Fausto relut la proposition de contrat encore une fois, puis regarda l'administrateur de l'immeuble : "C'est sûr que... cinquante-quatre heures par semaine et seul le dimanche de libre..." dit-il un peu incertain.
"Mais la paie est bonne, considérant que l'hébergement et le box garage sont inclus. Logiquement après il y a les extras, et quatre semaines de vacances payées... Seulement avec la paie de base plus les extras, vous pouvez arriver à un peu moins de mille euros nets... sans compter les pourboires. Téléphone, électricité et gaz, logiquement, à vos dépenses... mais pas l'eau."
"Ils sont bons, les pourboires, au moins ? Ils sont haut ?" demanda Fausto.
"Cela dépend de vous, évidemment. La vieille concierge, il me semble qu'elle ne se plaignait pas... Elle était très disponible et donc... si elle n'était pas tombée malade... Regardez, ce que je vous propose, ce sont des conditions excellentes. Avec un horaire de 8 heures à 12, et de 14 à 19 et le dimanche libre..."
"Les quatre semaines de congé sont à prendre toutes ensemble ?"
"Deux, par la loi doivent être consécutives. Les deux autres vous pouvez les unir à celles-ci ou en jouir à plusieurs occasions, comme vous préférez. L'important c'est seulement que vous me donniez un préavis d'au moins un mois et qu'on accorde la date."
"Je vois... et je devrais soigner les jardins aussi ?"
"Non, nous avons un jardinier qui prend également soin de nettoyer le garage. Vous avez seulement à nettoyer les escaliers, la terrasse sur le toit, la cour et les marches en face de l'immeuble, en plus du travail ordinaire de conciergerie. Alors ?"
Fausto relut le contrat de nouveau, y compris les notes imprimées en petits caractères... Puis il regarda de nouveau le plan du logement attaché, avec la pièce de garde, et enfin il décida de signer.
"Très bien," dit l'administrateur, "vous verrez que vous vous sentirez à l'aise ici... à part un locataire de l'escalier B qui se plaint toujours de tout et de tout le monde... les autres sont tous des personnes très distingués : un juge, un avocat, un chirurgien, un architecte... Alors : vous prendrez le service lundi prochain ; pouvez-vous déménager vos affaires et les ranger d'ici dimanche prochain ?"
"Bien sûr. Certes qu'apprendre à reconnaître près de 80 locataires..."
"En tout, ils sont exactement 73. Peu à peu vous apprendrez à les reconnaître... Bien. Voici vos clés. Lundi matin je viendrai pour vous décrire sur place les détails de votre travail. Ah, votre garage est identifié par le numéro 00 comme aussi votre cave, qui est sous l'escalier B."
"Très bien, merci."
Fausto sortit, monta dans sa vieille Fiat 124 et rentra chez lui. Il commença tout de suite à préparer pour le déménagement, puis il prit le téléphone et appela quelques amis pour leur demander s'ils avaient envie de l'aider, en particulier Corrado qui avait une Fiat Ducato. Ils arrivèrent et l'aidèrent à démonter les meubles au fur et a mesure que Fausto et Renzo les vidaient et remplissaient les cartons.
"T'as plus vu Gildo ?" lui demanda Lelio à un moment donné.
"Non... ni vu ni entendu. Je l'ai appelé deux ou trois fois... il a dit qu'il appellerait, mais il ne l'a jamais fait."
"Oui, on se quitte souvent en disant rester de bons amis, mais en réalité..." commenta Marco.
Fausto haussa les épaules : "Pour moi... Je n'ai rien contre lui, même si en grande partie c'est sa faute si on s'est quittés."
"Putain, combien de livres t'as, Fausto !" s'exclama Renzo. "Mais tu les as vraiment tous lus ?"
"Bien sûr. J'ai peu de culture, je n'ai fait que l'école professionnelle, mais ça me plaît lire pour comprendre de nouvelles choses."
"Je préfère baiser!" plaisanta Corrado.
"Oui, nous savons que pour toi plus que la cul-ture te plaît le cul... tout court, mon lapin !" Marco se mit à rire.
"La semaine dernière, j'ai rencontré un gars sympa à l'Arci-gay..." dit Corrado.
"Et tu te l'es déjà fait ?" lui demanda Lelio.
"Pas encore, mais j'ai de grands espoirs. Il a un beau..."
"... petit cul !" dit Marco.
"Aussi. Mais il a un beau sourire..." le corrigea Corrado.
