Mardi 10 - 9 heures 10
Je ne sais pas si j'ai bien fait de venir chez Gian sans l'avertir ; ayant trouvé le porche ouvert en bas, je sonne directement à sa porte. Il ouvre. Le sourire par lequel il m'accueille éteint toutes mes craintes, toutes mes incertitudes.
"Viens..." me dit-il simplement et il me tend une main, la paume au dessus, pas pour me la serrer.
Je lui donne ma main et il m'attire dedans. Il ferme la porte dans mon dos, il me plaque contre la porte et il m'embrasse ! Je me sens mourir d'émotion. Ça m'excite tout de suite. Il le sent.
À voix basse il me demande : "Holà, je te fais cet effet ?"
Je me sens rougir, mais je sais que mes yeux brillent, et je fais oui de la tête... Il se presse brièvement contre moi, comme pour mieux sentir mon état, puis il m'emmène au séjour, sur le sofa, on s'assied et il m'attire tout contre lui.
"Je te dérange ?" je lui demande.
"J'ai l'air de quelqu'un qu'on dérange ? Non, au contraire. Je suis content que tu sois venu."
Et ses yeux le disent encore bien mieux que ses mots.
"J'ai plein de nouvelles à te donner... je ne pouvais pas le faire par téléphone et encore moins par texto..."
"Bonnes ?"
"Je crois que oui. Ça a été moins difficile que je ne croyais... Mais pourquoi donc ne m'y suis-je pas décidé plus tôt... Enfin... je sais pourquoi... pour toi, pour nous."
"Mais à quoi ?"
Je lui raconte la discussion au téléphone avec Daniel, mon ultimatum, puis ce que j'ai capté d'un appel de Daniel à papa, même si je n'ai pu entendre que ce que disait papa.
Gian, sur un ton démenti par ses mots, m'a demandé : "Mais si après ça ne marchait pas entre nous ?"
"Il fallait que je le fasse de tout façon, j'aurais dû le faire bien avant."
"Mais c'est ma faute..."
"Non, ton mérite... Je ne pouvais pas prendre le risque de te perdre... à cause de ma situation. Papa a fait plein d'objections, s'est fâché... il est encore vert. Daniel, j'ai compris, lui a dit qu'il devait chercher trois femmes qui couvrent les vingt-quatre heures à la maison et qu'ils partageraient les frais en deux. Et il a aussi dit que c'est moi qui dois les chercher et les choisir. Comme ça... j'aurai beaucoup plus de temps libre, Gian, pour toi... pour nous... et on pourra voir si ça marche entre nous, si..."
J'ai dit tout ça d'un trait, sans reprendre mon souffle, en ressentant une urgence incroyable.
"Mais alors... tu prends ça au sérieux..."
Je le regarde tellement stupéfait qu'il se met à rire.
Il continue : "... et ça me fait très, très plaisir. Moi aussi je veux prendre ça au sérieux, avec toi. Comme ça, on pourra passer plus de temps ensemble, se connaître mieux et, j'espère... nous sentir prêts à changer de vie, à en commencer une nouvelle, ensemble."
"Je n'ai pas encore trouvé les personnes qu'il me faut... Toi... tu ne saurais pas me conseiller quelqu'un ?"
"Je ne connais pas encore assez de monde ici... Tu pourrais passer une annonce, ou bien... Mais je peux demander à mon infirmière. Après tout, il ne te faut pas quelqu'un de spécialisé, mais juste de trois femmes qui fassent les travaux ménagers, et s'occupent de ta mère et des petits quand tu n'es pas là..."
"Et... si tu veux... parfois..." je commence, mais je ne sais pas pourquoi, je n'ose pas achever.
Mais il comprend vite et il termine pour moi : "Tu peux venir ici et on pourra passer la nuit ensemble..."
Je suis tellement ému que je ferme les yeux et je sens que je vais pleurer. Purée, je suis vraiment accroché... et tout ça à cause de la douce et sensuelle courbe de son cou ! Je vais pleurer mais je voudrais rire... Je me sens tout, complètement, joyeusement bouleversé. Et finalement je me lâche et je ris et je pleure, comme un imbécile.
"Holà, holà, holà, Mario..." il murmure.
