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histore originale par Andrej Koymasky


LE CONCIERGE CHAPITRE 4
SOUVENIRS...

Maintenant, on était en décembre. L'administrateur lui avait montré dans la cave du bâtiment où étaient les cartons avec les décorations de Noël et lui avait dit de décorer l'entrée dès le 8 Décembre et d'enlever tout la journée après l'Épiphanie. Il lui montra où étaient placés les crochets sur les murs pour tirer les fils auxquels suspendre les décorations, et il lui dit que la crèche devait être placée au sommet dans l'espace entre les deux rampes qui de la porte d'entrée vitrée partaient à la loge du concierge.

"On ne doit pas faire aussi le sapin de Noël ?" demanda Fausto.

"Non. Un vrai heurterait la sensibilité des colocataires Verts ou du «Soleil qui Rit»... et un artificiel est laid. Ainsi on a décidé de ne pas le faire. Dans le carton de la crèche il y a aussi des écrans en plexiglas, pour que personne ne touche ou ne vole les statuettes,"

"Elles sont précieuses ?" demanda Fausto.

"Bon, pas vraiment précieuses, mais pas non plus bon marché. Ce sont des statuettes en bois du Val Gardena."

Ayant amené tous les cartons dans la loge, Fausto les ouvrit un par un pour en contrôler le contenu et comprendre comment il valait mieux le disposer. Il y avait beaucoup de belles boules de verre de différentes tailles, translucides comme des bulles de savon, des guirlandes rouges, vert et or, puis la crèche. Il y avait vingt-quatre statuettes, les plus hautes de cinquante centimètres, en bois clair peint avec des couleurs transparentes qui ne cachaient pas les nervures du bois.

Elles étaient toutes très belles, les visages et les mains parfaits. Fausto avait remarqué que, généralement, la Sainte Vierge avait un visage ou d'oie ou de hantée... Celle-là, non, elle avait un beau visage de jeune fille d'environ dix-sept, dix-huit ans, simple, eau et savon, souriante avec la tendresse d'une mère regardant son fils. Même Jésus était comme un petit garçon né récemment, endormi, doux.

Fausto n'aimait pas beaucoup Noël, non pas tellement à cause du sens qui, après tout, lui allait bien, mais à cause des souvenirs laids qui y étaient attachés.


C'était arrivé dix ans avant... Il avait dix-sept ans. Depuis trois il avait compris être gay depuis qu'il avait eu sa première expérience sexuelle...

Il avait longuement réfléchi sur sa propre sexualité, fluctuant entre essayer de la nier et l'acceptation. Mais peu à peu il était arrivé à s'accepter, en se convainquant qu'il n'était pas du tout un anormal, un dépravé, un malade. Il ne lui avait pas été facile de surmonter le sens de culpabilité qui l'avait opprimé pendant ces trois années, mais il y avait réussi, même si avec difficulté.

Il était en train de fréquenter la dernière année de la formation professionnelle de mécaniciens. Celui qui l'avait aidé à s'accepter, à comprendre que sa situation était une situation normale, naturelle, qu'il n'avait rien dont avoir honte, avait été son professeur de dessin. Tous les garçons avaient une grande estime et confiance pour l'homme, qui se mettait en quatre pour eux, qui les encourageait, les conseillait, les soutenait, et non pas seulement en ce qui concernait le rendement scolaire.

Donc, un jour où la dernière heure était celle de dessin, il avait pris son courage à deux mains et il lui avait demandé s'il pouvait l'attendre pour parler avec lui.

"Bien sûr, Fausto. Si tu veux, je t'accompagne à la maison en auto, nous pouvons ainsi parler tranquillement."

Fausto accepta tout de suite, parce qu'il pensa que ce serait plus facile de parler pendant que l'enseignant devait conduire et ne pouvait donc pas le regarder dans les yeux.

À peine montés dans la voiture et insérés dans le trafic, Fausto prit une grande respiration et dit : "Professeur... Je suis... je suis un pédé !"

"Ah, tu veux dire gay ?" l'avait corrigé l'homme, d'un ton calme.

"Oui. Que puis-je faire ?"

"Et bien, Fausto, je suis italien... que puis-je faire ?"

"C'est-à-dire ?"

"Chacun de nous est comme il est, et il peut seulement essayer de l'être de la meilleure façon possible."

"C'est-à-dire... je devrai être... un... gay le meilleur possible ?"

