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histore originale par Andrej Koymasky


LA CORBURE
DU COU
CHAPITRE 2
SECONDE RENCONTRE ENTRE DEUX COURSES

Vendredi 15 - 06 h 00

Le réveil sonne. Je m'étire dans mon lit. Je n'ai pas envie de me lever. Cette nuit je me suis levé deux fois pour voir maman. Une par erreur : en dormant elle s'est appuyée sur l'interrupteur qui sonne dans ma chambre. Bah, rien que deux...

Je regarde dehors : journée grise... pourvu qu'il ne pleuve pas...

Je me lève, toilettes, séance sur la cuvette... il faut que je lave le tapis... Rasage soigneux, laver les dents, la figure en espérant enlever aussi le sommeil qu'il me reste. Je me regarde dans le miroir, en me peignant... Je ne suis pas à jeter, mais qui peut le remarquer tant que je fais le Cendrillon ?

Au pas de course au kiosque acheter le journal de papa... Putain, il faut que j'y retourne prendre les images de Roberto : j'ai déjà oublié deux fois alors que je lui avais promis. Si c'était Silvia elle me l'aurait déjà fait payer.

À la maison, préparer le petit déjeuner, je vais réveiller Laura et je lui demande de s'occuper de Silvia. Je vais réveiller Roberto.

"C'est déjà l'heure ?" il me demande d'un air maussade.

Il fouille de sa main la table de nuit pour trouver ses lunettes. Il les fait tomber. Je les ramasse. Je les lui donne.

"Il faut que je pisse..." annonce-t-il.

Je souris. Il est à un âge où il aime les gros mots, juste pour voir jusqu'à où je "le laisse aller"...

"Va à la salle de bain et lave-toi aussi les mains et la tête... et pas comme les chats."

"Pourquoi on prend pas un minou à la maison ?"

"Vous me suffisez tous les trois, il ne manquerait plus qu'un chat."

Médicament de maman. Jérémiades de maman. J'acquiesce, dans l'espoir d'avoir l'air compréhensif. Finis les pipis, les habillages, le petit déjeuner, je vérifie les cartables, nouveau pipi de Silvia (qui ne dirait jamais "je dois pisser" mais "j'ai le pipi qui coule")...

Pendant qu'on va au garage, Silvia fait la gueule.

"J'ai jamais le temps de jouer !" déclare-t-elle.

"À la maternelle vous ne jouez pas ?"

"Si, mais comme la maîtresse elle veut, jamais comme nous on aime. Quelle farce !"

"Et toi, à quoi tu voudrais jouer ?" dis-je en démarrant.

"Au docteur..." ricane Roberto.

"Non, crétin ! À l'astronaute !" déclare Silvia, le dérouillant.

Heureusement les trois sont attachés. Il faudra que je dise à Laura de s'asseoir au milieu, la prochaine fois. Je la regarde dans le rétroviseur... Elle a l'air absorbée par des signes magiques en l'air : que peut-elle donc faire ? Silvia et Roberto continuent à se passer une bonne raclée.

"Ça suffit !" dis-je en m'arrêtant au feu.


08 heures 27

Je laisse Laura et Roberto devant l'école, sans descendre, et j'attends de les voir entrer. Je passe une vitesse et je pars. Rien ne presse. Je laisse Silvia à la maternelle. La maîtresse Ileana, qui l'accueille à la porte, me fait signe d'approcher.

"Lundi, chaque enfant devra apporter un rouleau de papier toilette." m'indique-t-elle.

"Du papier toilette ? Pourquoi ?" je demande, étonné.

"La ville ne nous a pas envoyé de fonds, on n'en a plus et on ne peut plus en acheter, alors...."

"Il faudra le déduire des frais, alors !" dis-je en cherchant la bagarre.

"Si vous préférez que Silvia salisse ses culottes..." me répond angélique cette tête à claques.

"Faites au mieux..." je réponds plus angélique encore, et je démarre.

Va savoir pourquoi cette instit Ileana me cherche des poux. Sans doute la réciprocité des sentiments. J'allais partir quand un nain hurlant passe en courant devant moi. Debout sur le frein. Cœur serré. Derrière, tranquille, la mère arrive.

