encore avoir de symptômes évidents..."
"Il peut aussi nous avoir infectés ?" demanda la sœur.
"Si la maladie, en admettant qu'il l'ait contractée, ne s'est pas encore manifestée, elle ne peut se transmettre à personne, ne vous inquiétez pas, mademoiselle. Pour cela, je dois cependant le voir, vous comprenez ?"
"Oui, oui, bien sûr... mais... quels sont les symptômes? Au cours des derniers jours il était si étrange..." demanda sa mère troublée.
"Des taches rouges sur le visage et sur les bras..."
"Il n'en a pas, absolument pas..." dit la mère.
"Très bien. Donc, même s'il est infecté, il n'est pas encore contagieux. Vous n'avez aucune idée de l'heure à laquelle il va revenir à la maison ?"
"D'ici ce soir, mais je ne sais pas à quelle heure..."
"Quand il reviendra, dites lui de rester à la maison et demain matin nous viendrons le rencontrer alors." dit l'homme.
"Oui, oui, bien sûr. Oh bon Dieu, espérons que..."
"Si demain matin il n'a pas les taches rouges, vous ne courez aucun danger, de toute façon." dit l'homme et après les avoir saluées, il s'en alla.
Lorsque Stephen revint à Londres, il alla directement à la maison, parce que, à cette heure, le magasin était probablement déjà fermé. Pendant le voyage de retour il avait pleuré, donc quand il rentra, ses yeux étaient un peu rouges.
Comme il entrait chez lui, sa mère lui demanda : "Stephen... Comment te sens-tu ?"
"Hein ? Quoi ? Mais... bien... pourquoi ?"
"Tes yeux sont rouges et... mais tu n'as pas de taches rouges sur le visage... laisse-moi voir tes bras..."
"Mais qu'avez vous, maman ? Je me porte bien... Les yeux rouges... c'aura été la fumée de la locomotive..."
"Laisse-moi voir..."
"Voulez vous m'expliquer ce que c'est que cette histoire ?" demanda-t-il, plutôt déconcerté.
"Un médecin du Bureau Central de la Santé est venu. Il dit que tu as eu un contact avec quelqu'un qui a une maladie infectieuse et qu'il devra donc te visiter..."
"Maladie infectieuse ? Et qui aurait cette maladie infectieuse ? Qui serait-ce qui m'a infecté ? Je vais très bien, maman."
"Il dit que l'incubation est longue et elle ne se manifeste pas jusqu'à ce que tu as des taches rouges sur le visage et sur les bras..." lui expliqua sa sœur. "Et il a dit que tu ne dois pas quitter la maison demain matin car le médecin revient pour te visiter..."
"Oui, d'accord, mais qui devrait m'avoir infecté ?" Stephen demanda.
"Il ne nous a pas dit le nom... Il a dit que si tu ne montres pas de taches rouges tu n'es pas contagieux et que même si tu l'as prise, ils peuvent la soigner sans problème..." dit sa mère.
"Bien... Qu'avez-vous préparé pour le dîner, maman ?"
"As-tu faim ? Si tu as faim c'est bon signe, non ? Il est vrai que, dans les derniers jours tu as été un peu étrange et..." dit la mère.
"Je suis juste inquiet au sujet du problème d'un ami... Mais je me sens bien..." dit Stephen.
"Oh, tout le monde se sent bien avant de tomber malade !" décréta sa sœur.
"Mais qui peut t'avoir infecté, Stephen ? Qui parmi tes connaissances avait des taches rouges sur le visage et sur les bras ?" demanda sa mère, encore un peu inquiète.
"Eh bien... personne. Non, vraiment personne."
"Tu en es vraiment sûr, Stephen ?"
"Maman ! Je l'aurais remarqué, non, si quelqu'un avait des taches comme vous le dites. Personne, je vous le dis."
"Eh bien, de toute façon, juste au cas où, ne quitte pas la maison et attends demain matin que le médecin vienne et te fasse toutes les visites que tu dois faire. Avec la santé on ne plaisante pas." dit la mère.
"Et ne viens pas nous infecter aussi, non ?" ajouta sa sœur.
"Mais non, d'accord. C'est mieux ainsi, au moins je peux me reposer demain matin." Dit Stephen, tranquillement.
"Tu ne penses qu'à te reposer... Toute excuse est bonne." dit sa sœur.
"Pauvre chose, mais s'il est malade, il est logique qu'il doive se reposer, non? " le défendit sa mère.
