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histore originale par Andrej Koymasky


LE CONSIERGE CHAPITRE 10
DE PLUS EN PLUS ATTIRÉ

Ayant appris que, avant de faire le concierge, Fausto avait travaillé comme mécanicien auto, quelques locataires avaient commencé à lui demander de faire un travail sur leurs propres voitures. Mais Fausto avait souligné que, n'ayant pas l'équipement nécessaire, il n'était pas en mesure de les contenter. Il pouvait essayer de comprendre ce qui n'allait et les conseiller, ou au mieux pourrait effectuer une intervention mineure pour laquelle suffisaient ses mains nues.

D'ailleurs, il n'avait pas intention de s'équiper et de reprendre son ancien travail, même si c'était celui pour lequel il avait étudié. Il lui avait assez plu de travailler comme mécanicien, mais son travail actuel lui plaisait beaucoup plus. Quand, à la fin de son service militaire, il avait trouvé ce boulot comme mécanicien dans l'atelier attenant au garage, il se sentait heureux et avec une pause de moins d'un an, où il était allé livrer des pizzas au domicile, il avait travaillé jusqu'à ce qu'il ait trouvé son occupation actuelle comme concierge.

Il travaillait dans le garage depuis environ un an quand il s'était mis avec Ermenegildo Letta... Ouais, Gildo, qui maintenant était réapparu et qui allait baiser là haut, chez Nestore Grasso. Ils avaient été ensemble pendant cinq ans ...

Il se souvenait bien du beau Gildo et comment leur relation avait commencé...


Fausto avait vingt-deux ans et Gildo vingt-sept. Il l'avait déjà remarqué, de loin, quand il laissait sa voiture dans le garage. Il était toujours habillé à la mode, et il bougeait avec élégance et surtout de façon très sensuelle. Fausto s'était immédiatement senti attiré par ce beau client, mais pendant plusieurs mois, il n'y avait pas eu de contacts entre eux, même pas un simple bonjour et bonne soirée de loin.

Jusqu'au jour où le propriétaire du garage-atelier lui avait dit de s'occuper de la voiture de Gildo.

"Qu'a-t-elle qui ne fonctionne pas ?" avait demandé Fausto.

"Rien, elle a juste besoin d'une bonne révision, d'une mise au point. J'ai l'impression que monsieur Letta l'a négligée un peu trop. Tu regardes, et fais-lui un bon service, il est notre client depuis trois ans. Il ne manque pas d'argent..." lui dit le patron.

Alors Fausto avait pris la voiture de la zone garage et l'avait amenée dans la zone atelier. Il la monta sur l'échafaudage et commença une vérification soignée : oui, elle avait été négligée, il y avait mille petites choses à ranger, à régler. Il y avait travaillé pendant deux jours, il avait remplacé certaines parties, nettoyé des autres, ajustés les freins et l'embrayage, changé l'huile, jointoyé le détergent pour les vitres et ainsi de suite.

Puis il avait écrit la liste des interventions effectuées, les parties changés, et il l'avait donnée au patron pour qu'il fixe le prix ; puis il avait reporté la voiture dans le garage, dans l'espace numéro 18, celui attribué à Gildo.

Deux ou trois jours plus tard, Gildo s'était rendu à l'atelier.

"C'est toi qui a réparé ma voiture ?" il lui demanda.

"Oui..." répondit un peu hésitant Fausto, "quelque chose ne va pas ?"

"Non, au contraire. Maintenant elle va parfaitement, tu l'as littéralement remise à neuf. Je voulais te remercier." dit-il avec un sourire.

"J'e n'ai fait que mon travail..." dit Fausto, avec modestie, satisfait cependant pour la louange.

Pendant quelques mois, ils ne s'étaient plus parlé, mais quand Gildo entrait ou sortait du garage, s'il le voyait il lui faisait un signe de salut... Jusqu'à ce qu'il revienne pour lui demander de vérifier les freins qui grinçaient. Et il lui avait fait comprendre qu'il lui plaisait...