"Eh, faites attention !" crie-t-elle, fâchée.

Et toi, tiens ton morveux par la main, connasse ! Je regarde bien partout et je repars. Feu rouge. Vert. Klaxon derrière : définition de l'instant : intervalle qui sépare le passage au vert du coup de klaxon ! Va te faire foutre toi aussi !

À la maison.

"Il n'y a plus de sucre de canne !" annonce papa à peine je suis rentré.

"Mais il en reste du blanc..."

"Tu sais que je n'aime pas, non ? Ils font un raffinage chimique. Ils nous empoisonnent. Il y avait un reportage à la télé..."

Maudite télé, c'est le nouvel Evangile. L'Evangile selon Mediaset, l'Evangile selon la Rai, l'épître à La Sept... l'Apocalypse selon Luciano Passadore !

Je n'ai pas envie de sortir faire des courses...

Mais c'est vendredi, aujourd'hui, coube-sensuelle-du-cou, Gian fait son ravito le vendredi, a-t-il dit... Je vérifie s'il y a d'autres choses à acheter, et je sors en indiquant que je vais acheter le sucre de papa. Je me demande quand il fait ses courses, le vendredi ?

Je traverse le boulevard, j'entre dans le supermarché, je prends un caddie. J'arpente les rayons. Quelqu'un me touche dans le dos. Je me retourne. Un petit vieux au sourire édenté.

"Jeune homme, vous me prenez une boite de café Putto Rosso ? Pourquoi donc le mettent-ils si haut ?"

Je prends une boîte et je la lui donne, avec un sourire. Autre sourire édenté.

"Nous les vieux, personne n'y pense. Même ces bouchons qu'on n'arrive pas à dévisser... Les paquets de salami sont fermés si forts qu'on ne peut pas les ouvrir..."

"Oui..." je dis en regardant autour dans l'espoir d'apercevoir Gian-au-cou-sensuel.

Le petit vieux d'éloigne en continuant d'énumérer tout ce qui ne va pas. Pas l'ombre d'un Gian. Une espèce de punk-skin-cuir-hippy-nazi, et j'en passe, s'enlève une crotte de nez, en se concentrant sur le rayon des bières. S'il faisait moins minable il ferait plus envie. Quatre piercings sur la tête : narine gauche, sourcil droit, lèvre supérieure et oreille gauche... Bof ! Mais une chouette grosseur sous le pantalon en cuir si serré. Peut-être bien qu'il a aussi un piercing au sexe ?

Dernière boite de sucre de canne. Le cul bordé de nouilles ! Quoi d'autre... les œufs : les plus chers, évidemment. Sinon, qui c'est qui va entendre, papa ? Enfin, d'après moi, deux petits œufs seraient moins chèrs qu'un grand, mais... À chacun ses manies. Je repasse devant le rayon des fruits et légumes et je vois de belles grappes de raisin. Maman aime les grapiller. J'en choisis une belle, grande. Putain, j'ai pas mis le gant : une nana me regarde comme si j'étais un voleur. Mais en fait, je n'ai touché que ce que j'ai mis dans mon plastique, non ? Balance... c'était quel numéro ? J'y retourne pour vérifier... le 12, d'accord.

J'allais rentrer à la maison... Le voici ! Petit coup au cœur ! Il pousse son caddie et regarde autour de lui. Nos regards se rencontrent et je détourne le mien. Autre petit coup au cœur. Je perds du temps et je me tourne pour être un peu derrière lui et pouvoir le regarder à l'aise, sans qu'il le voit.

Putain la bombe ! il bouge de façon sensuelle... Oui, il doit avoir trente ans... cheveux noirs, lisses... nuque délicieuse. Même son petit cul, coincé dans un fut gris foncé, collant... et le paquet ? Je bouge pour vérifier. Mmhhh. Une autre courbe sensuelle par là aussi ! Il vient tous les vendredi à cette heure... mais si c'est le grand ravito je le verrai moi aussi, en plus du mardi.

