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histore originale par Andrej Koymasky


ROI POUR UN AN CHAPITRE 7
UNE COURONNE TROP ÉTROITE

Stefan était en train de bavarder tranquillement avec son Antoni et avec Rasim Vaselin, en se promenant dans le jardin, quand ils ont aperçu Sinisa Gvero, le beau jeune soldat avec qui pendant un certain temps Stefan avait eu quelque rencontre agréable. Stefan lui fit un signe de salut et, voyant qu'il n'était pas en service, il lui fit signe de se rapprocher.

"Votre Majesté désire ?" dit le beau soldat au garde-à-vous.

"Repos, Gvero repos. Repos. Comment va la vie ?"

"Très bien, Votre Majesté, à votre service !"

"Je m'en félicite."

"Votre Majesté ... je peux..." demanda le soldat, en baissant la voix.

"Dites-moi."

"En... privé ?"

"Comme vous le savez, mon secrétaire est au courant de tous mes secrets... D'ailleurs, c'est pourquoi il est appelé Secrétaire, non ? Et mon ordonnance, il l'est tout aussi. Parlez tranquillement, donc."

Le soldat jeta un regard aux gardes d'escorte, qui attendaient un peu plus loin, puis, toujours très à voix très basse, il dit : "Quand j'étais en service dans les couloirs du château, j'ai remarqué que... votre valet de chambre... va très souvent dans le logement du Maître de Palais..."

"Oui ? Peut-être pour prendre les ordres..."

"Pardonnez-moi, Votre Majesté, mais... un peu trop souvent et de façon tellement... circonspecte, alors... j'ai cru qu'il valait mieux prévenir Votre Majesté..."

"Merci, Gvero. Continuez à garder les yeux ouverts et peut-être rapporter à mon secrétaire ou mon ordonnance, éventuellement."

"Vous pouvez toujours compter sur moi, Votre Majesté !"

Quand le soldat s'éloigna, ils recommencèrent à se promener : "Donc, ils me gardent à l'œil, apparemment." Commenta Stefan.

"Mais qu'est-ce que pourrait signaler votre valet de chambre au Maître de Palais ?" Demanda Vaselin.

"L'... «affaire» entre moi et le roi Stefan, évidemment." Dit Antoni. "Il est étrange que mon père ne m'ait pas encore affronté sur ce sujet."

"Peut-être que le Maître de Palais n'a pas encore parlé avec lui..." commenta Stefan. "Cependant, s'il a accepté de mettre sur le trône un roi homosexuel, il ne peut pas se plaindre des conséquences."

"Je crois que s'il venait... ou quand il viendra à le savoir, il n'osera pas te blâmer, mais certainement il le fera avec moi." dit Antoni avec un léger sourire.

"Oh, tu connais si peu ton père ? Il viendra m'en demander certainement compte ! Une des choses que j'apprécie en lui est sa franchise, tout en sachant combien il est dangereux d'être sincère avec un roi. Ce n'est pas pour rien, je pense, que le roi Jedrek l'estimait beaucoup."

Pour une paire de jours, rien ne se passa. Puis, un soir, Tanek Petrovic' fit face à son fils.

"Antoni, qu'est-ce cette histoire qui m'a été rapportée ? Que vous passez la nuit... dans la chambre du roi ?"

"Je suis son amant, père."

"Mais... vous... vous voudriez dire que vous êtes adonné à certaines pratiques... honteuses ? Ou peut-être le roi vous a forcé à..."

"Le roi ne m'a pas forcé du tout. On s'était connus quand je vivais à Londres et nous étions déjà amants. Puis... nous avons tous deux pensé qu'on avait perdu l'autre, mais... Et à propos de définir honteux ce qu'il y a entre moi et le roi Stefan... vous ne jugiez pas ces pratiques tout à fait honteuses pour ne pas le choisir pour qu'il succédât au roi Jedrek !"

"Mais vous êtes mon fils ! Et le choix était forcé, car à ce moment-là, nous ne savions pas qu'il y avait un autre héritier possible. Nous avons accepté le moindre mal, pour ne pas tomber dans les mains de la Pannirie !"

"Mais vous n'aviez aucune objection tant que le roi Stefan s'amusait avec ce soldat..."

"Ce n'était pas mon fils, et c'était seulement un soldat !"

"Quoi qu'il en soit, père, il en est ainsi, et ni moi, ni le roi nous n'entendons changer, nous n'arrêterons certainement pas notre relation. Si vous dites que vous avez maintenant un autre héritier possible, déposez le roi et mettez cet autre héritier sur le trône."