Il me serre dans ses bras et il m'embrasse et se colle presque à moi. Je glisse le dos sur la banquette du sofa et il suit sur moi. Je le serre fort, presque convulsivement, pendant qu'il m'embrasse à fond, avec chaleur. Je sens son désir se réveiller, vigoureux et je tremble sous la force des sensations. Je sens mes tempes tambouriner, je manque presque de souffle, je ne pense plus à rien.
"Fais-moi tiens..." je murmure, à peine ses lèvres se détachent des miennes.
"Oui..." dit-il à voix basse et il me caresse le visage.
Je rouvre les yeux. Il essuie mes larmes.
"Tu sais que tu es magnifique, là ? Plus que jamais ?" il murmure.
"Oui je le sais... pour toi !"
Il se redresse et s'assied et me fais relever. Il me reprend dans ses bras et va pour m'embrasser, mais il s'arrête, ses lèvres presque contre les miennes et me demande : "Tu veux qu'on aille ailleurs ?"
"Où tu veux... ici, là, où tu veux, mais fais-moi tien, je t'en prie !"
"Tu ne dois pas me prier. Mais..."
"Mais ?" je lui demande, presque avec appréhension.
"Tu me crois si je te dis que... je suis en train de tomber amoureux de toi ?"
Je fais de vigoureux oui de la tête, et j'ai de nouveau envie de pleurer, mais je ne veux pas... je ne veux pas qu'il pense que je suis une pisseuse !
"Et que... moi aussi je voudrais tant être tien ?"
"Oui..."
Il soulève ma chemise et mon T-shirt et enfile ses mains en dessous et je les sens sur ma peau. Mon dieu que cette sensation est vive, belle... Puis me vient un doute...
"Tu voudrais... être mien ? Pas... tu veux ?"
"Je le veux, bien sûr. Mais on ne sait pas encore si... si on est fait l'un pour l'autre, même si j'espère que oui."
"Et... on ne pourrait pas faire en sorte de... devenir faits l'un pour l'autre ?"
Il me sourit. Ses mains continuent à explorer mon torse, sous les habits, et me font trembler. Je mets une main derrière son beau cou, l'autre sur sa nuque et je l'attire contre moi. On s'embrase encore. Mon dieu... je ne peux plus résister...
"Emmène-moi là-bas..." je murmure, ému.
"Viens..."
C'est tout juste si je m'aperçois qu'on s'est déplacés, je sais juste que maintenant nous sommes debout à côté de son lit et que ses mains ouvrent mes habits et j'ai l'impression de rêver. Mes mains se mettent à ouvrir ses habits. Bientôt je le verrai nu... et je lui donnerai ma nudité... Je n'ai jamais rien éprouvé de semblable, avec personne... Je sais qu'il est inutile de le lui dire, je suis sûr qu'il le sait.
J'enlève mes chaussures juste avec mes pieds. Je sors de mon pantalon, je ne sais pas comment. Lui aussi. Je ne peux pas encore le voir en entier, nous sommes trop près et je suis perdu dans ses yeux... Il me pousse sur le lit, il m'y étend... il me retire aussi les chaussettes... Je le regarde : dieu qu'il est beau ! Mes yeux courent de bas en haut le long de son corps, des genoux au visage.
"Je te plais ?" il me demande.
"Oui..."
"Toi aussi... tu es vraiment magnifique..."
"Viens..." je l'implore, en levant les bras vers lui.
Il s'étend sur moi et j'ai l'impression de brûler ! Ses doigts sont entrelacés avec les miens, à côté de ma tête. Ses bras sont sur les miens, sa poitrine contre la mienne, ventre contre ventre, bassin contre bassin, sexe contre sexe, ses jambes sont à côté des miennes...
Le léger duvet au centre de sa poitrine me chatouille à peine, très agréablement. Il ondule du bassin et nos sexes, dressés, chauds et durs, se frottent l'un contre l'autre. Je me sens au paradis mais je sais que ce n'est là qu'un petit avant-goût... que le meilleur reste à venir.
Il m'embrasse encore, profondément. Je sens dans ma tête comme un écho, comme un chuchotement qui résonne dans une pièce vide... Je me concentre... je veux "entendre"... et je l'entends, de plus en plus clair : je t'aime, je t'aime, je t'aime...
