Lorsque Fausto avait rangée la crèche, cette fois, il avait décidé de garder la statuette du jeune joueur de luth sur l'étagère de sa librairie. De temps en temps, il la regardait et il rêvait de pouvoir faire quelque chose avec Guido... ou pour mieux dire, plus que juste quelque chose.
En fait, même si l'attraction physique continuait d'être très forte, il se sentait de plus en plus attiré aussi par la personnalité du garçon. Ils parlaient assez souvent, et ils étaient en train de s'ouvrir graduellement l'un à l'autre, mais Fausto ne comprenait pas encore s'il pouvait nourrir quelque espoir à son égard.
C'était plus ou moins la mi-février, quand il lui arriva d'avoir une longue conversation avec le juge Gamberali. Le fait que maintenant ils savaient l'un pour l'autre, les avait amenés progressivement à se rapprocher, à se faire de plus en plus des confidences.
Ainsi Fausto lui dit : "Vous savez, Filippo, que je crains d'être amoureux de Guido Barisone ?"
"Tu crains ? Pourquoi ? Il semble un garçon beau et bon..."
"Oui, il l'est, mais je ne sais pas si lui aussi est gay ou pas... et même s'il l'était, s'il aimerait se mettre avec moi ou pas. Mais d'autre part, je n'ai pas le courage de tenter quelque chose avec lui. Vous comprenez que, si par hasard ma proposition l'agaçait, il pourrait en parler autour et..."
"Il ne me semble pas être le genre de type qui le ferait, mais... tu as raison de vouloir être prudent. Mais, eh bien, ainsi tu ne fais que te macérer dans le désir, ce qui n'est pas bon. As-tu essayé d'en parler avec Serse ? Peut-être, comme il est du même âge que Guido, il pourrait savoir si le gars est comme nous ou pas... Bien que je ne les ai jamais vus ensemble, les deux garçons."
"Je n'y ai pas pensé, c'est vrai. Oui, vous avez raison, merci pour le conseil. Mais... admettons que je réussisse à conclure avec Guido... que nous puissions avoir une relation... nous aurions à nous cacher de tout le monde, puisque je travaille ici, et..."
"Malheureusement, je crains que ce soit comme tu dis. Mais... on doit faire face à un problème à la fois, mon garçon. Il est inutile de se bander la tête avant qu'elle ne soit cassée. D'ailleurs, quand on est amoureux, on trouve généralement la force de prendre les décisions les plus aptes à sauvegarder son amour."
Fausto était heureux de pouvoir parler librement de ses sentiments avec un homme mûr et équilibré comme le juge Gamberali. D'une certaine façon l'homme avait en partie pris la place de son père, qui par contre l'avait refusé.
Suivant son conseil, quand il vit Serse, il parla avec lui aussi et lui demanda s'il savait si Guido pouvait être gay ou non.
"Je ne sais vraiment pas, Fausto. Il n'y a jamais eu beaucoup de confiance entre lui et moi. Pas assez, de toute façon, pour arriver à parler de notre sexualité. Bien sûr, c'est un beau gars, et je comprends que tu te sentes attiré par lui..."
"Au début, c'était sans doute son aspect physique qui m'attirait, mais maintenant je sens que je suis en train de tomber amoureux..."
"Que puis-je te dire ? Moi, à ta place, j'essaierais. Peut-être en prenant la conversation de loin, que sais-je..."
"Si tu savais combien de fois je me suis dit que je dois le faire, mais... Tu vois, si je ne travaillais pas ici, je n'aurais aucun problème à essayer."
"Autrement dit, tu as peur que, en plus de te dire non, il commence aussi à bavarder sur toi avec les autres locataires ?"
"C'est ça, et tu comprends que cela pourrait me créer beaucoup de problèmes, avec la mentalité des gens. Si le jeu en valait la chandelle... je serais prêt aussi à prendre des risques, pour être avec Guido, mais risquer la réaction des copropriétaires sans même savoir si je peux l'intéresser..."
