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histore originale par Andrej Koymasky


LA CORBURE
DU COU
CHAPITRE 7
SURPRISE, SURPRISE ! SI ÇA C'EST PAS DU CUL...

Lundi 2 - 6 heures 00

... l'alarme anti-aérienne déchire l'air et nous nous précipitons dans les escaliers... Je trébuche, je me relève dans un bond... et je me retrouve assis sur mon lit avec ce maudit réveil qui me dit que c'est encore une journée identique qui commence.

Je me passe les mains sur le visage, comme pour m'assurer que je ne rêve pas ou ce serait plutôt un cauchemar... Je sors du lit et j'ai l'impression d'avoir le triple de mon âge. En marchant comme un zombie je vais à la salle de bain me laver, puis je décide que juste me passer de l'eau sur le visage au lavabo ne me suffit pas aujourd'hui. Alors je passe sous la douche... oui, là ça me réveille. Je me sèche et je vais me raser.

Je regarde mon corps nu dans le miroir. Il a l'air du corps sain et bien fait d'un jeune de vingt-cinq ans. Je me dis que je devrais peut-être faire un peu de gym pour lui donner du tonus... mais où je le trouve, le temps ? Si je ne devais m'occuper que des trois petits, ou seulement de maman, ou même si papa m'aidait un peu, peut-être...

Si le soleil tournait autour de la terre, ou si les animaux savaient parler... La vie, malheureusement, n'est pas faite de "si"... Je retourne dans ma chambre, m'habiller. Je fais mon lit, je vais à la cuisine préparer le petit déjeuner. Je sors acheter le journal de papa... Je devrais refuser et lui dire d'y aller lui, se l'acheter. Au moins ça, bordel ! Mais je n'ai pas assez de pêche pour commencer à me battre.

"Vous avez l'air fatigué, monsieur Passadore." me dit la femme du kiosque en me regardant l'air inquiète.

Je réponds par un sourire et un signe affirmatif du chef. Que puis-je lui dire ? Déverser sur elle tous les problèmes de la vie que je dois mener ? Je la remercie et je repars. À la maison. J'apporte les médicaments à maman. Comme presque toujours, elle est déjà réveillée. Je lui arrange les coussins.

"Tu as l'ait fatigué, Mario..." me dit-elle comme si elle se lamentait sur un nouveau malaise.

Je réponds par un sourire et je fais oui de la tête. Que puis-je lui dire ? Qu'elle a sa part dans ma fatigue ? Ce serait cruel. Et s'ils ne le comprennent pas tous seuls...

Je vais réveiller Laura. Je ne sais pas pourquoi mais ce matin elle me jette les bras autour du cou et me fait un petit bisou. Peut-être est-ce sa façon de me dire qu'elle a vu que j'étais fatigué dès potron minet...

"Fais se lever Silvia, je vais réveiller Roberto..." je lui dis.

"Oui, tontounet..."

Tontounet... Aucune des trois pestes ne m'avait jamais appelé tontounet. Bah ! Je vais réveiller Roberto.

"C'est déjà l'heure ?" il me demande d'une voix endormie, et il sort du lit en enfilant ses lunettes que je lui tends.

Je trouve Laura dans couloir.

"Tonton, Silvia est malade..."

Je vais vers sa chambre mais Laura me dit qu'elle est au cabinet.

Silvia est assise sur le siège et elle pleure. Je vois tout de suite que ce ces ne sont pas les larmes de caprice mais bien de douleur. Je m'accroupis devant elle.

"Qu'est-ce qu'il y a, Silvietta ?"

"J'ai mal à mon ventre... et j'ai mal à ma tête et... j'ai mal partout !" elle se lamente et me regarde comme pour me dire que cette fois-ci ce ne sont pas des histoires.

Elle m'attendrit. Je lui fais un câlin. "Tu as fait pipi ?"

Elle fait oui de la tête et elle renifle.

"Viens, retourne au lit et dis-moi bien où tu as mal... Toi, finis de te préparer, Laura, et occupe-toi de Roberto, s'il te plait..."