"Et puis, il me semble que ma part de travail au magasin je la fais, n'est-ce pas ? Qui est-ce qui charge et décharge les camions et met les choses sur les étagères, hein ? Et qui est-ce qui est au magasin lorsque tu vas flirter avec ton flirt, hein ? " Réagit Stephen, avec ironie.
"Les enfants, les enfants ! Vous savez que je n'aime pas que vous vous disputiez, vous deux. Tous nous faisons notre part dans le magasin, allez !"
"Oui, maman, tu sais que même si nous nous taquinons, nous nous aimons." Dit Stephen avec un sourire.
"Et même si nous nous aimons l'un l'autre, nous aimons bien nous taquiner, non maman ?" réaffirma sa sœur, en souriant à son tour et tira la langue à son frère qui lui répondit avec une grimace.
Lorsque le télégramme chiffré arriva à Morgograd et fut déchiffré, le Premier Ministre envoya une réponse dans laquelle il disait de garder un œil sur l'héritier, afin de bien en comprendre la personnalité, mais de ne rien faire pour le moment, attendant de nouvelles instructions, puis tout de suite il alla voir le roi Jedrek pour lui transmettre les bonnes nouvelles.
Le roi était au lit, malade. Les médecins avaient pronostiqué qu'il lui restait peu de jours à vivre.
"Qu'est-ce que cela signifie peu de jours ? Vous ne pouvez pas être plus précis ?" leur avait demandé le Premier Ministre.
"Eh bien... d'un couple de jours à un mois au plus, Votre Excellence." avait été la réponse.
"Ne dites rien au roi ! S'il pense qu'il peut guérir, il peut résister plus longtemps, peut-être." Leur ordonna-t-il.
Le premier ministre se fit annoncer au roi.
"Venez, venez, mon ami. Vous m'apportez quelques bonnes nouvelles, vous au moins? Les médecins me disent que ce n'est rien, que bientôt je vais quitter ce lit, mais je ne les crois pas. Ou plutôt... je vais le laisser oui, mais dans un cercueil."
"Mais que dites-vous, Votre Majesté ! Comme les autres fois..."
"Non, cher Tanek Petrovic', je sens que la vie m'échappe à chaque respiration... Mais dites-moi... vous êtes juste venu pour voir mon état, ou vous avez de bonnes nouvelles ?"
"J'ai d'excellentes nouvelles, Votre Majesté ! On a trouvé à Londres votre héritier. C'est un jeune homme de vingt-quatre ans, il s'appelle Stephen Walker. Il travaille dans une vannerie..."
"Et à quoi ressemble-t-il ?"
"Pour l'instant je n'ai pas d'autres nouvelles, Majesté. Mais bientôt, vous le verrez vous-même, dès que nous l'amènerons à Morgograd."
"En supposant que le jeune accepte..."
"Vous pensez qu'un vannier n'est pas d'accord de devenir roi ?"
"Eh, parfois, les gens simples n'aspirent pas aux honneurs, surtout s'ils sont satisfaits de leur vie. Je ne serais pas surpris du tout de la chose."
"Nous saurons le convaincre, n'en doutez pas..."
"Pas par la force. Car, avant tout, ce dont on a besoin ce n'est pas un roi qui ne veut pas l'être. Vous êtes sûr que c'est un Markovic', même s'il s'appelle maintenant Walker ? "
"Absolument certain, Votre Majesté. Nous avons recueilli toutes les preuves, tous les documents authentifiés, affidavits, nous avons reconstitué l'arbre généalogique. Le prince Konrad avait un fils, Tomasz, qui avait un fils, Valentin, dont le fils est ce Stephen..."
"Roi Stefan Markovic'... sonne bien. J'aimerais le voir avant que je ne parte..."
"Non seulement vous allez le voir, Votre Majesté, mais vous le préparerez à vous succéder sur le trône de Morgovie en temps utile."
"J'en doute... Mais le garçon sera dans de bonnes mains. J'ai pleine confiance en vous, Tanek Petrovic', et dans le Conseil de la Couronne. Si... si je suis encore en vie... donnez-moi d'autres nouvelles sur mon héritier, au fur et à mesure que vous en recevrez."
"Vous ne devez pas dire ça !"
Le roi se mit à rire, et son rire se transforma en une quinte de toux. Puis il dit : "Vous avez la hardiesse de me dire ce que je dois dire ou faire ou pas ? Je suis toujours le roi... mon bon Tanek. Promettez-moi, que ce soit le jour ou la nuit, que je sois éveillé ou endormi, que vous viendrez me dire ce que vous apprendrez sur ce... roi Stefan !"