"Ne dites pas de bêtises ! Déposer le roi ! Personne n'a le droit de déposer un roi, ne plaisantons pas ! Le roi est un Autarque, et à moins qu'on puisse prouver sa folie... ou en cas de haute trahison, on ne peut pas et on ne doit pas faire quoi que ce soit ! Et ce n'est pas le cas. C'est est juste un problème privé. Vous devez cesser de voir le roi."

"Si le roi Stefan me l'ordonne, j'obéirai."

"Mais je suis votre père !"

"Et j'ai depuis longtemps atteint l'âge de la majorité. La seule chose que vous pouvez faire c'est me déshériter ou tenter de convaincre le roi Stefan à me renvoyer."

"Je ne veux pas un scandale. Mais je veux que cette chose cesse !"

"Père, parce que je fréquente le lit du roi ? Si je le faisais avec un serviteur, cela changerait-il quelque chose ? Je savais être ainsi bien avant que je rencontre ce garçon à Londres, ce Stephen Walker que vous avez placé sur le trône. Et c'était pareil pour lui."

"Alors... vous... vous vous adonniez à ces pratiques dégradantes sous mon nez depuis des années ?"

"La première fois j'étais un peu plus qu'un adolescent, père."

"Mais avec qui ? Avec qui ? Qui vous a égaré ?"

"Allons, père, personne ne m'a égaré... peut-être séduit, oui, mais seulement parce que j'étais... prêt à être séduit. S'il n'avait pas été... celui qui a été, c'aurait été un autre, tôt ou tard. Il y a longtemps que je m'étais aperçu ne pas sentir la moindre attirance pour les femmes."

"Vous m'avez trompé pendant toutes ces années..."

"Trompé, père ? Est-ce que je ne vous ai jamais parlé d'une fille, est-ce que je vous ai demandé de me trouver une femme ? En quoi je vous ai trompé, expliquez-moi ça ! J'ai tout simplement tenu pour moi ma vie intime. Comme d'ailleurs il est juste qu'on fasse. Par hasard, vous voulez me faire croire que vous alliez dire à grand-père, à votre père, vos aventures ou les faits au sujet de votre vie... sentimentale ?"

Le Premier Ministre ne s'était pas encore rendu. Il se rendit immédiatement à demander une audience privée au roi. Antoni eut juste assez de temps pour le faire avertir par Besnik, que le père maintenant savait.

"Votre Majesté..." dit l'homme, en s'inclinant formellement.

"Asseyez-vous, comte Petrovic'..."

"Comte ! C'est ainsi vous avez pensé à me faire taire ? En me donnant un titre nobiliaire pas demandé ?"

Stefan le regarda avec un petit sourire ironique : "Vous faire taire, monsieur le Premier Ministre ? Quand avez-vous jamais gardé le silence, avec moi ? Ai-je demandé quelque chose en retour pour le titre nobiliaire ?"

"Non, vous l'avez tout simplement pris ! Mon fils Antoni..."

"Je ne l'ai pas pris, et pas à vous, et pas plus que Antoni m'a pris moi. On s'est rencontré, déjà à Londres, quand je pensais que son nom était Anthony Peterson et j'étais encore Stephen Walker. Le destin nous a réunis, la vie nous avait séparés, le destin nous a de nouveau unis ! À vous, je n'ai rien soustrait !"

"Je vous demande... je vous prie... de mettre fin à cette relation... insane !"

"Écoutez-moi, Tanek... Je suis en train de faire tout ce que vous me demandez de faire pour être un bon roi, pour vous empêcher d'être annexée par la Pannirie, j'ai même accepté de me marier, d'aller contre ma nature, et de donner un héritier à ce royaume, Non ? Moi, je ne vous ai pas demandé de me mettre sur le trône de Morgovie, j'étais très bien à faire le marchand de vanneries. Si vous voulez que la relation qui me lie à votre fils cesse, vous n'avez qu'un moyen : j'ai découvert que la loi de Morgovie punit très sévèrement la relation entre deux personnes du même sexe : dénoncez-moi !"

"Jamais ! Je ne pourrais jamais faire cela, aller contre mon roi pour des raisons personnelles ! Je ne suis pas en train de vous le demander comme votre Premier Ministre, mais comme père !"

"En supposant qu'Antoni et moi on accepte votre demande, et que j'exauce votre souhait, qu'est-ce qui changerait, pour vous, si je le fais, si je couche avec un autre homme et Antoni amène dans son lit un autre homme ? Répondez-moi ceci : qu'est-ce qui changerait pour vous ?" Demanda-t-il d'un ton soutenu.