Je me demande s'il entend lui aussi, comme moi. Il me semble impossible qu'il en soit autrement. Mais j'ai un peu peur de le lui demander. Me vient un doute : ça lui plaira de faire l'amour avec moi ? Je serai à la hauteur de son attente ? de ses désirs ? de ce dont il a besoin ?
Il soulève un peu la tête et me regarde dans les yeux. Ces yeux ! On dirait deux pierres précieuses ! On dirait que deux étoiles brillent en eux. Il remarque mon court égarement.
"Qu'est-ce qu'il y a, Mario ?" il me demande doucement.
"J'ai peur de... de te décevoir..." je murmure.
"De me décevoir ?"
"Oui... physiquement..."
"Pourquoi ? Moi non. Je n'ai pas peur d'être déçu avec toi... par toi."
"Je mourrais d'impatience d'être ici... avec toi... comme ça... mais maintenant..."
"Tu veux qu'on arrête ?"
"Non !"
J'ai presque crié. Il a souri.
"Et alors ?"
"Tu me veux ?"
"Oui..."
Il soulève à peine le bassin et il place ses jambes entre les miennes qu'il me fait écarter. Alors je les ouvre, les soulève et les lui serre autour de la taille.
"Fais-moi tiens..." je l'implore.
"Oui... attends..." il essaie de se relever à genoux et je dois desserrer la prise de mes jambes.
Nos mains se lâchent. Il se penche vers la table de nuit. Je vois qu'il a pris un préservatif. Je lui retire le sachet des mains.
"Je te le mets moi..."
Il me sourit et accepte. Mais je pose le sachet à côté de moi, je me redresse pour m'asseoir, je prends délicatement son beau sexe dans les mains et je commence à le couvrir de baisers... Je respire son odeur virile. Aucune odeur de bain moussant, de déodorant, de parfum coûteux et raffiné, rien que du naturel. Ça sent... Gian ! Je me sens totalement enivré.
Je commence à le lécher... il est chaud, lisse, doux... je le sens frémir... j'en découvre la pointe et je la lèche. Gian lâche un petit soupir... Je ferme mes lèvres dessus et je commence à le faire glisser entre, lentement, lentement... Il me caresse les cheveux... Je mets mes mains sur ses fesses et je l'attire contre moi jusqu'à ce que mon nez presse contre ses poils pubiens et que son gland atteigne ma gorge.
Je m'arrête un instant, je respire encore sa bonne odeur, puis je commence à bouger la tête d'avant en arrière. Je sens ses muscles fessiers se contracter sous mes mains... de plus en plus vite, avec force, et un petit gémissement accompagne sa respiration.
Alors je m'écarte, j'ouvre le sachet, je lui mets le préservatif, je m'étends de nouveau et je remonte mes jambes sur la poitrine, en m'offrant à lui avec un sourire plein d'attente.
Le voila... il va... oui... il pousse... il est chaud... fort... oui... je m'ouvre sous sa poussée, virile et mesurée... je l'accueille en moi... oui... il entre... il entre... il me remplit... il me... fait... sien ! Sien ! SIEN ! Il entre... il entre... il entre... Je sens ses poils pubiens effleurer mes fesses... presser, se souder... et il est tout en moi !
Il arrête de pousser. Il me sourit. Il entrelace encore nos doigts, en appuyant mes mains contre l'oreiller derrière ma tête et, enfin, il commence à bouger en moi et maintenant je me sens vraiment au paradis ! Il me fait sien... sien... sien...
Mais comment peut-il être si beau, mon Gian ? Et comment cela peut-il être si bon de faire l'amour avec lui ? Son expression est intense, son sourire léger mais sensuel, ses yeux ne quittent pas les miens.
Non... cela n'est pas... baiser. Cela c'est être... un ! Toutes mes expériences antérieures s'affadissent dans ma mémoire, une à une, à chaque poussée. Non cela n'est pas baiser. C'est vraiment faire l'amour. Hein, Gian ? Pas vrai, Gian ? Dis-le moi...
"Je t'aime..." murmure-t-il la voix cassée.