"Oui, ce serait stupide, tu as raison. Je regrette, Fausto, mais je ne sais que te dire. D'ailleurs, je n'ai pas beaucoup d'expérience dans ces choses."
"Quand est-ce que tu te fais un petit ami ?" lui demanda Fausto, avec un léger sourire.
Serse se mit à rire : "Ce n'est pas que l'on va au supermarché pour en choisir un : tu lis l'étiquette, et s'il te va tu le prends... Et puis j'ai seulement vingt ans, j'ai le temps..."
"Tous à vingt ans, nous croyons avoir le temps, puis tu te trouves à mon âge et..."
"Boff, à ton âge ! Comme tu fais vieux !"
"À présent, j'ai vingt-neuf ans..."
"Exactement, nous sommes tous deux dans la vingtaine." dit le garçon avec un sourire. "Regarde Filippo, qui, avec ses soixante-quatre ans, a une belle relation avec son policier."
"Tu le connais ? Comment est-il ?"
"Un beau jeune homme... pas vraiment mon type, physiquement, mais avec un caractère agréable. En dépit d'être un flic."
"Pourquoi, qu'est-ce que les policiers ont qui ne va pas ? Ce ne sont pas des hommes comme tout le monde ?"
"Mais oui, quel rapport... Je disais ainsi pour dire. Eh bien, Fausto, je te souhaite de comprendre tôt si ton beau Guido peut être intéressé à toi ou pas... Tiens-moi au courant, si ça marche."
Quelques jours passèrent. Fausto rencontra encore quelques fois Guido et il échangea quelques conversations avec lui : de la part du garçon il y avait une attitude amicale envers lui, mais pas beaucoup plus et bien que Fausto essayait de le sonder, il n'en tirait rien. Pourtant, il s'en sentait de plus en plus attiré.
Il avait déplacé la statuette du jeune joueur de luth sur la table de chevet, à côté de l'abat-jour, près de son lit, et parfois la nuit avant de s'endormir, il se masturbait en la regardant, en la caressant avec ses yeux et rêvant de pouvoir avoir là Guido et de pouvoir faire l'amour avec lui.
C'était fin février, lorsque le docteur Cianciulli lui demanda s'il lui était possible de descendre un instant dans le garage, parce que, dans sa voiture, le levier pour ouvrir le capot ne fonctionnait pas bien.
"Parfois, il s'ouvre tout de suite, mais je dois parfois l'actionner plusieurs fois... Peut-être que la vis qui serre le câble s'est juste desserrée. Je vous serais reconnaissant si vous pouviez lui jeter un coup d'œil." dit le docteur.
Fausto hocha la tête et descendit avec le médecin. Il essaya le verrou, il le vérifia et vit que la vis s'était justement desserrée, de sorte que parfois, au lieu de faire pivoter en arrière et libérer le capot, se déplaçait un peu sur le côté en empêchant ainsi l'ouverture. Avec un tournevis, il resserra la vis et tout fonctionna bien à nouveau.
"J'ai l'impression que la vis a le filetage faussé, docteur. Je pense que ce serait bien de ramener la voiture à un mécanicien pour qu'il refasse le fil du trou et mette une vis de plus grand diamètre. Cependant pour l'instant ça fonctionne..."
"Je vous remercie, Fausto, vous êtes vraiment un ange !" lui dit le médecin. "Comment puis-je vous remercier ?"
"Mais pensez-vous ; c'est rien du tout."
"Vous buvez du vin ?"
"Oui..."
"Alors venez un moment dans ma cave, que je vous donne une bouteille..."
"Ne vous dérangez pas..."
"Non, aucun dérangement. Venez." dit le docteur.
Ils allèrent dans sa cave. L'homme alluma la lumière. Fausto vit que l'ensemble de la paroi de fond était occupé par un porte-bouteille en polypropylène transparent avec les tubes de raccordement en aluminium anodisé, plein de différents types de vin.
