Rafael l'accueillit avec un large sourire et une légère retenue : "Merci, Fernando, d'être venu."
Il était encore pâle, quoique moins qu'il n'y paraissait à la télévision. Il était assis sur le lit, appuyé à une pile d'oreillers contre la tête de lit. La légère couverture le couvrait jusqu'à la moitié du bandage sur sa poitrine nue. Il avait les mains de chaque côté de son bassin, appuyées sur la couverture. Un petit tube transparent descendait d'un flacon en verre suspendu à côté du lit, et disparaissait sous un grand sparadrap au milieu du bras droit.
Avec la main du bras gauche, qui était libre, il lui fit un léger signe vers la chaise qui était à côté du lit. Fernando s'y assit. Il remarqua que tous les bouquets qu'il avait vus à la télévision étaient partis de la chambre, il y en avait seulement un des lys blancs. Rafael suivit le regard du baryton et vit qu'il était dirigé vers le bouquet.
"Je voulais qu'ils ne laissent que tes fleurs. Merci." dit-il, avec un nouveau sourire.
"Oh, que veux tu qu'il soit... par rapport à tous ceux que tu m'avais envoyé !" répondit Fernando avec un sourire et un haussement d'épaules.
"Mais je... Je ne l'ai pas refusé, comme tu peux le voir..." dit doucement le torero.
"Comme moi je n'ai pas refusé ta statuette et ta photo. Très belles toutes les deux."
"Je ne m'attendais pas à ce que tu viennes me voir."
"Ton incident m'a profondément choqué. Tu as failli mourir. Encore un peu, et le taureau te transperçait le cœur."
"Non, il ne pouvait pas. Non, de me le transpercer, ça lui était impossible, parce que mon cœur n'était plus là, il n'était plus dans ma poitrine, en fait, je te l'avais déjà donné!"
"Tu ne démords pas..."
"C'est de ta faute. En demandant de venir me voir, tu as ravivé mon espoir."
"Ils ne te suffisent pas tous ceux que t'as eu ? Et tous ceux que tu peux avoir ? Pourquoi tu t'es entiché de moi ?"
"Oh, ne disent ils pas en Italie que au cœur on ne peut pas commander ? Tu me demandes pourquoi ? Eh bien... Je me le demande aussi, et pourtant... c'est comme ça. "
"Mais comment savais-tu si je pouvais... ou si je voulais accepter d'être courtisé par un homme ?"
"Si ce n'était pas le cas,, tu m'aurais envoyé au diable depuis bien longtemps, bien plus tôt."
"Mais pourquoi as-tu décidé... de me faire la cour ?"
"Je ne l'ai pas décidé, pas du tout. Simplement je devais te faire la cour."
Pendant un certain temps, ils sont restés silencieux, se regardant dans les yeux avec une expression sérieuse et réfléchie.
Puis Fernando lui demanda : "Mais tu n'as pas peur de la mort ?"
Rafael secoua la tête et pinça les lèvres avec mépris : "Un torero ne pense jamais à sa propre mort Qui a peur de la mort ne peut pas faire le torero. Je ne crains ni la mort... ni la vie."
"Mais tu as failli mourir."
"Bien sûr. On ne fait rien d'autre depuis sa naissance. De toute façon, nous ne pouvons pas nous cacher à la mort. Ceux qui le font, se dupent."
"Le danger t'excite ?"
"Non, toi tu m'excites." murmura Rafael avec un sourire léger et espiègle.
Fernando sourit. Puis il demanda : "Mais qu'est ce que tu ressens, quand tu es dans l'arène ?"
"Oh, dans l'arène... Le torero est complètement seul, dans le toril, même s'il se bat devant des milliers de spectateurs. Il est complètement seul, devant lui il n'y a que le taureau. Oh, le taureau ! Un animal dont tu dois savoir déchiffrer le caractère, parce que les gens disent le taureau, simplement, mais en réalité, ils existent tant de types de taureaux et avec chacun tu dois te battre d'une manière différente.
"La tauromachie est une forme d'art, à mon avis, et le torero est un artiste. D'un côté, c'est une œuvre de théâtre en trois actes qui suit une chorégraphie précise, tout comme pour toi quand tu chantes un opéra. Pourtant, chaque baryton doit exécuter l'œuvre à sa manière, il doit l'interpréter. Il en est de même pour le toréador. Toi aussi, je suis sûr que, quand tu chantes tu es seul, même si le théâtre est plein.