Il a entendu ma demande... il m'a répondu... Ce n'est pas un miracle, ça ? Moi aussi je t'aime, Gian ! Mais je n'arrive pas à le dire, j'ai comme une boule dans la gorge, tant je suis ému. Alors je demande à mes yeux de te le dire, de ma part.
"Moi aussi je t'aime, Mario..." il murmure en réponse à mon regard qu'il a évidemment compris.
Oui, je le sais, je le sens, c'est tout son corps qui me le dit. Je me sens si heureux ! Je voudrais tant être en mesure de te donner... tout ! Mon être, ma vie, mon amour. Tout, oui, bien au delà du plaisir qu'on se donne l'un à l'autre.
Je le sens se raidir et je comprends qu'il va... oui... le voila... il se tend, son visage paraît s'illuminer, son regard devient brûlant, ses mains serrent presque convulsivement les miennes et il me donne son essence, sa semence qu'il dépose au fond de mon corps accueillant...
Il s'arrête, tremblant. À mesure que sa tension se dissipe, son visage se colore d'un sourire tendre. Il redescend sur moi, sa poitrine contre la mienne, ses lèvres cherchent les miennes. Nos mains se lâchent et courent caresser doucement le corps de l'autre. Il relève le visage et me regarde. Son sourire est radieux.
"Je savais que... ce serait... beau... mais je n'aurais pas cru possible... que ça puisse être... si beau !" il murmure et sa voix porte de la joie et de la stupeur.
Il se détache de moi, lentement, et je voudrais le retenir... Je voudrais que notre contact, notre union, ne cesse plus. Je crois qu'il lit dans mes yeux tout ce que j'éprouve. Il me sourit, tend la main et prend un autre préservatif, me le montre en souriant doucement.
"Et maintenant... Je veux t'avoir toi, en moi !"
On change de place sur le grand lit confortable. Il me caresse puis descend embrasser mon sexe. Il le manipule avec délicatesse et chaleur et je sens qu'il glisse dessus le latex translucide. Il s'étend sur le dos et m'attire sur lui. Il me sourit, tentateur, invitant.
"Allez..." il m'incite, et il s'offre avec une expression heureuse.
Je lui passe les mains sous les genoux, le fais se soulever et je m'appuie contre lui. Il tend la main entre nos corps et il me guide et me tient en position pendant que je commence ma douce et passionnée poussée. Il s'ouvre sous moi, pour moi et il m'accueillit. Je descends en lui, lentement mais irrésistiblement. Il retire sa main et me serre le dos. Je suis entièrement en lui. Une douce chaleur irradie de lui vers tout mon corps.
"Allez..." me murmure-t-il encore en bougeant doucement le bassin.
Même s'ils n'ont pas été nombreux, ce n'est pas la première fois que j'ai devant moi un garçon qui me veut en lui, pourtant... pourtant là ça me paraît comme la première fois. Je me retire lentement de lui et j'avance de nouveau, fermement. D'un petit signe de la tête il me dit le plaisir que je lui donne. Ses doigts me caressent la poitrine, le ventre pendant que je continue mon va et vient en lui.
Je ne pense plus à rien, l'émotion est trop forte. J'abandonne la communication à nos corps qui se disent ce que nous ne saurions pas exprimer autrement. Je sens qu'une étoile brille sur cette rencontre, comme un diamant pur. Je sens que Gian est né pour moi et moi pour lui. Je sens que... que nous célébrons notre union, plus, notre unité, notre unicité... Je retiens mon souffle... un long frisson me fait trembler... sursauter et enfin je lui donne mon essence.
Il me tire contre lui et m'embrasse tendrement, passionnément, il me caresse le dos, m'enveloppe de ses bras et de ses jambes. Je me détends lentement, secoué de temps en temps par un doux frisson. Il fait tourner un peu nos corps, encore unis, jusqu'à être tous les deux sur le côté. Nos lèvres se séparent et je lâche un long soupir de bonheur. Je me sens vraiment heureux.
"Je suis tien !" murmure-t-il, et je m'égare dans ses yeux souriants.
"Oui... et moi à toi."
"Je ne pensais pas que ça pouvait être si beau..."
"N'est-ce pas ?"
Il me caresse les cheveux et passe les doigts dedans. Il me sourit. Je voudrais lui dire mille choses, mais je sens que le silence en dira plus que les plus belles phrases.