Le premier ministre baissa les yeux, passa une main sur ses yeux, puis il dit, d'une voix basse : "Rien..."

"Justement..." dit alors Stefan avec gentillesse, "Donc... laissez-nous vivre nos vies. Entre votre fils et moi, il y a de l'amour, et c'est pour ça que nous ne pouvons pas y renoncer. S'il y avait seulement amusement, s'il était seulement un passe-temps, alors un compagnon en vaudrait un autre, mais il n'en est pas ainsi. Avez-vous essayé de parler à votre fils ?"

"Certainement..."

"Et ?"

"Il est déterminé au moins autant que vous."

"Et alors... mettez-vous le cœur en paix, et laissez nous notre paix, s'il vous plaît. Quoi qu'il en soit... vous n'obtiendriez rien ni de moi ni de votre Antoni... Je crois que vous l'avez bien compris."

L'homme hocha la tête. Puis il a dit : "Il semble... que le roi de Kruslavie serait favorable à un mariage entre les deux familles. Vous devez me promettre que si tout va comme je l'espère, vous accepterez d'épouser la princesse Jovanka et... et que vous nous donnerez au moins un héritier mâle..."

"Je vous dis de plus : si et quand la princesse Jovanka me donnera un fils, alors j'abdiquerai volontiers en sa faveur, et... je vous nommerai son tuteur et régent du royaume. Et je vous libérerai de ma présence... avec Antoni, bien sûr."

"Seriez-vous prêt à le faire ?"

"Vous avez une meilleure solution ?"

"Non..."

"Et alors, je vous donne ma parole d'honneur, comme roi et comme homme, que je vais le faire. Mais... résignez-vous à me laisser vivre avec mon Antoni."

Quand Stefan et Antoni se revirent, ils se racontèrent les discussions eues avec Tanek.

"Alors," conclut Stefan, "Je vais devoir me marier bientôt et... je devrai accomplir mon devoir de roi et de mari... en espérant qu'un fils mâle naisse bientôt... et qu'on puisse enfin nous en aller et vivre nos vies à notre façon."

Antoni soudain s'illumina : "Attends une minute... mon père a dit quelque chose qui peut résoudre ton... notre problème et celui de la Morgovie à la fois !"

"Qu'est-ce ? Il ne m'en a pas fait mot..."

"Oh, je n'en doute pas. Mon père a un fort sentiment de loyauté et maintenant tu es son roi. Mais il a laissé échapper que... après qu'il t'ait mis sur le trône il a découvert qu'il existe un autre héritier possible. Mais par loyauté envers toi, il ne veut absolument pas te remplacer avec cet autre... "

"Et qui est-ce ?"

"Je ne sais pas, il ne me l'a pas dit..."

"Nous pouvons lui demander."

"Je ne pense pas qu'il nous le dira. Pour lui, maintenant, tu es le roi légitime."

"Et alors nous devons le découvrir et si nous le trouvons, voir si c'est une personne digne... je l'adopterai comme prince héréditaire, puis j'abdiquerai en sa faveur. Ni ton père ni d'autres ne s'y opposeront ! Et la Pannirie ne pourra avoir aucune prétention sur notre terre."

Antoni sourit : "C'est la première fois que je t'entends appeler la Morgovie notre terre."

"Eh bien, elle l'est pour plusieurs raisons. La première est que j'ai parmi mes ancêtres un roi de Morgovie. Ensuite parce que je suis en train de m'attacher à ce pays, et la dernière mais la plus importante, parce que c'est ta terre... donc deux fois la mienne."

"Comment pouvons-nous découvrir qui est cet autre héritier possible ? Mon père ne nous le révélera certainement pas." Lui fit remarquer Antoni.

"Ici, le bon Rasim Vaselin peut nous être utile, lequel je pense a encore de bonnes relations avec d'autres agents secrets, avec le service dont il était un membre, jusqu'à il y a peu de temps."

Donc, ils appelèrent Vaselin, ils lui expliquèrent le problème, le prièrent de réactiver ses anciens contacts et de lancer les enquêtes et les recherches nécessaires.

Cette même nuit, après avoir fait l'amour, si possible avec encore plus d'intensité que les fois précédentes, peut-être aussi à cause de la confrontation qu'ils avaient eue avec Tanek, les deux amants se détendirent, heureux, se caressant l'un l'autre et échangeant de tendres baisers.

"Tu sais que j'aime énormément faire l'amour avec toi, Stefan ?" murmura Antoni.

