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histore originale par Andrej Koymasky


LE CONCIERGE CHAPITRE 8
DES CONFIDENCES

Fausto descendit voir les deux caves à sa disposition. L'une contenait les choses de la copropriété, l'autre, une partie de ses objets personnels et des meubles qu'il n'avait pas pu ranger dans la conciergerie. Il déménagea plusieurs objets dans le garage, où il gardait son utilitaire, afin de libérer sa cave, ne laissant que son ancien lit, une commode et deux chaises.

La cave avait le sol en béton, la lumière électrique, et une petite fenêtre qui donnait sur le trottoir, avec le verre opaque et une grille métallique. Il la nettoya soigneusement, mit un petit tapis à côté du lit, puis, satisfait, alla faire faire deux copies de la clé Yale de la porte.

Ensuite, la première fois que Gustavo revint, il fit descendre Loris, les emmena voir la cave et leur donna les clés : "Voilà, ici vous pouvez vous sentir plus tranquilles. De l'extérieur personne ne peut vous voir, vous avez le lit et j'y ai déjà même mis les draps... Si vous ne faites pas de bruit, de l'extérieur on ne peut savoir que vous êtes dedans. L'ascenseur arrive jusqu'ici, donc vous êtes à l'aise."

Les deux garçons furent très reconnaissants. Ils apportèrent là aussi certains de leurs objets, en particulier ceux à sujet gay, qu'ils avaient déjà caché dans la maison; et en plus aussi un petit fourneau électrique et le nécessaire pour se faire un café. Gustavo y apporta aussi quelques belles affiches qu'ils mirent aux murs. Fausto était heureux : les deux garçons avaient ainsi leur «nid»... En hiver il n'était pas chauffé, de sorte que les garçons décidèrent d'acheter aussi un chauffage électrique.

Parfois, ils s'arrêtaient à bavarder avec Fausto, dans la loge, et il leur racontait ses expériences et aventures, ou ils parlaient de divers sujets ou lui demandaient des conseils. De temps en temps Fausto descendait pour changer les draps, qu'il lavait avec les siens. Les deux garçons lui étaient reconnaissants et ils étaient heureux.


Un jour, le juge Gamberali s'arrêta pour lui parler.

"Monsieur Picozzi, Serse Jacovoni m'a dit que ça ne vous posait aucun problème qu'il me parle de vous... de vos tendances..." commença-t-il, avec un léger sourire.

Fausto comprit à quoi le juge faisait référence, et il ouvrit tout grand les yeux : "Vous, monsieur le juge ? Serse ne m'avait pas dit... Je n'aurais jamais pensé que vous..."

L'homme sourit : "Mais oui. Qui sait pourquoi, à cause du fait qu'un homme est ou a été marié et a des enfants..."

"Eh bien, en fait Serse m'avait dit qu'il connaissait une personne bisexuelle, pas un gay."

"Oui, je suis d'accord, bien que les distinctions soient un peu grossières. Mais il est vrai, comme garçon il m'est arrivé de me sentir attiré par les deux sexes, plus ou moins avec la même intensité. Je crois que la grande majorité des êtres humains est fondamentalement bisexuelle. Certes, la pression sociale vers l'hétérosexualitéles conduit plus à nier leur composante homosexuelle... ou à la masquer, ou même à la sublimer."

"Je n'ai jamais ressenti la moindre attirance pour les filles..." dit Fausto.

Le juge sourit : "Moi non plus pour les filles ou pour les garçons en général, mais pour une certaine fille ou un certain garçon. À mon avis, c'est là une des erreurs de notre culture. L'attraction est vers une certaine personne, et non vers un... groupe ou une catégorie de personnes."

"Mais quand aucune fille ne m'attire, au moins dans le sens purement sexuel... Lorsque seuls les garçons réveillent en moi un intérêt physique, sexuel..."

"À mon avis, c'est seulement parce que à un âge précoce la société nous a habitués à distinguer par rôles, par sexe, par genre et non par personnalité, par valeurs, par caractère."

"Mais... vous m'avez dit que depuis garçon, vous vous êtes senti attiré soit par les garçons et soit par les filles, non ?"