"À quoi penses-tu ?" il me demande.
"À rien. Je laisse mon corps jouir de la proximité du tien..."
"Tout est arrivé si... tellement en hâte..."
"En hâte ? Il me semble au contraire que... que nous avons même trop attendu. Il s'est passé un mois depuis la première fois que je t'ai vu au supermarché... que je me sens attiré par toi."
"Bah... un mois ce n'est pas beaucoup."
"Trop hâtif, d'après toi ?"
"En fait, non. Qu'est-ce qui t'a attiré, la première fois que tu m'as vu ?"
"La courbe de ton cou... depuis la nuque elle disparaît sous le col de la chemise... si sensuelle..." je lui dis, ça me paraît idiot, et pourtant il en est ainsi.
Il sourit : "La courbe de mon cou est sensuelle ?"
Je fais oui. "J'ai ressenti l'envie de t'embrasser là, de te mordiller, de te faire un suçon..."
"Tu ne l'as pas encore fait..."
"On a fait... mieux, non ?"
"Aucun doute. Où étais-tu caché ?"
"Moi je ne me cachais pas, c'est toi qui est en ville depuis peu." je lui fais remarquer, en souriant.
"Quand le docteur Caetani a décidé de prendre sa retraite et qu'il m'a proposé sa succession... j'ai hésité un peu parce qu'ici c'est un peu en périphérie, même si la périphérie élégante de la ville. Puis je me suis dit que ça valait quand même mieux que de rester dans mon bourg. Et si j'avais su que ça me vaudrait de te rencontrer, je n'aurais pas hésité un instant."
Je souris. "Il faut que je trouve fissa les aides pour mes parents et les trois petits. Il faut que je trouve le moyen de te donner tout le temps que tu veux..."
"Moi je le voudrais en entier, ton temps... mais j'attendrai."
"Je vais me libérer, n'en doute pas."
"Je n'en doute pas."
"Mais après... tu ne vas pas te fatiguer de m'avoir tout le temps dans les pattes ?"
"Pourquoi ? Je devrais ? Est-ce que je me fatigue de m'avoir moi tout le temps dans les pattes, hein ?"
Ses doigts continuaient à jouer dans mes cheveux. Puis, un peu préoccupé, je regarde ma montre.
"Tu dois y aller ?" me demande-t-il dans un murmure, comme craignant ma réponse.
"D'ici peu, malheureusement. Ils dépendent encore trop de moi. Papa ne saurait pas cuisiner, pas même un œuf à la poêle. Mais tu verras, les choses vont changer."
"Si... non, quand tu trouveras les aides... tu voudrais habiter ici avec moi ?"
"Je crois que oui, même si je devrai continuer à m'occuper de la famille. Si Daniel arrivait à rentrer ici, ce serait plus simple."
"Et tu dirais quoi à tes parents ? Ils ne savent rien pour toi, n'est-ce pas ?"
"Je ne sais pas. Je verrai. Seul Daniel sait pour moi. Lui comprendra. Pour papa... peu m'importe. Quant à maman... elle aura une raison de plus de se lamenter sur sa vie. Ajoutée au millier qu'elle s'est déjà trouvées... ça ne changera pas grand chose."
J'ai dû partir. En se rhabillant on continuait à se regarder et à se sourire. Sur le pas de la porte, il m'a de nouveau pris dans les bras et embrassé.
11 heures 55
Je suis rentré à la maison. Je suis allé voir comment va maman : comme d'habitude. Papa m'a accueilli par un "Je croyais que tu n'avais pas de montre."
Je lui ai lancé un mauvais regard mais je n'ai rien dit. Je suis allé à la cuisine commencer à préparer le repas. Papa est venu chercher de l'eau et les médicaments de maman. Il y a une forte tension entre nous. Aucun chef n'aime perdre le pouvoir ! Il revient reposer le verre.
"Qu'as-tu fait toute la matinée ?" il me demande.
"Et toi ?" je lui répond d'un ton ironique.
"Je n'aime pas avoir des étrangers à la maison."
"Ne dis pas de bêtise ! J'ai toujours été un étranger pour toi. Tu ne t'es jamais occupé de moi. Et, tu vois, pour me remplacer, il vous faut trois personnes, et ouvrir le portefeuille. Peut-être que maintenant tu vas commencer à apprécier ce que j'ai fait pour vous ces trois dernières années. De toute façon, Daniel et moi en avons décidé ainsi."