Il va a la caisse. Je le suis. Les yeux rivés sur son petit cul bien sanglé... et parfois sur la courbe de son cou. Personne à la caisse. Il échange deux mots avec la caissière. Il semble qu'il les connaît toutes....Il paie, en liquide. Il sort. C'est mon tour. Je voudrais voir vers où il va... je paie et je sors rapidement.

Je regarde à droite, à gauche... le voila... il va vers la maternelle... Démarche élastique, athlétique. Putain que tu es bon, Gian ! Il tourne à la première rue. Je m'arrache à ma contemplation et je traverse le boulevard.

Maison. Je lave le raisin, je le mets sur une assiette et je l'apporte à maman.

"Oh, du raisin !" dit-elle l'air triste. "Super... mets-le là. Je n'ai pas envie tout de suite..."

Je parie que quand je reviens tout aura disparu.

Je me mets aux carreaux du séjour.

"Mais tu fais quoi, Mario, tu veux me faire avoir une pneumonie?" proteste papa.

"Va donc dans ta chambre, non?" je lui réponds, en essayant d'être gentil.

"Tu crois qu'il y a la télé dans ma chambre..."

"Tu devrais en acheter une pour ta chambre, papa..." je suggère et j'ouvre grand toutes les fenêtres.

Il bouge son cul du sofa et, journal en main, il va dans sa chambre. En grommelant.

Vraiment un beau cul, ce Gian... et beau paquet... Belles mains... beau sourire aux caissières... beau cou... Trop gentil avec les caissières... Je n'ai pas vérifié s'il a une alliance... La prochaine fois...

Ce Gian, c'est peut-être bien rien qu'un tombeur de nanas ! Je me contenterais qu'il soit bi... Mais en tout cas on ne peut pas baiser au supermarché, si ? Et quand donc ? Inutile. Il peut être pédé jusqu'au bout des ongles que ça ne changerait rien...

Les vitres finies je fais celles de la chambre des filles, puis de Roberto, puis la mienne. Puis celle de papa, de maman, aucun problème : je peux faire l'extérieur depuis le balcon, inutile d'ouvrir la fenêtre. Mais je le fais après. Maintenant il est temps de penser au déjeuner.

Médicament de maman. Raisin disparu, comme prévu. Si je mettais du somnifère dans le repas de papa et de maman ? Je pourrais avoir enfin un peu de temps rien que pour moi. Non, c'est idiot... Mais... Oh, que je suis fatigué ! Je cours, je cours toute la journée, avec cinq personnes sur le dos... Aller faire l'ermite... Mais avec ce Gian... Va savoir comment il est, nu ? Et au lit ? Il baise bien ?

Laissons tomber. Aujourd'hui fusilli aux champignons... Puis filets de cabillaud surgelés, en papillotes au micro-onde, avec des petits pois... Oui, ça devrait aller. Mais pourquoi maman veut du poisson ? Elle s'en fout de l'église et puis on n'est même plus obligé d'éviter la viande le vendredi... Hein ?

Sûr, avec une si belle courbure de la braguette, il doit cacher une belle anguille, ce Gian... Bordel, je peux pas me le sortir de la tête ? Il sait même pas que j'existe ! Ça doit être le manque : la branlette me suffit plus... Est-ce que papa a trouvé la paix des sens ou bien il se branle lui aussi ? Et Daniel ? Il s'est fait des filles, à Amsterdam ?

Mmmh... ça devrait aller comme épices. Peut-être quelques baies de genièvre en plus. Quelle invention, ce micro-onde. L'eau va bouillir... La sauce... oui, pas mal. Je pourrais faire cuistot, après tout... C'est loin de mes rêves de sociologue ! Heureusement que les trois pestes sont en demi-pension. Et ce Gian, il cuisine tout seul ou il a quelqu'un qui cuisine pour lui ?

C'est possible ça, que, quoi que je fasse, ce soit farci de Gian... Comme de persil ! Il m'a jeté un sort, celui-là ! Si j'ai de la chance je le revois d'ici une semaine. Qu'est-ce qu'il peut bien faire ? C'est pas un employé de bureau : il fait ses courses vendredi matin... Profession libérale... Free-lance... travail à mi-temps ou de nuit... peut-être DJ...