Alors que Libero Cianciulli choisissait une bouteille, Fausto remarqua, sur une étagère à côté, une statuette représentant deux garçons assis sur le sol, les genoux soulevés, enlacés, l'un avec les jambes autour de la taille de l'autre, qui se regardaient comme s'ils allaient s'embrasser... au début, il pensait que c'étaient un garçon et une fille, mais en regardant de plus près, il vit qu'ils étaient tous deux des mâles.
Lorsque le médecin se retourna avec une bouteille dans sa main, il vit où Fausto regardait.
"Oh, ça... je l'avais faite quand j'étais au lycée... Elle est faite avec le Das, une sorte de pâte de papier mâché, peinte avec acrylique couleur bronze... Pendant un certain temps, j'avais créé quelques petites sculptures, puis je me suis arrêté. Celle là est la seule qui me reste."
"Elle est... belle..." dit Fausto, "Puis-je la prendre en main ?"
"Oui, bien sûr. Je l'avais intitulé «Intimité»..."
Fausto fut surpris de la sentir beaucoup plus légère que ce à quoi il s'attendait. Il la tourna entre ses mains : elle était très bien faite.
"Ce sont... deux garçons..."
"Oui."
"On dirait qu'ils sont sur le point de s'embrasser..."
"C'est vrai. Ça vous semble étrange ?" demanda le docteur avec un léger sourire.
"Non... ils sont tendres... deux... amants..."
"Ouais. Un d'eux était un de mes camarades de classe..."
"Et l'autre ? C'est vous... ?" Fausto lui demanda, en regardant les deux faces.
"Oui, c'est moi."
"Et... voue étiez amants ?"
"Non, il n'y a jamais rien eu entre lui et moi."
"Parce qu'il... les filles lui plaisaient ?" Fausto demanda, regardant toujours la statuette et la retournant entre ses mains.
"Oui, tout à fait."
"Ils sont très beaux, très bien fait... Pourquoi vous avez cessé de faire ces sculptures, docteur ?"
"Eh bien, ainsi... c'a été une période, puis j'ai eu d'autres intérêts."
"Ils sont sensuels... Pourquoi vous la gardez dans la cave, docteur ?"
"Vous ne croyez pas, Fausto, que la garder à la maison serait trop... compromettant ?"
"Pour votre mère ?"
"Non, elle... elle sait pour moi."
"Les miens aussi savent pour moi... et ils l'ont pris très mal." dit Fausto en le regardant dans les yeux de nouveau.
"Pas ma mère. Alors... tu es..."dit le médecin passant inconsciemment à le tutoyer.
"Je suis gay, docteur. Oui. Mais je n'aurais pas dit que vous aussi..."
Libero Cianciulli fit un sourire amusé : "Ce n'est pas écrit sur notre visage, non ? Même moi, je ne l'aurais pas dit de toi."
"Et... votre mère n'a pas fait... de drames quand elle l'a su ? Vous le lui avez dit ou elle l'a découvert toute seule ? Quand ? Comment ?"
"Non, elle n'a pas fait de drames, elle m'a accepté tout de suite, heureusement pour moi. Elle l'a compris précisément à cause de cette statue. J'avais dix-huit ans, peut-être un peu moins. Nous en avons parlé, tranquillement."
"Et votre premier garçon ?" alors lui demanda Fausto, plaçant de nouveau la statue sur l'étagère.
"Mon premier homme... Bien des années plus tard. J'avais déjà vingt cinq ans. C'était le médecin chef de la clinique où je venais de commencer à travailler, il avait aussi été l'un de mes professeurs à l'université. Après quelques mois que je l'assistais, il me fit comprendre qu'il me voulait... C'était un bel homme, et même de caractère agréable... alors je me suis décidé et je lui dis oui."
"Mais, jusqu'à vingt-cinq ans... rien ?" demanda Fausto un peu étonné.
"Rien, sinon seul, et des rêves aux yeux ouverts."
"Il est toujours votre homme, le médecin chef ?"
"Non... il a duré seulement trois ans, un peu plus. Puis j'ai perdu la tête pour un infirmier de notre clinique. D'ailleurs, avec mon chef il n'y avait plus rien que du plaisir mutuel. Il était... il est, un bisexuel, marié, et ne cherchait que du soulagement avec moi, mais il n'avait pas et il n'a pas l'intention de se séparer de sa femme."