"Est-ce que ça te semble étrange ? J'essaie d'être un bon mari, un bon père... puis aussi un bon professeur, et ainsi de suite... en un mot, le meilleur homme que je réussis à être."

"Mais être gay... ce n'est pas... erroné ?"

"Cela peut être erroné ou juste d'être italien ? Ça n'a pas de sens. On ne choisit pas de naître italien, non ? Mais on peut être un bon italien ou un mauvais italien. Si je suis né hétérosexuel, je n'en ai ni mérite ni faute. Et il en est de même pour toi."

"Mais... si votre fils était gay ?"

"Pour moi, cela ne changerait rien du tout. Pourquoi devrait-il ? S'il se droguait, s'il volait... alors, oui, pour moi, ce serait un problème et une douleur."

"Mais alors, pourquoi, professeur, les gens méprisent tellement les gays ?"

"Parce que les gens sont trop souvent mesquins. Pour se sentir meilleurs, au lieu de s'engager à s'améliorer, ils méprisent les autres. C'est plus facile, C'est plus confortable. Il y en a qui méprise les Juifs, d'autres les gitans, qui les gays, et qui les immigrants... et ainsi de suite, et ainsi de suite."

"Mais même l'Eglise..."

"Tu vois, mon cher Fausto, l'Eglise est supposée posséder une vérité révélée, elle n'est donc jamais en recherche de la vérité. Quand les faits lui donnent tort de manière trop évidente, elle tente de concilier les choses, comme elle l'a fait avec les théories de Copernic, ou les darwiniennes... ou en les accueillant en partie ou en donnant une interprétation légèrement différente de la vérité qu'elle a été supposée posséder. Certaines Eglises ont pleinement accepté les gays, celle catholique romaine toujours pas."

"Donc vous pensez qu'un jour... même l'Église catholique nous acceptera nous gays ?"

"Je l'espère, parce que tant qu'elle ne le fait pas... elle force environ un dixième de ses fidèles à vivre dans une situation tragique. Mais je crains que ce ne soit pas dans ma vie... ni même dans la tienne."

"Ce n'est pas que je m'en soucie beaucoup, en réalité... Mais ce n'est pas beau d'avoir à continuer à se cacher, de ne pas être en mesure d'être soi-même devant tout le monde... être méprisé pour quelque chose qu'on n'a pas choisi..."

"Ce n'est pas beau, non, ni juste. Pense à combien de siècles... des dizaines, voire des centaines de siècles il a fallu pour arriver, au moins légalement, à l'abolition de l'esclavage..."

"Oui... mais au moins un esclave pouvait être libéré par son maître... Pas moi." dit Fausto sur un ton désolé.

Mais d'avoir parlé avec son professeur de dessin, lui avait fait du bien et, surtout, l'avait aidé, enfin, à s'accepter totalement.

Quelques mois après cette conversation libératrice, Fausto prit la décision qu'il devait faire son «coming-out» en famille. Il décida de le faire le jour de Noël... la fête où tout le monde est «bon»... presque comme un symbole de sa «renaissance».

Donc, après y avoir réfléchi pendant plusieurs jours, après avoir préparé le «discours», il s'y affronta. Ils étaient à table tous ensemble, les parents, lui, les trois frères. Ils avaient fini de manger et la mère était en train de donner à chacun une tranche de gâteau...

"Papa, maman... Je dois vous dire quelque chose..."

"Oui, Fausto ?" dit son père tranquillement.

"Je suis gay."

Ouf, il l'avait dit et il guettait la réaction des autres, un peu avec son cœur dans la gorge, mais confiant.

Il vit un éclair d'incrédulité dans les yeux du père, la mère qui posait sa tranche de gâteau, les frères qui le regardaient la bouche ouverte... Quelques secondes de silence absolu, brisés seulement par le très léger sifflement et gargouillis du gaz sur lequel était le moka pour six. La mère alla éteindre la cuisinière et retourna à la table.

"Tu es... quoi, toi ?" demanda son père pendant que ses yeux s'assombrissaient.

"Je suis gay, papa..." murmura un peu intimidé Fausto.

"Ne dis pas de la merde !" dit le père à voix basse.

"Non, papa... Je ne dis pas de la merde..."

" Et... depuis quand ?"

"Depuis... toujours, papa. Même si j'ai commencé à le comprendre... il y a seulement trois ans."

"Qui a été ?" demanda le père.

"Qui a été... quoi ?"

"Pour t'amener à faire... certaines choses ? Pour te faire devenir... ainsi."