OK. Allons aider maman à se lever.

Déjeuner. Maman au lit. Débarrasser. Vaisselle.

Machine à laver de la salle de bain de service, cycle long. Lessive, adoucissant, anticalcaire... Putain, pourquoi elle part pas ? Ah, prise débranchée. Je parie que c'est Roberto, l'eau qui dort... Ou Laura ? Bof... Voila, c'est parti. Bien. Je ferme la porte à clé, je baisse mon pantalon, je m'assieds sur la cuvette et je me branle.

Je ferme les yeux et je m'adosse, les jambes écartées. Je me caresse le ventre et la poitrine, je me titille les tétons... Ma main s'active à bon rythme... Mmhh... Si ça pouvait être "courbe du cou" à la place de ma main... Voila... je viens... voila... voilaaa...

"Mario ! Il te faut combien de temps aux toilettes !"

Putain, papa ! Je décharge dans les toilettes, presque en sueur, de tension. Je halète un peu. Je remets mes fringues, je suis un peu déstabilisé. Je sors.

"Qu'est-ce qu'il y a ?" je lui demande, un peu sec.

"Ça fait une demie heure que ta mère t'appelle !"

"Et tu ne pouvais pas y aller ?

Ça m'a échappé, mais, putain ! pas même le temps de se pogner en paix ! Chez maman.

"Tu as besoin de quelque chose ?"

Lamentations... soupirs... yeux de merlan frit... tristes et embués...

"Mario... j'ai besoin..."

Je l'emmène aux toilettes "des maîtres". Ils n'utilisent jamais celles de service. J'attends dehors. Juste pipi, chasse d'eau pas tirée. Je le fais et je ramène maman au lit.

"Les petits pois étaient cuits à point..."

Pourquoi, pas le reste ? Mieux vaut ne pas approfondir.

"Pauvre Mario..."

Je la regarde, un peu surpris. C'est quoi, aujourd'hui ?

"Tu devrais te marier, au moins tu partagerais tes tâches avec ta femme..."

"C'est quoi, je ne vous suffis plus ? Si seulement papa faisait quelque chose..." dis-je, un peu grincheux.

"Tu sais comment il est, non ? Même maintenant à la retraite..."

"Pourquoi ? Et avant ?" je demande, sec.

"Avant... tu sais, la boîte... les responsabilités... Oh, revoilà le soleil !"

Je regarde dehors... Oui... Il faut que je termine les vitres.

Voix off : "La Fallaci est morte ! Quelle femme, elle en avait !"

Je ne comprends pas si papa veut dire que c'est qu'elle cassait les couilles ou qu'elle avait plus de couilles qu'un homme. Peut-être les deux. Et les couilles de Gian, à quoi peuvent-elles ressembler ? Soupir.

"Qu'y a-t-il, Mario ?" demande maman.

"Rien."

"Tu as soupiré..."

"Oui..."

"Tu devrais te trouver une brave femme..."

Je préférerais un petit mari, maman. Et réfléchis, même si j'étais pas pédé, qui voudrait m'épouser, moi, toi, papa et les trois monstres ? Pff !

"Peut-être une immigrée..." je lâche, juste pour voir.

"Non, il ne manquerait plus que ça. Une fille bien..."

"Mais chez les immigrés il y a aussi des filles bien et ... des bonnes assistantes !"

"Je ne suis pas raciste, mais je ne voudrais pas une immigrée."

"C'est à moi qu'elle devrait plaire, maman..."

"Les femmes et les vaches, prends-les du pays !"

Bon, ben je vais me chercher un bœuf... ou plutôt un beau taureau. Et on fera des folies au lit ! Voilà-t-y pas qu'il faut que je me marie, maintenant. Tu me l'avais pas faite, celle-là.

"Tu as l'air épuisé, Mario..."

Tiens donc, c'est nouveau, ça, bizarre...

"Et tu parles de moins en moins à ton père..."

Mais de quoi on se parlerait ? Des palpitantes activités de son cul sur le fauteuil ?

"Si j'allais bien... tu pourrais terminer tes études..."