"Et maintenant, vous êtes toujours avec cet infirmier ?"
"Oui et non. Même avec lui c'est une relation plus physique que spirituelle... Nous ne sommes pas amants, mais seulement... copains de lit. Et pas très souvent. Il aime... changer, il n'est pas intéressé par une relation sérieuse."
"Mais vous aviez perdu la tête pour lui, non ?"
"Oui, je croyais en être amoureux. Il me plaisait beaucoup, donc je commençais à lui faire la cour, très discrètement... Et il m'a laissé comprendre que je lui plaisais, et ainsi... Une nuit, j'étais de garde, et il était en service, il est venu causer un peu avec moi... et nous avons fini au lit ensemble, à faire l'amour. Mais... j'ai réalisé ensuite comme il est vraiment, j'ai compris que, même s'il a de la sympathie pour moi, contrairement à moi, ce n'est pas un... monogame. Et ainsi... On ne peut pas aimer tout seul, sans être réciproque."
À ce moment Fausto eut une idée. Alors il demanda : "Et... vous aimez Renzo Meschieri, mon ami ?"
"Ton ami, déjà... Tu ne veux pas dire que... qu'il est gay aussi ?" demanda-t-il, un peu surpris.
"Oui... et il m'a dit qu'il se sent très attiré... eh bien, plus qu'attiré, je dirais, vers vous."
"C'est un type adorable... Je n'aurais pas dit que lui aussi... Peut-être parce que nous avons toujours échangé peu de mots : quand j'arrive il s'en va, et vice versa... Oui, il me plaît beaucoup, Renzo. Tu dis vraiment qu'il..."
"Il me l'a dit plusieurs fois. Mais il n'a jamais eu le courage de vous le faire comprendre. Je pense que Renzo est amoureux de vous, docteur."
Libero Cianciulli hocha la tête : "Ce serait beau s'il pouvait naître entre Renzo et moi... quelque chose de sérieux. Il a un bien beau caractère."
"Eh bien, maintenant que vous savez... pourquoi ne pas essayer de... en parler avec lui ?" lui suggéra Fausto.
Le médecin hocha la tête, "Ouais... pourquoi pas ? Même si je n'y avais jamais pensé... ou plutôt je ne j'espérais pas ; il me plaît vraiment, ce gars-là. D'ailleurs, ma mère est très satisfaite de lui, donc il n'y aurait pas de problème si entre moi et ton ami il pût naître quelque chose. Mais vraiment Renzo t'a dit qu'il est intéressé à moi ?"
"Amoureux, il m'a dit, pas seulement intéressé. Et si vous sentez quelque chose de pareil pour lui..."
Le docteur Cianciulli sourit, hochant la tête. "Eh bien... si c'est vraiment le cas... Je pense que je dois lui en parler et voir si nous sommes faits l'un pour l'autre."
"Je ne dirai rien à Renzo. Je pense qu'il serait plus approprié que vous voyez entre vous deux."
Le médecin donna la bouteille à Fausto : "Ceci est un Brunello di Montalcino. Si entre Renzo et moi les choses vont bien... je vous donne toutes mes réserves de vin." dit le jeune homme gaiement.
Une dizaine de jours était passée après cette conversation, quand Renzo s'arrêta pour parler avec Fausto. Celui-ci remarqua qu'il avait un regard lumineux.
"Fausto ! J'ai quelque chose à te dire."
"Oui ?" demanda-t-il, en imaginant ce que Renzo avait à lui dire.
"Hier... j'ai fait l'amour avec Libero !"
"Avec le docteur Cianciulli ? Et comment ça a été ?"
"Super. Et... pas seulement une baise, tu sais ? Il m'a dit que... je lui plais beaucoup et qu'il aimerait que j'aille vivre avec eux. Tu sais que la mère sait pour Libero et que donc il n'y aurait pas de problèmes ? Dieu, que je me sens heureux, Fausto !"