"Une œuvre en trois actes, dont chaque s'appelle «tercio». Dans le premier acte, le «tercio de vara», le taureau sors dans toril et le torero en étudie attentivement les mouvements, pour bien en comprendre les capacités physiques, la vitesse des réflexes, la direction que le taureau préfère lors de la charge et ainsi de suite. Les picadors essayent de fatiguer le taureau. Puis vient le «tercio de banderillas», où les banderilleros et souvent aussi le toréador, provoquent le taureau seulement avec les mouvements de leur corps en le faisant charger, c'est comme une danse. Comme les picadors l'ont fatigué, les banderilleros doivent l'exciter. Et le toréador l'étudie encore.
"Et voilà, il vient le «tercio de muleta», et le torero a seulement dix minutes pour tuer le taureau, et s'il ne le fait pas avant la quinzième minute, le torero doit quitter le terrain, dans la honte et sous les sifflements des afficionados. Dans ce délai, le toréador doit donner le coup de grâce avec l'épée !" lui dit Rafael, en le regardant dans les yeux et mimant l'estocade avec son bras libre.
"Nous devons nous concentrer pour voir quand le bon moment est arrivé. Nous sommes des artistes, mais un peu comme vous les barytons et contrairement aux peintres et aux sculpteurs, nous n'avons qu'une une seule tentative possible. La seule mission du toréador est la mort du taureau, mais dans un délai de dix, maximum quinze minutes. La tauromachie est de moins en moins populaire, même ici, en Espagne, en particulier parmi les jeunes. Mais cela ne nous intéresse pas, à nous les toréadors. L'église catholique aussi est en crise, mais pour les prêtres ça n'a pas d'importance. Eux et nous, nous continuons à faire ce que nous devons.
"Parfois, je me suis retrouvé devant des jeunes qui m'ont crié que je suis un meurtrier que je devrais éprouver de la honte. Je leur ai demandé pourquoi ils ne faisaient pas disparaître la guerre. Dans les guerres de gens meurent, des hommes mais aussi des femmes et des enfants. Pourquoi ils se préoccupaient autant du sort des taureaux ? La corrida est un spectacle cruel ? Pas plus que la cruauté que beaucoup de nos jeunes ont envers les immigrants, les faibles, les marginalisés." conclut Rafael avec une expression courroucée.
"Maintenant, il vaut mieux, peut-être, que tu arrêtes de parler. Si je te fais trop parler, ils vont me renvoyer ..." murmura Fernando.
"Si tu m'embrassais, j'arrêterais de parler." lui dit Rafael avec un petit sourire malicieux.
"Et pourquoi devrais-je t'embrasser ?"
"Je ne suis pas irrésistible ?" lui demanda Rafael, en le regardant avec une drôle d'expression.
"Tu peux aussi l'être. Mais je... je ne pense pas que je veux arrêter de te résister. J'ai déjà reçu une mauvaise blessure, de laquelle je ne suis toujours pas guéri." murmura Fernando.
"Et tu crains que je vais t'en donner une autre ?"
"Peut-être. Je n'en sais rien. On m'a dit que tu avais rencontré plus de garçons que de taureaux, et que comme les taureaux, après que tu te sois amusés avec eux, tu les as oubliés. Je ne veux être ni un taureau, ni un de ces nombreux garçons, ni pour toi ni pour personne."
"Parfois, bien que très rarement, le taureau, quand il est vraiment exceptionnel, courageux, reçoit le pardon et on ne le tue pas. Il est pris en charge et traité très, très bien. Et tu es exceptionnel."
"Mais je ne veux pas être un taureau."
"Pourquoi as-tu décidé de venir ici, de me rencontrer ?"
"Je ne l'ai pas décidé, pas du tout. Simplement je devais venir." répondit Fernando, en répétant les mots que Rafael lui avait dit plus tôt.
"Toi et moi, nous sommes les mêmes, ne vois-tu pas ? Toi et moi, nous sommes faits l'un pour l'autre."
"Mais toi... quand tu guériras, tu recommenceras à faire les corridas. Et chaque fois je mourrais en attendant le résultat, craignant que la corne du taureau ne s'arrête pas à un centimètre de ton cœur." murmura Fernando d'une voix très basse.