Sûr. Mais pourquoi tu me sors ça maintenant ? Après trois ans ? Me marier... finir mes études...

"Tu ne dis riens..." insiste maman.

"Que veux-tu que je dise. Je ne pense plus aux études... et moins encore à me marier."

Même si c'est pour des raisons diamétralement opposées.

J'annonce : "Je fais les vitres dans ta chambre et dans celle de papa, comme il y a du soleil."

"Essuie bien, sinon il reste des marques..."

"Bien sûr."

"Mais si tu te trouvais une brave femme..." elle insiste alors que je sors chercher de quoi faire les vitres.

Je lui réponds : "Ils n'en vendent plus au supermarché."

Un beau taurillon, plutôt qu'une brave femme ! Un comme ce Gian... Il fait plus mannequin que taurillon... pas grave. Mon premier mec, lui c'en était un, de taurillon ! J'avais seize ans, lui dix-huit. Fougueux comme un... Il baisait bien... et il se laissait prendre bien. Mais il savait pas sucer, j'étais meilleur que lui. Ça a duré un an, jusqu'à ce qu'il finisse le lycée.

Nos classes avaient gym à la même heure. Pendant qu'on faisait des agrès, ils faisaient du basket ou du volley, et vice-versa. Après ces deux heures, on allait se doucher ensemble, les deux classes.

Il s'appelait Rico... Teodorico, le pauvre... Mais quelle mec ! J'avais déjà compris que les mecs me plaisaient plus que les filles. Et ce Rico... un corps d'athlète, fort, musclé et une bite... à vous faire monter l'eau à la bouche. C'était très dur de ne pas garder les yeux rivés sur lui, tant en gym que, surtout, sous la douche.

Le prof, un ancien champion d'athlétisme, m'avait envoyé ranger des matelas dans la réserve.

"Qui m'aide ?" ai-je demandé à la cantonade, mais mes copains étaient déjà tous partis !

Et Rico s'est approché. "Moi. Allez, prends l'autre côté."

Dans la réserve, on empile les matelas. Je me tourne pour sortir. Il se met devant moi et il sourit. Je le regarde, interrogateur.

"J'ai vu comment tu me regardes, sous la douche." dit-il, toujours un petit sourire aux lèvres.

"Je te regarde ?"

"Oui... ma bite. Elle te plait, hein ?"

Je dis :"Laisse tomber !" nerveux.

Il me prend le bras, il met sa main entre mes jambes et il palpe. Je fais un saut en arrière.

"Putain, tu fais quoi ?" je lui demande...

"Allez, toi aussi tu aimes ça. Tu veux pas t'amuser avec moi ?"

"Mais tu es fou ? Si quelqu'un venait..."

Oui, il était vraiment fou... Il a glissé la main sous l'élastique de mon slip et il a palpé jusqu'à me la faire durcir... et même maintenant en me souvenant, je bande !

"Si tu viens chez moi, il n'y a personne, on fera des cochonneries !" me dit-il.

"Quoi ?" je lui demande, mais j'écarte sa main de mes joyaux de famille.

"Tout... pompiers et enculades, l'un à l'autre. Ça te dit ?"

Ce fut le début d'une année de folie. Rico, lui, il appelait ce qu'on faisait des cochonneries et, plutôt que gay, il disait pedzouille. Il avait aussi, chez lui, quelques magasines interdits, gays bien sûr. Certaines photos qui lui montaient à la tête me semblaient crades et à l'opposé, celles que je trouvais belles et romantiques lui plaisaient moins.

Une année scolaire. Lui et moi. Ça me suffisait. Il était toujours seul, chez lui. J'ai dû inventer des excuses pour rentrer plus tard que d'habitude. Mais pour rien au monde je n'aurais renoncé à ces trois baises hebdomadaires avec Rico.

Enfin, si quand il va faire ses courses, vendredi, ce Gian-aux-belles-courbes... si jamais il est d'accord et il vit seul... après les courses, je pourrais aller chez lui... ce serait super...

Je suis vraiment mal barré si j'en arrive à rêver de baiser avec un inconnu que je n'ai pas vu deux fois et qui a, comme principale qualité, du moins pour l'instant, qu'un cou à la courbure sensuelle...