"Je dirais que je ne peux pas avoir de doute : tu me le prouves à chaque fois avec chaque partie de ton corps... pas seulement avec ça !" Lui dit-il en plaçant sa main en coupe sur le membre à peine revenu au repos et en la remuant légèrement.

"Hé, si tu me touches comme ça... tu me fais revenir l'envie..."

"Et pourquoi pas ?" dit-il avec un sourire.

"Mais toi, Stefan, voudrais-tu vraiment abdiquer?"

"Bien sûr. Je ne suis pas né pour être roi. La couronne m'est étroite..."

"Fais la agrandir, non ?"

"Idiot ! Veux-tu retourner en Angleterre avec moi, si je peux quitter le trône ?"

"Plus que volontiers. L'année passée à Londres a été l'une des plus belles de ma vie. Mais tu n'auras vraiment pas de regrets ?"

"Avec toi à mes côtés, sûrement pas. Qui sait qui est cet autre héritier possible ? Espérons qu'il soit apte... au moins autant que je l'étais."

"Et s'il ne l'était pas ?"

"Je ne pourrai pas trahir la Morgovie, tu le comprends. Je devrai rester."

"Pourtant... tu serais un bon roi, avec ces sentiments. Et tes deux amis que tu as fait venir de Londres, ont déjà commencé à réorganiser les écoles et améliorer les hôpitaux, former de meilleurs enseignants et le personnel médical : grâce à toi cette terre est en train d'avancer alors que des générations ne l'ont pas fait."

"Et le prochain roi, s'il le veut, pourra soit utiliser à nouveau les anciens et drôles costumes ou s'habiller décemment..." dit en souriant Stefan.

"Si nous allons à Londres... nous devrons y aller tous les quatre..."

"Toi, moi, Besnik et... Rasim ?" Demanda Stefan. "Mais Rasim a sa famille ici et..."

"Mais non, pas Rasim... Sinisa Gvero."

"Le jeune beau soldat ? Et pourquoi ?"

"J'ai l'impression que Besnik éprouve un énorme béguin pour lui !"

"Oh, vraiment? Et le beau Sinisa, rend les sentiments à Besnik ?"

"Je n'en ai pas encore parlé avec lui mais j'ai l'impression qu'il en est ainsi."

"Eh bien, pourquoi pas. S'ils veulent venir aussi à Londres, nous allons les amener avec nous. D'une certaine manière nous survivrons aussi bien à quatre. Ne penses-tu pas ?"

"Bien sûr. Au moins tant qu'ils ne trouvent pas de travail. Tu penses retourner au travail dans les vanneries de ta mère ?"

"Oui. Et toi ?"

"Je vais chercher un emploi... Je vais trouver quelque chose."

"Peut-être que ton père pourrait te faire travailler à l'ambassade de Morgovie à Londres..."

"Nous verrons. Ce n'est pas exclu. Hey... tu n'as pas voulu arrêter de me toucher ainsi... alors maintenant tu as à en subir les conséquences !" dit Antoni, en lui montant dessus.

"Je me demandais si j'avais perdu mon charme... il semblait que rien ne se passait... C'est à dire à lui, oui, mais pas à toi..." plaisanta Stefan saisissant son membre turgescent avec la main.

Ils se remirent à faire l'amour gaiement, avec une énergie et une passion renouvelées, heureux de pouvoir se donner de nouveau l'un à l'autre, d'accueillir une fois de plus le bien-aimé en soi-même.

Rasim Vaselin avait rapidement renoué ses anciens contacts et avait réussi à avoir suffisamment d'informations pour arriver à comprendre qui était l'autre héritier possible.

"Je ne suis pas sûr à cent pour cent, mais pour autant que je le sache, l'autre descendant mâle du roi Jakub Markovic' est... le duc Ludwik Jovanovic' de Drgovine et son fils Erek..."

"Très bien! Quand ils sont venus pour les funérailles du roi Jedrek et puis pour mon couronnement, j'ai eu une très bonne impression, soit du père soit du fils !" S'exclama Stefan.

"Et la Drgovine a toujours eu de très bonnes relations avec la Morgovie. Qui sait pourquoi mon père ne voulait pas offrir la couronne à l'un des deux ?" Dit Antoni.

"Surtout parce qu'il l'a découvert... trop tard. Roi Stefan avait déjà été couronné. Et puis, je ne sais pas s'il juge positive ou non l'idée d'unifier la Morgovie et la Drgovine." fit remarquer Vaselin.

