ON NE S'EST JAMAIS DIT "JE T'AIME" |
CHAPITRE 6 Sans avoir à dire un seul mot |
Enfin la neige était arrivée et avait couvert tout avec son manteau épais. Ils avaient dû commencer à aller distribuer le foin aux animaux sauvages, pour les maintenir en vie sans problèmes. Marcher sur la neige épaisse, même s'ils utilisaient une sorte de raquettes rudimentaires, raquettes en bois et corde solide, était fatigant, même si ils utilisaient l'âne pour transporter de grosses balles de foin. Quand ils revenaient à la tour sarrasine, ils étaient tous les deux transis. Ils allaient immédiatement dans la petite cuisine, allumaient le feu pour se préparer des boissons chaudes, à base de fines herbes et d'eau de vie, et pour se réchauffer, et seulement quand ils commençaient à se sentir un peu mieux, ils ôtaient le manteau et la veste. "Là-haut aussi dans la mine, l'hiver c'était un problème pour se déplacer, sauf que dans les entrailles de la terre il fait nettement moins froid." dit Libero un soir, après qu'ils eurent mangé leur frugal repas. "À la campagne, quand il neige, on restait tout simplement dans la maison, ou on travaillait dans l'étable, où, grâce aux vaches c'était moins froid. Donc, la neige ne posait pas trop de problèmes." "Le problème est qu'ici pendant la journée, il n'y a certainement pas assez de soleil pour chauffer l'intérieur de la tour. Pendant la nuit, malgré le brasero sous le lit, on gèle, surtout le matin. De toute façon, même si je suis fatigué, j'aime quand nous devons aller dehors sur la neige." "C'est juste une question d'habitude..." "Et j'aime les arbres, à part les conifères, complètement dépouillés, tous noirs, avec la couche blanche de neige sur les branches... il apparaît comme un mystérieux dessin. Mais la neige couvre certainement les odeurs. La neige n'a pas d'odeur, en effet elle cache tout. Alors, quand on vient ici dans la cuisine, toutes les odeurs semblent plus fortes que d'habitude." "Et où nous dormons, quelle odeur il y a ?" lui demanda Alfredo, légèrement amusé. "Notre odeur, la tienne et la mienne, mais vraiment si faible que c'est difficile à sentir. Puis l'odeur des feuilles sèches de palettes, l'odeur de vieux bois et de la pierre." "Je n'ai jamais réussi à sentir l'odeur de la pierre..." dit Alfredo. "Oh, à la mine certainement qu'on la sentait, et comment ! Et même les odeurs des différents types de pierre. Et lorsque tu la romps, l'odeur devient plus forte, nette, pénétrante. Ici dans le donjon, l'odeur de la pierre on peut à peine la sentir car ce sont de très vieilles pierres. Et ici, dans la cuisine, on ne peut pas sentir l'odeur de la pierre, car les odeurs de la nourriture et du feu sont trop fortes et la couvrent." Alfredo pensait que Libero était plus bavard que d'habitude et se demandait de quoi cela pouvait dépendre. Il avait aussi remarqué que ses yeux le cherchaient souvent, mais dès que leurs yeux se rencontraient, Libero immédiatement détournait ses yeux... presque comme embarrassé. Pourtant, se dit Alfredo, plusieurs jours étaient passés après ce seul, bref baiser qu'il lui avait volé. Il pensait que le compagnon avait dépassé, ce que, en lui-même, Alfredo définissait comme un «accident». "Qu'en dis-tu si nous allons dormir ?" lui demanda Libero à un certain moment. "Oui, préparons les braseros." répondit-il, en se levant. Quand ils furent dans la pièce avec leurs lits, Libero, debout au centre de la pièce, entre leurs lits, dit avec hésitation : "Il fait vraiment froid, plus que d'habitude..." "Oui." "Je pensais que... si nous essayons de... si nous mettons les deux braseros sous un seul des deux lits et... et si nous mettons ensemble nos couvertures... on sentirait certainement moins le froid. Tu ne crois pas ?" Alfredo le regarda, surpris : il ne s'attendait pas une telle proposition. Mais immédiatement il répondit : "Ça me semble une bonne idée. Le tien ou le mien, de lit ?" "Cela ne change pas, il n'y a pas de différence. Le mien..." "D'accord." dit Alfredo. Ils posèrent les deux braseros sous le lit de Libero, puis Alfredo alla à son lit, prit la couverture et alla l'étendre sur celle du camarade. Il éteignit sa lanterne et la plaça à côté de l'autre sur la caisse de Libero. Ils se déshabillèrent rapidement, en se tournant