Je prends Silvia dans mes bras, je la ramène à son lit et je lui demande de me dire où ça lui fait mal. Elle se passe les mains sur tout le ventre et dit "ici". J'essaie de palper en lui demandant si là où je touche ça fait mal et, où que je la touche, elle me dit que oui.

"Silvietta, je conduis Laura et Roberto à l'école puis je t'emmène chez le docteur, d'accord ?"

Elle fait oui de la tête, puis demande : "Et il me fera une piqûre ?"

"Je ne sais pas, trésor. Peut-être que oui, peut-être que non..."

"Mais s'il me fait une piqûre, après j'aurais plus mal au ventre ?"

"Je pense que non, mais c'est lui qui dira s'il faut une piqûre ou non."

"Je n'ai pas envie de prendre le petit déjeuner, tonton."

"Bien sûr, je comprends. Reste ici tranquille, je reviens bientôt."

Elle fait à nouveau oui de la tête.

Je fais quoi ? Un coup d'œil à Laura et Roberto : ils prennent le petit déjeuner tranquilles. Je vais appeler le pédiatre des petits, le docteur Caetani. Message enregistré :

"Le docteur Caetani a arrêté son activité. Vous être priés de vous adresser à son successeur, le docteur Di Salvo..." puis adresse et numéro de téléphone. Je prends note.

J'appelle le docteur Di Dalvo. Autre message enregistré. Voix de femme :

"La cabinet est ouvert de neuf heures à midi trente les lundi, mercredi, jeudi et samedi ; et de quinze à dix-huit heures trente tous les jours du lundi au vendredi. Pour les urgences, appeler le ..."

Je prends note. Est-ce une urgence ? Mmhh. Il ouvre à neuf heures aujourd'hui... Il suffit sans doute que je l'emmène au cabinet, c'est à deux pas. Elle me regarde avec deux grosses larmes dans les yeux.

"Silvietta, ça fait tellement mal ?"

"Tellement tellement tellement, non..."

"Alors j'emmène Laura et Roberto à l'école, je rentre, je t'habille et je t'emmène chez le docteur."

"Caetani ?"

"Il semble qu'il est à la retraite. Chez le docteur Di Salvo, son remplaçant."

"Il est comment le docteur de Salvo ? Salvo m'a rien dit..."

"Salvo... qui ?"

"Ben, mon petit copain à la maternelle, non ?" dit-elle en reniflant.

"Non, trésor, il s'appelle Di Salvo, c'est son nom de famille... Je ne sais pas comment il est, mais si le docteur Caetani lui a donné toute sa clientèle, il doit être doué."

Je descends avec les deux survivants vers l'auto. Il me demandent ce qu'a Silvia.

"Je ne sais pas. Après je l'emmène chez le docteur." dis-je en démarrant.

"Ils vont la mettre à l'hôpital ?" demande Laura, préoccupée.

"Ils vont lui faire une opération au ventre ?" demande Roberto encore plus inquiet.

"Je ne sais pas, on verra ce que dit le docteur."

Je les laisse devant l'école. Ils entrent en se tenant par la main. Je rentre à la maison. J'avertis papa qui est à la cuisine et prend son petit déjeuner.

"Tu vois ? Je t'avais bien dit que ma petite Silvia ne faisait pas un caprice..." me dit papa. "J'espère qu'il n'est pas trop tard..."

Oiseau de mauvais augure.

"Si tu étais si inquiet, pourquoi tu ne l'y as pas emmenée toi, chez le docteur ?" je l'accuse à mon tour. "Bordel mais tu fais quoi, toi de tes saintes journées, à part penser à toi-même, hein ? Pour toi, s'occuper des enfants c'est juste leur faire plaisir, mais celui qui s'agite toute la journée, c'est moi, n'est-ce pas ?"

Il ne répond pas, il ne me regarde pas, il poursuit son petit-déj.

Je vais dans la chambre de Silvia, je l'habille, je lui demande comment ça va.

"Comme avant... j'ai mal au ventre..." elle se lamente.

"Allons-y..."

"Tu me prends pas dans tes bras ?"

Mais si, pauvre poussin. "Holà, comme tu deviens lourde ! Je parie que tu as mangé des cailloux, c'est pour ça que tu pèses tant et que tu as mal au ventre !" dis-je dans l'espoir de la faire sourire.