"Oui, c'est ainsi. Dans les un et dans les autres je trouvais des aspects qui m'attiraient, qui me plaisaient, soit comme caractère soit physiquement. Avec le développement de ma sexualité, j'ai immédiatement remarqué ce fait en moi."

"Cela ne vous a pas créé de problèmes ?" lui demanda Fausto, intéressé.

"Le développement sexuel crée toujours beaucoup de problèmes dans le gamin ou la gamine qui atteint la puberté. Aussi parce que, au milieu des années cinquante, on ne parlait pas librement sur le sexe comme on le fait maintenant. C'était un sujet tabou. Même des parents très ouverts, comme étaient les miens, n'abordaient pas certains sujets avec nous, les enfants. Il y avait un sens mal compris de la décence. Chacun d'entre nous devait essayer de comprendre, et de se comprendre, pratiquement tout seul."

"Dans ces années, d'ailleurs, le seul modèle présenté aux adolescents était l'hétérosexuel."

"Il est vrai. Et même cela était présenté de manière floue, confuse. Et je ne parle pas seulement de l'éducation soi-disant sexuelle, pour laquelle il y en avait, en particulier chez les filles, mais sans s'y limiter, certains qui ne savait même pas comment était fait physiquement, l'autre sexe... Mais il y avait encore moins une éducation sentimentale."

"Ce qui manque encore. Aujourd'hui, on parle de sexe, mais on parle encore trop peu et mal d'amour."

"C'est vrai, jeune homme, oui, c'est vrai. Même chez les adolescents on parle plus ouvertement des relations sexuelles que de tomber amoureux, et d'amour. Mais cela est compréhensible, parce que la sexualité implique seulement le physique, alors que l'amour implique toute la personne, les sentiments intimes, de sorte que l'on a plus de pudeur à en parler."

"Mais vous... si je peux vous demander, vous avez eu vos premières expériences avec votre propre sexe ou avec une fille ?" demanda Fausto.

"À une bien courte distance, d'abord avec un ami, puis avec une fille. Comme je vous ai dit, je me sentais attiré vers les uns et les autres. Mais entre amis c'était plus facile qu'avec les filles. Oui, ma première expérience fut avec un ami, un camarade d'études." Dit le juge, un léger sourire sur ses lèvres, ses yeux loin, comme perdu dans les mémoires, et il raconta...


J'avais dix-sept ans, on était donc en 1959. Parmi mes amis les plus proches il y avait Cristiano. Je me souviens que, contrairement à moi, il était très bon à l'algèbre et j'étais très inquiet au sujet d'un test imminent en classe. Donc, mon ami me proposa d'aller chez lui pour réviser ensemble le programme et il me promit qu'il m'expliquerait tout ce que je n'avais pas encore bien saisi.

Ce n'était pas la première fois que l'un d'entre nous allait chez l'autre pour étudier, et nos parents, qui se connaissaient, voyaient de bon œil notre amitié. On se connaissait depuis plusieurs années, exactement depuis la sixième, et on avait toujours été camarades de classe, en effet, même de banc. Donc, la permission demandée aux miens, cet après-midi-là je suis allé chez lui pour étudier.

J'aimais beaucoup, Cristiano. On s'était bien trouvés ensemble depuis le début, lorsque le premier jour de l'école l'enseignant nous avait attribué les sièges et on s'était trouvés à côté l'un de l'autre. En plus, il vivait presque en face de ma maison, donc on allait à l'école et on revenait toujours ensemble. Souvent, on jouait aussi ensemble, que ce soit à flics et voleurs, au football, aux figurines... et on allait au cinéma, le dimanche après-midi, chez les salésiens. On échangeait nos BD, nos jouets...

Nous étions presque comme deux frères, ou peut-être aussi unis que deux frères. Il avait seulement une sœur, mais de onze ans plus âgée, et mariée, parce que deux sœurs nées entre eux étaient mortes pendant la guerre, sous un bombardement. Par contre, j'étais fils unique.

Cristiano me plaisait beaucoup, et je m'étais aperçu être attiré, physiquement, je veux dire, par lui. Ses cheveux coupés au carré, qui lui couvraient la partie supérieure des oreilles, un nez droit et peut-être un peu trop long, mais ses yeux étaient magnifiques, d'un brun presque d'or, et il y avait une lumière qui «couvait sous les cendres» comme avait dit une fois une de nos copines de classe.