presque le dos, et en restant avec seulement les sous-vêtements en laine, ils s'enfilèrent agiles sous les deux couvertures. "J'éteins ?" demanda Libero et avant qu'Alfredo puisse répondre, il se pencha hors du lit et éteignit sa lanterne. Ils plongèrent dans l'obscurité. Alfredo sentit le camarade se retourner, et se mettre un peu contre lui, en l'effleurant à peine. Il se sentait presque tourner la tête et il sentit également qu'il lui venait une forte érection. Puis lui aussi se tourna sur le côté, en tournant le dos à son compagnon. La chaleur commençait à suinter de sous le lit à travers le matelas de feuilles sèches. Il sentit le souffle de Libero, léger, sur sa nuque. Puis il entendit Libero bouger, avec un léger craquement de feuilles sèches, et il en sentit le corps adhérer au sien... et il sentit son érection pousser contre son cul, à travers le tissu de leurs vêtements. Alfredo retint le souffle, surpris, tellement excité qu'il en tremblait presque, se demandant ce qu'il devait faire. Libero pressa un peu plus fort contre lui. Alfredo alors poussa en arrière avec ses fesses, mais se déplaçant juste assez pour sentir mieux l'érection qui pressait contre lui. Il pensait qu'il ne l'avait jamais vu nu... qu'il ne savait pas si il l'avait grand... s'il aurait pu le prendre sans problèmes... Parce qu'il était clair que c'était ce que voulait faire Libero. Il se demanda s'il devait se baisser les culottes de laine, s'il devrait pousser les mains en arrière pour le toucher là... il ne savait pas quoi décider. Mais il n'eut besoin de prendre aucune décision. Les mains de Libero saisirent la ceinture de sa culotte et la força vers le bas, sans rudesse, mais déterminé. Alfredo sentit une bouffée de chaleur l'envelopper... et ce n'était pas à cause des deux braseros sous le lit... Il souleva un peu le bassin et Libero réussit à lui descendre les culottes presque jusqu'aux genoux. Et il sentit le membre nu, dur, chaud du camarade frotter contre ses fesses nues. Alfredo poussa en arrière encore un peu, comme pour sentir mieux la texture ferme de ce membre dur qu'il voulait en lui ... Il ne pouvait pas en comprendre la taille... il était grand ? petit ? moyen ? Il était de toute façon agréablement chaud et agréablement dur... Il sentit les mains de Libero sur ses fesses, les palper, caresser, les écarter un peu comme il essayait d'y pousser dans le milieu son bâton dur. Il sentit qu'une main le laissait, se déplaçait sous les couvertures et il se demanda ce qu'il faisait... Puis la main revint et sentit ses doigts le tâtonner, mouillées avec la salive, il comprit tout de suite, jusqu'à ce que elles trouvent le trou. Et enfin, le membre de Libero, en suivant les traces de ces doigts mouillés, se posa sur la rosette de son trou. Et il commença à pousser. Alfredo se détendit tant qu'il le pouvait, en se préparant à la prochaine invasion. Il se sentait comme ivre. La pointe chaude du membre dur augmenta la pression progressivement. Il sentit son sphincter céder, se desserrer pour accueillir l'agréable surprise... Quand il commença à le pénétrer, Libero laissa échapper le premier bruit depuis qu'ils étaient dans le lit, un court "ahh" que Alfredo ne pouvait pas dire si c'était de plaisir, de victoire ou de surprise. Il poussa un peu en arrière, pour donner plus de force à la poussée du compagnon. Et il le sentit commencer à glisser dans lui, lent mais inexorable. Il retint de nouveau son souffle. Il ne lui donnait aucune gêne, bien qu'il était en train de le dilater, de le remplir : il n'était certainement pas petit, mais quand même pas trop grand pour lui. Il le prenait sans aucun problème et même avec un plaisir léger, mais de plus en plus fort. Une main de Libero glissa sous le côté et se posa sur sa poitrine, l'autre l'encercla comme dans un câlin et se posa sur son ventre, et il tira le corps d'Alfredo contre le sien, comme il continuait à se pousser en lui. Bien que pour Libero c'était la première expérience sexuelle, il semblait savoir naturellement comment et quoi faire... sans la moindre hésitation. Lorsque le pubis de Libero fut fortement pressé contre ses fesses et qu'il ne lui fut plus possible d'avancer d'un seul millimètre, le jeune homme arrêta de pousser et laissa échapper