Ils avaient été ensemble pendant cinq ans... Un an après s'être mis ensemble, Fausto avait voulu essayer de changer de travail, pour faire un travail moins fatiguant et moins sale. Il avait été engagé par une pizzeria pour livrer des pizzas au domicile. Tout d'abord, le travail lui avait plu, même si le salaire était un peu inférieur, mais il l'arrondissait avec quelque pourboire.

Il lui était aussi arrivé, lors de la remise des pizzas, de recevoir quelque «proposition» plus ou moins explicitement, tant par deux ou trois femmes au foyer que par un homme, mais toujours soit il feignait de ne pas comprendre soi il refusait, selon le cas. Avec les femmes ça avait été plus facile, bien sûr, parce qu'elles ne l'intéressaient pas, mais avec l'homme un peu moins... Ce client était beau, jeune, sexy... Mais il était avec Gildo, et il n'avait aucune intention de le trahir.

Mais après presque un an qu'il apportait des pizzas à domicile, il s'était fatigué : en dehors d'avoir à tourner avec le bon et le mauvais temps, faire le coursier ne lui donnait rien. Ce n'était pas un travail créatif, il n'y fallait notamment pas l'intelligence ou l'engagement. Donc à la fin, il avait demandé à son ancien patron s'il était disposé de le reprendre au garage, et heureusement pour lui, il avait récupéré sa place.

Avec Gildo tout semblait bien aller. La seule chose qui peu à peu était devenue lourde pour Fausto était sa paranoïa que personne ne comprenne, ne soupçonne ce qu'il y avait entre eux. Progressivement, cela avait créé une certaine tension entre eux.

"Je suis fatigué d'avoir à toujours tout faire en cachette, d'avoir à me soucier toujours de ce que les autres peuvent penser, dire. Tu exagères avec tes peurs, avec ta... prudence. Merde, même si nous sortons ensemble, je dois être éloigné, Je ne peux même pas t'effleurer, te sourire d'une certaine façon... Tu ne peux pas voir que deux amis hétéros, se comportent plus naturellement que nous ?" lui avait-il dit.

"Facile pour toi, parce que t'as rompu avec ta famille, mais pour moi..." avait rétorqué Gildo.

"Oui, comme si c'était facile de m'en aller de la maison à dix-huit ans ! Je ne dis pas que nous devons nous promener enlacés, ou nous donner un baiser en public, non ?"

"À Dieu ne plaise !"

"Mais, bon sang ! Tu exagères."

Rien à faire, l'attitude de Gildo ne changeait pas, vraiment pas du tout. Donc à la fin, malgré le fait que, sexuellement, ils continuent à faire des étincelles au lit, Fausto avait décidé de rompre leur relation. Ce n'avait pas été une décision facile à prendre, car après tout, il se sentait toujours fortement attiré par lui, mais il ne supportait plus cette situation.

Il se rendit compte qu'il avait pris la bonne décision quand il réalisa combien il était plus serein après la séparation, bien qu'initialement lui avaient manquées leurs baises passionnées... Mais une relation ne peut pas se tenir debout simplement et seulement sur l'entente sexuelle.


Il était en train de penser justement à cela, quand son ami Renzo descendit de chez le docteur Cianciulli.

"Fausto, j'ai découvert qu'aujourd'hui c'est l'anniversaire de madame Ada, elle a quatre-vingt et un ans. Il y a un magasin de fleurs près d'ici ?"

"Oui, tourne autour du bloc, dans la rue parallèle, sur le trottoir en face, il y a un fleuriste. Mais tu laisses madame Cianciulli seule ?"

"Non, il y a la femme de ménage, et je fais vite."

"T'es gentil de lui offrir des fleurs..."

"Elle les mérite, elle est délicieuse."

"T'es content, alors, d'être son aide à domicile ?"