"Papa... personne. On ne devient pas ainsi, on le naît..." dit Fausto, sentant son cœur battre en lui lent, bruyant et terne comme une grosse caisse.

"Ta mère et moi, nous avons essayé d'éduquer toi et tes frères au respect et à l'honnêteté. La famille est le centre de notre vie. La famille... qui est, l'homme et la femme... mari et femme... Et toi... maintenant tu viens nous dire..." dit à voix basse et dure, le père.

"Comment peux-tu nous faire ceci, Fausto ? Tu ne comprends pas que... c'est un coup au cœur, pour nous ?" dit la mère, la voix tremblante. "Mais en es-tu... vraiment sûr ?"

"Oui, maman. Je... j'ai essayé d'avoir une fille, vous savez. Mais en toute honnêteté, j'ai interrompu notre relation. Cela ne fonctionnait pas et ce n'était pas juste ni pour elle ni pour moi..."

"Écoute, Fausto... En dehors du fait que... t'aurais du en parler en privé et non pas en face de tes frères..." dit son père d'un ton sévère.

"Pourquoi, papa ?" demanda un des frères.

Le père ne répondit pas, mais il continua : "... si tu as ce problème... si tu n'es pas normal..."

"Papa ! Il m'a fallu presque trois ans pour m'accepter et comprendre que... que je suis normal. Je ne voulais pas être ainsi... Mais je ne peux pas y faire quoi que ce soit..." dit Fausto.

"Comment, tu ne peux pas y faire quoi que ce soit ! Nous t'avons bien élevé, nous t'avons enseigné l'honnêteté, ce qui est correct et incorrect, ce qui est bon et ce qui est mal !" dit le père fermement, en élevant un peu la voix.

"Pourquoi tu nous donnes cette souffrance, Fausto ?" demanda sa mère, en s'asseyant et en le regardant avec air incrédule et affligé.

"Maman, papa, mais je suis toujours celui que vous savez, et si je suis fait ainsi..." dit Fausto.

"Celui que nous savons ? Comme l'enfer t'es celui que nous savons ! Nous croyions avoir un fils normal, propre, et par contre..." dit la mère, de plus en plus troublée.

"Un homosexuel... un... perverti, un pédophile, et peut-être que maintenant tu te donnes aussi à la prostitution et en tout cas au péché." dit son père, en le regardant comme s'il ne le connaissait pas, comme s'il était effrayé, ou mieux, dégoûté par ce qu'il voyait en lui.

"Papa, pourquoi parles-tu de pédophilie et prostitution ! Je suis honnête et propre et ..." Fausto réagit avec incrédulité.

Rien à faire. Plus Fausto tentait d'expliquer, plus les parents semblaient être en colère contre lui, qui ne correspondait pas au fils qu'ils avaient cru avoir formé, par conséquent, ils ne l'acceptaient pas.

Il pensa leur dire d'aller parler avec le professeur de dessin... mais il se dit que tant qu'ils se montraient si certains qu'il était anormal, ça ne servirait à rien... et il ne ferait que créer des problèmes au professeur. Bien qu'il essaie d'expliquer, il ne réussissait pas à leur inculquer même l'ombre d'un doute, en fait, il les sentait de plus en plus... ennemis contre lui. De plus en plus hostiles.

Il les pria de se documenter, de parler avec des experts... sans aucun succès.

À un moment donné, il demanda, exaspéré : "Mais que dois-je faire, hein ? M'en aller de la maison ? Disparaître ?"

"Ne dire pas de conneries. Si t'étais drogué ou un tuberculeux, on ne t'enverrait pas hors de la maison, non ? Tu es toujours notre fils et... et nous ferons en sorte de te faire changer !" dit le père.

"Mais Papa, je ne suis pas un drogué qui peut se désintoxiquer, et je n'ai la tuberculose qui peut guérir. Pas plus que tu ne pourrais te désintoxiquer ou te faire traiter parce que les femmes te plaisent !"

"Mais que dis-tu ! Tais-toi, non ? Comment peux-tu dire cette merde ?" s'exclama le père.

"Dieu, quelle disgrâce. Après tout ce que nous avons fait pour toi..." dit sa mère, la face sombre, en secouant la tête.

Les frères étaient silencieux ; le plus petit, comme il continuait à manger le gâteau presque en cachette, le regardait comme s'il était un martien vert avec des antennes...

"Et ce n'est même pas que nous t'avons gâté, nous. Ah, tu l'as faite belle, tu t'es moqué de nous pendant... pendant trois ans. Et nous qui te faisions confiance..." dit le père.