"Si elles étaient unifiées et avec le mariage avec Jovanka de Kruslavie, nous n'aurions pas avoir à craindre quoi que ce soit de la part de la Pannirie." Dit Stefan.

"Mais mon père est en train de placer ses pions pour demander au roi de Kruslavie de marier sa fille avec toi..." lui fit remarquer Antoni.

"Ce n'est pas tout à fait exact. Elle devrait épouser le roi de Morgovie, quel qu'il soit, pas moi."

"Mais le duc Ludwik est déjà marié."

"Mas pas son fils Erek ! Donc, il nous reste à offrir la couronne à Erek Jovanovic'..."

"Penses-tu que tu peux convaincre mon père de ce changement de programme ?"

"Pour l'instant, je ne vais pas lui en parler. Je ferai en sorte qu'on combine une visite d'État dans la Drgovine voisine, et quand je serai seul avec le duc Ludwik, je lui demanderai s'il est prêt à accepter que j'adopte son fils Erek, je le nomme prince héréditaire, puis lui laisse le royaume..."

"Étrange, cependant, que les Jovanovic' n'aient pas avancé de prétention sur le royaume de Morgovie..." remarqua Antoni.

"Oui, c'est vrai... Je me demande pourquoi ? Est-il possible qu'ils ne sachent pas qu'ils sont les descendants du roi Jakub ?"

Vaselin intervint : "Je crois que c'est possible d'après ce que j'ai compris... Quand le duc Bazyli Jovanovic' adopta Ludvik, Kasper ne lui dit pas, peut-être parce qu'il ne le savait pas non plus, être le fils illégitime de Konrad Markovic'..."

"Mais alors, s'ils ne le savaient pas, comme avez-vous pu trouver des documents inattaquables ?"

"Je n'en suis pas sûr, parce que j'étais à Londres puis ici quand mes collègues faisaient leurs recherches dans la Drgovine." Dit Vaselin. "Mais mes anciens collègues disent qu'ils ont trouvé des documents de valeur incontestable, grâce auxquels ils ont pu reconstruire la lignée qui, de roi Jakub mène au jeune Erek..."

"Ces documents doivent être en possession de ton père, Antoni. S'il est inutile de les lui demander, ne pourrais-tu pas découvrir où ils sont et les lui soustraire ?"

"Là où je peux imaginer : dans son coffre-fort privé. Quant à les lui soustraire, avant... je devrai réussir à lui voler la clé et la combinaison. Deux choses loin d'être faciles à faire..."

"Et si je lui ordonnais de me donner ces documents ? Il ne pourrait pas me refuser !" Dit Stefan.

"Laissons cela en dernier ressort. Il se peut que dans les archives du duc Ludwik, il y ait soit les originaux ou d'autres cartes suffisantes pour prouver qu'Erek peut légitimement aspirer au trône de Morgovie." Dit Antoni.

"Rasim, peux-tu te faire dire par tes amis quels documents ils ont trouvé et où, et si les originaux sont toujours là où ils étaient ?" Demanda Stefan.

"Je peux certainement le leur demander..."

"Bien, alors mets-toi au travail. Une fois que nous aurons suffisamment de preuves, je vais lui demander d'organiser une visite d'État en Drgovine. Pour brouiller les pistes, je dirai qu'après je veux visiter la Starelie et même la Kruslavie..."

"Brouiller les pistes ?" Dit Antoni.

"Ton père est très intelligent... Je ne voudrais pas qu'il comprenne à temps notre plan et fasse quelque chose pour le rendre vain."

La perspective de pouvoir abdiquer avait rendu Stefan particulièrement gai. Quand il obtint de Vaselin les renseignements qu'il voulait, il dit à son Premier Ministre qu'il avait l'intention de faire des visites d'État aux territoires voisins et lui demanda de prendre les contacts nécessaires avec les différents souverains pour les organiser.

"Habituellement... dans la tradition... un souverain ne se rend sur le territoire d'un autre que pour un couronnement, un mariage royal, ou un enterrement... Ou pour signer un traité." objecta Tanek Petrovic'.

"Dans l'Europe du nord les visites d'État se font... C'est dans le but de forger de meilleures relations entre les maisons régnantes. Pensez-vous que les autres souverains refuseraient de me voir ?" Stefan demanda.

"Pas ça, mais... ils en demanderont certainement le motif. Ici ce n'est pas le nord de l'Europe... Les coutumes..."