"Oui, beaucoup. Il me manquerait une seule chose, pour être complètement heureux..."

"Et quoi ?"

"Le médecin, Libero... il me plaît à mourir! Quand il rentre à la maison le soir, ou quand j'arrive le matin, les quelques minutes que nous passons ensemble... sont si belles mais si difficiles... Si seulement..."

"T'as perdu la tête pour le docteur !"

"De plus en plus. Je dois juste le voir pour... que mes hormones se déchainent. Je ferais tout pour me faire mettre au lit par cet homme."

"Eh bien... c'est un bel homme, oui..."

"Beau ? Si c'était seulement cela..."

"Et toi... essaie, non ?"

"Mais quoi, t'es fou ? Il va me licencier sur le champ. Il ne m'a jamais fait comprendre quoi que ce soit à propos de quoi que ce soit. Peut-être qu'à lui les femmes plaisent, pas les hommes."

"Et comment peux-tu le dire ? Je ne l'ai jamais vu avec une femme..."

"Cela ne prouve rien. Avec moi il est toujours très gentil, mais pas... Eh bien, je veux dire, il est toujours aussi gentil avec la femme de ménage. Ça ne signifie rien."

"Eh bien, soit tu te mets le cœur en paix soit tu essaies de lui faire comprendre quelque chose. D'autre part, l'un de vous deux devrait bien faire le premier pas, s'il est intéressé à l'autre."

"Exactement, et il n'a pas fait le moindre pas vers moi..."

"Ni toi vers lui..."

"Mais il est plus âgé que moi, il a dix ans de plus que moi. Et il est mon employeur... et il est un médecin et moi un infirmier... Donc, ce serait à lui de le faire, pas à moi."

"Et qu'est-ce que cela a à voir ? S'il te plaît, s'il t'intéresse, c'est toi celui qui doit essayer de faire le célèbre premier pas, non ? Je ne dis pas que tu doives lui déclarer que tu veux aller au lit avec lui, non ? Mais tu dois au moins essayer de sonder si... "

"Non, non, je ne me sens pas... même si ça me plairait ... Bon, je vais et je reviens." Renzo dit, et il sortit précipitamment.

Fausto secoua la tête. D'ailleurs, se dit-il, ne lui disait-il pas de faire ce qu'il disait mais pas ce qu'il faisait, par hasard ? Ou «prêcher bien et tomber mal», comme l'aurait dit Federico Ruocco, le jardinier.

En fait, il se sentait de plus en plus attiré vers Guido Barisone, mais il n'avait encore rien fait pour le lui faire comprendre, ou au moins pour sonder si et combien d'espoir il pourrait avoir avec ce délicieux garçon.

Il pensait que dans peu de jours il monterait du sous-sol les cartons pour les décorations de Noël, et il reverrait ainsi la statuette du «Joueur de luth» de la crèche, qui ressemblait tellement à Guido... Il aurait vraiment voulu pouvoir garder à la maison cette statuette... mais plus encore faire l'amour avec le beau fils de l'exécutif d'Alitalia.

Comme s'il l'avait prédit, Guido entra dans l'immeuble. Fausto lui sourit et il lui fit un signe de salut à travers les verres. Le garçon alla vers la porte de la loge, alors Fausto se leva et l'ouvrit.

"Salut, Guido. Déjà de retour ?"

"Oui, ce matin, je n'avait que deux leçons."

"Comment vas-tu, à l'université ?"

"Eh, pour l'instant bien, mais on en est encore qu'au début."

"Le déjeuner... à la maison ou dehors ?" Fausto lui demanda, dans l'espoir de pouvoir aller déjeuner de nouveau avec lui.

"Dehors. J'ai rendez-vous avec ma mère. Je pose les livres et je sors tout de suite."

Dommage, pensa Fausto, mais il ne le dit pas.