"Mais je ne me suis pas moqué de vous comme ça ! Si je ne vous en ai pas parlé avant... c'est juste parce que je pensais que je pouvais changer, peut-être... Croyez-vous que je ne voudrais pas être comme tout le monde ?"

"Alors... tu vois que tu comprends que c'est erroné, que c'est un laid péché !" dit la mère.

"Non, c'est que je comprends que les gens comme moi ont la vie dure... et personne ne veut avoir une vie difficile. Mais je ne peux pas changer, parce qu'on ne peut pas changer comme on est fait ! Je ne peux pas me faire grandir une jambe ou un bras en plus, pout autant que j'essaie. Je suis normal, maman ! Il m'a fallu trois ans pour le comprendre, mais maintenant je le sais !"

"Oui, normal comme un veau à deux têtes !" dit le père. "Ne comprends-tu pas que, même s'il est vrai que tu es né ainsi, tu es juste un caprice de la nature ? Une mauvaise blague !"

"Dieu, quelle honte..." gémit la mère.

Rien à faire... rien à faire.

"Mais il ne peut pas guérir, Fausto ?" demanda un des frères, s'adressant à sa mère.

"Il n'y a rien à guérir, ce n'est pas une maladie !" protesta Fausto exaspéré, il claqua sa serviette sur la table et s'en alla dans sa chambre.

Il se jeta sur le lit et fondit en larmes.

Commença ainsi une période difficile pour Fausto. La mère semblait éviter de le regarder, elle ne lui parlait que quand elle ne pouvait pas l'éviter et jamais de choses intimes, personnelles. Le père le traitait brusquement, et il lui faisait toujours remarquer les moindres choses qu'il pouvait faire mal ou faire des erreurs et avec des commentaires dédaigneux. Soudain, il était devenu un paria, jusque dans sa maison.

"Toujours le désordonné habituel. Nous ne sommes pas tous à ton service, jeune homme, n'est-ce pas ?" lui disaient les parents, si par hasard il laissait quelque chose hors place.

"Hé, fais gaffe, cette maison n'est pas un hôtel : tu ne peux pas penser à toujours faire à ta convenance !" lui dit le père, une fois qu'il était arrivé un peu en retard pour le dîner.

Et encore : "Avec qui tu sors ? Qui est ce Toni, un dégénéré comme toi ? Où allez-vous, quoi faire, hein ? Pas vos saletés, non ? Et peut-être nous apporter aussi une sale maladie dans la maison..." et ainsi de suite.

Et les frères, en dépit d'être plus petits que lui, maintenant le traitaient avec mépris, peut-être inconsciemment influencés par l'attitude des parents.

"Pourquoi t'as mis tes choses sur mon bureau, pédé ?"

Ou : "Mais éteins cette lumière, je veux dormir, pédophile !"

Et encore : "Qu'as-tu à me regarder comme ça, tapette ? Regarde, je ne fais pas certaines choses..."

Et aussi : "Déplace-toi, demi fille, laisse-moi passer."

Fausto un peu réagissait, un peu supportait, mais la vie à la maison était devenue un enfer. Un couple de fois il avait réagi aux insultes des frères et était venu aux mains et, bien sûr, tout le monde dans la maison s'était fâché contre lui!


Oui, tout avait commencé exactement le jour de Noël, donc Fausto n'aimait pas Noël.

Les statuettes de la crèche étaient vraiment belles, pensa-t-il, mais cette beauté, qu'en d'autres occasions il aurait appréciée, car il aimait l'art, maintenant l'agaçait. Toutefois, il mit en place la crèche, en essayant de la disposer de la meilleure façon possible. Il y plaça autour les écrans de protection en plexiglas, après les avoir soigneusement lavés et essuyés avec un chiffon très doux afin de ne pas les rayer.

Puis il prit l'échelle, il tendit à travers les couloirs de l'entrée des forts fils de nylon transparent, en les fixant aux minuscules crochets déjà en place, qui lui avaient été montré pas l'administrateur. Il y accrocha les belles bulles de verre de différents diamètres et à des hauteurs différentes, mais de sorte qu'ils ne fussent pas à portée de main, puis il couvrit les tirants de nylon avec des guirlandes.