"Oh, le sentimental !" le taquina Marco.
Ainsi, en plaisantant, ils ont continué à démanteler les meubles et remplir les cartons. En trois jours, Corrado réussit à transporter tout dans le nouveau logement de Fausto, entrant avec le Ducato dans la cour. Les amis l'aidèrent aussi à remonter les meubles.
La loge avait derrière une véranda fermée avec du verre dépoli, qui donnait la lumière aussi dans les chambres ; à la droite il y avait la chambre à coucher et la salle de bain, a gauche le salon et la cuisine. De la véranda on pouvait descendre directement à la cour, derrière laquelle il y avait les jardins de copropriété.
De la loge, qui était à l'étage surhaussé, on accédait dans le hall d'entrée avec les deux escaliers, un à droite et un à gauche. L'élégant bâtiment avait aussi un jardin antérieur. Au rez-de-chaussée, avec des entrées aussi vers l'extérieur, il y avait, à droite, une agence d'auto-école et un cabinet de dentiste et à gauche une agence de tourisme.
Le logement et la loge étaient pavés avec un parquet en bon état. Il n'était pas mal. Alors qu'il transportait ses affaires dans la maison, une femme d'âge moyen s'approcha.
"Lequel d'entre vous est le nouveau concierge ?" demanda-t-elle en examinant ces jeunes hommes.
"C'est moi, madame." répondit Fausto.
"Ah. J'espère que vous serez bien ici avec nous. Je suis Mariella Francone, escalier B, cinquième étage..."
"Enchanté, madame. Fausto Picozzi." dit le jeune homme.
"Vous avez un beau sourire, pas comme la vieille concierge qui semblait toujours grincheuse. Oh, c'était une personne gentille, mais... Vous commencez lundi votre service, n'est-ce pas ?"
"Oui, madame Francone lundi matin. Il me faudra quelques jours pour me familiariser avec tous et pour tous reconnaître, mais je vais faire de mon mieux. L'administrateur viendra me donner ses directions pour bien faire mon travail."
"Eh bien, je vous laisse à votre déménagement... Une chose que je déteste, moi, les déménagements. On ne finit jamais... Heureusement vous avez qui vous aide... Bonne journée." dit-elle et partit.
Corrado et Renzo étaient en train de s'occuper pour remonter les meubles dans la chambre à coucher et Marco avec Lelio ceux du salon. Fausto commença à ouvrir les cartons qui contenaient les choses de la cuisine et de la salle de bains et commença à tout ranger dans les placards.
Les quatre amis revinrent aussi le dimanche, ainsi le soir tout était en place à nouveau. Fausto leur offrit le dîner dans un restaurant arabe à proximité.
"Je vais me faire un tableau avec tous les noms des locataires des deux escaliers et des différents étages..." dit Fausto pensivement.
"Eh bien, à côté des garçons attrayants tu y mets deux signes, un pour dire qu'il est agréable et l'autre pour dire s'il est partant..." dit Marco.
"Oui... et une encoche pour chacun d'eux que tu te fais !" se mit à rire Lelio.
"Et avec le vote de un à dix..." ajouta Renzo.
"Mais... vous êtes vraiment tous des pédés, vous !" plaisanta Fausto.
"Ici c'est un immeuble de luxe... Je me demande combien coûte de louer un appartement ici ?" demanda Corrado.
"L'administrateur m'a dit que ce sont tous des propriétaires. Ils l'ont construit il y a seulement six ans... Tous des gens pleins d'argent, de toute façon. Espérons qu'ils soient généreux avec les pourboires."
"S'ils sont riches, à mon avis, ils seront aussi avare de pourboires." dit Marco.
"Mais peut-être... quelqu'un pourrait te donner un pourboire... en nature, qui sait ?" plaisanta Lelio.
En quittant le restaurant, ils se sont dit au revoir, Fausto les remercia, puis prit sa vieille Fiat 124 et la mit dans le garage souterrain. Il monta dans l'ascenseur et rentra dans la maison. La loge avait aux fenêtres les vénitiennes fermées. Il fit le tour de toutes les pièces, presque comme pour s'habituer à son nouvel appartement. Puis il s'arrêta dans le salon et alluma le TV. Il regarda sa montre : il était presque minuit. À huit heures il devait prendre son service, donc il jugea préférable d'aller au lit, afin d'être prêt avant.