"Mais comment cela est arrivé ? Raconte-moi..."
"Eh bien... depuis quelques jours Libero a commencé à me faire certains discours étranges... c'est à dire, pas étranges, mais... Tu sais, des choses comme : Je suis très content de toi, tu me plais, c'a été une chance de te trouver et pas seulement pour ma mère... Je n'ai pas compris tout de suite ce qu'il voulait vraiment me dire, parce que je pensais qu'il ne parlait que de mon travail. Puis, hier... alors que nous étions dans son bureau et je lui faisais mon rapport quotidien habituel avant de retourner chez moi... il m'a demandé de m'arrêter encore un peu et... eh bien... il m'a pris dans ses bras et m'a embrassé sur la bouche..."
"Ainsi, sans rien dire ?"
"Oui. Mon dieu... je me suis senti mourir et... Un baiser à couper le souffle, tu sais... J'étais tout en flammes, vraiment. Il me touchait, me caressait... et sans rien dire, il m'a amené dans sa chambre. Nous nous sommes dépouillés là... lui moi et je lui... et bientôt nous étions sur son lit qu'on faisait l'amour ! !l a été fantastique. Il fait l'amour juste de la façon que j'aime. Mon dieu Fausto, je suis vraiment amoureux de Libero !"
"Et lui de toi ? Peut-être qu'il voulait juste... s'amuser avec toi..."
"Non, il m'a dit que, depuis un certain temps, il sentait quelque chose de spécial pour moi et... tu sais, il m'a demandé d'aller vivre avec lui... tu vois, sous le prétexte de prendre soin de sa mère... Ils ont la chambre de service, bien que dans la réalité je dormirai avec lui. Il m'a dit qu'il a déjà parlé avec sa mère et que madame Ada serait très heureuse... Y penses-tu ? J'ai l'impression de rêver."
"Et donc, tu viens vivre ici, avec lui ?" lui demanda Fausto, heureux pour l'ami et pour son enthousiasme.
"Oui. Dimanche il vient en voiture pour chercher mes affaires et me faire déménager dans son appartement. De toute façon je m'arrête déjà cette nuit ici. Je ne peux pas attendre de faire l'amour à nouveau avec Libero ! Tu sais qu'il me vient dur juste à penser à lui ? Il embrasse très bien, et il aime les longs préliminaires, tout comme moi, et même pendant qu'il me le met, il m'embrasse, me caresse, me touche... Pense que la nuit dernière je suis venu sans même me branler... et aussi après, il me tient enlacé, et il me caresse longtemps... Un rêve !"
"Il suffit de regarder ton visage pour te croire. Jamais je ne t'ai vu si heureux, Renzo. Bon, je suis heureux pour toi, pour vous. Même s'il a dix ans de plus que toi..."
"C'est parfait aussi pour cela, tu sais que j'ai toujours aimé les hommes plus âgés que moi, non ? Et puis, si tu le voyais nu... il est tout simplement magnifique ! Si sexy ! Et quand il me le mets dedans, si tendre et si viril, et il m'embrasse, puis il commence à bouger dans et hors, il m'emmène au paradis... Je ne peux pas attendre qu'il revienne à la maison, puisqu'il arrive ce soir pour le faire à nouveau... et demain le tri..."
"Tu dois m'être reconnaissant alors, Renzo. Grâce à moi d'abord t'as eu ton emploi et maintenant même l'amant !"
"Oui, tout à fait. Merde, tu sais que je suis vraiment amoureux de lui !"
"Et lui de toi ?"
"Oui, il me l'a dit ce matin quand je suis arrivé."
"Et madame Ada, le sait déjà ?"
"Oui, Libero lui en a parlé avant d'essayer avec moi."
"Et que dit-elle ? T'a-t-elle dit quelque chose ?"
"Oui, tout à l'heure, elle m'a dit qu'elle est très heureuse que maintenant je fasse partie de la famille, et que j'aime son fils et qu'il m'aime. Elle m'a donné une caresse sur la joue..."
"Bien. Je suis vraiment heureux pour toi, pour vous deux. Et je vous souhaite que vous soyez toujours bien ensemble."