"Il n'est même pas encore prince, je vous fais remarquer..."
"C'est juste. Préparez immédiatement mon rescrit d'investiture de Stephen Walker, qui prendra le nom de Stefan Markovic', comme mon héritier et faites-moi le signer et apposez-y mon sceau... avant qu'il me soit impossible de le faire."
Le lendemain matin, Stephen se leva, se lava, s'habilla et mangea le petit déjeuner avec sa mère et sa sœur.
"Ne prends pas froid, Stephen." lui recommanda sa mère alors qu'elle le quittait pour aller avec sa fille au le magasin.
"Maman, je me porte bien... et je reste à la maison, de toute façon, non ? Ne vous inquiétez pas pour moi. Dès que le médecin m'aura examiné et déterminé si j'ai quoi que ce soit, je viendrai au magasin."
Il était assis en attendant l'arrivée du médecin, et commença à lire le journal de la veille. Vers dix heures du matin, enfin l'agent secret qui se faisait passer pour un médecin, alla sonner à la porte des Walker. Stephen le fit entrer.
En attendant d'autres ordres, le Service Secret avait décidé de procéder à un examen médical complet du jeune homme, et avait donc payé une clinique médicale privée. Par conséquent, l'agent lui dit qu'il devait le suivre pour aller passer un check up.
"Mais excusez-moi, docteur, qui m'aurait infecté ? Aucun de mes amis n'avait de taches rouges sur le visage ou sur les bras."
"Nous ne sommes pas autorisés à divulguer le nom, mais le patient nous a assuré qu'il avait eu un contact avec vous..."
Stephen se demanda qui cela pouvait être : depuis qu'il avait commencé avec Anthony Peterson, il n'avait pas eu de rapports sexuels avec quelqu'un d'autre... et il ne se souvenait vraiment pas d'autres contacts et... il n'avait jamais vu quelqu'un avec des taches rouges. Cependant, puisqu'il n'avait aucune raison de soupçonner la véritable nature de cette visite et que ce ne fut pas un médecin, mais un agent secret, il le suivit sans problèmes.
L'une des raisons pour l'accompagner à l'hôpital privé, était aussi de bien montrer le garçon aux autres agents secrets, de sorte qu'ils pourraient alors le suivre, en attendant les ordres de Morgovie.
Logiquement, le médecin qui l'examina vraiment et complètement, le trouva en très bonne forme et santé, et transmit à l'agent le certificat qu'il avait demandé.
En sortant de la clinique, le faux médecin lui dit : "Bien, monsieur Walker, vous n'êtes pas infecté, vous pouvez retourner en toute sécurité à votre vie habituelle, je suis désolé de vous avoir fait perdre votre temps."
"Ben... vous deviez obéir à vos ordres, non ? On ne discute pas les ordres du roi !" Dit Stephen gaiement, en pensant que le médecin, étant un officier du Service de Santé Royal, était bien qu'indirectement aux ordres du roi Edward VII, même s'il n'avait pas encore été couronné ; mais la reine Victoria était morte de peu...
"Sous les ordres du roi ?" demanda alarmé l'agent secret, qui pensait encore à la reine Victoria. "Que savez-vous des ordres de notre souverain ?"
"Eh bien... même s'il n'a pas encore été couronné, en fait le prince Albert Edward... est notre nouveau roi, non ?"
L'agent poussa un silencieux soupir de soulagement, réalisant le malentendu.
"Eh bien, je vous souhaite une bonne journée, monsieur Walker."
"Et bonne journée à vous aussi !"
Ainsi le Service Secret morgovien commença à filer Stephen et à enquêter sur lui.
Pendant ce temps, Antoni Petrovic' était de retour en Morgovie. Là après seulement une semaine d'attente, le temps de lui coudre les uniformes d'ambassadeur adjoint et de préparer les bagages, il dut partir, toujours accompagné par son fidèle Besnik Ryevic', et aller à Vienne, pour commencer sa nouvelle carrière.
Le Roi Jedrek, encore au lit, était encore vivant et pleinement conscient. Il avait déjà signé le rescrit par lequel Stephen Walker était reconnu comme un membre de la famille royale, et lui été attribué le nom de Stefan Markovic', et avait également signé et apposé son sceau officiel sur l'acte qui le nommait prince héréditaire.
Antoni avait appris qu'on avait trouvé l'héritier du roi, mais il n'y avait pas prêté beaucoup attention, parce que, à la cour on parlait déjà de lui en l'appelant par le nom morgovien de Stefan Markovic', mais surtout parce qu'il était très occupé avec son départ imminent. En outre, le père ne parlait pas habituellement à son fils des affaires d'État...