"Ils sont venus pour mon couronnement... nous les avons accueillis avec tous les honneurs dû... Maintenant, je veux juste leur rendre visite. Et décorer mes voisins avec le titre de la Grande Croix de l'Ordre de Saint Polycarpe, le protecteur de notre nation. L'échange de décorations est une coutume très répandue parmi les maisons régnantes d'Europe du nord..."

"Eh bien... comme Votre Majesté le souhaite. Je vais charger le Secrétaire aux Affaires Étrangères de prendre les contacts nécessaires et d'organiser le tout..."

"Bien. Commençons par les plus petits états. D'abord le duché de Drgovine, puis la principauté de Starelie et enfin le royaume de Kruslavie. Bien sûr, je n'irai pas en Pannirie. À mon couronnement ils n'ont envoyé qu'un ambassadeur... Par la suite nous penserons aussi à la Krvatia et à la Markaze..."

"Cela va rendre nos relations avec la Pannirie encore plus tendues ..."

"Plus de combien le sont-elles déjà? Je trouve cela difficile. Mais si vous le jugez approprié, après la Kruslavie, j'irais même en Pannirie... Selon moi, ils trouveront une excuse pour ne pas me recevoir, vous verrez..."

La chancellerie se mit en marche et, comme Stefan l'espérait, par les chancelleries des royaumes voisins vinrent des réactions positives, même de la Pannirie! Ainsi, le voyage de roi Stefan Markovic' fut organisé jusqu'à Dragburg, la capitale de la Drgovine. N'étant pas très loin, Stefan y alla avec sa suite, en utilisant le coche royal, tiré par six chevaux blancs harnachés des couleurs des Markovic'. Tout le long de la route, à la fois en Morgovie qu'en Drgovine, le cortège fut salué par une foule en liesse.

À la frontière, ils furent accueillis par le fils du duc lui-même, et accompagnés par un garde d'honneur au château de Dragburg. Stefan, toujours accompagné par Antoni, réussit à se conduire d'une façon suffisamment «royale»...

Quand il fut enfin seul avec le duc Ludvik, juste en présence d'Antoni qui agissait comme interprète en cas de besoin, et l'interprète du duc, Stefan fit sa première petite gaffe.

"Alors, mon cher collègue ! Comment est la vie ?"

"Remercions le Seigneur, elle va bien... Majesté."

Stefan ne se troubla pas et continua : "Peut-on faire pleine confiance à votre interprète ?"

"Mais... Je dirais que oui. Si je ne lui faisais confiance..."

"Non, parce que je suis venu vous dire une chose plutôt... je dirai, assez délicate. La visite d'État était juste une connerie... une excuse pour parler en privé."

"Ah, je vois..." dit le duc Ludvik retenant un sourire amusé. "Eh bien, dites-moi... Majesté."

"Saviez-vous que vous et moi nous sommes parents ? Parents au cinquième degré ?"

Le duc fronça les sourcils : "Vous dites ? Et comment, de grâce ?"

"Votre père adoptif était le duc Bazyli Jovanovic', n'est-ce pas ? Mais votre vrai père était Kasper Radovic', né en 1828 d'Anika Radovic' et Konrad Markovic', qui n'avait pas pu ou voulu le reconnaître, mais qui l'avait introduit à la cour comme un page et..."

Le duc l'interrompit : "Comment connaissez-vous ces choses? C'est à dire... Comment pouvez-vous dire que... que mon grand-père était le prince Konrad Markovic' ?"

"Je crois que si vous faites exécuter des recherches appropriées... comme mes agents secrets ont réussi à le faire, dans vos archives..."

Le duc était tendu : "Qu'est-ce que vous visez ? Vous ne pouvez revendiquer aucun droit sur le Duché de Drgovine ! Je suis son duc légitime et mon fils..."

Stefan rit : "Mais non, je ne revendique aucun droit sur votre duché, mais... Laissez-moi m'expliquer. Maintenant, nous venons de parler seulement de la moitié de l'histoire. Donc, revenons au prince Konrad Markovic'... qui était un mec espiègle, et il a semé quelques enfants en Europe, mais seulement deux mâles : un, en fait, Kasper Radovic', et l'autre Tomasz Walker, né d'une gouvernante anglaise à Londres. Tomasz eut un fils, Valentin, qui était mon père. Donc, vous voyez, vous et moi sommes proches au cinquième degré..."

"Si ce que vous dites peut être prouvé... oui, d'accord. Eh bien ?"