Elle pose sa petite tête sur mon épaule et met ses bras autour de mon cou : "Non... des cailloux j'en mange jamais, moi."

Je l'attache au siège auto et je pars. Je trouve l'adresse, c'est juste à trois rues. Je me gare, je prends Silvia dans mes bras, je ferme l'auto. Sur le porche ouvert il y a une plaque en marbre : "Dr Di Salvo - pédiatre - horaires..."

C'est à l'entresol, la porte est ouverte. J'entre. Une gentille jeune infirmière est derrière une espèce de minuscule comptoir.

"Bonjour !" dit-elle d'une voix vibrante avec un large sourire. "La petite était cliente du docteur Caetani ?"

"Oui..."

"Alors elle doit avoir un dossier. Elle s'appelle comment... la puce ?"

"Silvia Passadore."

Elle cherche dans son PC, regarde l'écran : "Oui. Bien. Le docteur vient tout de suite. Installez-vous dans la salle d'attente. Vous pourriez me décrire les symptômes ?"

"Douleurs au ventre. Diffuses, je crois, pas aiguës."

"Je vois. Merci. Installez-vous." me dit-elle d'un air professionnel en me montrant la porte.

J'entre. Il n'y a qu'une mère avec son garçon d'une dizaine d'années, qui essaie de monter quelque chose sur la table basse.

Tout est très neuf, très élégant mais sobre. La mère et moi échangeons un signe de salut. Silvia est toujours dans mes bras, silencieuse, la tête sur mon épaule. Quelques minutes passent.

Léger ding-dong et la voix de l'infirmière appelle : "Carlo Ribaudo, en avant..."

La dame se lève, pousse son fils en avant et me fait un salut de la tête. Ils sortent. Sur un mur quelques diplômes et certificats encadrés, les autres portent des posters de flore et de faune, multicolores, très beaux. Une caisse pleine de jouets dans un coin. À l'opposé une petite maison en bois, façon far west, pour les enfants. Une étagère basse pleine de bandes dessinées et de livres pour enfants. Ambiance sympathique.

Arrivent deux autres mères avec leur progéniture respective. Je regarde ma montre : neuf heures vingt-huit.

"Comment ça va, Silvietta ?" je lui demande à voix base.

"Mais si il me fait une piqûre, après j'irai bien ?"

"Peut-être qu'il ne te fera pas de piqûre. C'est le docteur qui décidera quand il t'aura vue."

"Pourquoi Caetaninou c'est plus lui ?"

"Parce qu'il est parti à la retraite, je crois. Alors maintenant c'est un docteur plus jeune..."

"Il est bien, vous savez ?" me dit une des deux mères, assise à côté de moi. "Vraiment très bien !"

"Bon.." je dis.

Ding-Dong... "Silvia Passadore, en avant..."

Je me lève et je retourne à l'entrée. L'infirmière me désigne une autre porte : "C'est là, installez-vous, le docteur vous attend."

Arrivé à la porte je nous annonce d'un : "Je peux ?"

"Bien sûr..."

On se regarde, bouche bée, tous les deux.

"Oh, Mario... Installe-toi. Alors, elle a quoi la puce ?" dit-il soudain, avec un sourire et un ton presque professionnel mais qui n'arrive pas à masquer sa surprise et, il me semble, son plaisir.

C'est Gian ! Sauf que là il porte une blouse blanche, immaculée, bien repassée. Quel coup de veine ! Gian est le nouveau pédiatre !

Je lui dis le peu que je sais des douleurs de Silvia. Il m'invite à la porter sur le petit lit et il fait sa consultation. Il me dit de rester près d'elle et de lui tenir la main. Il sait y faire, il plaisante avec elle, la fait parler, lui pose des questions loufoques... Me pose aussi quelques questions... et en les posant il me regarde avec un léger sourire. Léger, mais qui me fait frémir.

"Je ne savais pas que tu étais le nouveau pédiatre..." je lui dis.

"Et moi je ne savais pas que tu avais déjà une fille..."

"Non... c'est celle de mon frère... Il travaille à l'étranger... Je ne suis pas marié..."

"Ah, bien."