Aussi son corps était beau, que j'avais vu souvent nu pour un moment, lorsque nous nous préparions ou après les cours d'éducation physique, dans les douches de l'école. Il avait une poitrine ciselée, de bons biceps, un ventre plat, cuisses fortes, une épaisse touffe de poils bruns lui auréolait un joli pénis et il avait un petit cul ferme.

Parfois, je me regardais, nu, dans le miroir de la salle de bain et, passant mes mains sur le corps, je pensais que je voudrais être aussi beau que lui. Habituellement, en me regardant et en me touchant, il me venait une belle érection, qu'alors je touchais, caressais, rêvant que c'étaient les mains de Cristiano à le faire... et que je le faisais à lui. Et alors je fermais mes yeux à moitié jusqu'à ce que mon image soit presque indiscernable, donc je pouvais rêver que c'était Cristiano, et je me masturbais lentement, agréablement.

Je rêvais alors de l'embrasser... partout... même sur son pénis... et lui donner du plaisir ainsi, jusqu'à ce qu'il soit bien dur... Et j'imaginais qu'il me faisait les mêmes choses... Puis je rêvais de me le faire enfiler derrière, d'abord lui à moi, puis moi à lui. Mais c'était mon secret que je n'aurais jamais révélé à personne, et encore moins à lui.

Au début, je pensais que c'était juste un de ces béguins d'adolescents qu'on a parfois envers des amis intimes, mais bientôt je réalisai que c'était plus, c'était beaucoup plus. Une chose à laquelle je n'ai toujours pas eu le courage de donner un nom, peut-être parce que la pudeur naturelle envers la sexualité, nous l'avons non seulement vers les autres, mais aussi vers nous-mêmes.

Cependant, comme les années passaient, je faisais tout mon possible pour le voir nu : d'aller aux latrines de l'école ensemble pour le lui voir lorsque on urinait, à toujours faire de mon mieux pour me doucher avec lui après les cours d'éducation physique. Lorsqu'on se rhabillait, je le regardais de côté, regrettant de voir son beau corps disparaître sous les vêtements.

En de rares occasions, j'étais arrivé aussi à voir son pénis en demi-érection et alors je pensais qu'il était parfait, même dans cette zone... Lui aussi, je l'avais remarqué, parfois me regardait, mais entre nous garçons on se regardait assez tranquillement, probablement pour comparer nos attributs virils, pour vérifier si on était en train de grandir régulièrement.

D'ailleurs, presque tous nous avions une fille, aussi Cristiano et moi : rien de vraiment sérieux, disons qu'on flirtait un peu avec nos copines de classe, plus ou moins ouvertement. Cela faisait partie du jeu de rôles vers lesquels nous étions tous poussés. Entre nous garçons, on parlait de nos «filles», exagérant souvent un peu les choses, et en nous vantant d'avoir fait des choses inexistantes. Toutefois, lorsque Cristiano et moi on était seuls, ni lui ni moi ne parlait jamais de filles...

Très bien. Donc, ce jour-là, je suis allé chez lui pour la révision d'algèbre. Comme il arrivait souvent, l'après-midi il était seul à la maison. Sa sœur vivait ailleurs, son père avait une agence d'assurance où il travaillait avec sa mère. Je suis entré, j'ai jeté mes livres sur la table de la salle à manger, où il y avait déjà les siens. Mais, sans le faire exprès, mes livres heurtèrent les siens qui tombèrent au sol, et ses notes s'éparpillèrent sur le plancher en vrac.

"Oh, merde !" s'exclama Cristiano, "Ne pourrais-tu pas être plus attentif ? Regarde ce que t'as fait ! Maintenant toutes mes notes sont mélangées et ça me prendra une heure pour les remettre en ordre !"

"Désolé, je ne l'ai pas fait exprès ! N'as tu pas numéroté les pages ? Et pourquoi tu prends des notes sur des feuilles séparées ?" Je lui ai dit, m'accroupissant au sol avec lui pour les rassembler toutes.