Oui, dans l'ensemble l'effet de la décoration était agréable... s'il ne lui avait pas rappelé Noël. Cette ancienne blessure, de près de dix ans auparavant, avait guéri, mais il avait encore les cicatrices. Elle ne lui donnait pas plus de douleur, mais certainement pas même de plaisir. Depuis neuf ans, il n'avait plus aucune relation avec toute sa famille, et ce vide se faisait sentir, parfois. Peut-être aussi parce qu'à présent, il n'avait pas de relation affective.

Il descendait l'échelle après avoir rangé la dernière guirlande, quand il entendit la porte de l'ascenseur s'ouvrir. C'était monsieur Orlando Jacovoni.

"Oh, monsieur Picozzi, les décorations de Noël ! Eh, le temps passe. Félicitations, vous les avez très bien arrangées... avec bon goût. La vielle concierge, la pauvre, n'avait pas beaucoup de goût..."

Le compliment fait par l'homme qui était un graphiste publicitaire et un scénographe, lui donna un plaisir particulier. Jacovoni s'arrêta devant la crèche aussi.

"Ici aussi, vous avez fait un excellent travail. La pauvre dame Daniello disposait les statuettes presque comme des pièces sur un échiquier... tous sur une rangée. Vous par contre les avez disposées vraiment avec art, juste de manière très naturaliste... Bravo, bravo !"

"Je vous remercie, monsieur Jacovoni, j'ai fait de mon mieux. Les statues sont vraiment magnifiques."

"Sans aucun doute. Ils sont l'œuvre de Fabian Demetz, un sculpteur du Tyrol du Sud. Elles sont toutes exécutées à la main, et pas au pantographe. Des pièces uniques."

"J'ai remarqué que ci-dessous est gravé un F et un D, en fait. Mais il n'y a pas la date." Dit Fausto, s'approchant de l'homme et de la crèche. "La Sainte Vierge est belle, et le bébé très tendre... et j'aime vraiment ce jeune joueur de luth..."

"Oui, je suis d'accord avec vous. Je pense qu'elles ont coûté environ deux cent cinquante euros chacune, soit environ un demi-million de lires. Et elles le valent vraiment. Lors de la réunion de copropriété où il a été décidé de les acheter, assez curieusement tous étaient d'accord..."

"Fichtre ! C'est pourquoi elles sont protégées par les écrans en plexiglas. Mais... même madame Ravera était d'accord ?" demanda Fausto.

"Ma voisine d'en face ?" Jacovoni sourit et secoua la tête. "Ce jour-là elle était absente, je me rappelle bien."

À l'approche du jour de Noël, les locataires de l'immeuble commencèrent à lui apporter des panettone [gâteau originaire de Milan, en forme de cloche, à base de farine, beurre, œufs et sucre, traditionnellement dégusté durant les fêtes de Noël], des bouteilles de vin et de vin mousseux, et surtout des enveloppes avec des pourboires généreux et des remerciements... Même madame Ravera lui avait donné une enveloppe contenant un billet... de 5 euro. Il avait reçu tant de panettone qu'il en donna aussi à ses amis, cependant, il garda les bouteilles de vin et les apporta dans sa cave privée.

Étant donné que les pourboires étaient abondants, il décida d'acheter un nouveau lit, d'une place et demie, et il apporta son vieux lit démonté, avec le matelas, dans sa cave. La chambre avait maintenant peu d'espace libre, mais sans doute le lit était bien plus confortable.

Il voyait Renzo presque tous les jours, mais ils n'avaient plus fait l'amour. Quand il partait, au soir, il s'arrêtait assez souvent pour bavarder un peu avec lui.

"Alors, Renzo, ce Cianciulli est-il gay ou pas ?" Fausto lui demanda une fois.

"Je pense toujours que oui, mais... mais je n'arrive pas à en être sûr. Cet homme me fait bander de plus en plus... La mère est une femme bien, sympathique. Elle a ses petites manies, ça se comprend, mais il suffit de le savoir et se comporter en conséquence. Elle me traite bien mieux que la femme de chambre. Je lui conviens à merveille, évidemment."

"Eh bien, Dieu merci, parce que c'est moi qui t'ai trouvé ce travail."

"Le Cianciulli, a-t-il dit quelque chose sur moi ?"

"Non... il m'a juste remercié peu après t'avoir embauché, mais après il ne m'a plus parlé de toi. Qu'est-ce qu'il y a, tu espérais qu'il m'avait fait des confidences sur toi ?"

"Non... bien... Quoi qu'il en soit il continue à bien me traiter, donc je pense qu'il est heureux avec mon travail. La mère certainement ne se plaint pas de moi, de ceci j'en suis sûr."