un léger mais long soupir. Alors, d'abord lentement, presque avec précaution, il commença à reculer et à la repousser dans un calme va et vient. Alfredo aurait voulu lui dire d'y mettre plus d'énergie, de bouger plus rapidement, mais il resta silencieux, comme s'il craignait de rompre ce qui lui semblait être un miracle, un enchantement. Il pensa qu'il valait mieux le laisser faire... Peu à peu, les mouvements de Libero se firent plus sûrs, plus déterminés, et ainsi le plaisir d'Alfredo augmenta rapidement. Il posa ses mains sur celles de Libero, comme pour lui dire que tout allait au mieux. Le souffle du camarade sur son cou devint plus court mais plus fort en trahissant l'augmentation du plaisir qu'il éprouvait pour la première fois dans sa vie. Les poussées de Libero devinrent plus courtes et plus fortes, désordonnées. Alfredo le sentit trembler, le serrer à lui avec une plus grande vigueur, il le sentit se raidir pendant qu'il se poussait dedans avec toute son énergie et qu'il émettait un léger, modulé, long gémissement de plaisir. Et soudain, il le sentit se détendre, en haletant profondément. Ils restèrent ainsi, immobiles, toujours intimement unis. Alfredo n'était pas venu, son membre palpitait, mais il ne s'en souciait pas, car c'était bien ainsi... Il avait finalement eu, quand il l'attendait le moins, ce qu'il désirait : il avait fait du sexe avec Libero ! Il sentit que le souffle du camarade se calmait, ses mains, qui n'avaient pas bougé du ventre et de la poitrine, desserrèrent leur prise. Et après un moment il réalisa, par le rythme de la respiration du camarade, que celui-ci s'était endormi. Alfredo sourit et ferma les yeux... qui bien qu'il les ait gardés grands ouverts, ne lui permettaient pas de voir quoi que ce soit dans le noir parfait de la pièce. Il sentit le membre de Libero s'assouplir et se retirer, tout seul, de son trou. Alors, lui aussi, glissa lentement dans un bon sommeil, un sourire satisfait sur son beau visage, profitant de la chaleur du corps du camarade toujours appuyé contre le sien. Quand au matin, il se réveilla, il s'aperçut être seul sur le lit du copain. Il avait encore les culottes sur ses genoux. Il les remit en place et s'assis. Il explora avec le regard la pièce en pénombre : elle était vide. Il descendit du lit, en s'étirant voluptueusement. Il ne s'était jamais senti aussi bien ! Il prit ses vêtements de la caisse à côté du lit et les mit. Il sortit dans la cour et entra dans la cuisine, pensant y trouver Libero, mais la cuisine était vide et le feu pas encore allumé. Il tourna les autres zones de la tour sarrasine : il n'y avait aucun signe de Libero. Un peu étonné, il sortit de la tour, dont la porte était entrouverte. Dès qu'il franchit le seuil, il vit Libero. Il était debout, tournant le dos à la tour, et regardait vers le bas, dans la vallée, immobile, et fumait une cigarette. Il ne l'avait jamais vu fumer si tôt dans la matinée. Il hésita sur le seuil, puis alla vers le camarade, silencieusement. Ses pas sur la neige gelée provoquaient un craquement léger. Libero tourna la tête, le regarda avec son expression sérieuse habituelle et lui fit un signe de la tête, murmurant un "Bonjour" à voix basse. "Tu ne viens pas dedans pour le petit déjeuner ?" demanda Alfredo, en essayant de parler d'une voix normale, mais malgré lui dans un chuchotement. "Oui, je viens. J'attendais que tu te réveilles." "Es tu éveillé depuis longtemps ?" "Non, pas beaucoup. Je me suis lavé la figure et j'ai fumé..." dit-il d'une voix faible, mais en éteignant tranquillement sa cigarette sous la chaussure. Ils allèrent à l'intérieur, dans la cuisine. Alfredo alluma le feu alors que Libero préparait le café. Ils mangèrent le petit déjeuner, en parlant seulement de ce qu'ils avaient à faire ce jour-là... comme si rien n'était arrivé pendant la nuit. Pourtant Alfredo savait, il sentait, il était certain qu'aussi Libero, comme lui, n'avait en fait rien d'autre dans sa tête. Il se demanda comment le camarade était en train de réélaborer en lui ce qui était arrivé. Il se demandait d'ailleurs si celle-là serait la seule fois ou la première de beaucoup... comme il espérait. Mais qu'est-ce qu'espérait, que voulait Libero ? Il aurait eu envie d'en parler avec lui, mais il