"Comme vous le savez sans doute, roi Jedrek n'avait pas d'héritier mâle, et si on ne trouvait pas un parent mâle dans la lignée masculine avant le huitième degré, par l'ancien traité, la Pannirie aurait le droit d'annexer la Morgovie. Donc, on fit des recherches et, avant qu'ils découvrent que vous descendez du roi Jakub, ils me trouvèrent moi. Alors on m'amena de Londres, je fus reconnu par le roi Jedrek, et lui succédait sur le trône."

"Eh bien ?"

"Eh bien, je ne suis pas taillé pour être roi ! J'ai accepté seulement pour sauver la Morgovie des griffes de la Pannirie... mais je ne veux pas rester plus longtemps sur le trône. Mais cela ne sera possible que si votre fils monte sur le trône à ma place."

Le duc Ludwik le regarda complètement abasourdi. "Vous, c'est à dire... vous proposez de faire monter sur le trône de Morgovie mon fils ? Un Jovanovic' ?"

"Bon... un Markovic'. Une fois prouvé qu'il est le descendant du roi Jakub, je pourrais l'adopter, lui redonner le nom qui lui est dû, le déclarer l'héritier du trône, puis abdiquer en sa faveur. En outre, il semble que le roi de Kruslavie soit prêt à faire épouser sa fille Jovanka, une belle nana... une princesse de presque dix-huit ans, avec le roi de Morgovie, qui, au moins pour le moment, est moi, mais pourrait être votre fils Erek... vous savez mieux que moi que ces mariages sont faits entre des couronnes et non pas entre des gens !"

"Mais pourquoi voudriez-vous renoncer au trône en faveur de mon fils ?"

"Parce qu'il est un descendant du roi Jakub et parce que je suis fatigué d'être roi : ce n'est pas un travail pour moi. Votre fils à été élevé pour régner, il sera certainement un meilleur roi que moi. Aussi, si vous voulez, vous pouvez lui laisser en héritage le duché, formant ainsi un royaume plus grand et plus puissant, le royaume de Morgovie-Drgovine... Ça a l'air bien bon, non ?"

"Sincèrement... je pouvais m'attendre à tout de votre visite, mais certainement pas à une telle proposition..."

"Est-ce que vous vous attendiez à ce que nous bavardions un moment, qu'on fasse un jeu de cartes et quelques cérémonies, je comprends cela. Et nous pouvons le faire... Mais la vraie raison est celle-ci. Acceptez-vous ?"

"Je dois d'abord vérifier si votre thèse est juridiquement soutenable... même et surtout face à des revendications de la Pannirie..."

"Selon mes informations, c'est autant soutenable que le fut mon accession au trône. Cependant, vous faites bien de vous en assurer. Je suis un peu pressé, c'est vrai, mais... Quand vous me ferez savoir que vous acceptez..."

"SI je l'accepte..."

"QUE vous acceptez, envoyez-moi un de vos hommes et je mettrai l'ensemble en mouvement: je ferai venir Erek à Morgograd, je le reconnaîtrai comme héritier au trône, puis j'abdiquerai... et je pourrai enfin vivre ma vie à ma façon. Et n'oubliez pas la promesse de mariage avec Jovanka de Kruslavie. Un joli coup, non ? Sans parler d'unir nos deux États, ce qui me semble une idée bien trop canon... très bonne, je veux dire."

"Voulez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes venu me faire cette proposition... et vous ne l'avez pas fait à travers les chancelleries de nos États ?"

"Ça alors ! Pour deux raisons : premièrement, parce qu'à nos chancelleries il faudrait des siècles... et, deuxièmement, parce que je ne voulais pas que quelqu'un vous mette des bâtons dans les roues. Mon premier Ministre... qui est son père, est une très digne personne, mais a un étrange concept de loyauté : je suis son roi, et même contre ma volonté, il ne voudrait pas me voir abdiquer... Peut-être aussi parce qu'il est celui qui m'a... pour ainsi dire... découvert. Mais face à un fait accompli, il devra se rendre. Après tout le roi c'est encore moi !"

"Un roi... très inhabituel, si vous me permettez."

"Exactement, peu indiqué pour faire le roi. À l'occasion de l'enterrement et du couronnement ensuite, j'ai eu une très bonne impression de vous deux... c'est-à-dire de vous et de votre fils. Donc, je sais que je laisserai la Morgovie en de bonnes mains. Je sais que vous n'avez pas de sympathie pour la Pannirie, et ça aussi me plaît. Et excusez-moi si ma façon de m'exprimer n'est pas très royale... Même si je pense que mon et votre interprète auront purgé mes expressions..."