"J'ai vu que tu as réussi à la convaincre de sortir parfois, pour une promenade."

"Oui. Cela lui fait du bien, elle ne pouvait pas rester à jamais enfermée dans la maison. Les gens vieillissent plus rapidement quand ils cessent de se déplacer."

Noël passa. Puis vint le réveillon du Nouvel An et les gamins de l'immeuble, avec les parents ou les frères plus âgés, allèrent dans le jardin arrière pour tirer les feux d'artifice et les coups, jusqu'à presque deux heures du matin.

Fausto aussi était sorti, cependant, parce qu'il n'aurait pas été capable de dormir avec tout ce bruit. Il remarqua qu'il y avait Loris Pantaleo et aussi son ami Gustavo Segni.

"Salut, Gustavo. Mais par où es-tu passé ?" lui demanda Fausto.

"Par l'entrée. Vous aviez déjà fermé la conciergerie, donc Loris m'a ouvert." répondit Gustavo.

"Il a été au dîner avec nous, et il passe la nuit chez nous." dit Loris, gaiment, pendant qu'il plaçait un tourbillon et l'allumait. "Les siens sont allés dehors pour le réveillon et Gustavo n'avait pas envie d'y aller."

"L'an dernier j'y étais allé... un ennui... tous des collègues de papa, qui même à minuit ne faisait que parler de travail... pendant que maman avec d'autres femmes parlait de conneries, de mode, de coiffure et de télévision..."

"Mais il n'y avait pas d'autres garçons ?" demanda Fausto.

"Pire que les parents. Ils parlaient de football, de Formule 1, d'habits griffés, d'autos... Toutes les choses qui ne m'intéressent pas !" dit Gustavo.

"Et qu'est ce qui t'intéresse, alors ?" lui demanda Fausto.

"Les problèmes de mathématiques. Ou de physique."

"Je n'ai jamais été fort en mathématiques, en effet, ils m'ennuyaient. Comment ils font pour t'amuser ?"

"Apparemment, vous n'avez pas eu de bons enseignants. C'est amusant, croyez-moi. Et l'histoire des mathématiques est fascinante, voir comment lentement les mathématiciens en ont compris les lois. On pense que les mathématiques sont une chose purement abstraite, et au lieu elles ont des applications infinies et des frontières communes avec la philosophie, la musique... en toutes choses."

"Et que vas-tu faire, une fois terminé l'école secondaire ?" demanda Fausto.

"Je vais m'inscrire dans les mathématiques et la physique, bien sûr. Je voudrais devenir chercheur. Les miens voudraient que j'étudie la pharmacologie, car ils ont une pharmacie, mais ça ne m'intéresse vraiment pas. J'espère les convaincre de me laisser étudier ce qui me plaît."

"Eh bien, mes vœux, alors." dit Fausto . "Moi, les maths... oui et non que je peux faire les jeux qui sont sur la Semaine Puzzles... Et le sudoku."

"Le sudoku est un exercice de logique, plus que de mathématiques. En fait, au lieu des chiffres il peut y avoir des lettres, des couleurs ou des symboles. Il n'y a pas besoin de faire des calculs." lui expliqua Gustavo.

"Vois-tu combien je suis ignorant !" commenta Fausto en souriant.

"Non, ce n'est tout simplement pas votre domaine." répliqua Gustavo.

Fausto pensa que, si ce n'est le lendemain, le deux il devra retourner au jardin pour enlever les restes de feux d'artifice. Ce serait le boulot de Federico Ruocco, le jardinier, mais en cette période il venait rarement, donc il préférait le nettoyer lui, au moins le gros.

Les locataires commencèrent à rentrer chez eux, en échangeant les vœux. Fausto resta encore un peu, puis salua à son tour et retourna dans son petit appartement. Il alla se coucher. Le lendemain, il ne devait pas travailler, donc il pouvait dormir jusqu'à tard.

Même le nouvel an, après son «coming out» en famille, avait été un an horrible... de sorte qu'à ce stade il attendait juste d'avoir ses dix-huit ans pour aller loin de chez eux.

Et après cela, il n'avait plus eu aucun contact avec sa famille, ne les avait pas vu après, plus entendus. Et après dix ans... ils lui manquaient encore, malgré tout.

Maintenant, avait commencé une nouvelle année... Juste pour dire, car après tout, c'est seulement une convention que la nouvelle année devait commencer le 1er Janvier... Tous les jours étaient égaux... tous égaux...

Il s'endormit avec cette pensée désolée à l'esprit.


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