Le soir, Fausto avait fermé la conciergerie depuis une heure et il avait juste terminé de préparer le dîner quand il entendit sonner à sa porte. Il alla répondre : c'était le docteur Cianciulli, avec une bouteille de vin à la main, qu'il lui tendit.
"C'est fait ! Renzo va rester chez moi, nous nous sommes mis ensemble. Je te remercie. Ce garçon est vraiment splendide, dans tous les sens." dit-il joyeusement.
"Je m'en réjouis, docteur..."
"Écoute, ne pourrais-tu pas me tutoyer, maintenant ? Et dire que ça fait presque une année que Renzo est à la maison avec nous... Je... J'y avais pensé un peu, mais il ne me semblait pas approprié d'essayer avec lui, au risque de le faire disparaître par réaction. Il était et il est, trop précieux pour ma mère. Donc, si on n'avait pas fait ce discours grâce à cette statue-là à la cave, je n'aurais jamais osé essayer avec Renzo. Tu m'as dit que cette statuette te plaît, non ? Alors je te la donne."
"Merci ! Mais vous ne regrettez pas vous en défaire ? Ce n'est pas un souvenir, pour vous ?"
"Oui, mais je suis heureux que tu la prennes. Veux tu me tutoyer ou pas ?" insista le médecin avec un sourire.
"Oui, je suis désolé. Elle me plaît vraiment cette statuette. Et qui sait, comme dans un sens elle vous a porté chance, si elle ne me portera pas aussi chance à moi... J'ai aussi un garçon qui me plaît beaucoup et auquel je n'ai pas le courage de le dire. Bien que cela fasse maintenant près de deux ans que je le vois, et aussi qu'on parle parfois."
"Depuis que t'es venu travailler ici ? Est-ce que c'est quelqu'un qui vit dans cette maison ?"
"Oui... c'est Guido Barisone..."
"Ah, vraiment un beau garçon, et il me semble aussi gentil et intelligent. Quand sa famille est venue vivre ici, cette maison venait d'être construite et il était âgé de quatorze ans, on peut dire que je l'ai vu grandir et... Je ne sais pas si c'est juste une coïncidence ou non, mais je ne l'ai jamais vu avec une fille."
"Moi non plus, c'est vrai, mais cela ne suffit pas pour dire que..."
"Non, bien sûr."
"Excuse-moi si je reviens sur quelque chose que tu m'as dit avant mais, si je comprends bien, tu n'as pas eu des relations sexuelles avec un autre homme jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, bien que sachant être gay. Pourquoi si tard ? Et pourtant, tu m'avais dit que ta mère savait pour toi, et qu'elle t'avait accepté..."
"Oui, c'est ainsi. Mah, je ne saurais pas te le dire. Peut-être, inconsciemment, on attend le prince charmant.... Bien que..." dit-il avec un sourire ironique, "mon chef n'était certainement pas un prince. Non... il n'est pas toujours facile de justifier notre comportement à posteriori. Disons que... Je ne me sentais pas prêt à avoir des relations sexuelles. Ce n'est pas nécessairement à la découverte de sa sexualité que suit toujours la décision de la vivre réellement. Tu sais que, selon une étude récente, il semble que près de cinquante pour cent des garçons n'ont de relation sexuelle complète qu'après les dix-huit ans ?"
"Je l'ai eu à quatorze ans..." dit Fausto pensivement. Puis il dit : "Eh bien, peut-être que Guido fait partie de ces cinquante pour cent comme toi..."
"Chacun de nous a tendance à croire que la majorité des autre est comme lui-même."
"Peut-être pour ne pas se sentir trop différent des autres ?"
"Oui, c'est très probable. Personne n'aime se sentir différent."
"Pourtant, certains semblent tout faire pour l'être."