Mais lui, il doit même pas s'être aperçu de moi. On a échangé deux regards, c'est vrai, mais comme ça, comme ça arrive à des milliers de personnes, comme on regarde un réverbère pour pas se le prendre, au moins de sa part. Mais moi, je rêve de... me le prendre !

C'est pas qu'il soit si beau... Mais si, il est beau... et il est Bon, avec un grand B... justement...

"Mariooo !"

Putain, il veut quoi, le vieux ?

"Oui ?"

"Fais-moi un café. Mets-y du sucre de canne, une cuillère. Et tourne-le !"

Il pourrait au moins le tourner tout seul, non ? J'y mettrais bien de l'arsenic à la place du sucre de canne !

"Yawhol, mein fürer !" je réponds à mi voix en retournant à la cuisine, furieux.

Je reviens avec la tasse de café et...

Un miaulement : "Maariooo..."

Maman. C'est quoi maintenant? Je cours, inquiet...

"Maman? C'est quoi? Tu as un problème?"

"Non... je voulais te dire que je me sens moins mal... Aide-moi à descendre, je vais m'asseoir un peu devant la télé..."

Mais putain, fallait que tu m'appelles avec ce ton d'agonie pour me dire que tu allais mieux? Bon, ça vaut mieux, je pense en soupirant. Je la fais descendre, je l'aide à mettre sa robe de chambre et je l'installe au séjour. Papa la regarde renfrogné.

"Tu fais quoi ici?"

Tant de gentillesse, papa!

"Je veux voir un peu la télé, Luciano..." dit maman, presque timidement, d'un ton de lamentation.

Papa lui tend en silence la zapeuse et se replonge dans le journal en nous ignorant. Maman allume la télé et commence à zapper. Je retourne à la cuisine en les laissant à leur "intimité"... Walou ! Intimité !

Téléphone.

Dès la première sonnerie... "Marioo ! Le téléphone !"

Mais putain, laisse-moi le temps d'aller répondre, papa, tu crois que je suis sourd !

"Maison Passadore !"

"Mario ! C'est Daniel. Je viens demain après-midi et je passe tout le week-end avec mes enfants !"

Eh, ne crie pas !

"Tu dors aussi ici dimanche soir ?"

"Oui, bien sûr ! Il suffit que je rentre lundi après midi !"

Lui aussi il doit me croire sourd !

"Tu viens en voiture ou en train ?"

"En avion ! Ils ont enfin mis une ligne directe. Tu viens me prendre à l'aéroport ? J'arrive à quinze heures dix-sept..."

"Oui... ça marche... J'emmènerai les petits, ils seront contents. Mais lundi matin je dois les emmener à l'école... tu repars quand ?"

"Onze heure vingt trois, il suffit que je sois à l'aéroport vers dix heures vingt. Tu peux m'emmener ?"

"Je crois, oui... Si on laisse Silvia à la maternelle à neuf heures, ça devrait le faire pour dix heures vingt à l'aéroport..."

"Super, petit frère ! Comment va maman ? Et papa ?"

"Comme d'hab."

Moi évidemment je vais bien, non ? D'ailleurs il me le demande pas. Je voudrais bien voir comment ils se débrouilleraient si je tombais malade !

"Tu es encore là ?"

Et où irais-je, hein ? "Oui..."

"Bon, alors on se voit demain. Embrasse papa et maman pour moi."

"OK, ça sera fait."

"Salut."

"Salut."

Pas le temps de poser le combiné que... "C'était qui ? Ils voulaient quoi ?"

"Daniel, papa. Il arrive demain après-midi et il repart lundi matin."

"Prépare son lit dans la chambre de Roberto..." gémit maman.

Oh, quelle nouvelle ! Si elle me l'avait pas dit je l'aurais fait dormir sur le plancher...

"Bien sûr, maman... Comme d'habitude..."

Ah... oui...

"Il a dit qu'il vous embrasse tous les deux..." je crie en retournant à la cuisine.

"Pareil..." geint maman.

Oui, maintenant je vais le rappeler pour lui dire que maman l'embrasse aussi...


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