"Les médecins m'ont dit qu'il sera très difficile que je puisse reprendre avec un poumon aussi endommagé. Et si tu me le demandes... pour toi je me «cortaré la coleta», c'est-à-dire que je couperais la tresse et te la remettrais. Lorsqu'un toréador se retire, il est dit qu'il a coupé la tresse, la coleta. Autrefois il le faisait vraiment, maintenant presque aucun toréador n'en a une vraie, ils en portent presque tous une postiche, la Castañeta. Mais la mienne est vraie, est faite avec mes cheveux, attachés à ma tête. Si tu acceptais d'être mon amant, je me la couperais. Je le jure."
"Mais pourquoi vraiment moi ?" lui demanda Fernando.
"Parce que nous avons atteint le troisième acte. Donc... soit tu me tues, soit tu me donnes le pardon. Non, ne te méprends pas, je ne te demande pas de me laisser mourir, poignarder ou tirer sur moi ou m'empoisonner. Ou tu me tues dans ton cœur Je veux dire, ou tu me laisser vivre... avec toi. "
"Si tu es le taureau et moi le torero... Je crains que, tôt ou tard, tu m'encornes comme l'a fait celui-là avec toi, l'autre jour."
"Mais un torero n'a pas peur. Et tu ES un torero."
Fernando secoua la tête, lentement, pensif. Il se sentait incroyablement attiré par Rafael. Attiré et fasciné. Mais est-ce qu'il l'aimait? Et surtout, ce que lui offrait Rafael était-il son véritable amour ? Comment pourrait-il le savoir ? Physiquement, ce bel homme avait le pouvoir de lui faire bouillir le sang, même maintenant, dans la chambre d'hôpital. Mais ensuite ?
"Un milliard d'euro pour tes pensées..." dit Rafael en le regardant droit dans les yeux.
"Deux milliards pour que je puisse comprendre mes sentiments. Tu es un homme fascinant, sans doute, mais cela ne suffit pas à accepter ce que tu me demandes."
"Je ne suis pas en train de te demander seulement, je suis en train aussi de t'offrir. Je t'offre mon amour, Fernando." murmura le beau torero.
"Si j'étais sûr que ton amour est vrai mais aussi sûr de t'aimer... j'accepterais immédiatement. Mon problème n'est pas seulement toi, c'est moi aussi."
"Parce que tu as une blessure récente." dit Rafael, hochant la tête. "Tout comme moi, bien que dans un autre sens. Et alors... si... si nous faisions convalescence ensemble, dans ma villa, dès que les médecins me laisseront sortir d'ici ? Qu'en dis tu ?"
"Dans ta villa ?"
"Je te respecterais, ne crains pas."
"Non, je n'ai pas peur. Je sais que tu es un homme d'honneur. Tu m'as respecté quand je t'ai demandé de me laisser tranquille. Mais maintenant, laisse-moi un peu de temps pour réfléchir, pour décider. Je ne veux pas faire d'erreurs, ni en te disant oui ni en te disant non. Penses-tu qu'ils me laisseront venir ici pour te voir, tant que tu seras hospitalisé ?"
"Certainement. Je vais te faire donner une autorisation de la direction de l'hôpital, de sorte que tu puisses aller et venir comme tu veux, à tout moment."
"Il vaut, peut-être, mieux que maintenant j'y aille, je ne voudrais pas te fatiguer trop."
"Tu ne te fatigues pas....".
"Je t'ai fait trop parler."
"Si je te promets de ne pas parler, tu restes encore ? Juste un peu ?"
Fernando sourit et hocha la tête.
Ils sont donc restés silencieux. Rafael ferma les yeux. Après quelques minutes, Fernando pensait qu'il s'était endormi, car son souffle était devenu calme et régulier.
Il resta à le regarder, se demandant ce qu'il ressentait vraiment, ce qu'il éprouvait pour Rafael, au-delà de l'attraction physique, qui cependant lui causait même à ce moment-là, une excitation légère et agréable. De la sympathie, sûrement. Les yeux du toréador lui avaient dit qu'il devait être un homme sincère, il n'avait jamais capté la moindre ombre dans ses yeux. Il se dit qu'il le connaissait encore trop peu, il aurait du le connaître mieux pour décider, mais presque immédiatement il se dit que, pendant cinq ans, il avait vécu avec un homme qu'il avait malheureusement découvert qu'ils ne connaissait pas du tout.