"Vous ne m'avez même pas demandé ce que j'en pensais."
"On le savait déjà ce que tu en penses. De toute façon... c'est à prendre ou à laisser. La discussion est close. J'ai décidé que j'ai le droit de faire ma vie et je ne reviendrai pas là-dessus."
"On... on met des fils au monde pour se faire claquer la porte au nez..."
"Ah... des fils, tu dis ? Oui. Mais tu espérais avoir mis au monde des esclaves, pas des fils. Daniel oui, lui a fait sa vie. Maintenant c'est mon tour."
"Tu voies une fille ?" il me demande.
Je ne lui réponds pas. Ce n'est pas encore le moment de lui dire que je vois un homme ! Une chose à la fois.
"C'est toujours la faute des femmes..." il ajoute.
"Quoi donc ?"
"Elles déchirent les familles, elles dressent les enfants contre leurs parents... Même Giulia..."
"Elle est morte. Laisse la en paix. D'autre part toi... toi qu'as-tu jamais fait pour la famille, à part accumuler les sous et..."
"J'ai travaillé comme un fou pour vous donner ce confort."
"Mais tu ne nous as pas donné ce qui compte le plus, ni à Daniel ni à moi... ni à maman. Ce n'est pas le confort le plus important. C'est le respect, au moins, si non l'amour. Deux choses que tu ne connais pas, pauvre papa !"
"L'homme doit travailler pour apporter de l'argent à la maison, la femme doit s'occuper de la famille."
J'ai un rire amer : il ne se rend pas compte de ce qu'il raconte ? "Tu sais, je m'appelle Mario, pas Maria. Et puis tu retardes d'au moins deux générations. Le monde change... Va regarder ta télé bien-aimée, papa, va et laisse-moi tranquille."
Il s'en va. Il a l'air bossu. Il se sent vraisemblablement victime de son ingrat de fils... Dommage pour lui. Comme il ne peut plus faire le chef, maintenant il fait la victime. Oui, dommage pour lui.
Je mets la table. Je vais chercher maman.
"Mario..." elle gémit pendant que je l'aide à sortir du lit, "... c'est vrai que tu veux quitter la maison ?"
"Je n'ai jamais dit ça... mais en fait ce n'est pas exclus. Mais avant, je dois trouver les aides."
"Mais au moins... tu viendras me voir, quelques fois ?"
"Bien sûr."
"Ton père est furieux contre toi... et contre Daniel."
"Je sais. Et toi ?"
"Moi... moi j'attends seulement que le seigneur m'appelle là-haut. Je suis fatiguée de me traîner dans cette vallée de larmes. Je ne sers plus à rien ni à personne."
C'est sa façon de faire pression sur moi : se lamenter, me faire remarquer quelle malchance est la sienne... Me faire porter ses maux réels et imaginaires. Je voudrais lui demander pourquoi elle a épousé quelqu'un comme papa. Parce qu'il en a fait sa servante avant de décharger le fardeau sur mes épaules. Mais je ne dis rien. Elle ne saurait sans doute pas me répondre, peut-être ne le sait-elle même pas elle-même.
Quelle famille non-famille que la nôtre ! Et à part moi, il y a aussi les trois petits à en payer le prix. Leur père au loin, leur mère morte, la grand-mère qui ne peut plus s'occuper d'eux, le grand-père qui croit que leur faire risette suffit, mais qui ne bouge pas un doigt pour eux.
Daniel doit reprendre la responsabilité de ses enfants. Je dois lui faire comprendre qu'il ne suffit pas d'envoyer de l'argent pour eux, mais qu'ils ont aussi besoin de lui, de son affection. Sinon il risque de devenir comme papa. Je dois le faire, pour les trois petits monstres... Il ne doit pas croire qu'il suffit de me remplacer par une baby-sitter.
Bien sûr, je veux m'en aller, mais je ne le ferai que quand j'aurai organisé les choses.
J'ai eu de la chance de rencontrer Gian... je me dis pendant qu'on commence à manger, en silence, comme toujours quand les trois poussins ne sont pas avec nous.