Donc Antoni reprit le chemin du nord, mais cette fois-ci voyageait dans une voiture d'Etat qui fut accrochée au train pour Vienne.
Pendant ce temps, Stephen célébrait son vingt-quatrième anniversaire. Il était désolé de ne pas avoir pu le fêter avec Antoni, mais celui-ci n'avait pas pu retarder son retour à la maison, même pour quelques jours.
Stephen effectivement célébra deux fois son anniversaire. Une fois avec la famille et les amis de la famille, et l'autre avec les amis «spéciaux», une fête qui avait été organisée par Vincent Edwards, son ami professeur d'histoire, ainsi que par Nathan Hall, l'amant de celui-ci, médecin chirurgien.
Ceux-ci, en plus d'avoir invité d'autres amis homosexuels communs, avaient préparé une surprise pour Stephen : pour l'aider à dépasser la difficile séparation d'Antoni, ils avaient décidé de lui offrir, comme cadeau d'anniversaire spécial, un garçon de vie très beau, qu'ils avaient trouvé à Piccadilly et payé pour lui faire passer une nuit entière avec Stephen, dans un petit hôtel dans le Strand, où on ne faisait pas d'histoires pour donner une chambre à deux hommes.
Après un après-midi agréable, et le dîner dans la maison de l'un d'entre eux, Harold et Vincent bandèrent les yeux à Stephen et lui dirent : "Et maintenant, nous t'apportons devant le cadeau spécial pour tes vingt-quatre ans. Si en le touchant tu comprends ce qu'il est... il est à toi !"
Stephen se mit à rire : "Mais vous m'avez déjà fait plein de cadeaux..."
"Oh, ceux-là, même si faits de cœur, c'étaient de petites choses. Le plus beau vient maintenant. Et n'essaye pas de regarder à travers le bandeau !"
"Non, non. Mais s'il est emballé, comment puis-je comprendre ?"
"Il n'est pas vraiment emballé et... tu verras que tu comprendras ce qu'il est... si nous te connaissons bien. Tu es prêt ? Voilà. Il est devant toi."
Stephen leva lentement les mains, en les déplaçant à droite et à gauche, craignant de le faire tomber s'il l'avait heurté. Soudain, ses doigts frôlèrent quelque chose. Il fit une pause : "Est-ce ceci ? C'est le cadeau ?" Demanda-t-il.
Les amis rirent : "Oui, bien sûr."
Stephen déplaça avec précaution les mains à la hauteur de la taille du garçon, qui l'attendait en retenant le rire.
"Mais... il est... enveloppé dans un tissu. Ou bien il est fait de tissu ?" il demanda.
"Enveloppé..." répondirent les amis en chœur.
Stephen déplaça encore ses doigts, en essayant de pousser un peu...
"Il semble moelleux... C'est un oreiller ?"
"Pas vraiment..." dit Harold.
Stephen remua encore ses doigts et il arriva exactement sur la braguette du garçon. Il toucha... il toucha avec plus de décision, mais toujours avec prudence... puis il émit une basse exclamation... puis il mit ses mains sur ce qu'il avait cru reconnaître... et il sentit, sans aucun doute, un membre masculin dur, palpitant sous le tissu.
"Mais ceci... c'est un... une bite !" S'exclama-t-il... "Et elle est aussi de bonne taille..." dit-il maintenant en le palpant à pleine main. "Et elle est bien dure..."
Vincent lui dénoua le bandeau et Stephen se trouva en face d'un joli garçon qui lui souriait amusé.
"Bonjour !" dit le garçon.
"Et qui es-tu ?"
"Ton cadeau !"
"Quoi ?" Stephen demanda, en regardant les amis qui étaient en train de rire, amusés. "C'est une blague, n'est-ce pas ?"
"Pas de blague. Il s'appelle Gilbert, nous l'avons payé pour passer une nuit entière avec toi et nous vous avons également payé une chambre pour toute la nuit dans un hôtel. Maintenant Gil t'y emmènera..."
"Mais... mais je... Lui et moi ?" Demanda Stephen, légèrement confus.
"Je ne te plais pas ?" lui demanda le garçon.
"Et comment que tu me plais ! Mes amis savent bien mes goûts... Maintenant je comprends pourquoi vous m'aviez dit d'avertir à la maison, que je passerais la nuit dehors ! Ah, les brigands !"
"Tu nous remercies ainsi ?" Harold se mit à rire.