Rafael, en entrant ce soir-là dans le théâtre de Pampelune, avait non seulement dérangé son concert, mais était entré avec arrogance dans sa vie. Il n'avait eu qu'un homme dans sa vie, Rafael en avait eu innombrables. Un baryton et un torero, qu'est-ce qu'ils avaient en commun ? Rafael a dit qu'ils étaient tous deux artistes. Artistes... d'accord. Et Alors ?
Fernando se sentait déchiré entre l'instinct et la rationalité. Il comprenait l'importance des deux, mais il ne savait pas auquel donner plus de poids ou de priorité. De plus, sa mésaventure avec Domenico lui avait fait comprendre qu'on parle assez facilement d'amour, mais en réalité il n'était pas si facile de comprendre quand il est vraiment là et en quoi il consiste réellement.
Il regarda Rafael et sentit qu'au delà de l'attraction, en plus de la sympathie qu'il ressentait pour cet homme il y avait aussi un sentiment de tendresse, sûrement dû au fait qu'il était un être gravement blessé.
Il se demanda pourquoi il était arrivé à plus de quarante ans cueillant et éliminant des centaines de garçons sans qu'il ne se soit jamais arrêté avec aucun, qu'il ne soit jamais tombé amoureux d'aucun d'eux. Maintenant, il disait d'avoir été séduit par lui. Pouvait-il le croire ? Mais surtout, Rafael savait-il vraiment ce qui signifie aimer ? Et lui, Fernando, à son tour, savait-il ce que c'était d'aimer ?
Une infirmière entra en poussant un chariot et il vit qu'il y avait le déjeuner pour Rafael. Il regarda sa montre : le temps était passé sans qu'il s'en rendît compte complètement. L'infirmière s'approcha à Rafael et l'appela à basse voix, avec gentillesse, en lui touchant délicatement le bras, jusqu'à ce que le toréador se réveilla et ouvrit les yeux.
"Monsieur Jiménez, votre déjeuner..."
"Ah, oui, Beatriz, merci. Tu es un vrai ange, même si tu m'apportes à manger ces horribles aliments de bébé et à boire que de l'eau !"
"Je vous apporte ce que les médecins ont ordonné pour vous faire guérir rapidement. Plus tôt vous guérissez plus tôt vous pouvez manger et boire ce que vous voulez."
"Oui, maman !" la taquina Rafael.
L'infirmière lui sourit et prépara le nécessaire pour le faire manger.
"Maintenant, va prendre ton déjeuner, toi aussi, Fernando. Et puis... tu vas revenir dans l'après-midi ?"
"Avec plaisir, mais je ne sais pas s'ils me laisseront entrer sans autorisation."
"Je veillerai de te la faire faire avant ce soir... Mais en attendant, si tu appelles Alba, ma secrétaire, au téléphone elle sera à l'entrée pour te laisser passer, comme ce matin. Je serai heureux si tu revenais."
"Je suis complètement libre. Bien sûr, je reviendrai. "
"Vous devez être important, vous, monsieur Fernando. El reyecito ne veut personne dans sa chambre même pas mademoiselle Ortega. Et moi, il ne peut pas me renvoyer, sinon..."
"Bien sûr, que mon ami Fernando est important. Tu ne sais pas qu'il est le baryton Fernando Adami ? Tu dois certainement entendu en parler."
"Non, je ne le connais pas, je suis désolé. Je n'aime que la musique pop..." rit l'infirmière.
"Je pensais que tu aimais les beaux garçons, Beatriz !" la taquina Rafael.
"Oh, oui, bien sûr, je les aime bien, ceux-là. Tout comme vous, monsieur Jiménez. Au moins pour ce point, nous sommes les mêmes ! Nous aimons bien les beaux garçons."
L'infirmière et Rafael se mirent à rire, et Fernando les regarda un peu surpris.
"Beatriz, tu as scandalisé mon ami Fernando !"
"Oh, si le monsieur est vraiment un de vos amis, il ne se scandalisera pas, bien sûr, en découvrant que j'aime les beaux garçons." rit l'infirmière. Puis elle se tourna vers Fernando : "Faites attention, vous, qui êtes dans cette chambre, beau comme vous êtes, ne vous sauvez pas."
Fernando finalement rit, salua et sortit, se sentant joyeux.
Après le déjeuner, avant de retourner à l'hôpital, il alla acheter deux bouquets de fleurs des champs, puis téléphona à la secrétaire de Rafael qui alla l'attendre à l'entrée et le ramena dans la chambre de Rafael.