"Écoute, Fausto, dans l'après-midi devrait venir mon camarade de classe pour prendre ce cahier, parce que ce matin il ne pouvait pas venir en classe. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir rentrer à la maison à temps. S'il arrive quand je ne suis pas là, pourrais-tu le lui donner ?"

"Bien sûr, avec plaisir. Quel est son nom ?"

"Dario... Il devrait venir vers trois heures, plus ou moins." Dit Guido, en lui donnant le cahier.

Ils se saluèrent avec un clin d'œil et un sourire et Guido alla prendre l'ascenseur. Fausto le regarda partir, et il en admira les mouvements élégants, se sentant légèrement excité. Le père et la mère étaient deux belles personnes, et le garçon semblait avoir pris le meilleur des deux. Mais ce qu'il aimait plus que tout était son expression propre, naturelle, son sourire ouvert.

Renzo revint avec un beau bouquet de fleurs, il lui fit un geste de salut et monta à la maison des Cianciulli. Après un certain temps Guido sortit. Il était sur le point de fermer la loge pour la pause de midi, quand entrèrent d'abord la veuve Ravera qui alla à l'ascenseur sans même le regarder ou le saluer. Puis vint Loris Pantaleo, qui le salua à la place avec un large sourire et alla à la loge.

"Bonjour, Loris. Tout bien ?"

"Oui, Fausto, merci."

"Et avec Gustavo ?"

Le sourire de garçon s'accentua, "Très bien ! Aussi merci à toi. C'est agréable de faire l'amour là-bas, sur un lit, tranquilles. Et ça me plaît aussi de pouvoir en parler à quelqu'un, qui est comme toi, sans problèmes. Mais toi, Fausto, n'as tu pas un petit ami ? Il n'y a personne avec qui tu souhaites te mettre sérieusement ?"

"Oui, il y en a un... Mais je ne sais même pas s'il est gay ou non. Je lui meurs derrière... Il est sorti il y a peu de temps..."

"Un d'ici, de la maison ?" demanda le garçon.

"Oui."

"Qui est-ce ? Cela ne te gêne pas de me le dire ?"

"Oui, c'est Guido Barisone, du cinquième étage de ton escalier..."

"Ah, un très beau garçon."

"Peut-être un peu jeune pour moi, mais... Si j'étais sûr qu'il soit l'un de nous... et surtout de lui plaire..."

"Et pourquoi n'essaies tu pas ?"

"Trop dangereux, avec un locataire. Imagine s'il n'est pas gay et s'il va le dire autour..."

"Ouais, t'as raison. Tu sais, Gustavo et moi, nous avons décidé que lorsque nous aurons terminé l'école secondaire et que nous serons tous les deux majeurs, nous le dirons à nos familles. Si elles l'acceptent c'est bien, sinon, nous partons de la maison, ensemble."

"Mais vous risquez de ne pas être en mesure de poursuivre vos études. Il ne serait pas préférable pour vous d'attendre d'avoir une maîtrise ?"

"Non... nous ne voulons pas continuer à nous voir toujours en secret, même si maintenant, grâce à toi, ça va un peu mieux. Nous sommes amoureux et... et nous voulons vivre ensemble."

"Oui, je vous comprends. Comment pensez-vous que vos familles le prendront ?"

"Nous sommes en train de commencer à les sonder, tous deux. Tu sais, quand il sort dans le journal ou à la TV un discours sur les gays, les pacs et ainsi de suite, nous essayons de comprendre comment ils réagissent..."

"Et ?"

"Mah... il semble qu'ils ont des idées assez ouvertes. Même si on ne sait jamais. Une chose est d'être ouvert quand vous n'êtes pas impliqué, et une autre de l'être quand il s'agit d'un de la famille."

"C'est vrai. Cependant, s'ils vous semblent assez ouvert, ils ne devraient pas réagir trop mal, quand vous le leur direz."

"C'est ce que nous espérons. Mais quoi qu'il en soit, nous avons décidé d'en parler à la maison, après la maturité."