"Sur des feuillets, si j'insère un autre ou dois en réécrire un, c'est plus simple. C'est pourquoi je ne les ai pas numérotés !"

Nous étions accroupis sur le plancher, rassemblant ses papiers épars. Je ne sais pas pourquoi mais je pensais que je l'aurais voulu l'enlacer, l'embrasser... pour me faire pardonner... Je me sentis incroyablement excité, au point d'en ressentir presque de la honte, comme s'il pouvait s'en rendre compte.

"Qu'as-tu à me regarder comme ça ?" me demanda-t-il.

"Comme ça... comment ?" demandai-je, encore plus embarrassé.

"Qu'est-ce que tu as, Filippo ?" insista-t-il, à basse voix, chaude, qui me fit frissonner.

"Mais rien... Pourquoi ?" demandai-je timidement, en essayant de prendre une attitude indifférente.

Cristiano s'assit sur le plancher, les jambes croisées, posa les papiers qu'il avait recueillis sur le tapis à côté de lui. Il tendit la main et je lui ai donné ceux que j'avais recueillis. Il les posa sur les siens.

"Nous ne les mettons pas en ordre ?" demandai-je, incertain.

"Après." il répondit, en me regardant droit dans les yeux, avec une expression extrêmement grave, comme pour voir à travers moi.

"Après... quoi ?" demandai-je, me sentant mal à l'aise.

Cristiano émit un soupir et s'allongea sur le dos sur le tapis, en regardant le plafond. Je le regardai un peu étonné. Il tourna vers moi seulement les yeux et, presque à voix basse, il me demanda : "Toi, Filippo, es-tu déjà tombé amoureux ? Vraiment amoureux, je veux dire."

"Je ne sais pas..." répondis-je incertain. Je pensais que peut-être il était tombé amoureux d'une de nos copines.

"Comment ça se fait, que tu ne saches pas ?" me demanda-t-il d'une voix douce.

"Comment peut-on comprendre qu'on est amoureux ?" je lui ai demandé alors.

"On le sent, non ? On sent que... d'être près d'une personne on sent l'envie de rester... encore plus près... de l'enlacer, l'embrasser... de lui faire l'amour, non ? Comment peut-on ne pas s'en apercevoir ?"

"À toi... ça vient d'arriver ?"

"Oui." Dit-il, se tournant sur son côté vers moi, sa tête reposant sur un bras replié. "Je crois que... tôt ou tard, ça arrive à tout le monde, non ?"

"Et... comment c'est ?" je lui demandai, en restant accroupi à côté de lui.

"Beau et laid. Beau, parce que tu voudrais faire des choses merveilleuses avec la personne que tu aimes... Laid, quand tu ne sais pas ce que cette personne ressent pour toi."

"Qui est-ce ? Une de notre copines ?" je lui ai demandé alors.

"Non..."

"Je la connais ?"

"Oui... très bien." dit-il, et il posa sa main libre sur ma cuisse, légèrement, un geste amical, je pensais, mais qui m'envoya des frissons le long du dos.

"Et qui est-ce ?" je lui ai demandé, m'asseyant également sur le tapis.

"Tu ne l'imagines pas ?" m'a-t-il demandé dans un murmure.

Sa main me caressait maintenant légèrement la cuisse, à travers le tissu de mon pantalon. Je le regardais un peu étonné, je déplaçai mon regard sur sa main qui se déplaçait légèrement en haut et en bas sur ma cuisse, puis de nouveau dans ses yeux : il me regardait avec une intensité incroyable. J'ai senti à nouveau un frisson le long de mon dos, qui frétilla de haut en bas, puis sembla se concentrer sur mon pénis qui palpita dans sa prison de toile.

"Parfois... l'amitié... se colore aussi de... de désir..." dit Cristiano avec hésitation.

"Même la nôtre ?" je lui ai alors demandé, en craignant de lui avoir trop dit.

Je le regardai dans les yeux et je les vis briller, et je compris ce qu'était ce feu qui couvait sous la cendre. Je posai ma main sur la sienne. Il la retourna et croisa les doigts avec les miens.

"Est-ce que ça te semble étrange ? Toi et moi... ça te semble si étrange?" me demanda-t-il à voix basse, en continuant à me regarder dans les yeux.