Il se déshabilla et entra dans la salle de bain pour prendre une douche. Puis il se brossa les dents, sécha ses cheveux avec le sèche-cheveux et s'étendit sur le lit, nu. De la paroi de verre sur le porche venait une faible lumière douce, réfléchie par les réverbères du jardin de la copropriété et atténuée par le verre dépoli.
Il y avait aussi des vénitiennes, mais il choisit de les laisser ouvertes. Il n'avait jamais aimé l'obscurité absolue et la lumière ne le dérangeait pas du tout. Son nouvel appartement était au nord-est... très bien en été, froid, peut-être, en hiver. Mais la véranda vitrée servirait peut-être d'intermédiaire. Il avait apporté du vieil appartement les grands globes de papier japonais et en avait monté un dans la chambre à coucher et un dans le salon. La loge, la cuisine et la salle de bains avaient des lampes de plafond avec des tubes fluorescents. Ce n'était pas un mauvais appartement, pensait-il, comme il sentait ses yeux s'alourdir.
Qui sait s'il pouvait y emmener un joli garçon, la nuit ? se demanda-t-il comme il s'endormait. Quand il n'était pas en service, après tout, il était libre de faire ce qui lui plaisait, non ? Avec la discrétion appropriée... Il lui aurait plu d'emmener au lit Renzo... Jusque-là, il n'avait pas essayé, parce qu'il était encore avec Gildo...
Un trille aigu le secoua. Il regarda le radio-réveil sur la table de chevet : C'était déjà sept heures. Il se leva, s'étirant voluptueusement, passa ses mains sur sa poitrine, et alla à la salle de bains pour se raser. Puis il s'habilla, alla à la cuisine en traversant la loge et il se prépara le petit-déjeuner. Il devait se rendre à l'épicerie : le frigo était presque vide.
Bien sûr, pensa-t-il, en devant faire son service de huit à midi, puis à nouveau de deux à sept, il aurait très peu de temps pour aller faire des courses. Et puis, dans ce quartier, les magasins devaient être bien chers. Il devait trouver un supermarché ouvert jusqu'à tard, ou dans les deux heures du déjeuner ou le soir, ainsi il pouvait aller faire des provisions sans dépenser trop.
Ayant pris son copieux petit déjeuner, comme il était habitué à le faire, il lava la vaisselle et alla s'asseoir dans la loge. Il regarda les écrans des caméras de surveillance et leurs étiquettes : escalier A, escalier B, entrée du garage, extérieur devant, extérieur arrière. Il les alluma l'un après l'autre. Puis il regarda le contrôle des sonnettes sur la table, avec des numéros et noms des familles, et il débrancha les poussoirs externes. Quoi d'autre ? Il souleva les vénitiennes, même s'il manquait dix minutes à huit heures. Voilà, il était officiellement en service.
Alors qu'il regardait les écrans sur sa droite, il entendit tambouriner sur le verre. Il se tourna : un homme dans la cinquantaine le regardait. Il se leva et ouvrit la porte de la loge.
"Oui ?"
"Le nouveau concierge, n'est-ce pas ?"
"Oui, monsieur. Mon nom est Fausto Picozzi."
"Ah, bien. Je suis Dondi, escalier B, sixième étage. J'espère que vous garderez plus propre que la vieille concierge. Au début, elle était très bien, puis elle est tombée malade et... la propreté laissait un peu à désirer."
"Je ferai de mon mieux, monsieur Dondi..."
"Je l'espère bien. Avec ce qu'il nous coûte d'avoir un concierge..."
"Une trentaine d'euros par mois par famille..." dit Fausto hochant la tête, mais en pensant que, riche comme étaient les locataires de cette maison, cela ne devait pas être une grosse dépense pour eux.
"Oui... plus qu'un café par jour." répondit l'homme.
"Un cappuccino au bar, disons ?" lui dit Fausto, gaiement.
L'homme le regarda comme pour l'étudier, sérieux, puis il hocha la tête et il sortit.
Puis descendit une femme avec une gamine. Elle s'arrêta à la loge. "Oh, bonjour ! L'administrateur nous avait dit que vous preniez votre service aujourd'hui. Il n'a pas encore mis le nom sur la sonnette de la porte..."
"Bonjour, Madame. Mon nom est Fausto Picozzi... Je vais le mettre dès qu'il sera prêt. L'administrateur est en train de le faire préparer..."
"Enchantée. Je suis Valentina Gerbino et voici ma fille Daniela."
"Quel âge as-tu ?" lui demanda la petite fille.