"Voilà, j'ai apporté deux bouquets de fleurs, un pour toi et un pour ton infirmière, puisque vous deux vous aimez les mêmes garçons." lui dit-il quand ils furent seuls.
"Après que tu sois parti, Beatriz m'a demandé si nous sommes amants... Je lui ai dit que j'espérais qu'on puisse le devenir, mais que tu ne semblais pas encore prêt."
"Ah. Et elle, que t'a-t-elle dit ?"
"Rien. Elle m'a simplement souhaité bonne chance. Mais elle a ajouté que si par hasard je n'arrive pas à te conquérir, elle peut encore avoir de l'espoir, parce qu'elle trouve que tu es vraiment un bel homme."
"Je crains que ton infirmière ait bien peu d'espoir avec moi." Fernando dit avec un sourire, et s'assit à côté de son lit.
"Et moi? Combien d'espoirs ai-je ?" lui demanda Rafael.
"Je ne sais pas encore."
"Eh bien, Dieu merci. Je craignais que tu me dises que j'en ai moins que mon infirmière !"
"Les médecins sont déjà passés ? Qu'ont-ils dit ?"
"Non, ils passeront vers cinq heures, à moins que quelque problème surgisse avant. J'ai dit à Alba de te faire avoir l'autorisation avant ce soir. Tu es gentil de passer ton temps avec moi."
"J'ai fini ma tournée, et maintenant je suis en vacances. Il me faut un peu de repos."
"J'aimerais que tu te reposes avec moi."
"À part que dans les conditions physiques dans lesquelles tu es tu ne peux pas... Je pense que, si tu étais en pleine forme, tu ne me laisserais pas reposer vraiment pour quoi que ce soit !"
Rafael rigola et toussa. Fernando avait déjà remarqué ce matin-là qu'il avait du mal à respirer : en pratique, il ne pouvait utiliser qu'un seul poumon. Il se dit qu'il devait éviter de le faire trop parler, et de le faire rire.
Alors, pour ne pas le faire parler, il commença à lui parler de lui-même, de sa vie, de sa carrière... et puis aussi de sa relation de cinq ans avec le comte, et la découverte pour laquelle il avait rompu avec lui.
"Je ne t'aurais jamais fait quelque chose comme ça. Pas même à un de mes nombreux gars je ne l'ai jamais fait, je n'ai jamais eu aucune relation avec deux mecs à la fois. Oui, je suis d'accord, je les ai utilisés et je les ai éloignés de moi dès que j'en ai trouvé un nouveau qui me plaisait et qui était disponible. Je les ai utilisés pour mon plaisir, il est vrai, sans me soucier trop de leur plaisir. Mais si tu es prêt à te mettre avec moi, je jure que je ne regarderai jamais quelqu'un d'autre."
"Rafael, tu ne réalises pas que moi, avec ma vie, je dois toujours être en tournée ?"
"Mais comme je vais devoir renoncer à être torero, je serais tout à fait libre de venir avec toi. Je suis assez riche pour vivre, en dépit que notre bien-aimé gouvernement m'ait pris plus du cinquante pour cent en taxes. Je pourrais te servir de secrétaire, d'assistant, de garçon... de ce que tu veux... si seulement tu me voulais avec toi."
"Je ne sais même pas si... si nous pouvons nous entendre au lit... Et puis, comme je te l'ai dit... Je ne suis pas sûr... de t'aimer. Et je ne me mettrais jamais avec quelqu'un que je n'aime pas. Je me sens attiré par toi, tu me plais, physiquement. Mais cela ne me suffit pas."
"Si tu peux rester un certain temps... si quand ils vont me laisser quitter l'hôpital, tu peux venir et rester un certain temps dans ma villa... nous pourrions essayer de mieux comprendre ce qu'il est juste de faire, tu ne crois pas ?"
"Oui, cela oui. Comme je t'ai dit, je ne veux pas risquer de faire des erreurs, ni en acceptant, ni en refusant. Enfin, au moins pour le moment... je me trouve assez bien avec toi et je suis heureux d'y rester."
"Voilà quelque chose. Tu me donnes de l'espoir."
"Il suffit que tu ne te fasses pas d'illusions."
"Je ne m'en suis jamais fait. Je ne vais pas commencer maintenant."