Bien ? Qu'est-ce qu'il veut dire par ce "bien" ? Et son sourire qui s'accentue ? Est-il possible que...

Il me dit que je ne dois pas m'en faire, il m'explique bien le problème, me donne une ordonnance, quelques conseils... Et il continue à me regarder avec ce sourire aux lèvres. Puis...

"Dis-moi, Silvia, tu l'aimes bien ton oncle ?"

"Oui, un peu..." elle répond.

"Comment, rien qu'un peu ? D'après moi... il faudrait que tu l'aimes beaucoup... Un oncle si beau et si gentil... moi je l'aimerais beaucoup et pas rien qu'un peu." lui dit-il en me jetant un coup d'œil qui me fait presque trembler...

"Oui mais il m'envoie toujours à la maternelle et il m'achète pas tous les jouets que je veux !"

"Aller à la maternelle c'est important, Silvia. Et personne ne peut avoir tout ce qu'il voudrait. D'après moi il fait bien, ton oncle... Et toi tu ne dois pas faire de caprices."

"Vous me faites pas une piqûre ?"

"Non, ce n'est pas la peine, cette fois. Allez, fais un gros bisou à tonton Mario... qui prend soin de toi. Il le mérite, non ?" dit-il, et il me regarde dans les yeux.

"Je lui fais après..." déclare Silvia, soulagée d'échapper à la piqûre.

"Et pourquoi après ? Moi je lui ferais tout de suite..." dit-il en me regardant, puis il ajoute : "si j'étais à ta place."

Silvia me fait le bisou. Gian sourit et approuve. On se lève. En continuant à nous regarder.

"Voila... maintenant j'ai ton adresse et toi la mienne..." me dit-il d'un ton anodin, démenti par son regard.

"Je... je n'ai que l'adresse de ton cabinet..." je lui fais remarquer.

J'ai l'impression qu'on flirte... Ou je me fais juste des illusions ?

"J'habite au dessus, au troisième... Et là..." dit-il en me tendant une carte de visite, "il y a aussi mon téléphone privé."

"Le mien..."

"Est dans le fichier de Silvia..."

"Pas celui de mon portable..." lui dis-je.

Il sourit, acquiesce, prend une feuille : "Dicte-le moi."

Je le lui donne. Il marque son numéro de portable sur une autre feuille et me la tend. Putain, c'est comme si on se donnait rendez-vous ! Mais se peut-il que...

"On se voit vendredi au supermarché ?" il me demande.

"Oui... Bien sûr..."

"Et... après... ça te dit de faire un saut chez moi ?"

Bingo ! Cette fois c'est vraiment un rendez-vous. Je me sens m'embraser, le feu court dans tous mes membres. J'acquiesce. Il sourit. Je souris.

"Bien. Silvia, je te recommande de toujours obéir à l'oncle Mario. Et tu verras que tu vas guérir très vite. Et dans deux jours tu pourras retourner à la maternelle."

"Il ne faut pas de certificat médical ?" je lui demande.

"Non, en dessous de trois jours c'est inutile. À plus, Mario..."

"Oui, Gian. Merci... pour tout."

Je sors et j'ai l'impression de voler et Silvia ne me paraît plus si lourde ! Toute la fatigue de ce matin a disparu d'un coup.

"Il te plait le nouveau docteur ?" je lui demande en l'attachant au siège auto.

"Oui. Et il est plus beau que Caetaninou. Et toi, il te plait, tonton ?"

"Il m'a l'air d'un bon docteur..." je réponds en m'asseyant au volant et en démarrant. "Maintenant je t'emmène à la maison puis je vais à la pharmacie acheter tes médicaments."

"Mais je dois rester au lit ou je peux jouer ?"

"Le docteur a dit que tu devais juste prendre tes médicaments et manger ce que je te prépare. Il n'a pas dit que tu devais rester au lit. Ça va comment, ton ventre ?"

"Comme avant... Pourquoi il a dit qu'il voulait te faire un gros bisou ?"

Oh putain, se peut-il que... "Mais non, Silvia, il a dit qu'à ta place il m'en ferait un tout de suite, pas que lui voulait m'en faire un... Enfin... S'il était Silvietta, il me le ferait tout de suite. Mais il n'est pas toi, alors... bien sûr que non, il ne voulait pas m'en donner un."