"Il est vrai. Parce que dans le même temps tout le monde essaie d'émerger de la masse, il ne veut pas être confondu avec les autres. Nous sommes des animaux complexes, nous les êtres humains. C'est un équilibre difficile à atteindre, celui de chercher d'être comme les autres et pourtant différent des autres. En outre, il existe des différences acceptées par la société et d'autres qui ne le sont pas. Par exemple, personne ne se sent «différent» pour avoir les cheveux d'une couleur ou d'une autre, ou un groupe sanguin plutôt qu'un autre."
"Eh bien... au moins en ce qui concerne la sexualité... il me plairait beaucoup que celle de Guido soit comme la mienne..." dit Fausto avec un ton rêveur.
"Selon moi, tu devrais lui faire la cour. Je ne dis pas d'une façon trop explicite, mais... et voir s'il répond, s'il correspond. Ce n'est pas en continuant à rêver, que tu pourras te rendre compte si le beau Guido est la bonne personne pour toi ou pas."
"Tu as raison. Peut-être que j'ai trop peur de me découvrir... aussi à cause de mon travail ici... Si Guido vivait ailleurs, ou moi, je pense que je n'aurais pas peur d'essayer de lui faire comprendre ce que je ressens pour lui."
"Je comprends, oui. D'autre part, c'est comme avoir deux forces contradictoires en soi : une qui te pousse vers lui et une qui t'oblige à être prudent. Évidemment, la première est moins forte que la seconde."
"Mais elle est en train de croître de plus en plus d'intensité. Ah, si seulement nous avions un ami commun..."
"Un peu comme tu as été entre Renzo et moi ?"
"Exactement."
"Eh bien, que puis-je te dire... mes vœux, Fausto. Je souhaite pouvoir faire quelque chose pour t'aider, mais comme je l'ai dit, malheureusement, il n'y a pas de confiance entre moi et ton beau Guido."
Le lendemain, quand Fausto ferma la loge, il eut une idée. Il se précipita hors du bâtiment et alla chez le fleuriste qui était derrière le bâtiment. Il acheta un pot de perce-neige, rentra chez lui, en changea le papier de sorte qu'il n'y ait pas le nom du fleuriste, et il y mit une note sur quoi il écrivit, tout en lettres majuscules, seulement les mots «Je t'aime»... et il attendit que le garçon revienne à la maison.
Au soir, quand il vit entrer Guido, il sortit de la loge avec le pot en main.
"Guido... dans l'après-midi est venu un coursier pour me remettre ceci pour toi." Dit-il en lui tendant le pot, enveloppé dans une cellophane transparente.
"Pour moi ? De la part de qui ?"
"Je ne sais pas, il ne me l'a pas dit. C'était juste un coursier."
Guido prit le pot et vit qu'il y avait un billet. Il le prit, l'ouvrit... et rougit légèrement.
"Elles sont belles, ces fleurs, non ?" dit Fausto essayant d'avoir un ton décontracté. "Ce n'est pas ton anniversaire, non ?"
"Non..." dit le garçon en enfilant le billet dans sa poche. "Je ne comprends pas... le billet n'a pas été signé... Je n'ai vraiment pas d'idée de qui m'envoie ces fleurs..."
"Peut-être c'est ton camarade de classe... celui à quoi t'avais prêté tes notes, pour te remercier."
"Qui, Dario ? Non... Je ne crois pas. Je viens d'étudier chez lui... il ne me l'aurait pas envoyé ici."
"Mais qu'est ce qui est écrit sur le billet ?" demanda alors Fausto.
"Rien de spécial seulement : pour Guido." mentit le garçon, et Fausto remarqua une légère rougeur lui colorer de nouveau les joues.
"Eh bien ... ça n'est pas étrange que quelqu'un t'envoie des fleurs sans te faire savoir qui il est à te les envoyer ?"
"Il ? Pourquoi il et pas elle ?" demanda Guido.
Fausto se mordit la langue, mais rapidement récupéra : "Il... générique, comme «quelqu'un», non ? Si quelqu'un dit «une personne» il dit «elle», même si c'est un homme... Et puis... ce serait si étrange, si qui t'a envoyé ces fleurs était un... lui et pas une elle ?"
"Non... mais c'est étrange qu'il n'y ait pas de signature..."