"Gustavo devient majeur deux ans avant toi..."

"Oui, mais il va attendre d'en parler à la maison quand moi aussi je deviens majeur. Quoi qu'il en soit, nous avons encore le temps de bien préparer les nôtres. Gustavo a trouvé sur certains sites Internet en anglais plusieurs pages pleines de conseils sur la façon de préparer les parents avant de faire un coming out. Nous y avons trouvé quelques bonnes idées."

"Eh bien... Je vous souhaite que tout se passe bien. À moi, cela s'était passé mal, assez mal, quand je l'ai dit à mes parents. Mais peut-être que je n'ai pas su les préparer... ou peut-être qu'ils n'étaient pas assez cultivés pour comprendre..."

"Je ne crois pas que la culture soit si importante. C'est juste une question de respect des autres, une chose qu'aucun diplôme ne peut te donner."

"Mais la culture n'est pas aussi un élargissement des horizons ?"

"Oui, mais s'il y a de noirs nuages à l'horizon, que ce soit large ou étroit, les nuages ne changent pas, non ? Combien de personnes cultivées sont pleines de préjugés ? Et ils utilisent leur culture juste pour prouver qu'ils ont raison..."

Ils bavardèrent encore un peu, puis Loris rentra chez lui.

Ces deux gamins plaisaient à Fausto et ils l'attendrissaient. Il était heureux d'avoir pu les aider. Il espérait qu'ils réussissent à couronner leur rêve de pouvoir vivre ensemble et ne pas continuer à se voir secrètement. Gilberto et Giulia Pantaleo, les parents de Loris, pour ce qu'il les connaissait, lui semblaient deux personnes ouvertes et il espérait qu'ils le soient aussi sur ce sujet.

Fausto pensait que dans la société, il y avait encore une forte homophobie sous-jacente, mais, surtout chez les jeunes, il semblait qu'il y avait une certaine évolution. Les préjugés, la peur irrationnelle ou la haine violente contre les homosexuels, ou même la peur de l'homosexualité, et en particulier la peur d'être considéré comme homosexuel, étaient encore des sentiments répandus.

Il se rendait compte que cette peur phobique et irrationnelle n'était pas liée à une croyance politique ou à un niveau culturel, mais plutôt au niveau d'équilibre intérieur de chaque personne. Il avait l'impression que ceux qui ont tendance à l'homophobie étaient des personnes dotées d'une personnalité autoritaire, rigide, mais surtout des personnes dépourvues d'assurance. Il pensa que peut-être ils se sentaient menacés par ceux différents d'eux-même, ou même qu'ils étaient aux prises avec leur homosexualité latente ou réprimée.

Sur la base de ses lectures, Fausto savait que l'homophobie change en fonction des cultures d'appartenance. Certaines cultures croient en fait saine et escomptée l'expression de dégoût ou de mépris envers les actes et les personnes homosexuelles, et donc justifient la violence pour empêcher toute manifestation de l'homosexualité. Ces attitudes sont souvent soutenues et légitimées par les convictions des chefs religieux, idéologiques ou politiques.

Il avait lu qu'en général, les actes les plus graves de violence contre les homosexuels sont faits au nom des croyances et des valeurs religieuses. Surtout le catholicisme et l'islam, pour leur fort dogmatisme, renforcent l'homophobie, même s'il est un phénomène indépendant de la religion. En outre, non seulement la religion, mais aussi les idéologies antireligieuses ont persécuté farouchement les minorités homosexuelles, pas moins le communisme soviétique que celui de la Chine.

Cependant, la condamnation religieuse sert bien comme prétexte pour donner une façade socialement acceptable à l'homophobie des personnes dont la foi religieuse est minimale et au moins douteuse. Fausto savait, en d'autres termes, que l'homophobie est un phénomène indépendant de la condamnation religieuse : il la précède souvent et appelle à une légitimité rétrospective à leurs idées même.