"Eh bien... je vous remercierai demain, éventuellement. Pour l'instant je vous remercie de la pensée. On y va, Gil ? Sais-tu où ils ont préparé l'alcôve ?"
"Je ne sais pas ce qu'est une alcôve, mais je sais où est l'hôtel." dit le garçon.
"Alors... Bonne nuit, les gars !"
"Bonne nuit à vous deux !" répondirent les amis en chœur, tandis que les deux sortaient.
Quand ils furent dehors, le garçon lui demanda : "Ils ont vraiment bien choisi, vos amis ?"
"Pour l'instant, je dirais que oui. Tu es jeune et beau. Nous allons voir au lit, ce que tu vaux..."
"Oh, je suis sûr que tu n'auras pas à te plaindre. Je suis un expert, non ? Tu es beau et tu es jeune. C'est la première fois que je fais partie d'un cadeau d'anniversaire. J'aime l'idée."
"Quel âge as-tu, Gil ?"
"Vingt-cinq. Un de plus que toi."
"Ca fait longtemps que tu..."
"Que je tapine ? Neuf ans, environ. Je t'ai dit que j'ai l'expérience, n'est-ce pas ? Et je fais tout, donc tu verras que tu aimeras. Et je ne suis pas de ceux qui disent qu'ils vont avec les hommes seulement pour l'argent. Je le fais aussi parce que j'aime vraiment cela. "
"Très bien..."
Lorsque les agents du Secret Service morgovièse comprirent ce que Stephen Walker allait faire, toute la nuit, dans ce petit hôtel dans le Strand, Ils envoyèrent immédiatement un message alarmé et crypté en Morgovie.
"Sujet a goûts particuliers. Passé toute la nuit en hôtel équivoque avec personne même sexe. Son partenaire est garçon mercenaire. Demandons instructions urgentes."
Lorsque le message fut décodé et remis au Premier Ministre, celui-ci, pour la première fois de sa vie, blasphéma pendant cinq bonnes minutes. Puis, il convoqua d'urgence le Conseil de la Couronne.
"Messieurs... Je dois vous dire que, malheureusement, un inattendu... désagréable... j'ai une nouvelle difficile à... sur le... le... le prince héréditaire !"
"Il n'a pas accepté ?"
"Il est tombé malade ?"
"Il s'est enfui ?"
"Est-il mort ?"
"Est-il un criminel ?" Demandèrent les membres du Conseil en rafale.
"Non, non... il est... homosexuel ! Ho-mo-se-xu-el !"
Durant un moment, un silence stupéfait tomba dans la salle.
Ensuite, un des membres du Conseil, ayant presque du mal à parler demanda : "Et maintenant ? Que faisons-nous ?"
Un autre dit : "Mieux vaut un roi pédé, euh, homosexuel, que d'être annexés par la Pannirie !"
"Oui, mais... le problème ne serait que retardé... S'il ne nous mets pas au monde un héritier..."
"Je dis qu'en échange d'un royaume, nous pouvons... nous pouvons également lui demander de... nous donner au moins un enfant, n'est-ce pas ? Combien d'homosexuels se marient et ont des enfants !"
"Mais s'il refuse ? Si face à une femme, il n'a pas... ne peut pas... Je veux dire... il ne réussit pas ?"
"La chose importante est qu'il se marie et puis... nous allons faire en sorte que la reine nous donne tous les enfants dont nous avons besoin !"
"Nous devons le dire au roi, et savoir ce qu'il en pense..."
Le Premier Ministre fit signe de se taire : "Nous ne sommes plus en mesure, nous n'avons plus de temps pour trouver un autre héritier, s'il existe et sa majesté... je ne lui causerai pas cette douleur... Je crains qu'à cause de cela il nous laisse bien en avance sur le calendrier. Non. La solution est... faire semblant de rien... le convaincre de se marier et puis... s'il ne veut pas... trouver quelqu'un qui fasse ses fils à sa place !"
"Mais si... mais si... si le prince, je veux dire... s'il voulait un... voulait quelqu'un du même sexe... Je ne voudrais pas qu'il essaie avec ses gardes ou... Pensez au scandale s'il est connu que, et... "
"Nous lui procurerons tout ce qu'il veut, avec la plus grande discrétion." déclara le Premier Ministre avec détermination. "La chose importante est que cette nouvelle ne sorte pas des murs de cette salle. Vous devez jurer tous, solennellement, entre mes mains, qu'aucun de vous n'en dira jamais mot à personne ! Jamais !"