"Daniela ! On ne le demande pas, et tu dois le vouvoyer ! Excusez-la, monsieur Picozzi..."
"Non, ça n'a pas d'importance. J'ai vingt-sept ans, Daniela et toi ?"
"Quinze. Vous aimez faire le concierge ?"
"Je ne sais pas encore... C'est aujourd'hui mon premier jour." Dit Fausto avec un sourire. "Tu es en train d'aller à l'école ?"
"Oui, je vais chez les sœurs. Je fais la cinquième." lui dit la jeune fille avec un air de je-sais-tout.
"Allez, allons-y." lui dit la mère. "Au revoir, monsieur Picozzi."
"Au revoir, Madame. Salut, Daniela."
Puis arriva l'administrateur, qui voulut voir comment il s'était installé et lui remit les plaquettes pour la porte intérieure et pour le panneau extérieur. Ensuite, il l'emmena faire le tour complet du bâtiment, lui montrant également où se trouvaient les placards avec le nécessaire pour le nettoyage, la chaufferie, la cave commune avec l'équipement pour les petites réparations. Puis ils allèrent en haut, sur le toit, et il lui montra les deux cabines des moteurs des ascenseurs, la terrasse avec le réservoir d'eau et le système d'antenne pour la télévision.
De retour dans la loge, il lui remit les règlements de copropriété. "Ici, il y a aussi marqué les jours où faire le nettoyage de routine des escaliers, de l'entrée et de l'extérieur. Logiquement vous devez également procéder à un nettoyage supplémentaire en cas de besoin..."
"Oui, je comprends. Quand je nettoie, je dois fermer la loge ?"
"Oui et non. Insérez les poussoirs externes et mettez un signe sur la vitrine qui indique où vous êtes, comme : nettoyage escalier A, nettoyage extérieur, etc., de sorte que si un locataire vous cherche il sache où vous trouver. N'ouvrez pas aux mendiants, aux vendeurs colporteurs. Faites-vous remettre le courrier et les brochures publicitaires et vous les trierez dans les boîtes aux lettres. Lorsque les responsables de relever les données des compteurs viennent, vérifiez leurs documents, puis vous les accompagnez jusqu'à ce qu'ils aient terminé leur tour."
Fausto prenait note mentalement de toutes les informations que l'administrateur lui donnait. Il réalisa que le travail de concierge était bien plus complexe qu'il ne l'avait pensé.
Peu avant midi, quelqu'un sonna à la porte.
"Oui ?" demanda Fausto.
"Je suis Guido Barisone, le locataire du cinquième étage, escalier A... J'ai oublié la clé. Pourriez-vous m'ouvrir, s'il vous plaît ? À la maison, il n'y a encore personne..."
Fausto ouvrit la porte et le garçon entra. Il devait avoir environ dix-huit ans, avait des cheveux blond foncé, très court, juste un peu plus longs au centre de la tête, et un sourire presque timide. Il avait de beaux yeux verts sombres presque bleus. Il était vêtu d'un polo bleu, jeans, et avait un sac à dos noir aux épaules.
"S'il n'y a personne à la maison, voulez vous attendre ici à la loge ?" lui proposa Fausto.
"Je vous remercie, je ne voudrais pas déranger... Je peux aller en haut et m'asseoir sur les escaliers..."
"Mais non, venez. Je n'ai pas encore mis les plaquettes à la porte... je m'appelle Fausto Picozzi et je suis le nouveau concierge. Bon, cela vous pouviez l'imaginer..." dit-il avec un sourire, en le faisant entrer dans la loge et lui offrant une chaise.
"Vous êtes bien gentil..." dit le garçon, mettant le sac à dos sur le sol à côté de lui et s'assit.
"C'est rien du tout..."
"Écoutez... si je ne suis pas trop... effronté, on ne pourrait pas nous tutoyer ? Quel âge avez-vous ?"
"Comme vous voulez. J'ai vingt-sept ans."
"Moi, neuf de moins que vous, que toi... mais je pensais que t'étais plus jeune."
"Parfois moi aussi, je pense que je suis plus jeune..." dit Fausto avec un sourire. Ce garçon lui plaisait beaucoup et il se sentait un peu excité.
"C'est-à-dire ?" lui demanda Guido avec un sourire intrigué.
"Eh bien... les années passent, mais je ne m'en aperçois même pas..."
"Vingt-sept... t'es encore jeune, cependant."
"Tu étudies ? Quoi ?"