"Ah, j'avais mal compris..."

Oh ça je ne crois pas, ma petite Silvia... d'après moi il voulait dire exactement ce que tu as compris... Et ne le prends pas mal, mais j'aurais préféré qu'il me le donne lui, au lieu de toi... Et j'espère que la vérité est bien ce que tu as compris, pas ce que je t'ai expliqué...

Ou alors je me laisse trop aller au rêve, je laisse mon désir au volant ? Peut-être voulait-il bien dire ce que je t'ai expliqué ? Mais ses yeux... mais son regard... Et le rendez-vous de vendredi... et l'invitation à monter chez lui...

À la maison. Papa lève le cul de son fauteuil : "Alors ?" il me demande.

"Rien de grave. C'est juste une constipation d'intestins paresseux. Ça se soigne avec une paire de pastilles et un petit changement de diète."

"C'est à dire ?" me demande-t-il peu convaincu.

Je lis la feuille que m'a donné Gian : "Commencer la journée avec un petit déjeuner riche : pain complet ou biscottes, miel, confiture, céréales, café, lait ou yaourt au choix. À déjeuner, riz ou pâtes complets. Viande en petite quantité, rôtie ou au gril. Poissons ou mollusques bouillis. Beaucoup de légumes et de fruits crus ou cuits."

"Mais j'aime pas trop, plein de légumes, tonton..." proteste Silvia en faisant la grimace.

"Tu préfères une piqûre ou beaucoup de légumes ?"

Elle me regarde fâchée puis reconnaît : "Alors beaucoup de légumes..."

Je continue : "Au moins un litre d'eau par jour, ou de jus d'agrumes ou de fruits éventuellement dilué." Je lis toute la feuille que m'a donnée Gian. "Eviter les excès de sucre, le pain blanc, les pâtisseries et le chocolat. Eviter aussi frites, salamis, fromage, plats piquants, fruits secs, chocolat..."

"Et aucune piqûre !" déclare Silvia exultante.

"Pauvre Silvia..." déclare papa et il retourne s'asseoir au séjour.

"Pourquoi grand-père il dit pauvre Silvia ?"

"Parce que lui il aurait préféré la piqûre !" je lui dis, amusé.

"Il est un peu niais alors, grand-père !" déclare Silvia et elle va prendre ses jouets.

J'avertis que je descends à la pharmacie puis acheter ce qui manque pour la diète de Silvia. Je me dis qu'il serait plus simple et qu'il vaudrait mieux que je les fasse manger tous les trois comme Gian le prescrit sur cette feuille.

Gian ! Le nouveau pédiatre des petits ! Et vendredi... encore quatre jours... Voila pourquoi il fait ses courses le vendredi, jour de fermeture de son cabinet. Quelle veine que Caetani ait pris sa retraite ! Et qu'il soit son remplaçant.

Alors que je remplis mon caddie des produits à acheter, mon portable sonne. Bizarre, presque personne ne m'appelle jamais. Je sors mon portable, c'est un texto. Je le lis :

"Content de t'avoir revu. Gian."

Ouahou ! Je sens mon sourire s'élargir d'une oreille à l'autre. Je tape tout de suite la réponse.

"Dommage que vendredi n'est pas déjà demain... Mario."

Aucun autre message n'arrive... J'en ai trop "dit" ? Je commence à avoir des doutes : peut-être que tout ce qu'il attend de moi c'est juste de l'amitié, parce qu'il s'est installé il y a peu et qu'il ne connaît encore personne. J'essaie de me calmer. Facile à dire. Je me sens nerveux, tendu. Je repense à tout ce qu'il a dit, à comment il me regardait...

Quand je lui ai dit que je n'étais pas marié, il m'a paru content... S'il ne me voulait que comme ami, pourquoi ça lui ferait plaisir ? Et puis, cette histoire de bisou... Et en la sortant, c'est pas Silvia qu'il regardait, il me regardait moi... Et il m'a envoyé ce sms, sans doute entre deux patients, alors il pense encore à moi, à notre rencontre...