"Non..." murmurai-je.

Cristiano se déplaça, posa sa tête sur ma cuisse, en continuant à me regarder et avec son autre bras il ceignit ma taille, légèrement.

"Toi et moi..." murmura-t-il, et c'était presque une prière.

"Plus que des amis ?" demandai-je, en retenant mon souffle.

Cela semblait invraisemblable, incroyable. Donc... lui aussi sentait pour moi ce que je ressentais pour lui ?

"Tu ne crois pas... que ce soit possible et... et aussi agréable ?" murmura-t-il.

"Toi et moi..." je murmurai, ému. "Plus qu'amis..."

"Oui. Si tu veux. Je... je le désire. Je... je te désire."

Je me souviens que j'avais avalé à vide, incapable de raisonner, de penser : j'avais tout le corps en flammes, la tête en feu. Les doigts de Cristiano sont venus se reposer sur l'autre cuisse et lentement... oh si lentement, ils montèrent vers mon érection cachée. Je tremblais, excité, incrédule, heureux : mon rêve, n'était pas juste un rêve, donc ?

Sa main effleura la braguette de mon pantalon, légère, et sentit mon érection. J'étais immobile comme une statue. Comme je ne réagissait pas, sa main devint plus audacieuse et pressa contre ma turgescence, qui palpita en réponse, presque par une volonté autonome. J'y posai ma main dessus et je la poussai plus fort contre mon érection.

"Veux-tu... être mon petit ami, Filippo ?" demanda-t-il à voix basse.

"Tu le veux vraiment ?" je lui demandai, ému.

"Tu ne crois pas que ce serait beau ?"

Je hochai la tête, ému, étonné de réaliser avec plaisir qu'il nourrissait pour moi les mêmes sentiments que j'avais pour lui. Je m'étendis également sur mon côté, en face de lui. Il me prit entre ses bras et me tira vers lui. Je frissonnai, ravi. Il tressa ses jambes avec les miennes.

"Puis-je... t'embrasser ?" me demanda-t-il à voix basse.

Je poussai mon visage vers le sien. Nos nez se touchèrent, frottèrent légèrement, l'un contre l'autre. Son regard était brûlant. Mon corps était complètement en feu. Cristiano me serra à lui avec plus de vigueur, et ses lèvres cherchèrent les miennes. Je fermai les yeux. Nos bouches se pressèrent et je sentis sa langue forcer mes lèvres. Je les desserrai, je l'accueillis, retenant mon souffle. Il avait un bon goût de café...

Combien de temps j'avais désiré ce moment-là ! Et maintenant, il était en train d'arriver et je me sentais si bien, si bon. Nous nous embrassions. Cristiano poussa son bassin vers le mien et je sentis son érection presser contre la mienne. C'était... trop beau !

Cristiano détacha ses lèvres des miennes et murmura : "Je ne veux pas le faire ici... Viens dans ma chambre..."

"Je ... je ne l'ai jamais fait..." dis-je.

"Et tu ne veux pas le faire... avec moi ?"

"Oui, oui que je veux !" j'ai dit avec enthousiasme.

Cristiano se leva, prit ma main en me faisant lever, me regardant avec un très beau sourire... il m'emmena dans sa chambre, où il m'enlaça à nouveau.

"Vraiment tu ne l'as jamais fait ?"

"Vraiment, jamais, avec personne. Et toi ?"

"Je l'ai fait, pour m'amuser... mais avec toi... avec toi, c'est différent."

"Pourquoi ?"

"Parce que je suis tombé amoureux de toi."

"Et moi de toi." je murmurai, ému.

"Oui... Je le sais... Je l'ai compris... Voilà pourquoi j'ai décidé de te le dire..."

"D'après quoi tu l'as compris ?"

"Nous nous connaissons bien maintenant, non ?" Il me dit avec un léger sourire. "De la façon dont tu me regardes, je l'ai compris."

"Et comment je te regarde ?"

"Avec désir et affection en même temps. Avec amour."

"Je croyais avoir su te le cacher."

"Justement parce que tu essayais de me le cacher, je l'ai compris."

"Tu vas m'enseigner ?"