"Lycée classique. Cette année, je dois passer la maturité. Ensuite, je pense faire langues modernes. Mon père et ma mère travaillent chez Alitalia et peut-être j'irai y travailler moi aussi."
"Sur un avion ?"
"Non... au bureau des relations internationales. Mon père en est le dirigeant."
"Alors tu as déjà la place assurée..."
"Ce n'est pas que ça me plaise beaucoup, la chose. Je veux trouver un emploi par mes compétences, et pas parce que je suis le fils de mon père."
"Eh bien, si tu es intelligent, tu mérites la place de toute façon, en dehors de l'intervention de ton père, non ?"
"Oui, mais... pour les autres, ce ne sera pas ainsi. Pour l'instant, je ne dis quoi que ce soit à la maison, mais... au bon moment, je pense que je vais me trouver un autre emploi tout seul. Bien que cela semble devenir de plus en plus difficile."
Le portable de Guido sonna et il répondit : "Oui, maman... Oh, je sais... Non, je suis assis ici dans la loge... Bien sûr, je vais attendre... D'accord, salut." Il ferma le téléphone et dit à Fausto : "Ma mère dit de te présenter mes excuses. Le problème est que bientôt tu dois fermer et ma mère arrive à une heure..."
"Pas de problème, tu peux rester ici, même si je ferme. Je me prépare quelque chose à manger, après que j'ai fermé. Je vais ce soir faire mes courses. Vraiment, pas de dérangement."
"Je suis désolé..."
"Mais non, allez, Guido ! Que veux-tu qu'il soit ?" dit Fausto, puis il regarda l'horloge sur le mur au-dessus de la fenêtre de la loge : "Voilà, il est midi." dit-il, et il baissa les vénitiennes, commua le clavier des sonnettes, et dit : "Si tu veux venir..."
Il le fit entrer dans le salon et, tenant la porte de la cuisine ouverte, il commença à se préparer à manger.
"T'as beaucoup de livres." dit Guido. "Puis-je les regarder ?"
"Oui, bien sûr. J'ai peu de culture, je n'ai fait que la professionnelle pour mécaniciens... mais ça me plaît vraiment de lire."
"Wow ! Même des œuvres de philosophie : Le problème de l'intuition, trois études sur Platon, Kant et Husserl ; Le processus cognitif ; Langage et théorie de l'esprit ; Utopie, égalité et liberté ; Le libéral-socialisme de Rosselli à Bobbio ; Cette idée de vie, le défi de Charles Darwin ! Et tu dis que t'as peu de culture ?"
"C'est pas que je comprends tout ! Certaines parties, ici et là, cependant, j'ai aimé et en lisant et en relisant ces livres, qui sait, peut-être que quelque chose pénètre dans ma caboche."
"Et même des livres d'art... et de littérature... T'as une belle bibliothèque, aucun doute à ce sujet."
"Ce que je gagne, je le dépense en livres et discothèques..." dit Fausto en souriant.
"Aimes-tu danser ?"
"Même si je n'y vais pas assez souvent... C'est une bonne gymnastique, après tout. Tu n'y vas pas, en discothèque ?"
"Rarement, moi aussi. Je préfère aller à la gym."
"Machines ? Ou arts martiaux ?"
"Non... anneaux, pouliche, corde, barres murales, la poutre d'équilibre, parallèles... ce genre de chose. Un couple de fois par semaine."
"Tout à fait inhabituel..."
"Et toi ?"
"Moi, quoi ?"
"Fais-tu de la salle de gym ou joues-tu d'un sport ?"
"Non... je jouais au volley-ball jusqu'à il y a cinq ans. Ensuite, j'en ai eu marre. J'aurais aimé faire de l'équitation, mais ça coûte trop cher. Tu sais, des parcours d'obstacles... T'as des hobbies ?"
"Pas vraiment. J'aime faire l'origami."
"Excuse mon ignorance... mais qu'est-ce ?"
"On plie un carré de papier, sans couper ou coller ni peindre et on obtient des fleurs, des animaux et des formes diverses... C'est une forme d'art née au Japon."
"Cela semble intéressant. Et peux-tu me montrer quelque chose ?"
"Si t'as une feuille de papier pour l'imprimante ou pour machine à écrire..."
Fausto fouilla dans un tiroir et en sortit quelques feuilles blanches, "J'ai ça. Cela va bien ?"
"Oui, très bien." dit Guido.
Il fit un carré à partir d'une feuille et commença à plier... et Fausto vit se former une belle fleur !