Fausto était plongé dans ces réflexions, quand arriva l'ami de Guido pour prendre ses notes. Dès qu'il le vit, il eut tout de suite la nette impression que le garçon était gay, soit pour la façon dont il bougeait que pour l'intonation avec laquelle il parlait... Rien de vraiment explicite, mais...

"Excusez-moi, mais mon ami Guido Barisone aurait dû me laisser..."

"Vous êtes Dario ?" Fausto lui demanda avec un sourire.

"Oui..."

"Attendez une minute, je vais prendre le cahier."

"Merci."

Si Dario était gay, pensa Fausto, peut-être alors que même Guido... même si cela n'était pas qu'un indice vague... Pendant qu'il prenait le cahier, il pensa à la façon de comprendre s'il en était ainsi et, le cas échéant, si par hasard entre les deux garçons il y avait quelque chose... Mais comment...

Il revint avec le cahier et le lui tendit : "Voilà, c'est celui ci."

"Oui, je vous remercie."

"Excusez-moi si je me trompe, ou on s'est déjà vus au Centralino ?" demanda Fausto en nommant un disco gay assez connu en ville.

Le garçon a eu un bref éclair de compréhension dans ses yeux, mais il dit : "Je ne crois pas que..." et il ajouta : "Je me souviendrais certainement de vous, s'il en était ainsi..."

"Eh bien, dans la confusion... ce n'est pas dit... Mais je ne suis pas sûr ... s'il y avait eu Guido avec vous, peut-être..."

"Non, Guido ne vient jamais au Centralino..."

"Ah non ?"

"Non, il ne le fréquente pas... Je ne crois pas qu'il aille en discothèque. C'est un gars entièrement maison et école. Vous allez souvent au Centralino ?"

Fausto y était en fait allé seulement une couple de fois, donc il répondit : "Non, bien rarement."

"Où allez-vous, d'habitude ?"

"Je ne fréquente pas beaucoup les lieux. Vous pourriez dire que je suis tout maison et... conciergerie." Dit Fausto avec un sourire en coin.

Il avait eu la confirmation que Dario, presque certainement, était gay, mais pas que Guido puisse aussi l'être. Il ne voulait pas poser des questions plus explicites, donc il laissa tomber le sujet. Le garçon le remercia et partit.

Quand plus tard Guido revint, Fausto lui a dit que son camarade de classe était passé pour prendre ses notes. "Un gars particulier..." commenta-t-il.

"Dans quel sens ?"

"Eh bien, j'ai eu l'impression... qu'il est... gay." se décida-t-il à dire finalement, en regardant dans ses yeux pour en guetter la réaction.

"Oui, je l'ai aussi pensé. Mais qu'y aurait-il de mal, même s'il l'était ?" demanda tranquillement Guido.

"Rien, rien pour sûr." se hâta de déclarer Fausto. "Chacun de nous est comme il est. Et puis, qui sait combien nous savons qu'ils en sont, même si ce n'est pas évident comme il peut l'être avec ce Dario. Il y a encore beaucoup de préjugés autour, envers les gays. Il y a encore trop de sexisme, de racisme, de discrimination."

"Et puis, parfois, ceux qui, par leur aspect peuvent sembler gays, peut-être, en réalité, ils ne le sont pas du tout, et vice versa. Cependant, que Dario soit gay ou non, vraiment ça ne m'intéresse pas. En dehors qu'on s'est connus récemment, depuis moins d'un mois... c'est un compagnon de cours agréable, et surtout je ne pense pas qu'il fréquente les cours ainsi, juste pour passer le temps, mais il s'applique avec passion. Il aime les langues, comme je les aime. "

"Il a un air sympathique, en fait. Bien que nous n'avons échangé que quelques mots."