Le duc se mit à rire : "Bien que je ne parle pas anglais, je le comprends assez pour avoir cueilli vos expressions colorées. Que puis-je dire ? Si la recherche que je ferai exécuter confirme ce que vous me disiez... que vous êtes en train d'offrir à mon fils un royaume sur un plateau d'or... comment pourrais-je ne pas accepter ?"

"Oh, bon ! Je vous donnerai un baiser ! Eh bien... non... Je vous remercie... Voilà qui est mieux. Mais fichtre, ça ne me plaît vraiment pas de faire le roi !"

Stefan resta pendant les quatre jours prévus, remit le collier de la Grande Croix de l'Ordre de Saint Polycarpe au duc, prit part aux cérémonies et aux fêtes, visita tout ce qui était prévu par le programme, et, pendant ce temps, puisque la recherche dans les archives avait confirmé abondamment ce qu'avait dit Stefan, le duc lui dit qu'il acceptait sa proposition.

Stefan eut un long entretien avec Erek, et sa première impression qu'il serait un meilleur roi que lui, fut confirmée.

À peine rentré à Morgograd, Stefan appela le Premier Ministre, et voulut qu'Antoni et Rasim soient aussi présents.

"Cher comte, je vous ordonne de me remettre le dossier que vous avez dans votre coffre-fort privé, par rapport à l'autre branche des descendants du prince Konrad, mon aïeul."

"Mais... Majesté... à quelle fin ?"

"Je sais tout. J'entends faire venir ici et adopter le fils du duc Ludvik Jovanovic', Erek, le déclarer prince héréditaire, et abdiquer alors en sa faveur."

"Mais..."

"Pas de mais, Tanek. Vous aurez toujours un Markovic' sur le trône, et Erek sera un bien meilleur roi que moi. Au moins... plus royal que moi. Et surtout la Pannirie ne pourra rien faire du tout. De plus, Erek n'a pas de problème à se marier et vous donnera tous les héritiers dont vous avez besoin. Vous avez tout à gagner et rien à perdre... Vous devez en convenir."

Le premier ministre resta en silence pendant un long moment, puis, d'une voix faible, il dit : "Je... je m'étais attaché à vous, si vous me permettez de le dire, Votre Majesté. Oui, attaché, malgré les problèmes que vous nous avez créés avec votre comportement si peu orthodoxe... En dépit... de votre relation avec mon fils Antoni... Malgré... tout. Je suis sûr que vous auriez été un roi excellent. Votre décision de moderniser notre système d'éducation, de la santé publique et des prisons, a été en effet, une bouffée d'air frais pour notre nation. Bien que parfois je vous aie contrarié... c'était seulement parce que... vous couriez un peu trop vite. Mais..."

"Tanek, moi aussi je me suis attaché à vous, et les derniers mots que m'a dit le roi Jedrek à votre propos sur son lit de mort, étaient la pure vérité. Je vous respecte, je vous admire et je vous remercie pour tout ce que vous avez fait pour moi, davantage que pour le bien de la Morgovie. Mais maintenant... laissez-moi partir, ne vous opposez pas, s'il vous plaît. Quand même... je suis toujours votre roi : ne me désobéissez pas... s'il vous plaît."

Tant le premier ministre que le jeune roi étaient visiblement émus.

Tanek Petrovic' dit : "Je vous obéis, Votre Majesté. Tout sera fait comme vous le souhaitez, comme vous l'avez ordonné. Mais... qu'est-ce que vous entendez faire, après avoir abdiqué ?"

"Je vais retourner à Londres pour vivre sereinement ma vie."

"Avec... Antoni, je suppose."

"Certainement, mon père." Antoni dit.

L'homme poussa un long soupir : "Soit. Vous étiez roi pour une seule année, roi Stefan... et pourtant votre empreinte restera dans ce pays. Même votre idée de moderniser les habits de cour... Et vos promenades parmi les gens ordinaires... et... je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour la Morgovie."

"Pour notre pays. Bien sûr. Je vais l'emmener dans mon cœur, comme aussi votre patience, votre gentillesse et votre rectitude."

"Vous auriez été un bon roi. Peut-être aussi parce vous n'aspiriez pas à l'être. Vous n'avez jamais abusé de votre pouvoir... même quand vous avez choisi ce soldat pour compagnon, avant que mon fils ne revienne ici ; vous vous êtes assuré qu'il vienne avec vous de sa propre volonté."

"Vous savez cela aussi ?"

"Un premier ministre doit être bien informé sur tout, s'il veut être efficace... Eh bien, presque sur tout, puisque vous m'avez totalement trompé sur la raison de vos visites d'État..." dit Tanek Petrovic' avec un léger sourire.


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