Il penserait encore à moi maintenant ? Il ne m'a même pas effleuré quand j'étais dans son cabinet... mais il n'arrêtait pas de me regarder et de sourire... un peu plus que professionnellement. Mais on ne s'est même pas serré la main...

Bah... vendredi il m'a demandé de passer chez lui quand on aura fini les courses, alors... ça sera la preuve par neuf, non ? Ce sera une déception ou ce sera... quoi donc ? On s'est vus combien de fois à ce jour ? Quatre ? Cinq ? C'est peu... ou c'est suffisant ? Et qu'est-ce que j'attends de Gian ? Et lui de moi ? Une bonne baise ou quelque chose de plus ? Au fond... on se connaît même pas encore assez pour penser à plus... Mais... je sens que j'aimerais qu'il y ait plus...

J'ai besoin de quelque chose de plus.

Mais lui ?

De quoi il a besoin, lui ?

Et moi, je peux lui donner quoi ? Mes névroses ?

Pourquoi avait-il l'air content que je ne sois pas marié, que je ne sois pas le père de Silvia ? Peut-être justement parce qu'il attend quelque chose de moi ?

Mon dieu, je deviens parano ! Et il faut attendre jusqu'à vendredi.

Et si... si je lui emmenais Laura demain pour un check-up général et après-demain Roberto et... mais non ! J'exagère vraiment, là. J'exagère ? Oui... peut-être.

Je rentre à la maison. Silvia joue, assise sur le tapis, devant papa qui lit le journal. Ils me jettent un coup d'œil et se replongent dans leur occupation respective. Je passe voir maman.

"C'est l'heure des médicaments ?" me demande-t-elle dans un filet de voix.

"Non, maman. Je te les apporte bientôt. Je voulais juste voir comment tu vas..."

"Et Silvia ?"

"Juste une petite constipation, sans doute due à l'alimentation, a dit le médecin."

"La vie n'est que souffrance..." déclare-t-elle d'un ton éploré.

Mais non... c'est aussi rencontrer Gian et rêver... Mais je ne peux pas le lui dire. Si j'avais rencontré une fille j'aurais pu en parler... Mais à part Daniel...

"Qu'as-tu ?" me demande maman.

"Rien... Qu'est-ce que je devrais avoir ?"

"Tu prépares quoi, à déjeuner ?"

"Je ne sais pas... il faut voir. Tu as envie de quelque chose, maman ?"

"Et de quoi donc ?" dit-elle comme une lamentation.

Je retourne à la cuisine. J'essaie de rassembler mes idées pour décider du menu. Aujourd'hui et demain il y a Silvia en plus, alors je dois surtout penser à ce qui lui fera du bien. Mon cerveau travaille sur deux niveaux : l'un pense à ce que je vais faire, l'autre continue à penser à Gian...

Mais si vraiment quelque chose devait se passer entre Gian et moi, comment faire pour être un peu avec lui ? Il faudrait réorganiser tous mes horaires pour m'accorder un peu de temps... Je le sens mal... Il me faudrait une heure de "promenade"... Même les prisonniers y ont droit, non ?

Oui, mais... à quel prix ? Au prix de me disputer avec papa ? Le soir, quand les trois monstres sont à la maison, dire à papa qu'il les garde et sortir moi ? Mais comment lui faire confiance ? Et puis, Gian travaille presque tous les après-midi, sauf samedi et dimanche et...

Non, s'il se passe vraiment quelque chose avec Gian, je ne me contenterais pas de le voir juste deux ou trois fois par semaine ! Je dois connaître ses horaires, revoir les miens, tout réorganiser...

Ne t'emballes pas, Mario ! Si ça se trouve il n'y aura rien de rien entre Gian et toi ! Attends vendredi et... qui vivra verra.

C'est bizarre : rien que penser qu'il puisse naître quelque chose entre Gian et moi ça m'excite ! C'est bon signe ou pas ?

Mais ça m'apporte aussi une douce chaleur... Je ne serais pas en train de tomber amoureux ? C'est pas un peu rapide ? Peut-être qu'il ne veut qu'un ami... Peut-être qu'il n'est même pas gay...

Mon dieu, quel foutoir en moi...

Mais quel beau foutoir !


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© Matt & Andrej Koymasky, 2015