"Viens..."

Il me guida jusqu'à son lit. Nous déshabillâmes l'un l'autre lentement, nous caressant, nous embrassant... Il était très beau... Il me semblait être en train de rêver. Quand nous fûmes nus, il m'a tiré sur le lit avec lui, nous étreignant et nous nous sommes embrassés à nouveau... Et nous avons fait l'amour. Il me guida peu à peu, jour après jour, jusqu'à ce que je sois sien qu'il soit mien.

Fausto avait écouté, en imaginant la scène, et il pensait qu'elle devait avoir été très belle.

"Et êtes-vous resté ensemble longtemps ?" demanda-t-il alors.

"Pour un peu moins de trois ans. Puis, son père décida d'aller travailler aux États-Unis, et nous avons donc dû nous séparer."

"Mais vous étiez majeurs, non ? Il ne pouvait pas rester avec vous ?"

"Non, à l'époque on devenait majeurs à l'âge de vingt et un ans. S'il était resté, comment aurait il pu poursuivre ses études ? Et se maintenir, même s'il avait cessé d'étudier et avait trouvé un emploi. De toute façon, il ne pouvait pas s'opposer à son père."

"Cela dû être douloureux, à la fois pour vous et pour votre ami..." dit Fausto.

"Sans doute, ça le fut. Mais d'autre part j'étais aussi heureux pour lui, parce que je savais qu'il aimait l'idée de pouvoir obtenir ses diplômes aux États-Unis. Donc, d'une part, je me suis senti triste, mais de l'autre heureux pour lui."

"Êtes-vous toujours en contact ?"

"On l'est resté pendant quinze ans. Puis... en 1974... Quand les Américains ont commencé à se retirer du Vietnam, un an avant l'abandon... il a été tué par ce qu'on appelle des tirs amis... un accident... Entretemps, je m'étais marié... Pour moi, ce fut un très mauvais coup."

"Quand... quand vous vous êtes marié, vous étiez amoureux de votre femme ?"

"Oui, je l'étais, et je lui fus fidèle jusqu'à sa mort. Seulement après, seulement il y a six ans... j'ai trouvé mon nouvel amant, avec qui je suis toujours..."

"Mais... vous vivez tout seul..."

"Il ne peut pas venir vivre avec moi, ni moi avec lui. Mais on se voit très souvent."

"Pourquoi vous ne pouvez pas ?"

"Il y a six ans... au tribunal... Mon Raniero est un agent de police, vous comprenez... et moi un juge... Nous sommes tous les deux dans une position qui ne nous permet pas de vivre comme nous le voudrions. Il avait trente et un ans. La première chose que j'ai remarquée de lui fut ses yeux d'un bleu incroyable, tellement à se demander s'il n'avait pas des lentilles de contact de couleur. Puis ses belles mains de pianiste... Je me suis senti vivement attiré par lui, mais je ne pouvais certainement pas lui faire comprendre."

"Et alors, comment avez-vous pu... vous comprendre ?"

Le juge sourit : "D'une manière très simple. Une nuit, je suis allé avec des amis dans un bar gay, pour la fête d'anniversaire de l'un d'eux et je l'ai vu entrer, en civil, bien sûr, mais c'était certainement lui. Il ne me vit pas... Il alla au comptoir et serra la main au barman. Ils causaient amicalement, et je compris qu'ils se connaissaient. Puis Raniero alla aux toilettes... Alors je me suis levé, je suis allé voir le barman et je lui ai demandé, clair et net, si Raniero était gay...

"Il me regarda un peu surpris et dit oui, que «logiquement» il l'était. Je restai un instant au comptoir. Lorsque Raniero sortit des toilettes et me vit, il s'arrêta brusquement et me regarda en rougissant. Je lui fis un sourire, hochai la tête et allai à sa rencontre. Je l'ai invité à boire avec moi... et je lui ai dit tout de suite que j'étais très fortement attiré par lui.

"Eh bien... j'eus de la chance, parce qu'il m'a dit que depuis un certain temps, il se sentait attiré par moi. Il aime les hommes plus âgés, vous savez ? Donc, notre différence d'âge pour lui était très bien. Eh bien, nous avons donc commencé à nous faire la cour l'un à l'autre et, enfin, un soir je l'ai invité à venir chez moi... et finalement nous avons fait l'amour. Cela a été très bien pour tous les deux. Nous avons donc décidé de nous mettre ensemble."