Fausto continuait à se dire qu'il aurait dû dire quelque chose qui pousse Guido à réagir et à lui faire comprendre s'il pouvait avoir de l'espoir ou pas, mais il lui semblait qu'il ne lui venait à l'esprit quoi que ce soit de convenable, d'approprié. Il se sentait comme quelqu'un qui doit traverser un champ de mines et qui hésite à y marcher.

"T'es pensif..." lui dit Guido.

"Oui... Je pensais... Cela me plairait, si toi et moi on pouvait devenir amis... même plus que nous le sommes..."

Le garçon eut l'air un peu surpris, évidemment il ne s'attendait pas ces mots. Puis il sourit.

"Je pense que nous sommes sur la bonne voie, non ? Cela me plaît bien d'échanger un mot avec toi. On est en train de nous connaître, peu à peu."

"Oui, c'est vrai. Même moi, je suis toujours ravi d'être avec toi. T'as beaucoup d'amis, toi ?"

"Quelques uns. Pas beaucoup. Un véritable ami est une denrée rare de nos jours. Et toi, Fausto ?"

"La même chose pour moi. J'en ai... quatre que je peux appeler amis, mais aucun d'entre eux vraiment intime. Je veux dire... on se voit de temps en temps, pas très souvent, on est bien ensemble... Ils m'ont même aidé quand j'ai déménagé ici. Et l'un d'entre eux, Renzo, fait l'aide médical pour la mère du docteur Cianciulli."

"Ah, c'est celui qui t'a trouvé le travail ici ?"

Fausto sourit : "Non, le contraire. Le docteur cherchait un assistant pour sa mère, alors je lui ai dit que je connaissais Renzo, qui a également un diplôme en soins infirmiers. Il semble que le médecin soit satisfait de Renzo et lui de travailler pour la mère du médecin."

"Depuis trois ou quatre ans, on ne la voit presque plus, madame Cianciulli. Elle était toujours très gentille quand on se rencontrait. Je pense qu'elle a dépassé ses quatre-vingt ans, n'est-ce pas ?"

"Quatre-vingt-un, elle les a eus récemment. Tu as des grands-parents ?"

"Oui, même tous les quatre. Mais les parents de papa vivent à Sarzana et ceux de ma mère à Collecchio, donc on se voit bien rarement. Il n'y a pas longtemps, j'ai vu une photo du père de papa quand il avait mon âge et faisait le militaire et je lui ressemble beaucoup, alors peut-être je deviendrai un vieil homme comme lui... "

"Alors, ce doit être un homme très beau, ton grand-père." lui dit Fausto avec un léger sourire.

"Eh bien... je te remercie."

"De quoi ?"

"Tu m'as dit, au fond, que tu penses que je suis beau..."

"Ah, oui. Bien sûr, t'es un garçon vraiment beau. Qui sait comment elles te tombent aux pieds, tes copines de l'université..."

Guido rit : "Il ne me semble vraiment pas... Personne n'est en train de me faire la cour..."

"Eh bien, elles sont aveugles." s'exclama Fausto.

"La beauté physique n'est pas tout dans la vie. Et je préfère être apprécié pour ce que je suis dedans, plutôt que pour ce que je parais de l'extérieur. Et puis... alors, toi aussi devrait avoir du succès avec les filles."

"À moi aussi... non... personne ne me fait la cour." dit d'une voix douce Fausto, le regardant dans les yeux et pensant qu'il aurait voulu que ce soit Guido à lui faire la cour.

"Ne te manque pas une copine ?"

"Non... me manque plus un véritable ami, un ami proche."

"Oui... Je te comprends."

Ah, comme je voudrais que tu aies bien compris ! pensait Fausto.

"Eh bien, je monte chez moi. À la prochaine." dit Guido.

"Oui, salut. À bientôt."

Fausto resta sur la porte jusqu'à ce que le garçon entre dans l'ascenseur. Il soupira et rentra dans la loge.

"Putain, combien tu me plais, Guido !" murmura-t-il d'une voix basse, s'assit et s'abandonna contre le dossier de sa chaise.


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