se dit qu'il valait mieux attendre que ce soit à Libero à le faire en premier, de sorte qu'il se serait réglé en conséquence. Il était étonné de la façon dont le camarade l'avait pris si simplement, si facilement, comme s'il avait eu une longue expérience. Mais Alfredo croyait Libero qui lui avait dit qu'il ne l'avait jamais fait avant, ni avec une femme ni avec un homme. Ce jour-là, ils avaient décidé de faire un tour un peu plus long que d'habitude, pour voir si et où il était nécessaire d'apporter plus de foin pour les animaux sauvages. Donc, ils préparèrent quelque chose à trimballer pour le déjeuner. Ils s'emmitouflèrent bien, ils prirent leurs fusils, le panier avec la nourriture et les boissons, et ils sortirent, fermant la porte de la tour. Ils chaussèrent les raquettes à neige et commencèrent leur tour. Le souffle sortait de leurs bouches en des petits nuages blancs. "Oui, elle est certainement belle la neige..." dit à un certain moment Libero. "Tout est beau, quand on est en plein air." "Peut-être... mais je préfère les trois autres saisons, à l'hiver." "Elles sont certainement toutes belles, en plein air." répéta Libero. "Aussi les orages ?" "Certainement, aussi. Tu devrais vivre à la mine, toi, pour comprendre que j'ai raison. Et même pendant la guerre, il m'est arrivé de rester dans les entrailles de la montagne. Cette vie c'est certainement renaitre, pour moi." Alfredo ne pouvait pas s'empêcher de remarquer comment le mot «certainement» sortait dans presque toutes les phrases de son camarade et il sourit, mais il se demanda si lui aussi avait un mot qu'il répétait sans une vraie nécessité. Puis il se demanda si Libero aimait «certainement» aussi ce qu'ils avaient fait cette nuit... Il avait une grande envie de lui demander, mais il avait décidé de ne pas le faire. Lorsque le pâle soleil était au sommet de son voyage, ils décidèrent de faire un arrêt pour manger. Ils réussirent à allumer un petit feu pour se réchauffer au moins un peu, libérèrent de la neige une grosse souche sur laquelle ils s'assirent côte à côte et commencèrent à manger. Leurs épaules se touchaient, et aussi le genou gauche de l'un avec le droit de l'autre. En étant pesamment couverts, ils ne pouvaient pas sentir la chaleur du corps de l'autre, et pourtant ce contact léger provoqua encore une légère érection à Alfredo, qui se demanda s'il était en train de faire le même effet aussi à son camarade. Tout d'un trait Libero, après avoir bu une gorgée de vin directement de la bouteille et l'avoir passée à Alfredo, sans le regarder, dit d'une voix basse : "Quoi qu'il en soit, je ne suis certainement pas pédé." La gorgée de vin que Alfredo était en train de boire, lui alla de travers. Puis, lui aussi à voix basse, il dit : "Et moi comme toi ou toi comme moi." presque pour réfuter les mots du camarade. "Certainement." Libero commenta, regardant le petit feu qui brûlait devant eux, crépitant. Puis il ajouta : "Je vais me marier... et je ferai certainement pas mal de fils." "Mais oui." "Éteignons bien le feu et reprenons le tour." dit Libero, comme pour changer de sujet après ce bref échange. "Je dois pisser..." annonça Alfredo, qui se leva sans bouger de là, se le tira dehors et urina sur le petit feu. Libero, se leva à son tour, et fit la même chose, avec un petit rire. Alors que l'odeur âcre de leurs jets sur le feu se souleva, Alfredo regarda de côté et vit le membre du compagnon entre ses doigts... Ils le remirent en place, couvrirent de poignées de neige les dernières braises et quand ils furent sûrs que le feu était bien éteint, ils reprirent silencieusement leur tour. Ce même soir, après le dîner, Libero suggéra : "Allons nous coucher ?" Alfredo remarqua que, pour la première fois, il n'avait pas dit un plus neutre «on va dormir», mais «allons nous coucher». Il sourit en lui-même. Libero était prêt à le faire de nouveau, se dit-il anticipant ce qui allait se produire à nouveau. Comme chaque soir, ils préparèrent les deux braseros, et comme la nuit avant ils les mirent tous deux sous le lit de Libero. Ils se déshabillaient, glissèrent sous les couvertures, Libero éteignit la lanterne... et tout se répéta comme la veille, sans avoir à dire un seul mot.
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