"Mais c'est dommage que vous ne pouviez pas vivre ensemble. Notre société nous impose encore de nombreuses limites." Lui dit Fausto.

"Oui, un trop grand nombre. La tendance est là, mais elle est lente... et on fait un pas en arrière tous les deux pas en avant."

"Et comment est-ce que vous et Serse Jacovoni vous avez appris l'un de l'autre ?" demanda Fausto.

"L'an dernier, pour l'anniversaire de mon Raniero, on avait organisé une petite fête dans le bar gay où on s'était rencontré. Et parmi ses invités il y avait également un jeune homme qui était à l'époque avec Serse, et donc il avait été invité avec son garçon, ainsi, bien sûr, on s'est reconnus. C'est un bon gars, Serse. Il vient parfois me voir, bavarder avec moi, se défouler..."

"Quand je suis venu travailler ici, dans la loge, il me semblait qu'il n'y avait pas que moi, à être gay..." dit Fausto, pensif.

"Au moins statistiquement, vous auriez dû penser qu'il devait y en avoir d'autres, en plus de vous." dit le juge avec un sourire.

"Oui, vous avez raison. Mais, vous savez, c'est comme l'histoire du poulet à la tête en moyenne. Peut-être personne ici et dans une autre maison beaucoup plus. Ce n'est pas que ce soit très important... Mieux vaut un bon, honnête et pas gay que quelqu'un comme moi, mais insupportable ou malhonnête..."

"Bien sûr, vous avez raison. Mais parfois, il est bon de pouvoir parler librement avec quelqu'un, aussi de notre sexualité... Je veux dire... Un homme marié, s'il a des problèmes avec sa femme, peut en toute sécurité se débonder avec un ami, ou même juste avec une connaissance... Pour les gays, c'est différent."

"Vous avez certainement raison. Peu d'hétéro pourraient nous comprendre et sauraient être là pour nous écouter, peu voudraient nous conseiller, ou seulement nous laisser pleurer sur leur épaule."

"C'est vrai. Mais vous, monsieur Picozzi..."

"Ne pourriez-vous pas m'appeler par mon prénom ?" lui demanda Fausto avec un sourire.

"Volontiers. Vous, Fausto, vous êtes seul ? Ou vous avez une relation ?"

"Je suis seul. Quelque aventure, mais rien de plus. Jusqu'à il y a plus ou moins deux ans, un peu moins, j'ai eu une relation, mais elle est finie..."

"Un beau garçon comme vous..."

"Eh bien, le fait est que je fréquente très peu les lieux gay, donc, à part les quelques amis gays dont je dispose, je n'ai pas beaucoup de chance de faire une rencontre intéressante."

"Même moi, je ne les fréquente que rarement, et pourtant, les rares fois où je l'ai fait, d'abord j'ai rencontré mon Raniero, puis aussi Serse. Et grâce à lui je suis venu à savoir pour vous aussi..."

"Même si j'avais un compagnon... je ne pourrais pas l'emmener vivre avec moi... Je devrai me voir avec lui seul de temps en temps et puis... Un peu comme vous et votre Raniero."

"Nous devons être contents de ce que la vie nous offre, mon cher Fausto. Quoi qu'il en soit... Je suis heureux que maintenant, vous et moi on sait l'un pour l'autre. J'ai toujours senti beaucoup de sympathie instinctive pour vous..."

"Et moi pour vous, monsieur le juge..."

"Si je dois vous appeler par votre prénom... pourquoi ne m'appelez-vous pas aussi par mon prénom ?"

"Eh bien... vous êtes un juge et moi un concierge, et vous avez aussi plus de deux fois mon âge, et les autres locataires..."

Le juge sourit : "Et nous ne pouvons pas ne pas nous inquiéter de ça ? D'accord à nous vouvoyer, mais... ça me ferait plaisir que vous m'appeliez par mon prénom."

"D'accord, monsieur Filippo." lui répondit Fausto avec un sourire.


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