"Fantastique ! Ca ressemble à... un miracle. Tu me le laisses ?"
"Bien sûr, il est à toi."
"Mais comment fais-tu pour te souvenir de tous les plis que t'as à faire ?"
"Un peu comme celui qui joue d'un instrument : au début on apprend d'une partition, mais après on peut aussi jouer la chanson les yeux fermés..."
"Et il y a des... partitions pour l'origami ?"
"Origami c'est un mot japonais : il signifie juste plier du papier. Oui, il y a des livres pour apprendre. Cependant, ce camélia je l'ai inventé moi-même."
"Fichtre ! Donc, tu es un artiste !"
Guido fit un sourire timide et Fausto pensa que ce garçon était tout simplement beau, désirable... et qu'il aurait aimé l'enlacer et l'embrasser et... lui faire encore plus. Il retourna à la cuisinette pour préparer le déjeuner. Guido le suivit.
"Ça te plaît de cuisiner ?"
"Assez. Que veux-tu, je vis seul depuis quand j'avais ton âge et pour ne pas manger seulement des sandwichs, j'ai du apprendre."
"T'as une petite amie ?" lui demanda Guido.
"Non." Fausto répondit tranquillement, un peu surpris par la question, mais sans se retourner à le regarder.
"Moi non plus."
"Eh bien... tu n'as que dix-huit ans, non ?" il répliqua en se demandant si par hasard ce beau garçon ne lui lançait pas un message.
"J'en ai eu une quand j'avais seize ans, mais... elle n'a pas duré longtemps."
"À cet âge... il est rare que ce soit une chose sérieuse. Surtout pour un garçon, je crois. Une copine de classe ?"
"Oui. Elle était mignonne, aimable, gentille, mais... ça n'a pas fonctionné."
"Ca arrive." dit Fausto : "C'est certain que..."
À ce moment, on entendit sonner à la porte de la loge.
"Oh, ce doit être ma mère." dit Guido, en regardant sa montre.
Fausto le suivit et ouvrit la porte. Il y avait une dame élégante.
"Bonjour maman..." la salua Guido, en prenant son sac à dos du plancher.
"Je suis tellement désolée pour le dérangement que mon fils vous a donné, monsieur..."
"Fausto Picozzi, madame Barisone. Ce n'était pas du tout un dérangement. Votre fils m'a tenu un peu compagnie, et moi à lui..." dit-il, serrant la main qu'elle lui tendait. L'étreinte forte et décidée, brève, de la femme lui plut.
"Eh bien, je te remercie. À la prochaine..." déclara Guido sortant de la loge.
Fausto salua, referma et retourna à la cuisine, mettant à table le déjeuner. Il mâchait tranquillement, repensant à ce beau garçon. Dix-huit ans... il se dit. Un peu trop jeune, mais... pas mal du tout. Il sourit en pensant que Renzo lui avait dit de mettre un vote à côté de beaux mâles et pensait qu'à Guido il pourrait donner un huit... peut-être même un neuf. Il devrait le voir nu, pour prendre une meilleure décision...
Pendant qu'il terminait de manger, il regarda la fleur en origami que Guido avait faite, et qu'il avait placée sur la librairie. Il débarrassa la table, puis il prit deux feuilles de papier et un marqueur, les divisa en deux colonnes de huit cases, numérotées avec les touches du clavier numérique et commencé à y écrire les noms des personnes qu'il avait connues... et, à côté du nom de Guido Barisone, il en écrit l'âge et, entre parenthèses 8-9. Puis il fixa les feuilles sur le mur de la salle de séjour avec un peu de ruban adhésif.
Il alluma le téléviseur et fit un peu de zapping, jusqu'à ce qu'il trouve le journal télévisé de 13 heures 30. Il avait déjà commencé d'une dizaine de minutes. Il regarda les dernières nouvelles. À deux heures pile il éteignit, retourna à la loge, souleva les vénitiennes, commua le panneau des sonnettes et s'assit, en reprenant le service.
Il avait apporté un livre d'art à lire pendant qu'il était là. Après tout, se dit-il, ce travail lui donnerait beaucoup plus de temps pour lire, ce qui lui plaisait. Et c'était un travail beaucoup plus propre que faire le mécanicien dans un garage. Le début n'était pas mal, peut-être les aspects négatifs se montreraient peu à peu. D'ailleurs, quel travail n'a pas soit quelque chose de beau soit quelque chose de moins agréable?